Les Nouveaux Visages de la folie
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Les Nouveaux Visages de la folie

  1. 320 pages
  2. French
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Les Nouveaux Visages de la folie

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Table des matières
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À propos de ce livre

Il est sans doute des marginaux heureux, mais ils sont rares. La plupart vivent une vie de souffrances. Longtemps rejetés, exclus, enfermés, ils sont au centre des débats qui agitent la psychiatrie moderne. Où s'arrête la normalité? Où commence la folie? Que sait-on des psychoses - schizophrénie, paranoÏa, bouffées délirantes, autisme? Ce livre trace les contours de ces maladies complexes, évoque quelques cas célèbres (Van Gogh, Louis II de Bavière, Camille Claudel), précise quelles sont aujourd'hui la place et la fonction de l'hôpital et s'interroge sur le rôle social et légal des psychiatres. Jean-Pierre Olié et Christian Spadone sont psychiatres à l'hôpital Sainte-Anne de Paris.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1993
ISBN
9782738140739

CHAPITRE 1

Une inquiétante étrangeté


Le terme de folie n’appartient plus au langage médical. Ce qui hier était désigné comme folie circulaire est devenu psychose maniaco-dépressive, la folie du toucher est appelée psychonévrose obsessionnelle. Au contraire, le langage ordinaire dénonce régulièrement la folie d’une situation ou d’un individu. Ainsi, quelqu’un peut encore être désigné comme fou, aliéné, c’est-à-dire bizarre, incompréhensible, ou surtout dangereux. Outre leur connotation péjorative, ces mots caractérisent un mode de relation difficile entre l’individu et le groupe, et non plus un mode individuel de fonctionnement psychologique.
D’autres termes sont en passe d’acquérir un nouveau droit de cité : « C’est complètement psychotisant », « Il est schizo », « C’est franchement psychotique. » Psychose, psychotique, névrose, névrotique, schizophrénie sont des mots utilisés par les spécialistes des maladies mentales. Ils appartiennent à leur langage quotidien, souvent moins bien compris du public que les termes classiques de démence ou folie. Il est banal de constater que les mots du psychiatre passent difficilement dans le langage public. Ce passage signe souvent l’émergence d’un jugement négatif venant peser sur le mot. Technique en psychiatrie, le même mot devient jugement dans le grand public. Hystérique est depuis longtemps synonyme de femme insupportable, le paranoïaque est déjà réputé comme antipathique. Le schizophrène doit-il se résigner à remplacer le « grand fou dangereux » ?
Il faut pourtant que la psychiatrie soit accessible, que les usagers, les proches des malades et les malades eux-mêmes sachent en recevoir le langage, y compris lorsqu’il est question de l’objet le plus redoutable de cette discipline médicale : la perte de la raison.
Les maladies soignées par le psychiatre ont en commun de perturber la vie relationnelle, de se manifester au point où la parole de l’un cherche à rencontrer l’écoute de l’autre. Cet échange, cette communication sont évidemment ancrés dans un contexte social et culturel, qui trace son empreinte sur le fonctionnement de chacun des acteurs. La médecine se reconnaît, par l’intermédiaire de la psychiatrie, la mission de déceler les points de rupture de cette communication, d’en reconnaître les causes, de mettre au point des modalités thérapeutiques.
La psychiatrie se trouve dans une position singulière pour une discipline médicale : venir au secours d’un fonctionnement social devenu impossible si chacun parle une langue étrangère aux autres. La psychiatrie vient aussi à l’aide d’un discours médical de plus en plus scientifique voire conquérant, refusant toute faille dans sa compréhension de la maladie. À propos de plaintes d’un malade dont aucune lésion organique ne permet une explication, la psychiatrie est interrogée : la douleur que ne justifie aucune anomalie radiologiquement décelable, les sensations corporelles que n’explique nulle tumeur, sont nécessairement considérées comme étant d’origine psychologique.
Le patient traité en psychiatrie n’est ni un simulateur ni un malade comme les autres. La mission de la psychiatrie est d’approcher cet autre niveau, où l’origine de la plainte et de la souffrance peut être décelée dans la vie psychique de l’individu, et non plus simplement dans son corps. Un résumé caricatural pourrait être : tout cela se passe dans la tête, cherchez encore, cher docteur.
La médecine et la psychiatrie évoluent : les termes, les idées, les moyens de soigner aussi. Les progrès de la technique élargissent le champ des connaissances, les moyens thérapeutiques. Telle maladie dite hier psychosomatique trouve aujourd’hui une explication par l’existence d’anomalies des fonctions immunitaires, et le pronostic en est transformé par cet abord scientifique. Cela ne signifie pas que les émotions ne puissent en favoriser certains moments évolutifs. Pourtant, il devient dérisoire de vouloir en aborder la thérapeutique par la seule voie psychologique.
L’Organisation Mondiale de la Santé répertorie diverses affections psychiatriques : la psychose maniaco-dépressive, la schizophrénie, la névrose phobique, les troubles obsessionnels, etc. Ainsi la notion de maladies mentales bien définies et différenciées les unes par rapport aux autres permet-elle de mener des recherches et de soigner avec davantage d’exactitude et de pertinence.
Il est des troubles mentaux dont on parle souvent, d’autres dont on parle peu. Il est fréquemment question de maladie dépressive, et l’on pourrait croire que tout a été dit. Des médicaments antidépresseurs efficaces ont été découverts et sont aujourd’hui à notre disposition. Cela ne saurait pourtant faire méconnaître l’interrogation : existe-t-il une seule maladie dépressive aux multiples visages, ou au contraire plusieurs maladies dépressives, répondant à des origines diverses ? Même dans le domaine de la dépression apparemment bien cerné, accessible aux non-spécialistes, beaucoup d’ignorances ne doivent pas être masquées par quelques connaissances. Qu’on ne s’y trompe pas : malgré des médicaments antidépresseurs efficaces, malgré les nombreux programmes de recherche dans le domaine des maladies dépressives, plus de la moitié des déprimés guérissent imparfaitement. Pourtant, la dépression est devenue un moyen privilégié de communication entre les psychiatres et le public, entre la psychiatrie et la société. Curable, la dépression est devenue maladie avouable, pouvant toucher n’importe qui. Chacun a droit à sa déprime, et, pourquoi pas, à son psychiatre.
D’autres troubles mentaux, et d’abord les psychoses, sont moins faciles à admettre, susceptibles de mettre en cause la part la plus profonde de l’individu, sa personnalité, ses capacités de communication, sa façon d’appréhender le réel, de concevoir les situations sociales, le passé, le présent et le futur. Plus que la dépression encore, les psychoses bouleversent la façon d’être de l’individu.
Névrose et psychose sont deux mots devenus courants, souvent perçus comme peu explicites. Le névrosé doute : anxieux, hésitant, torturé, parfois déprimé, il s’adapte mal aux situations qu’il rencontre dans la vie quotidienne. Cela le rend souvent largement dépendant ; il vit (ou tente de vivre) à la charge d’un proche, de la société parfois.
Le patient névrotique sait le caractère excessif voire absurde de ses peurs, de ses blocages. La psychose, marquée par davantage de souffrances encore, s’accompagne, elle, d’une mauvaise reconnaissance de la réalité environnante. Le psychotique souffre, pèse sur son entourage, mais critique rarement ses troubles. Ils ne lui paraissent ni absurdes ni incohérents.
Dans un certain nombre de cas, l’entourage familial ou social est dans l’obligation de provoquer la rencontre entre le psychotique et le médecin : imposée, celle-ci n’en est pas moins destinée à renouer les liens d’une communication défaillante. L’appareil judiciaire, d’autres instances sociales, sollicitent régulièrement un avis spécialisé afin de choisir et cautionner la réponse à un comportement asocial. Les limites entre la raison et la folie ne sont pas toujours faciles à tracer en matière de comportements. Un acte mal motivé n’est pas nécessairement maladif ; certains actes en apparence compréhensibles sont pourtant déterminés par une pathologie. C’est un autre aspect inquiétant de la maladie mentale : elle rudoie les schémas trop simples qui repoussent le pathologique dans quelques zones bien définies, qui partagent la folie entre les malades et quelques autres tels les originaux, les créatifs, les artistes.
Deux grandes catégories de manifestations sont caractéristiques des états psychotiques : le délire, cette conviction d’une autre réalité, d’une part ; le déficit, la perte de la capacité à réagir, d’autre part.
Parmi les spécificités de l’homme, il y a la capacité à délirer. L’homme est capable, en dehors de l’action de drogues hallucinogènes, d’inventer malgré lui, sous l’effet de la maladie, des perceptions inexistantes, jusqu’à construire une néoréalité, exprimer des propos empreints de déraison. Trop incohérent, le délirant ne convainc personne : il est contraint de s’isoler dans un monde à lui, aussi inaccessible qu’étrange pour les plus proches.
Mais le délire peut s’avérer moins manifeste parce que suffisamment ordonné en apparence, risquant même de persuader un ou plusieurs interlocuteurs. En l’écoutant bien, on finit par comprendre le délirant !
Sauf dans les formes les plus incohérentes et désorganisées, une écoute attentive et prolongée du délire, une connaissance approfondie de l’histoire du sujet livrent tout ou partie de la logique et des racines de la croyance délirante. L’imagination délirante se nourrit d’éléments de la réalité : elle tente de leur donner une signification et un ordre originaux.
L’homme est capable de délirer car il possède certaines qualités que n’a pas l’animal : savoir créer, imaginer, parler. En effet, le délire apparaît comme une production d’autant plus riche que l’imagination est davantage productive, le langage élaboré. Créativité, imagination, expression verbale sont des outils nécessaires à la construction délirante. Les sujets les moins richement dotés en intelligence ne sont pas pour autant à l’abri : seuls les moyens d’extérioriser l’idée ou la conviction délirante diffèrent.
Est-ce à dire que les hommes ont toujours déliré ? Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire de l’humanité existent des traces de l’opposition entre raison et déraison. Le délire signe la folie, la psychose. Celle-ci n’est pas une invention du Siècle des Lumières. Elle a toujours participé à l’aventure de l’homme, ajoutant du mystère à l’essence humaine. Cela ne signifie pas que les animaux ne manifestent aucun comportement singulier, inhabituel, incompréhensible : libération agressive surprenante, comportement inattendu dans cette espèce ou de la part de cet animal. Mais aucun animal ne paraît en mesure de s’enfermer dans un monde à lui, à moins que l’on considère qu’il y est par nature, n’étant que partiellement en mesure de communiquer.
Au contraire, l’homme est un être de communication : cela rend davantage perceptible l’étrangeté de sa façon de penser, de sentir, de réagir.
Le délire est le symptôme le plus facile à reconnaître parmi les manifestations d’un état psychotique. Il signe la perte du contact avec la réalité. Il n’est cependant pas la seule expression du trouble psychotique : celui-ci perturbe le comportement, la vie affective, le mode de pensée, et entrave le fonctionnement psychique et social, donnant au sujet son aspect d’étrangeté.
La compréhension du malade psychotique est souvent difficile, complexe : son comportement peut être ressenti comme insupportable voire troublant, inquiétant. L’exemple type pourrait être une personne, âgée de vingt ou trente ans, désinvestissant progressivement les activités qui étaient auparavant les siennes, professionnelles ou sociales. Ce manque d’intérêt pour ce qui était sa raison d’être risque d’induire, selon le cas, une attitude de soutien actif, d’encouragement ou au contraire de rejet, de condamnation de la part de l’entourage. Cela ne suffit pas à infléchir l’inexorable évolution qui aboutit en quelques mois à une apparente inaffectivité, une moindre réactivité émotionnelle, une attitude d’indifférence face aux reproches les plus sévères ou aux encouragements les plus chaleureux. Le manque de volonté, le défaut d’énergie, la perte des centres d’intérêt peuvent faire évoquer une maladie dépressive, d’autant plus que ce diagnostic est plutôt rassurant et passe-partout : il permet au moins d’espérer une solution thérapeutique et une guérison.
Le temps passe, les reproches deviennent mal compris, le malaise s’aggrave, l’incompréhension aussi. L’absence de participation est bizarre, incongrue, témoignant d’une inquiétante distance aux préoccupations de l’entourage. L’étrangeté est là, en cette absence de réponse à la sollicitude qu’appelle une souffrance. Se moque-t-il du monde ? Est-il vraiment malade ? Pourquoi apparaît-il différent de ce qu’il était il y a déjà deux ans ?
Les moins proches peuvent initialement considérer un tel sujet comme simplement original. Mais pour qui est amené à côtoyer chaque jour ce type de situation, il apparaît qu’existent de nombreuses anomalies : le sommeil, la façon de refuser les rencontres même les plus bienveillantes, les centres d’intérêt inattendus voire bizarres. Au début d’une telle évolution lentement insidieuse, le médecin de famille lui-même risque de douter que ce malaise puisse relever directement de son domaine. Il propose ou prescrit quelques médications hypnotiques, prodigue conseils et encouragements. On s’apercevra éventuellement plus tard qu’au départ de toute une longue histoire le médecin avait délivré une ordonnance pour quelque médicament antidépresseur, qui n’avait rien changé à l’affaire.
Faut-il s’organiser ainsi, et vivre au mieux dans cette situation décourageante, décevante par rapport à ce que l’on avait implicitement ou explicitement imaginé comme avenir ? Chacun doit-il vivre sa vie comme elle vient ? C’est une réflexion qu’apportent les conseilleurs porteurs d’espoir. Pourtant il ne s’agit pas d’un mode d’être librement choisi. Cette situation met en jeu l’intéressé et son entourage. Faut-il la supporter, en assumer les conséquences immédiates et lointaines ? Doit-on accepter la perte d’autonomie qui l’accompagne ? Faut-il au contraire solliciter un avis spécialisé malgré les opinions, suggestions, explications qui ne manquent pas, dictées par les meilleures intentions ? À ce stade, des amis, des collègues, des parents ont déjà proposé nombre de conseils : ne plus donner d’argent, refuser d’être complice des bizarreries alimentaires, vestimentaires, comportementales. Facile à dire.
Quand et où solliciter l’avis d’un médecin spécialiste ? S’agit-il d’une maladie pour laquelle il existe un traitement ? Quelqu’un saurait-il mieux comprendre ce qui s’avère, depuis des mois et des mois, comme de plus en plus étrange, incompréhensible ?

Reconnaître la maladie

Les grandes maladies mentales actuellement connues et identifiées par les médecins ne l’étaient pas au siècle dernier. Non point que l’homme moderne serait devenu plus vulnérable que ses ancêtres, mais parce que la médecine, la psychologie, et particulièrement la psychiatrie, ont beaucoup évolué depuis le début du XXe siècle. De nombreuses maladies ont été identifiées au cours de cette période d’extraordinaire aventure médicale.
Il revient au psychiatre allemand Émile Kraepelin d’avoir identifié deux catégories d’affections dites psychotiques évoluant de manière chronique.
La psychose maniaco-dépressive est caractérisée par des alternances de phases d’excitation euphorique appelées maniaques et d’épisodes d’abattement dépressif qualifiés de mélancoliques ; entre les excitations maniaques et les dépressions mélancoliques, le maniaco-dépressif revient à un fonctionnement normal, à nouveau capable de mener sa vie professionnelle, affective, sociale. Longtemps après un accès, son entourage reste néanmoins aux aguets du moindre indice d’imminente rechute. Souvent, il redoute surtout les périodes d’excitation maniaque, où le comportement fait d’hyperactivité inconséquente et infatigable, de dépenses excessives et d’entreprises invraisemblables, bouscule gravement la vie familiale et professionnelle. Le maniaco-dépressif vit sous la menace de nouveaux accès, dont rien ne lui permet de savoir à quel moment ils réapparaîtront. À l’opposé de la première crise, en règle générale suite à un stress, un événement traumatisant, les épisodes dépressifs et maniaques ultérieurs se déclenchent spontanément et parfois brusquement, évoquant un phénomène d’embrasement périodique, en dehors de tout élément déclenchant.
Point trop d’illusions : souvent la guérison des accès maniaques et dépressifs se fait avec quelque séquelle. Au plan social tout d’abord : il est facile d’imaginer les traces d’un épisode maniaque euphorique ayant occasionné des troubles du comportement tels que dépenses inconsidérées, conduites d’hypersexualité, ruptures mal motivées puis regrettées. De même pour un épisode mélancolique : les moments dépressifs s’accompagnent d’une telle perte d’élan vital que le sujet a été incapable d’assumer les charges de sa vie quotidienne. Cela peut avoir des conséquences au plan socio-professionnel, qui gêneront la guérison et le retour à un état d’équilibre psychologique. Beaucoup d’épisodes maniaques se terminent en détresse mélancolique, parfois en geste suicidaire. Quelquefois spontanément, plus souvent sous l’effet des médicaments antidépresseurs, l’accès mélancolique se transforme en état maniaque. Cela est un autre indice de la parenté entre manie et mélancolie, double visage d’une même dysrégulation du comportement, des émotions.
Plus de la moitié des sujets maniaco-dépressifs guéris ne retrouvent pas un état identique à celui qui était le leur avant le premier accès. Au-delà de la crainte de récurrences dépressives ou maniaques, ces patients demeurent excessivement anxieux, souvent insomniaques, affectivement différents face à leurs proches. Le trouble dépressif grave et davantage encore l’accès maniaque laissent une trace définitive lorsqu’il s’agit de prendre de nouveaux engagements, d’envisager un avenir. Lourde épée de Damoclès que cette permanente menace, soulignant la fragilité d’un bonheur, la réversibilité d’un succès, puisque nul ne peut savoir quelle sera la durée de l’intervalle libre entre deux épisodes.
Cela ne doit pas faire mésestimer les progrès accomplis depuis la découverte des médicaments antidépresseurs, et des traitements préventifs : les sels de lithium, et par la suite d’autres médicaments, se sont avérés capables de prévenir les rechutes dépressives et maniaques. La vie de 500 000 Français en a été transformée – la psychose maniaco-dépressive concerne au moins 1 % de la population générale. Pris chaque jour, les sels de lit...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Introduction : La fin de l’exclusion ?
  6. Chapitre 1 : Une inquiétante étrangeté
  7. Van Gogh, ou les tournesols du malheur
  8. Chapitre 2 : La question des origines
  9. Camille Claudel, ou le destin foudroyé
  10. Chapitre 3 : Une étrange irresponsabilité
  11. Louis II, ou le crépuscule de la raison
  12. Chapitre 4 : Les voies de la guérison
  13. Conclusion : La volonté des autres
  14. Table