Crises épidémiques et mondialisation
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Crises épidémiques et mondialisation

Des liaisons dangereuses ?

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Crises épidémiques et mondialisation

Des liaisons dangereuses ?

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À propos de ce livre

La mondialisation est-elle responsable des pandémies? En ce cas, faut-il en défaire les fils tissés depuis plusieurs siècles? Depuis toujours, les routes commerciales ont coïncidé avec l'apparition, la disparition et la réémergence des nouveaux virus. Ce livre explique pourquoi les évolutions de la mondialisation ont renforcé ces liens?: la déforestation, l'agriculture intensive, la perturbation des cycles géologiques et géophysiques, le réchauffement climatique, ainsi que les atteintes à la biodiversité, animale et végétale, ont accru les risques sanitaires. Ce livre propose de repenser la mondialisation en inventant des mécanismes de résilience face aux crises épidémiques. Loin des solutions simplistes, ses auteurs lèvent le voile sur la complexité des enjeux que soulève l'articulation des objectifs sanitaires avec les règles du commerce international. Avec une conviction: pour faire face aux risques épidémiques du XXIe siècle, il sera nécessaire de privilégier une approche associant mondialisation, environnement et santé. Gilles Dufrénot est macroéconomiste, professeur à Aix-Marseille Université. Il est chercheur associé au CEPII et travaille sur les politiques économiques internationales. Il coordonne actuellement un programme consacré aux effets des crises épidémiques sur les marchés financiers. Anne Levasseur-Franceschi est économiste, normalienne et agrégée en économie et gestion. Elle enseigne en prépa Normale Sup en zone de prévention violence à Bobigny. Ses travaux actuels en économie de la santé portent sur des sujets pluridisciplinaires impliquant économistes et praticiens de santé.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2021
ISBN
9782738155856
Sous-sujet
Epidemiología

DEUXIÈME PARTIE

Repenser la mondialisation du XXIe siècle ?



CHAPITRE 4

La démographie : signal d’alarme des prochaines pandémies ?


Après avoir fait le constat de la réémergence probable de nouveaux virus, de l’installation pour plusieurs décennies des maladies chroniques, des liens entre réchauffement climatique et risques épidémiques, il importe de s’interroger sur la manière dont notre monde globalisé devra vivre au mieux avec ces situations. Nous entamons cette réflexion en examinant le rôle de la démographie mondiale. Les démographes sont formels : la période 1930-2050 est unique dans l’histoire de la démographie humaine. Jusqu’au XVIIIe siècle, la taille de la population avait peu varié. Un premier tournant a été la révolution médicale et les progrès de l’hygiène aux XIXe et XXe siècles qui se sont traduits par une chute des taux de mortalité et par l’allongement de l’espérance de vie dans de nombreux pays. Après avoir connu un reflux des taux de natalité durant les années 1960, la croissance démographique mondiale s’est emballée depuis le tout début des années 2000. Pour caractériser le demi-siècle qui suivra, les démographes parlent d’une « dérive » démographique, soulignant ainsi l’extraordinaire croissance de la population.
La poussée démographique aura-t-elle des conséquences sur la propagation des crises épidémiques évoquées dans les trois précédents chapitres ? Les densités démographiques accéléreront-elles les taux de reproduction des maladies lorsqu’elles se déclareront ? Les taux d’urbanisation seront-ils propices au réchauffement climatique et à davantage de pollution, deux facteurs qui influencent les pandémies ? La sédentarité viendra ajouter des millions d’individus à ceux déjà touchés par les maladies chroniques non transmissibles. Les besoins de nourriture en céréales et en protéines animales pousseront peut-être à déboiser davantage et à grignoter encore les habitats naturels de la faune sauvage. Présenté de cette manière, le tableau est effrayant et augure des jours difficiles pour les trois prochains siècles. On pourrait donc s’inquiéter de la dangerosité de la poussée démographique en cours. La réalité est plus complexe.
La question importante est de savoir si la poussée démographique pourrait faire émerger un nouveau visage de l’économie globalisée. Les sceptiques répondront que les changements nécessaires sont systémiques et difficiles à matérialiser à brève échéance. Par exemple, même s’il est actuellement sinistré, il est peu probable que le secteur du tourisme international ne retrouve pas des couleurs d’ici 2022 ou 2023, une fois que les mauvais souvenirs de la crise du Covid-19 se seront évanouis des esprits. Les agences et les compagnies aériennes retrouveront leur réflexe d’inonder un marché qui aura été moribond, en démultipliant les offres et les formules. Autre exemple, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, le commerce mondial est enraciné dans les flux d’échanges des grandes firmes agroalimentaires. Et, comme les poussées démographiques auront principalement lieu dans les lieux actuellement les plus déshérités de la planète (et qui connaîtront donc un rattrapage économique), il est probable que l’on y observera une irruption de maladies telles que le diabète et l’hypertension artérielle. À ce pessimisme, on peut opposer un tableau plus optimiste. Les enjeux sanitaires pourraient nous obliger à repenser les politiques d’aménagement du territoire pour éviter les phénomènes de congestion des populations. Des circuits courts pour l’approvisionnement en protéines animales pourraient être systématisés, de nouvelles technologies de capture des gaz à effet de serre (GES) permettraient de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du transport aérien, d’inventer de nouvelles politiques de contrôle des flux migratoires.

Boom démographique et défis sanitaires à moyen et à long terme

Selon Dennis Meadows, qui participa en 1972 à la rédaction du rapport Meadows sur les limites de la croissance dans un monde fini, notre cerveau n’aurait pas les capacités suffisantes pour s’intéresser à des problèmes dont la dynamique s’étale sur un demi-siècle. La démographie en fait partie. La croissance de la population mondiale décélère, mais elle est encore élevée. Dennis Meadows hocherait sans doute la tête si on lui disait que ses pronostics sur le pic de croissance de la population mondiale, qui aurait dû, selon les prévisions de son rapport, se situer autour de 2050, sont différés d’un demi-siècle. En effet, il faudra attendre l’entrée dans le XXIIe siècle avant que la croissance démographique mondiale ne se stabilise. D’ici là, la démographie mondiale va continuer à croître à un rythme soutenu. Les projections situent la taille de la population dans une fourchette comprise entre 9,4 et 10,1 milliards d’habitants pour 2050 et entre 9,4 et 12,7 milliards en 2100. Les deux moteurs de cette dynamique sont les taux de fécondité et de mortalité. Ces projections sont obtenues en faisant une hypothèse sur un taux de fécondité mondiale compris entre 1,69 enfant par femme (hypothèse basse) et 2,63 enfants par femme (hypothèse haute) en 2050, et en extrapolant les espérances de vie par pays.
Dans seulement trente ans, il y aura ainsi 2 milliards d’individus supplémentaires sur la planète. La croissance est donc rapide, même si elle décélère depuis cinquante ans. Aux taux de croissance actuels, il y aura 2,1 milliards d’individus en Afrique subsaharienne (372 millions pour le reste de l’Afrique) ; 5,3 milliards en Asie ; 762 millions en Amérique latine et centrale ; 710 milliards en Europe ; 425 millions en Amérique du Nord et 57 millions en Océanie. Les dix pays les plus peuplés du monde seront l’Inde, la Chine (à eux deux, ces pays comptabiliseront un peu plus de 3 milliards d’habitants), le Nigeria, les États-Unis, l’Indonésie, le Pakistan, le Brésil, la République démocratique du Congo et l’Éthiopie.
Dans un monde très peuplé, peut-on imaginer un « cygne noir » (expression désignant un événement imprévisible ayant a priori très peu de risques de se produire, mais qui se réalise malgré tout avec des effets d’une portée considérable), sous la forme d’un virus qui ravagerait une partie de la population mondiale ? Par exemple une pandémie comme la peste bubonique qui a décimé entre 30 et 50 % de la population mondiale ? Ou un virus comme celui de la grippe espagnole qui a causé plusieurs millions de morts ? À moins d’un extraordinaire concours de circonstances malheureuses, ce scénario est peu probable en raison des réseaux de surveillance sanitaire (vétérinaires et humains) déployés sur toute la planète et des avancées probables de la recherche médicale sur de nouveaux traitements. En revanche, on peut s’attendre à des épidémies épisodiques se transformant en pandémies mondiales en fonction de la vitesse de circulation des agents pathogènes et des vecteurs d’un point à l’autre de la planète, ainsi qu’à l’apparition de clusters touchant certaines catégories de population en fonction de l’âge ou des lieux géographiques d’habitation. Plusieurs facteurs liés aux dynamiques démographiques vont y contribuer.
Le premier est le vieillissement de la population dans certaines régions du monde. Le pourcentage des personnes de plus de 65 ans, par rapport à la population totale, est de 27 % au Japon, 19,7 % dans l’Union européenne, 15 % aux États-Unis, 14 % en Russie et 10,5 % en Chine. L’OMS prévoit qu’entre 2000 et 2050 la population mondiale des plus de 60 ans aura doublé en s’établissant à 22 %, c’est-à-dire à environ 2 milliards de personnes. Et ce n’est pas tout. L’espérance de vie après 75 ans devrait s’allonger. La proportion des plus de 80 ans aura été multipliée par 4 entre 2000 et 2050 et s’élèvera à un peu moins de 400 millions d’individus. Hormis les maladies liées se traduisant par un déclin cognitif (Alzheimer, Parkinson, démences, etc.), les personnes âgées ont une réponse immunitaire plus faible que celle du reste de la population, ce qui les rend plus exposées aux maladies virales. En prenant l’exemple du Covid-19 dans les pays industrialisés, les données épidémiologiques permettent d’avancer l’hypothèse d’une « verticalisation » des taux de létalité, comme le montre le tableau 4 pour quatre pays de l’Union européenne.
Tableau 4. Exemples de structure par âge de décès par Covid-19
France
Allemagne
Italie
Espagne
J28
J46
J28
J46
J28
J46
J28
J45
< 50 ans
2
2
1
1
2
2
< 60 ans
5
7
5
4
4
5
5
5
60-69 ans
14
16
14
13
13
15
11
12
≥ 70 ans
84
82
86
87
86
83
87
86
≥ 90 ans
19
20
13
18
9
10
18
17
Sources :
Santé publique France
Robert Koch Institute
Institut Supérieur de Santé
MSCBS
Décès hospitaliers
Décès partiels
Tous lieux connus
Décès partiels
L’association entre le taux de létalité et l’âge est cependant conditionnée au niveau de développement économique et sanitaire. Par exemple, le ratio des décès des plus de 70 ans et des moins de 20 ans est de 66 % en moyenne en France, aux Pays-Bas, en Suède, en Italie et en Espagne, mais de 23 % en moyenne en Chine, en Corée et en Iran.
Le deuxième facteur de vulnérabilité aux crises épidémiques associées à la démographie est la malnutrition. Si incroyable que cela puisse paraître, de nombreuses personnes souffrent encore de la faim dans le monde. Le récent rapport The State of Food Security and Nutrition in the World 2020, publié au mois de juillet 2020 par un groupe d’agences internationales (parmi lesquelles la FAO et l’OMS), montre que la courbe de la sous-nutrition est ascendante. Or la croissance démographique exerce une pression sur la demande alimentaire. Non seulement plusieurs centaines de millions d’individus ne mangent pas à leur faim, mais en outre ils se nourrissent mal. 688 millions de personnes sont sous-alimentées. D’après les experts, le phénomène s’aggrave depuis 2011, et près de 10 % de la population mondiale souffrira d’insécurité alimentaire aggravée en 2030. Ce sont l’Asie et l’Afrique qui seront les plus concernées en comptant respectivement 39 % et un peu plus de 51 % de personnes souffrant de la faim. Dans le même temps, des centaines de millions de personnes se nourrissent mal, en ayant un régime déséquilibré en macro- et micronutriments (à cause notamment du coût prohibitif des légumes, des fruits, de la viande et du poisson).
Cette hausse de l’insécurité alimentaire contraste avec la diminution régulière observée au cours des deux décennies précédentes, notamment depuis 1990. Un tel changement a des origines multiples, mais il est certainement corrélé à la montée des inégalités, à la multiplication des conflits et aux migrations climatiques. Par ailleurs, l’organisation des échanges internationaux des denrées alimentaires est un facteur aggravant (les petits producteurs sont les premiers touchés par la concentration des circuits de distribution, les politiques commerciales favorisant les cultures d’exportation).
Or les maladies attaquent en priorité les corps dont l’immunité est diminuée. L’insuffisance de protéines altère le système musculaire mis à contribution lors de leur décomposition pour produire l’énergie et les acides aminés nécessaires à la production des anticorps et de la réponse immunitaire du corps à l’infestation par des agents pathogènes (par exemple plus grande fragilité du thymus et des tissus lymphoïdes, réduction de la production de lymphocytes, etc.). De nombreux travaux montrent que la prévalence des maladies infectieuses est plus élevée dans les zones où les populations sont dans un état nutritionnel dégradé. Les dysfonctions du système immunitaire rendent également plus vulnérable à des maladies virales. Par ailleurs, de façon paradoxale, la sous-nutrition peut également occasionner des troubles du métabolisme et des pathologies identiques décrits au chapitre précédent. En effet, ce phénomène était jusqu’ici observé surtout chez les personnes très âgées des pays industrialisés (plus de 80 ans) souffrant de dénutrition (baisse de l’indice de masse corporelle, faible pression artérielle, faible concentration du cholestérol total). Comme l’expliquent Combe et al. (2015), un régime alimentaire dont le ratio lipides/glucides est faible conduit le foie à synthétiser des acides gras à partir des glucides pour répondre aux besoins cellulaires. Or ces acides sont des acides gras saturés (acides palmitiques notamment), exposant les individus à un risque plus élevé d’accidents cardio-vasculaires.
Un autre facteur est l’émergence des classes moyennes au fur et à mesure que les pays connaissent un rattrapage économique. Bien sûr, cela se traduit par une pression plus forte sur les ressources alimentaires. En même temps, la hausse du revenu par tête agit comme un régulateur naturel du cycle démographique sur le moyen terme car les taux de fécondité sont endogènes et évoluent de manière inversement proportionnelle à un certain nombre d’indicateurs de développement : taux de scolarisation des filles, emplois des femmes, baisse de la part du secteur agricole dans le revenu national, hausse des revenus des ménages urbains. En dehors de l’Afrique subsaharienne, les autres continents ont effectué leur transition démographique, caractérisée par une diminution des taux de mortalité et de fécondité. Au fur et à mesure que la proportion de pays pauvres diminuera, la décélération de la croissance démographique s’accentuera.
D’ici un siècle et demi, la population mondiale pourrait commencer à vieillir. Nous entrerons alors sans doute dans un nouveau régime épidémiologique avec une plus forte prévalence des maladies liées au grand âge (démences, Alzheimer, Parkinson), mais aussi les maladies du métabolisme liées à l’altération de la fonction de l’insuline, à l’accumulation d’acide urique, ou encore dues à la baisse de la quantité d’hémoglobine. C’est l’un des paradoxes, dans le dernier régime de la transition démographique (caractérisée par une baisse des taux de fécondité et un allongement de l’espérance de vie après 65 ans) se jouera une course prédateur-proie qui pourrait être en défaveur des êtres humains. Les prédateurs, ce sont les agents pathogènes (virus, bactéries, parasites). La proie, c’est le système immunitaire. À des âges plus avancés, le maintien de valeurs optimales pour les constantes métaboliques est plus difficile (pression artérielle, indice de masse corporel, glycémie, etc.). Des travaux récents mo...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Avant-propos
  5. Introduction générale
  6. Première partie - Zoonoses et maladies métaboliques à l'aune des mondialisations
  7. Deuxième partie - Repenser la mondialisation du XXIe siècle ?
  8. Épilogue
  9. Bibliographie
  10. Remerciements
  11. Pour en savoir plus
  12. Table