De la maladie de la vache folle à celle de Creutzfeldt-Jakob
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De la maladie de la vache folle à celle de Creutzfeldt-Jakob

  1. 192 pages
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De la maladie de la vache folle à celle de Creutzfeldt-Jakob

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À propos de ce livre

Le 20 mars 1996, Stephen Dorrel, ministre britannique de la Santé, prend la parole à la Chambre des communes devant une assistance d'abord indifférente, puis ébahie. C'est une révélation fracassante: l'agent encore inconnu responsable de la maladie de la vache folle serait transmissible à l'homme. L'épidémie bovine avait jusqu'alors suscité peu d'émotion. Et soudain, tous les consommateurs étaient menacés. Et le ministre de minimiser l'ampleur du risque. On sait ce qu'il advint. Jill-Patrice Cassuto fait le point sur l'encéphalopathie spongiforme bovine, ses précurseurs, les premières recherches qui ont eu lieu dans le passé, ainsi que sur sa forme humaine dérivée, la maladie de Creutzfeld-Jacob, et sur la question hautement controversée des modes de contamination. Mais ce livre n'est pas seulement un dossier scientifique faisant un état des lieux de nos connaissances en la matière. C'est aussi une enquête sur " l'affaire de la vache folle ", les responsabilités des uns et des autres, la gestion des risques sanitaires à l'échelle européenne. Jill-Patrice Cassuto est professeur de médecine et dirige le service d'hématologie clinique du CHU de Nice.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1999
ISBN
9782738162304

QUATRIÈME PARTIE

La folie humaine



CHAPITRE VII

Les non-dits


« Ce qui fait la crise, ce n’est pas le niveau de risque tel qu’un épidémiologiste peut l’évaluer, c’est un défaut de fonctionnement dans la gestion du risque. »
W. DAB
Si le secret médical est en première ligne de l’éthique de cette profession, et ce, depuis le serment d’Hippocrate, la confidentialité ne concerne que l’état du patient qu’il convient de ne pas divulguer. Il en est tout autrement lorsqu’il s’agit de la rétention d’une information relative à la santé non pas individuelle mais publique. Le secret devient alors mensonge par omission, culpabilité des initiés. L’argument qui consiste à craindre un affolement de la population a été avancé tour à tour pour le sida, l’hépatite C, l’amiante, la maladie de la vache folle et s’est retrouvé sans fondement a posteriori.
La mission d’information de l’Assemblée nationale, rapportée par le professeur Jean-François Mattei, et celle du Sénat conduite par le professeur Claude Huriet mettent en exergue les insuffisances dans la veille et le contrôle de sécurité sanitaire. Elles se rejoignent pour réclamer l’installation d’une cellule de veille et d’alerte qui fait cruellement défaut pour avertir d’un éventuel danger. En fait, il n’y aura pas en France une Agence unique de contrôle des aliments et des médicaments comme cela existe aux États-Unis avec la Food and Drug Administration mais trois agences sous statuts d’établissements publics : un « Institut de veille sanitaire », autour de l’actuel Réseau national de santé publique, une « Agence de sécurité sanitaire des produits de santé » autour de l’actuelle Agence du médicament, et une « Agence de sécurité sanitaire des produits alimentaires », autour du Centre national d’études vétérinaires et agricoles. Cette décision va à l’encontre du souhait du secrétaire d’État à la Santé, Bernard Kouchner. La création d’une Agence unique aurait permis au ministère de la Santé d’exercer un contrôle plus large notamment sur les aliments, et d’éviter l’influence des groupes de pression de l’agroalimentaire. Le professeur Jean-François Mattei pense également que la création de deux agences de sécurité sanitaire « procède d’un grave contresens en matière de santé. La santé publique est devenue une exigence prioritaire qui ne saurait se morceler. L’ensemble des domaines ayant des conséquences potentielles sur la santé doit être confié à une même autorité ». Il ajoute : « La décision du gouvernement témoigne qu’il n’a pas retenu les leçons du passé1. »

Des vétérinaires

L’attitude des vétérinaires britanniques qui manient la rétention de l’information est caricaturale avec la transmission de la vache folle au chat. En effet, l’agent transmissible non conventionnel de l’ESB s’est transmis au chat en Grande-Bretagne. Alors qu’on tient pour acquis le fait qu’un prion est propre à l’espèce qu’il contamine (ovin, bovin, Homme), des expériences de laboratoires démontrent qu’une transmission entre espèces différentes est possible mais en ayant recours à des injections intracérébrales. Or, dans les premières années 1990, l’encéphalopathie spongiforme féline est décrite et soixante-neuf chats sont contaminés en Grande-Bretagne, avec des arguments péremptoires pour une relation avec l’ingestion de viande bovine.

Des éleveurs et des industriels

« La monstruosité n’est pas que la vache soit folle, mais que l’homme puisse la rendre telle. Étrange paradoxe : la dernière frontière de l’humanisme serait-elle donc la bête ? »
M. RÉMOND-GOUILLOUD
Le 1er juillet 1996, l’Institut de l’élevage publie un dossier spécial sur l’ESB. Le préambule annonce que regagner la confiance des consommateurs va être une tâche considérable. L’identification du produit apparaît comme l’une des parades à la crise. La dénomination VBF (viande bovine française) qui enterre rapidement celle de VF (viande française), que d’aucuns interprètent vache folle, se trouve dans une situation juridique paradoxale car si la provenance d’un produit, signalée à l’aide d’un logo, est une démarche rendue obligatoire par Bruxelles pour les fruits et légumes, elle est considérée comme contraire au traité de Rome lorsqu’il s’agit de viande. En pratique, l’embargo décidé pour stopper l’épizootie de la maladie de la vache folle est massivement violé. Plusieurs entreprises françaises seraient impliquées dans ces exportations illicites de viande vers tout le marché européen. Les exportations illégales de bœuf britannique se poursuivent en dépit des contrôles, et le ministère français de l’Agriculture ainsi que la Commission européenne réagissent en assurant que des enquêtes sont en cours. Le Journal du dimanche évoque un trafic organisé portant sur dix mille tonnes et écrit que le juge d’instruction Édith Boizette a en mains un rapport confidentiel mettant en cause quatre entreprises françaises dont l’une des plus importantes sociétés de commerce de viande de l’Hexagone.
Selon le journal français, le ministre britannique de l’Agriculture, Jack Cunningham, a lui-même confirmé que des « dizaines de milliers de tonnes de viande britannique ont été exportées frauduleusement de Grande-Bretagne depuis un an ». L’une des principales filières utilisées par les trafiquants passe par l’Irlande du Nord où la viande est embarquée sur de petits bateaux à destination de la France et de la Belgique. Autre variante : la République d’Irlande. Celle-ci échappe à l’embargo ; ainsi la marchandise est assortie de faux cachets irlandais ou belges avant d’être exportée sur le continent. À Londres, un porte-parole du ministère de l’Agriculture affirme que la Grande-Bretagne travaille « en étroite collaboration avec la Commission européenne » sur ces affaires d’exportations illégales de bœuf. Le ministère belge de la Santé publique a estimé que si ces informations se révélaient exactes, cela confirmerait que les contrôles mis en place par la Grande-Bretagne et l’UE n’étaient « pas tellement efficaces ». Cela prouverait l’existence d’une « fraude organisée au niveau européen avec l’implication d’entreprises belges, françaises, britanniques, allemandes, hollandaises ». À Bruxelles, un porte-parole de la Commission européenne déclare que cette dernière n’était pas informée de trafics d’exportation illégale de viande de bœuf britannique en Europe de l’ampleur évoquée par le journal français. « Nous ne sommes pas informés qu’il y ait des milliers de tonnes impliquées », a dit ce porte-parole interrogé par l’AFP. Si cela était le cas « nous en serions très préoccupés ». Il rappelle que des enquêtes sont « encore en cours » concernant des quantités nettement plus limitées de viande (mille six cents tonnes) exportées illégalement de Grande-Bretagne et transitant par des pays de l’UE avant d’être écoulées vers des pays tiers, Russie, Égypte et Guinée équatoriale. À Paris, le ministère de l’Agriculture estime pour sa part que : « Les informations présentées par Le Journal du dimanche ne comportent aucun élément nouveau par rapport à ce qui a déjà été rendu public par la Commission et les autorités françaises. » Les autorités françaises rappellent dans leur communiqué les saisies de viande effectuées par les services vétérinaires et les douanes françaises depuis la découverte du trafic en mai. Ces saisies portent toutefois sur des quantités limitées : cent quarante tonnes puis vingt tonnes.
Le Courrier international du 18 septembre 19972 rapporte qu’aux États-Unis, les éleveurs adoptent des méthodes d’engraissement des animaux pour le moins atypiques. Dans le but de diminuer les coûts, ils enrichissent les aliments pour volailles et bétail de différents déchets. Il s’agit de la fiente de poulet, de reste de chiens et de chats tués par euthanasie chez les vétérinaires, dans des refuges ou à la SPA, des ordures ménagères déshydratés, des huiles de friture de restaurant et des graisses recueillies dans les filtres, de la poussière de cimenterie, de papier journal et de carton. Le public se penche pour la première fois sur les conditions d’élevage, de transports et d’abattage d’un animal qui lui semble plutôt sympathique, qui évoque la sérénité, la quiétude. Il découvre une rationalisation, mère de la productivité, qui arrache poils et ongles dans un univers concentrationnaire où le veau n’est pas épargné. Quant aux vaches psychiatriques, leur découpe est plus prononcée, et leurs sœurs du même troupeau méritent également la mort puisqu’elles sont impures, qu’elles sont des « sous-vaches ».

Des décideurs

« Le premier devoir d’un homme d’État, c’est la santé publique. »
B. DISRAELI
Une note de la Commission de Bruxelles, émise en 1990 et publiée en février 1991 par le magazine Que choisir ?, illustre la volonté d’étouffer l’affaire de la vache folle par les décideurs : « Il faut avoir une attitude froide pour ne pas provoquer de réactions défavorables sur le marché. Ne plus parler d’ESB. Nous allons demander officiellement au Royaume-Uni de ne plus publier les résultats de leurs recherches sur l’ESB. Il faut minimiser cette affaire en particulier quant à la désinformation. Il vaut mieux dire que la presse a tendance à exagérer. »
Le 27 mars 1996, le Comité vétérinaire européen propose un embargo sur toutes les exportations de viande bovine britannique. John Major réagit alors très vivement à la menace d’interdiction et dénonce l’embargo. Les autorités britanniques minimisent la gravité de l’épidémie et ne sont pas décidées à abattre le cheptel atteint ni à interdire la consommation de viande dans les cantines scolaires. Les élus britanniques montent au créneau pour défendre le meilleur et le plus sain bœuf du monde ou pour affirmer que le risque d’attraper la maladie est plus faible que la chance de gagner le gros lot à la loterie nationale. L’opposition travailliste accusait le gouvernement d’avoir trompé l’opinion publique, se souvenant de la suffisance du Premier ministre qui en décembre 1995 avait écrit à la mère d’une jeune victime de la V-MCJ : « Je dois dire clairement que l’ESB n’est pas transmissible aux humains. » Le Comité vétérinaire a rendu son avis sur l’embargo par soixante-dix-sept voix contre celles des seuls Britanniques. Cependant, la Commission, pour ne pas envenimer les relations avec Londres, n’a pas recommandé que la viande en vente en Angleterre soit retirée du marché.
Couper les têtes ne concerne pas uniquement celles des bovins. En effet la Commission européenne mute dans des secteurs non décisionnels, et il est vrai que le couperet est plus doux, un certain nombre de fonctionnaires s’étant attachés à minimiser la crise de la vache folle. Le but de ces mutations est de mettre un point final à cette affaire, tout au moins en ce qui concerne le rôle joué par la Commission européenne.
Il est remarquable de noter qu’à la bibliothèque de Birmingham, qui est une des plus grandes bibliothèques d’Angleterre, le livre princeps de Richard Lacey The Mad Cow Disease est inconnu et que oser vouloir le consulter paraît insultant.

Des végétariens

Ils ont été aussi discrets lors de cette crise que les témoins de Jéhovah dans l’affaire du sang contaminé. Pas de triomphalisme ostentatoire pour ces empêcheurs de manger en rond, chevaliers désignés, par les événements, de la table ronde. Cependant, dès avril 1996, l’engouement pour les restaurants végétariens, ces déserts des tartares, est en augmentation alors que la chaîne de restaurant Hippopotamus, mal dans son assiette, fréquentée par les amateurs de viande propose un nouveau steak composé de soja : le vegiburger. Les végétariens britanniques, eux, investissent dans une pleine page de publicité dans The Independent pour vanter la saveur des hamburgers et saucisses sans viande.

Le principe de précaution

« Celui qui introduit le risque doit le prévoir et en ne prenant pas suffisamment de précaution, en particulier d’abstention, il peut-être déclaré responsable. »
F. EDWALD
Parallèlement, un concept nouveau émerge : le principe de précaution. Celui-ci prône la prévention sans que soit établie la réalité des risques, l’absence de certitude ne devant pas retarder l’adoption de mesures sécuritaires. Il est devenu une référence nouvelle pour les actions en matière de politique de santé. Le principe de précaution est né en Allemagne mais a été développé aux États-Unis. Il a été officialisé en 1991 dans une déclaration des États riverains de la mer du Nord. Il est devenu une référence obligée dans tout texte international sur l’environnement. Il est entré dans le lexique des défenseurs de l’environnement et des hommes de loi. Avec le principe de précaution, ce qui est modifié c’est l’inversion de la charge de la preuve. Auparavant, on disait : tant qu’on n’a pas la preuve que l’ESB est transmissible à l’homme, on peut consommer du bœuf. Aujourd’hui, on dit l’inverse : tant qu’on n’est pas certain que l’ESB n’est pas dangereuse pour l’homme, on arrête de consommer de la vache. Pour François Edwald3 : « L’apparition d’un mot nouveau n’est jamais sans signification. Le XIXe siècle avait inventé la prévoyance et en avait fait la principale des vertus. Le XXe siècle a remplacé la prévoyance par la prévention : prévoyance rendue obligatoire pour des raisons de sécurité sociale. Voici maintenant la précaution. Ce sont là trois attitudes devant l’incertain. La prévoyance est liée à la notion de sort, de chance et de malchance, d’aléa ; il s’agit d’intégrer l’avenir dans le présent, mais à l’échelle de l’individu et sans l’idée d’une maîtrise possible de l’événement. L’assurance s’est longtemps présentée comme la science de la prévoyance (…). La prévention est une conduite rationnelle face à un mal que la science peut objectiver et mesurer. La prév...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Avant-propos – Les dix plaies d’Égypte
  5. Introduction – Rupture de rythme
  6. Première partie - Les encéphalopathies spongiformes transmissibles
  7. Deuxième partie - La maladie au nom imprononçable
  8. Troisième partie - Les agents de la circulation
  9. Quatrième partie - La folie humaine
  10. Conclusion – L’arche de Noé
  11. Annexes
  12. Bibliographie
  13. Table