Émergence, complexité et dialectique
eBook - ePub

Émergence, complexité et dialectique

Sur les systèmes dynamiques non linéaires

  1. 304 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Émergence, complexité et dialectique

Sur les systèmes dynamiques non linéaires

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Fruit d'un travail collectif entre des scientifiques et un philosophe, ce livre a pour première originalité de se centrer sur ce qu'on y tient pour le cœur même de la complexité: la dynamique des systèmes non linéaires, où les rapports se font paradoxalement contradictoires entre tout et partie, cause et effet, déterminisme et imprédictibilité. Chaos, émergence, auto-organisation, complexité – à travers ces concepts aujourd'hui en plein débat paraît se révéler à nous plus qu'une série d'aspects inédits du réel: une dimension fondamentale de ce réel tout entier. La seconde originalité de cet ouvrage est de pousser la réflexion sur le sens philosophique de ces paradoxes scientifiques, en convoquant à nouveau ce grand absent de la culture logique contemporaine: la dialectique, ici exposée et mise en œuvre dans son ampleur sous des formes foncièrement repensées et mises à jour. La dialectique pour penser la non-linéarité, le complexe pensé dialectiquement: une nouvelle révolution paradigmatique? Le débat est ouvert.Lucien Sève est philosophe. Il a notamment publié Sciences et dialectiques de la nature et Pour une critique de la raison bioéthique. Coordination Janine Guespin-Michel Avec Roland Charlionet, Philippe Gascuel, François Gaudin, Janine Guespin-Michel, José Gayoso, Camille Ripoll.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Émergence, complexité et dialectique par Lucien Sève, Janine Guespin-Michel en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Philosophy et Philosophical Essays. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2005
ISBN
9782738187970
De quelle culture logico-philosophique
la pensée du non-linéaire
a-t-elle besoin ?
par Lucien Sève
La pensée du non-linéaire – si l’on admet d’entendre sous ce terme l’ensemble des vues théoriques multidisciplinaires sur la dynamique des systèmes qui relèvent du formalisme mathématique des équations non linéaires – est l’une des plus prometteuses percées qu’ait opérées la recherche scientifique dans les dernières décennies. La thèse qu’on avancera ici est que cette conceptualisation novatrice ne dispose pas en général de la culture logico-philosophique dont elle a besoin, culture pourtant existante de longue date et toujours en mouvement, et que cet état de choses constitue pour la pensée savante du non-linéaire comme pour l’appropriation de ses acquis par le public un obstacle hautement dommageable qu’il importe de lever1.
À vrai dire, nombre de scientifiques ne verront sans doute guère au départ en quoi ils peuvent être concernés par une étude de caractère expressément philosophique sur la non-linéarité si, comme l’écrit par exemple Amy Dahan-Dalmedico dans le volume collectif Chaos et déterminisme, chacune des locutions auxquelles recourt la pensée du non-linéaire « ne prend une signification précise que dans le cadre d’un formalisme mathématique », de sorte qu’« aucune discussion sérieuse ne peut éviter cette étape »2. Pour appréhender de manière scientifiquement exempte de toute ambiguïté même des concepts très généraux comme complexité ou émergence, quel besoin de « culture logico-philosophique » peut donc bien se reconnaître qui travaille sur les systèmes non linéaires, ou du moins s’y intéresse ?
À lire les réflexions de spécialistes très divers sur le non-linéaire, on est cependant frappé d’y voir affleurer nombre d’interrogations majeures débordant à l’évidence le cadre non seulement de la formalisation mathématique mais de la théorisation scientifique en général. Comment comprendre le foisonnement d’énoncés paradoxaux dans la caractérisation globale du non-linéaire ? La notion d’émergence est-elle jusqu’au bout pensable hors de toute métaphysique ? Quelle portée ontologique faut-il accorder à l’hypothèse déterministe ? Ainsi de suite. Des questions de cette sorte, portant moins sur les choses que sur nos rapports cognitifs les plus généraux avec elles, sont par essence philosophiques. Du reste, on lit bien rarement des considérations synthétiques sur la complexité, le chaos ou l’émergence dont les auteurs n’éprouvent le besoin de se référer à Platon, à Leibniz, à Spinoza, à Kant – ce qui d’ailleurs fait ressortir la totale et significative absence de Hegel. Davantage encore : pour le lecteur philosophiquement averti se trahit souvent dans ces textes, au-delà de leur contenu manifeste, la présence de réponses latentes à des interrogations muettes d’ordre métascientifique, par quoi se trouve préorientée leur stratégie profonde de pensée. La théorisation du non-linéaire est de bien plus riche et originale implication philosophique que beaucoup de ses adeptes ne semblent le voir, et ne se mettent donc en état de s’en rendre maîtres sur ce plan. C’est à la promotion de cette maîtrise qu’avec une vive conscience des difficultés de la tâche un philosophe se propose ici de contribuer3.
Avant de m’engager dans un exposé argumenté en ce sens, je dois toutefois en prévenir les lecteurs scientifiques, à l’expresse intention de qui ces pages sont écrites : précisément parce qu’il va y être question d’une culture logico-philosophique à peu près inconnue de la plupart d’entre eux, et à maints égards aussi différente de celle dans laquelle ils ont l’habitude de penser que la physique quantique peut l’être de la mécanique classique, il va leur falloir admettre – sous strict bénéfice d’inventaire critique, bien entendu – de s’interroger au fond sur ce qu’ils tiennent sans doute pour d’indiscutables évidences, de considérer avec sérieux la validité possible de façons de voir qui leur sont étrangères, sans se laisser arrêter par le poids souvent écrasant des préjugés contraires. Il va leur falloir envisager l’éventualité douloureuse de changer de point de vue logico-philosophique. Libre à chacun(e), cela va de soi, de se refuser à l’expérience. Mais en ce cas, disons-le clairement d’emblée : la lecture de ce qui suit est aussi inutile que pouvait par exemple l’être à un créationniste inaccessible au doute la lecture de L’Origine des espèces.
1. Paradoxes éliminables et paradoxes irréductibles du non-linéaire
Dans ce qui suit, on prend pour base l’exposé fait au premier chapitre de ce qu’on choisit d’appeler globalement non-linéarité. Le champ ainsi désigné recouvre nombre d’objets et recoupe nombre de théorisations se présentant souvent sous d’autres noms dont la liste est longue – complexité, chaos, émergence, auto-organisation, etc. – sans que l’emploi de ces termes fasse d’ailleurs consensus aujourd’hui. À la différence de ces appellations, dont le caractère commun est de pointer au positif un ordre de faits tenu pour central, le terme non-linéarité a l’intérêt majeur à nos yeux de ne nommer ce qui s’étend devant nous que de façon toute négative, se gardant ainsi d’enclore ou même de centrer, de façon possiblement prématurée, le domaine théorique très neuf et sans limite aujourd’hui connue qu’il indique, tout en marquant à la fois sa continuité et sa rupture avec l’univers classique de la science qu’on peut nommer linéaire. Ce dépassement par négation – du linéaire au non-linéaire – est bien dans l’esprit, écarté sans raison suffisante à notre sens par Thomas Kuhn, de ce que Gaston Bachelard, réfléchissant sur la naissance des géométries non euclidiennes et de la physique non newtonienne, avait identifié au milieu du siècle dernier, sous l’appellation de « philosophie du non »4, comme mode fondamental d’expansion de la rationalité savante. Parler de non-linéarité, c’est constater qu’au-delà de certains seuils la pensée linéaire ne peut plus suffire à faire science, tout en laissant complètement ouvert l’inventaire en cours des objets inédits qu’on rencontre au-delà de ces seuils. Le non-linéaire n’est-il que l’exception qui confirme la généralité du linéaire ? Ou au contraire, par un de ces renversements qui ont si fortement marqué toute la science du XXe siècle, est-ce la linéarité, ainsi que le suggère Janine Guespin dans sa contribution personnelle à cet ouvrage, qui en viendra à apparaître comme cas particulier d’une non-linéarité fondamentale du réel ? Cette question est celle même qui donne à ce livre sa plus vaste perspective.
Qu’en est-il de notre objet à l’examiner plus concrètement ? Intitulé générique d’un ordre défini de systèmes et processus dynamiques, la non-linéarité se décline en une série de propriétés négatives qui les caractérisent. Considérons trois des plus fondamentales en même temps que des plus immédiates. Deux d’entre elles, la non-additivité et la non-proportionnalité, correspondent au fait que les systèmes et processus en cause sont formalisables en équations différentielles où les dérivées dépendent des variables à un degré différent de 1 – c’est notamment le cas des processus résultant de l’action simultanée de deux éléments indépendants sur un même troisième, ou comportant au moins un effet de seuil, une sigmoïde étant une équation typiquement non linéaire. D’où des phénomènes souvent rangés sous les rubriques de la complexité ou de l’émergence. La troisième propriété ici considérée, la non-prédictibilité, traduit notamment le fait qu’apparaissent dans des systèmes d’équations différentielles, pour certaines valeurs des paramètres, une pluralité d’états stationnaires possibles, parfaitement déterminés, mais entre lesquels tout système non linéaire réel va « choisir » d’une manière qui n’est pas nécessairement prédictible. À quoi s’ajoute que la grande sensibilité de nombre de ces systèmes aux conditions initiales introduit en tout état de cause pour l’observateur scientifique une impossibilité de prédire ce que sera leur évolution au bout d’un certain temps. C’est à quoi renvoient particulièrement les théorisations du chaos.
Examinons maintenant ces propriétés du non-linéaire sous le rapport qui nous intéresse ici : celui de la teneur logico-philosophique des propositions générales qui en explicitent la portée.
1.1. Tout et partie
De la non-additivité et la non-proportionnalité, caractéristiques de processus à effet de seuil et phénomènes d’émergence5 dans les domaines les plus divers, peuvent s’inférer à propos des rapports entre tout et partie des énoncés d’allure paradoxale bien connue, notamment celui-ci : par définition identifiable à la somme de ses parties, le tout, dans la perspective du non-linéaire, s’avère pourtant irréductible à la somme de ses parties : il est plus qu’elle, ou du moins différent d’elle.
Forts de la conviction si souvent validée dans l’histoire de la pensée selon laquelle, soumis à une analyse logique exigeante, tout paradoxe se révèle n’être qu’un paralogisme6, nous pouvons cependant récuser cet énoncé pour vice de forme en nous appuyant sur la théorie des types par laquelle, au début du XXe siècle, Russell a dissipé les paradoxes mettant en jeu une hiérarchie de classes logiques. Par exemple le paradoxe du barbier : les hommes d’une compagnie étant répartis par le capitaine en deux groupes, ceux qui se rasent eux-mêmes et ceux qui se font raser par le barbier, dans quel groupe doit-on classer le barbier ? Question dont les deux réponses possibles s’autoréfutent. Le paralogisme consiste simplement en ceci que « le barbier » désigne confusionnellement tantôt un homme de la compagnie à classer dans l’un des deux groupes, tantôt au contraire le critère même du classement entre ces groupes. De manière analogue, on pourra dire que l’équivoque de l’énoncé : le tout est plus que la somme de ses parties, tient au fait que le mot « somme » signifie implicitement tantôt, à un niveau inférieur de généralité, l’unification d’une pluralité d’éléments par voie d’addition de ces éléments (sens 1), tantôt, à un niveau de généralité supérieur, tout mode d’unification, additif ou non additif, d’une pluralité d’éléments (sens 2). Cette distinction des niveaux dans la hiérarchie des classes fait ici aussi s’évanouir le paradoxe. Le tout n’est rien d’autre ni de plus que la somme (au sens 2) de ses parties, mais cela n’empêche aucunement qu’il puisse être autre et plus que leur somme (au sens 1). En d’autres termes : une connexion est bien autre chose qu’une collection, une synthèse qu’un mélange, un système qu’un agrégat – une totalité organisée qu’un vague « tout ». Une totalité organisée est sans paradoxe plus que la simple addition inorganisée de ses éléments. Ce dernier énoncé en recouvre silencieusement un autre, essentiel, qu’il nous faudra expliciter.
Cependant, une fois critiqué ce que la formulation examinée a de spécieux, nous devons constater qu’elle indique l’emplacement d’une antinomie7 qui, elle, ne se laisse pas réduire par une analyse de logique classique, et qu’on peut énoncer ainsi : le tout ne se compose de rien d’autre que de ses parties, et pourtant il présente en tant que tout des propriétés n’appartenant à aucune de ses parties en tant que parties. Autrement dit, dans le passage non additif, non-linéaire des parties au tout, il y a apparition de propriétés qui ne sont d’aucune manière précontenues dans les parties et ne peuvent donc s’expliquer par elles8. Exemple trivial, de forte portée métaphorique : dans les conditions ordinaires de température et de pression l’eau, synthèse de deux gaz compressibles, l’un combustible et l’autre comburant, est un liquide incompressible et ininflammable. Tout se passe donc comme si se produisait une génération spontanée de propriétés du tout alors même qu’on veut le penser comme n’étant rien d’autre que le tout de ses parties. C’est le paradoxe de l’émergence.
1.2. Cause et effet
De ces mêmes propriétés du non-linéaire sont souvent tirées d’autres propositions d’allure paradoxale à propos du rapport entre cause et effet, à commencer par celle-ci : bien qu’il s’explique par définition tout entier à partir de sa cause, l’effet, dans l’ordre du non-linéaire, peut pourtant ne lui être aucunement proportionnel. Dit autrement : les plus petites causes sont susceptibles d’avoir les plus grands effets. Comme simple vue philosophique sans prétention à la rigueur, cet énoncé provocant n’a rien de neuf. Pascal lui donnait déjà une expression restée fameuse dans le fragment 180 des Pensées : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé. » Ce qu’apporte de foncièrement nouveau la théorisation du non-linéaire, c’est que de ce philosophème sans provision elle nous fait passer à un énoncé scientifiquement fondé et même mathématiquement formalisable, comme on le sait depuis E.N. Lorenz.
Ce paradoxe est-il bien irréductible ? On peut le contester, semble-t-il, en faisant apparaître le profond malentendu auquel n’a cessé de donner lieu – jusque dans un spot publicitaire de compagnie pétrolière – le célèbre « effet papillon » par quoi, écrivant un article à l’intention du grand public, Lorenz illustrait ce que signifie la sensibilité aux conditions initiales sous-jacente à tous les phénomènes chaotiques : un simple battement d’ailes de papillon en un lieu donné de la Terre peut suffire à causer, au bout de quelques semaines, une tornade dévastatrice en une autre région du globe9. O...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Avant-propos
  5. Systèmes dynamiques non linéaires, une approche de la complexité et de l’émergence
  6. De quelle culture logico-philosophique la pensée du non-linéaire a-t-elle besoin ?
  7. Six contributions, pour ne pas conclure
  8. Les participants du groupe de travail