La Dernière Chance du capitalisme
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La Dernière Chance du capitalisme

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La Dernière Chance du capitalisme

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À propos de ce livre

Le capitalisme néolibéral, dont la nature a beaucoup évolué depuis les années 1980, est en sursis. Perçu comme injuste et inégalitaire, il nourrit colère et rancœurs, faisant le lit des populismes. Circonstance aggravante, il se révèle inefficace en créant de moins en moins de croissance. Alors, faut-il en finir et changer radicalement de système?? Dans ce livre, Patrick Artus et Marie-Paule Virard prennent la question à bras-le-corps. Leur diagnostic est sévère?: la dévaluation du travail par le profit, le choix de privilégier l'actionnaire au détriment du salarié et des autres partenaires de l'entreprise constituent, selon eux, l'ADN du capitalisme néolibéral et expliquent l'asthénie de la demande. Dès lors, loin d'être tout-puissant, ce dernier a besoin de béquilles pour continuer à avancer. Béquilles qui ne sont rien d'autre que l'endettement sous toutes ses formes et la création monétaire. Montrant que ces politiques économiques atteignent aujourd'hui leurs limites, Patrick Artus et Marie-Paule Virard ne se contentent pas d'analyser les risques qu'elles font courir à nos sociétés?: en proposant un autre modèle de capitalisme, ils partagent avec nous les raisons d'espérer. Patrick Artus est professeur associé à l'École d'économie de Paris et conseiller économique de Natixis. Marie-Paule Virard est journaliste économique. Ensemble, ils ont notamment publié Le capitalisme est en train de s'autodétruire, La France sans ses usines et Croissance zéro, comment éviter le chaos?? Chez Odile Jacob, Patrick Artus est l'auteur de 40 Ans d'austérité salariale. Comment en sortir??

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2021
ISBN
9782738155429

CHAPITRE 1

La révolte anticapitaliste


Voilà un symbole qui parle singulièrement aux Français, mais c’est à Washington que la machine du docteur Guillotin a fait, métaphoriquement, une réapparition remarquée un certain 27 août 2020. Plus précisément devant la belle demeure de Jeff Bezos, ci-devant président d’Amazon, le premier patron dont la fortune personnelle a franchi le cap des 200 milliards de dollars1, faisant de l’ex-gamin surdoué l’homme le plus riche de tous les temps, mais aussi la cible rêvée des anticapitalistes de tout poil, à commencer par l’organisateur de l’opération, un ex-Amazon licencié quelques mois plus tôt pour avoir organisé une grève au sein de l’entreprise : « Donnez-moi une bonne raison pour laquelle nous ne méritons pas un salaire minimum de 30 dollars l’heure alors que cet homme gagne 4 000 dollars par seconde. »
Au-delà du symbole d’un creusement des inégalités de revenus inédit aux États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale, l’homme est également critiqué pour ses méthodes, qu’il s’agisse du climat interne jugé exécrable qui règne au sein de l’entreprise, de son obstination à faire d’Amazon un monopole inexpugnable ou de sa résolution de ne jamais payer d’impôts sur les sociétés. Un dirigeant qui a même refusé de rejoindre The Giving Pledge, une campagne lancée par Warren Buffet et Bill Gates afin d’inviter les milliardaires américains à consacrer l’essentiel de leur fortune à des causes caritatives. Voilà qui n’était guère politiquement correct. Et tandis que la crise du coronavirus s’annonçait comme un désastre économique pour la grande majorité des Américains, on apprenait que le prince des GAFAM avait ajouté un peu plus de 87 milliards de dollars à sa fortune en l’espace de quelques mois grâce à la Covid-19. Bref, Jeff Bezos et ses semblables incarnent aux yeux de beaucoup à peu près toutes les dérives de ce capitalisme néolibéral que l’on aime tant détester. #guillotine20202 !

Un capitalisme de plus en plus contesté

C’est peu dire en effet que le capitalisme est de plus en plus contesté. Dans l’opinion, il se confond souvent avec le libéralisme voire l’ultralibéralisme, autant dire le diable en personne. Notamment dans l’Hexagone où nos compatriotes ont toujours entretenu une relation pour le moins complexe avec un système qu’ils considèrent facilement comme « le » responsable de tous leurs maux. La crise sanitaire n’a rien arrangé. La Covid n’est-elle pas aux yeux de certains la dernière créature d’un capitalisme qu’ils comparent volontiers au loup-garou ? Une raison de détestation supplémentaire alors que le rejet du capitalisme avait déjà pris une nouvelle dimension depuis quelques années. En France, mais aussi un peu partout dans le monde.
À la veille de la crise sanitaire, des foyers de protestation se sont d’ailleurs allumés un peu partout sur la planète. En France, où le mouvement des Gilets jaunes, né à l’automne 2018, a bien bousculé le système. Mais aussi à Londres, à Francfort, à New York, à Hong Kong, à Beyrouth, Khartoum ou Quito. Bien sûr, les conditions sont différentes d’un pays à l’autre, les revendications à chaque fois singulières. Mais le bruit de fond, lui, est récurrent : partout, des mesures gouvernementales touchant directement au coût de la vie à moins que ce ne soit à l’avenir de la planète ont provoqué des convulsions aussi soudaines que violentes. Partout, des mobilisations de masse se sont organisées. Leur hétérogénéité même révèle une constante : l’expression d’un désenchantement voire d’une exaspération, notamment parmi les plus jeunes, vis-à-vis d’un système économique qui provoque trop de souffrances sociales, trop de ravages environnementaux.
La violence du choc provoqué en 2020 par l’irruption de la Covid-19 a mis une pression supplémentaire sur les épaules de salariés qui craignent plus que jamais pour leur emploi et leur pouvoir d’achat et se sentent piégés d’avance par la crise économique qui s’installe. La révolte mijote désormais à feu doux. La virulence de la contestation a été mise entre parenthèses, confinée par la pandémie, mais ne demande qu’à s’exprimer à nouveau, aiguillonnée par les dégâts économiques et sociaux annoncés. Comme si un petit organisme vivant de quelques nanomètres avait administré le coup de grâce au mythe déjà chancelant de la mondialisation heureuse. Désormais, c’est le malheur qui échauffe les esprits. La crise de trop après des décennies où la plupart ont vu les inégalités se creuser et leurs conditions de vie se dégrader. Pour eux-mêmes comme pour leurs enfants et petits-enfants. L’incroyable épilogue de la présidence Trump en janvier 2021 fut lui aussi, dans une large mesure, la manifestation du mal-être et de la désespérance d’une Amérique, celle de l’électorat trumpiste, confrontée à la violence de ses conditions de vie et à la peur de l’avenir ainsi que la confirmation que la question sociale va constituer, au plan intérieur, l’enjeu central des années Biden. N’oublions pas que, aux États-Unis, les 30 % d’Américains du bas de l’échelle des revenus n’ont bénéficié d’aucune progression de leur pouvoir d’achat depuis 1990 !

La stagnation voire la baisse du pouvoir d’achat,
une réalité qui dure

Le désarroi est profond parce que cette difficulté de vivre s’est installée depuis longtemps déjà. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, la stagnation quand ce n’est pas la régression du pouvoir d’achat est une réalité quotidienne. Depuis des décennies, les salaires réels ont décroché de la productivité ; en tout cas, les 30 à 40 % des salaires les plus bas (les plus hauts salaires, eux, ont augmenté normalement). À partir des années 1990, la déréglementation des marchés du travail, la désyndicalisation progressive, la pression mise sur les entreprises pour qu’elles maximisent leurs profits, ont provoqué une forte déformation du partage des revenus au détriment des salariés. De 1990 à 2019, le salaire réel (le salaire nominal par salarié corrigé de la hausse des prix, c’est-à-dire le pouvoir d’achat du salaire par tête) a progressé de 23 % dans l’ensemble des pays de l’OCDE quand la productivité du travail par tête augmentait de 49 %. Exprimé autrement, cela signifie qu’au cours de cette période de près de trente ans (davantage qu’une parenthèse), les salariés des pays de l’OCDE ont reçu moins de la moitié des gains de productivité du travail alors qu’en principe ils auraient dû en recevoir la totalité, traduction chiffrée de cette déformation du partage qui constitue une des caractéristiques fondamentales de nos économies contemporaines.
Cette austérité salariale3 règne sur pratiquement tous les pays dits « riches », à l’exception notable de la France et de l’Italie, deux pays où le partage ne s’est pas déformé de la même manière qu’ailleurs, deux exceptions où le salaire réel a augmenté un peu plus vite que la productivité du travail (encadré 1). Outre cette « exception » partagée avec les Italiens, les Français bénéficient aussi d’une protection sociale et, d’une manière générale, de politiques redistributives sensiblement plus généreuses que celles mises en place dans la plupart des pays de l’OCDE (les dépenses publiques de protection sociale représentent 28 % du PIB en France contre 21 % en Allemagne comme au Royaume-Uni). Pour autant, les salariés français ne sont pas à l’abri de l’appauvrissement dans la mesure où, comme ailleurs dans l’OCDE, l’énergie et le logement ont au fil du temps dévoré la quasi-totalité de leur modeste augmentation de pouvoir d’achat. Dans la mesure aussi où notre pays est plus touché que d’autres par la désindustrialisation et ses conséquences sur la qualité des emplois, donc sur le niveau des rémunérations.

Encadré 1.
Partage des revenus : l’exception française

Depuis la fin des années 1990, le partage des revenus s’est fortement déformé au détriment des salariés dans l’ensemble des pays de l’OCDE, sauf en France (et en Italie). Mais quelles sont les pistes explicatives possibles ?
Écartons d’abord celle qui vient spontanément à l’esprit : contrairement à l’Italie où la faiblesse des gains de productivité explique la déformation du partage des revenus au profit des salariés, l’explication ne vaut pas pour l’Hexagone où la productivité augmente presque aussi vite que dans les autres pays de l’OCDE.
En revanche, l’absence de déformation du partage des revenus au détriment des salariés s’explique probablement à la fois par le niveau élevé du salaire minimum (62 % du salaire médian contre 48 % en Allemagne et 32 % aux États-Unis), la prospérité des firmes du CAC 40 qui ont un poids important dans l’économie française, réalisent des profits mondiaux élevés et en font profiter leurs salariés français (le niveau de salaire par tête atteint 46 000 euros par an dans les grandes entreprises, 32 000 euros dans les PME) et un pouvoir de négociation des syndicats qui reste relativement fort en dépit d’un taux de syndicalisation plus faible (9 %) que dans la moyenne de l’OCDE (16 %). Autant de spécificités qui ne permettent pas de commenter la politique salariale française avec la même approche que pour les autres pays de l’OCDE.

Des emplois de moins en moins qualifiés,
de plus en plus précaires

La dégradation de la qualité des emplois constitue aussi, dans les pays dits « riches », un motif de révolte des salariés contre le capitalisme et son avatar contemporain, la mondialisation. L’ouverture des échanges a certes accru le bien-être global sur la planète, notamment en extirpant des millions d’individus des pays émergents de la pauvreté. Elle a aussi incontestablement favorisé le consommateur occidental qui a fini par trouver normal d’acheter un jean, un T-shirt ou une chemise à 5 dollars ou 5 euros au supermarché. Mais elle s’est traduite – pour ce qui concerne les pays développés – par un transfert de l’industrie milieu et bas de gamme vers les pays émergents. Entre 1996 et 2020, la production manufacturière n’a progressé que de 25 % dans les pays de l’OCDE, mais de 150 % dans les pays émergents, avec pour conséquence une hémorragie sans précédent d’emplois industriels et d’emplois de services associés (- 20 % sur la période).
Cette évolution a accéléré la bipolarisation des marchés du travail, avec d’un côté, des emplois très qualifiés à revenus élevés mais peu nombreux, et de l’autre, de nombreux emplois peu ou pas qualifiés dans les services domestiques à revenus modestes voire faibles. Faut-il rappeler que, dans l’OCDE, le niveau de salaire nominal par tête (hors cotisations sociales) est en moyenne de près de 50 000 dollars par an dans l’industrie manufacturière, mais excède à peine les 30 000 dollars, soit 40 % de moins, dans les services domestiques ? En outre, ces emplois peu ou pas qualifiés, mal rémunérés, sont souvent précaires, sous forme de CDD et autres temps partiels plus ou moins contraints.
La dégradation de la qualité des emplois alimente le désarroi et la rancœur de salariés traumatisés par un déclassement à la fois économique et humain. Il y a trente ans, les Gilets jaunes étaient ouvriers spécialisés sur une chaîne des usines Renault, Citroën ou Michelin ou premier fondeur dans les hauts-fourneaux d’ArcelorMittal. Ils étaient bien payés, respectés pour leur savoir-faire et leur engagement à défendre les intérêts de la classe ouvrière. Aujourd’hui, leurs descendants sillonnent les rues des villes à vélo pour le livreur Deliveroo ou les entrepôts sur des engins à roulettes pour préparer les commandes de la plateforme Amazon. Les jeunes sont particulièrement touchés. En France, par exemple, plus de 1 jeune actif4 sur 2 (52,7 %) occupe un emploi d’intérimaire, d’apprenti ou de salarié en contrat à durée déterminée. Quoi d’étonnant s’ils ne se voient pas évoluer, progresser professionnellement, et s’ils ont du mal à se projeter dans l’avenir ?
L’avenir les fait d’autant moins rêver que la disparition progressive des emplois intermédiaires s’accompagne d’un recul de la mobilité sociale : il est moins facile aujourd’hui de progresser dans l’échelle professionnelle dès lors qu’il s’agit désormais de réussir à passer directement d’un emploi peu ou pas qualifié à un emploi qualifié. En outre, une certaine paralysie de la mobilité sociale a été favorisée aussi, au fil des décennies, par le développement d’un chômage de longue durée. Lorsque, enfin, un chômeur au long cours retrouve un emploi, il est souvent contraint d’accepter un contrat d’intérim, un contrat à durée déterminée, ce qui ne risque pas de favoriser son ascension dans l’échelle des revenus. Encore moins des responsabilités. Dès lors que l’ascenseur social a des ratés et que, pour la majorité des salariés, le ni...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. Chapitre 1 - La révolte anticapitaliste
  6. Chapitre 2 - Le grand déraillement
  7. Chapitre 3 - L'inefficacité, pathologie du capitalisme néolibéral
  8. Chapitre 4 - Le capitalisme néolibéral et ses trois béquilles
  9. Chapitre 5 - En économie, le free lunch n'existe pas
  10. Chapitre 6 - À la recherche du « monde d'après »…
  11. Postface
  12. Sommaire
  13. De Patrick Artus chez Odile Jacob
  14. Collection