Joyeuse cohue sur un quai de gare : des voyageurs coiffĂ©s de canotiers se pressent, valises Ă la main. Tant bien que mal, parents et enfants tentent dâattraper un train en partance vers la plage, guidĂ©s par les indications inaudibles crachotĂ©es par un haut-parleur. Bienvenue dans Les Vacances de Monsieur Hulot. Jâaime beaucoup cette entrĂ©e en matiĂšre, pleine de lâhumour propre Ă Jacques Tati. Le film incarne Ă merveille la dynamique de lâaprĂšs-guerre. La France, gonflĂ©e dâespoir, Ă©tait alors tirĂ©e par la locomotive du progrĂšs. Comment oublier que ces Trente Glorieuses furent prĂ©cisĂ©ment lâĂąge dâor des classes moyennes ? En Allemagne, aux Ătats-Unis, en France, dans tous les pays occidentaux, ce sont elles qui, par leur travail, ont portĂ© cette extraordinaire dynamique de croissance. Câest un fait que nous devrions toujours garder Ă lâesprit : les phases de prospĂ©ritĂ© de notre pays correspondent Ă des pĂ©riodes oĂč les classes moyennes ont Ă©tĂ© placĂ©es au cĆur de la sociĂ©tĂ©. Sans les classes moyennes, pas de rĂ©ussite durable.
AprĂšs guerre, le progrĂšs semblait irrĂ©versible, et les vacances apparaissaient comme un acquis social dĂ©finitif pour les classes moyennes. Quâen est-il aujourdâhui de cette belle mythologie des sĂ©jours Ă la mer immortalisĂ©e par Jacques Tati ? La question nâa rien de futile. Car les classes moyennes ce sont ceux qui, une fois payĂ©es toutes les factures, ont thĂ©oriquement une petite marge, encore un peu dâargent pour des extras. Rien de luxueux, juste quelques petits « plus » : aller au cinĂ©ma, acheter un livre ou un objet pour la maison, se faire un resto ou une sortie avec des amis, sâĂ©vader une ou deux semaines par an⊠Un Ă©quilibre qui est mis Ă mal par la faible progression de leur pouvoir dâachat. On pourrait balayer le phĂ©nomĂšne dâun revers de main. AprĂšs tout, ces classes moyennes, de quoi se plaignent-elles ? Dâautres rencontrent des problĂšmes bien plus fondamentaux.
Certes, mais cette inquiĂ©tude est loin dâĂȘtre anecdotique. Les classes moyennes ont des difficultĂ©s Ă boucler leur budget en fin de mois, elles ont le sentiment de vivre moins bien que la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente et se demandent de quoi demain sera fait, surtout pour leurs enfants.
Elles sont la pierre angulaire de notre pays et leur crainte du dĂ©classement dĂ©stabilise lâĂ©quilibre de la sociĂ©tĂ©. Car pouvoir sâoffrir un petit luxe de temps Ă autre, Ă©pargner un peu chaque mois sont des ressorts de confiance essentiels : cela permet de vivre sans avoir le couteau sous la gorge et dâaborder lâavenir avec sĂ©rĂ©nitĂ©. Or ce qui apparaissait comme certain et stable devient aujourdâhui incertain et prĂ©caire. Pourquoi ?
Combien de fois les bons esprits statistiques mâont-ils expliquĂ© que tout cela Ă©tait illusoire, que ce nâĂ©tait quâun sentiment de dĂ©classement, quâen rĂ©alitĂ© les classes moyennes continuaient Ă prospĂ©rer. Joli et sympathique discours, mais si Ă©loignĂ© de la rĂ©alitĂ© que je cĂŽtoie au quotidien. Je voudrais mây arrĂȘter un instant, avant de revenir ensuite sur les principaux ressorts des difficultĂ©s auxquelles se heurtent nos classes moyennes : logement, travail, fiscalitĂ©, Ă©tudes des enfants⊠ArrĂȘt sur images.
Le paradoxe du pouvoir dâachat
Nous sommes face Ă un paradoxe. Le pouvoir dâachat des Français, ce qui reste aprĂšs les prĂ©lĂšvements sociaux et fiscaux, a doublĂ© en lâespace de quarante ans. Mieux encore : si lâon regarde les derniĂšres annĂ©es, et plus particuliĂšrement les mois de crise, ce pouvoir dâachat a continuĂ© Ă progresser autour de 1 % par an. Cette performance mĂ©rite dâĂȘtre soulignĂ©e parce que la France sâen sort incontestablement mieux par rapport Ă des pays comme lâEspagne, lâItalie et mĂȘme lâAllemagne.
Circulez, il nây a rien Ă voir ? Pas si simple.
Les premiers intĂ©ressĂ©s ne voient pas cela du mĂȘme Ćil. Chaque fois quâils sont interrogĂ©s sur leur situation, ils expliquent avoir le sentiment que leur pouvoir dâachat se rĂ©duit. Difficile de ne pas entendre cette crainte. Une enquĂȘte trĂšs dĂ©taillĂ©e, rĂ©alisĂ©e en 2010 en Auvergne auprĂšs de 10 000 foyers, donne un coup de projecteur particuliĂšrement Ă©clairant1. Ces 10 000 familles, de tous milieux, pas seulement des classes moyennes, ont Ă©tĂ© questionnĂ©es sur la maniĂšre dont elles percevaient lâĂ©volution de leurs dĂ©penses.
Les rĂ©sultats pour le dĂ©partement de Haute-Loire ont confirmĂ© ce que jâentends rĂ©guliĂšrement. Une large majoritĂ© des familles interrogĂ©es (92 %) ressent une hausse des prix au cours des derniers mois. Mais surtout, 62 % estiment que leurs ressources seraient insuffisantes si la hausse des prix devait se maintenir. 60 % considĂšrent nâavoir plus vraiment de marge de manĆuvre dans leur budget. 84 % disent avoir rĂ©duit leurs dĂ©penses de loisirs, dâhabillement et dâĂ©pargne, 48 % leur budget transports et alimentation. Et 30 % iraient jusquâĂ diminuer les dĂ©penses destinĂ©es aux enfants, comme lâhabillement ou les sorties, lâarbitrage de loin le plus douloureux.
En fait, la hausse des prix est venue grignoter les marges de manĆuvre dont disposent les mĂ©nages pour boucler leur budget. DĂ©jĂ , en 2008 (les derniers chiffres disponibles), parmi les personnes dont le budget est environ de 1 500 euros nets mensuels aprĂšs impĂŽts, câest-Ă -dire le budget mĂ©dian des Français, prĂšs dâune sur deux nâĂ©tait pas partie en vacances dans lâannĂ©e, un tiers nâĂ©tait pas allĂ© au cinĂ©ma, la moitiĂ© nâavait pas Internet Ă la maison et 40 % ne possĂ©daient pas de livret dâĂ©pargne2.
Que se passe-t-il ? Dâabord, les hausses de coĂ»ts sont concentrĂ©es sur les produits les plus frĂ©quemment consommĂ©s, et plus particuliĂšrement sur lâalimentation, lâessence, le gaz et lâĂ©lectricitĂ©. Câest surtout vrai pour les familles qui doivent se dĂ©placer pour aller travailler : elles sont les premiĂšres Ă ressentir durement les moindres hausses du coĂ»t de lâessence. Cette augmentation des prix est souvent plus forte que celle des salaires. Je pense Ă un Ă©change que jâai eu rĂ©cemment avec des salariĂ©es dâune entreprise du textile, chez moi, Ă Yssingeaux. Je mâĂ©tais battu pour cette entreprise et jâavais rĂ©ussi Ă la sauver de la fermeture. Alors quâelle Ă©tait encore fragile, les salariĂ©es avaient dĂ©cidĂ© de faire grĂšve pour obtenir une petite augmentation de salaire. Je les avais reçues pour comprendre ce qui se passait, car je craignais pour lâavenir de cette sociĂ©tĂ©. Lâune dâelles mâavait rĂ©pondu : « On comprend bien ce que vous dites, mais vous savez, câest de plus en plus dur de boucler le budget chaque mois. Cela fait des annĂ©es quâon nâa pas Ă©tĂ© augmentĂ©es, on nâarrive plus Ă tenir. » Comment ne pas comprendre leurs arguments ?
Depuis une vingtaine dâannĂ©es, les classes moyennes sont les grandes oubliĂ©es de la croissance française. Tous les ans, notre pays crĂ©e de la richesse. La seule vĂ©ritable question est : Ă qui profite cette richesse ? Vers qui vont les revenus ainsi crĂ©Ă©s ? Mais ce sujet est interdit, un scandale soigneusement camouflĂ© que bien peu dĂ©noncent. La rĂ©alitĂ©, câest que les classes moyennes, celles qui font tourner la machine Ă©conomique et assurent la cohĂ©sion de la sociĂ©tĂ©, sont aussi celles qui sont les plus mises de cĂŽtĂ©. Vous trouverez sans mal des personnes pour sâindigner de la poussĂ©e de la pauvretĂ©, mais bien peu pour porter lâĂ©tendard des classes moyennes qui souffrent en silence, sans faire de bruit. Cela mâa frappĂ© lorsque jâai lancĂ© le dĂ©bat sur le RSA. Les esprits bien-pensants y sont allĂ©s de leurs exemples sur les difficultĂ©s de telle personne au RSA depuis des annĂ©es. Mais qui a pensĂ© Ă tendre le micro Ă un ouvrier qualifiĂ© ou Ă un employĂ© de bureau, pour savoir comment lui sâen sortait, et si lui considĂ©rait que son travail payait ? La rĂ©alitĂ©, câest que son travail paie peu et de moins en moins.
Depuis vingt ans, la crĂ©ation de richesses en France a profitĂ© Ă deux catĂ©gories sociales. Dâabord aux plus riches, qui ont su surfer sur la mondialisation dans un climat de course aux talents et se positionner aux premiĂšres places du banquet mondial. Les 0,01 % les plus aisĂ©s ont augmentĂ© de 40 % leurs revenus dĂ©clarĂ©s sur quatre ans, notamment dans le monde de la finance. Jâai du mal Ă comprendre ce qui peut justifier quâen pleine crise, un patron de banque augmente son salaire de plus de 30 % dâune annĂ©e sur lâautre. Je ne suis pas non plus convaincu par les arguments consistant Ă dire que, de toute façon, nos patrons sont moins bien payĂ©s que leurs voisins outre-Manche. Avec de tels arguments dâĂ©chelle de perroquet, la course Ă la hausse est sans fin. Un peu de retenue, que diable ! Surtout quand, Ă lâarrivĂ©e, les rĂ©sultats de lâentreprise ne sont pas Ă la hauteur.
Ă lâautre bout de lâĂ©chelle sociale, de grands efforts ont Ă©tĂ© faits. On le relĂšve trop peu. Les 10 % des plus pauvres ont aussi bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune part croissante de la richesse nationale depuis vingt ans. Les trĂšs nombreux mĂ©canismes dâassistance ont transfĂ©rĂ© des sommes croissantes en direction des plus pauvres.
Et les autres ? Ceux qui sont entre les deux ? Les fameuses classes moyennes. Eh bien elles sont la seule catĂ©gorie sociale, je pĂšse mes mots, la seule catĂ©gorie sociale, Ă ne pas avoir vu augmenter leur part dans la richesse nationale. Pire que cela : elles lâont vue baisser de 1,4 %3. Sur 100 euros de revenu de rĂ©fĂ©rence, les classes les plus modestes disposent in fine de 10 euros de plus en 2008 quâen 1995, les catĂ©gories aisĂ©es de 6 euros de plus. Et les classes moyennes ? Pour elles, le gain nâest que de 2,5 Ă 3 euros4.
RattrapĂ©es par le bas, distancĂ©es par le haut, les classes moyennes sont les seules Ă faire les frais depuis vingt ans des Ă©volutions de la sociĂ©tĂ© française. Ce qui me choque le plus, câest que ce scandale se dĂ©roule Ă bas bruit, sans que cela semble troubler qui que ce soit.
Que reste-t-il quand il ne reste plus grand-chose ?
Les classes moyennes nâont jamais Ă©tĂ©, et ne seront jamais, un groupe homogĂšne. Mais sâil y a bien un point commun qui les rassemble, câest le fait de gagner un peu plus que le strict nĂ©cessaire. Or la crise Ă©conomique et financiĂšre, conjuguĂ©e Ă une hausse des prix plus rapide que celle des salaires, a modifiĂ© la donne.
Les salaires Ă la peine
Claire et JĂ©rĂŽme, 35 et 38 ans, gagnent chacun environ 1 650 euros nets par mois. Rappelons-le, cela correspond au salaire mĂ©dian : la moitiĂ© des Français gagne plus et la moitiĂ© gagne moins. Leurs deux enfants vont Ă lâĂ©cole primaire. Lui est technicien informatique dans une PME, elle Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e au sein dâune association de rĂ©insertion. Je les ai rencontrĂ©s Ă lâoccasion dâune visite dans lâentreprise de JĂ©rĂŽme. Depuis, nous sommes restĂ©s en contact.
Avant, ils habitaient Saint-Ătienne, mais ils ont choisi de construire leur maison en Haute-Loire, Ă Monistrol-sur-Loire, sur un terrain appartenant Ă leurs parents. Chaque mois, ils remboursent environ 1 000 euros pour leur emprunt immobilier. Jusque-lĂ , ils arrivaient Ă mettre de cĂŽtĂ© une petite centaine dâeuros. Cela leur permettait de partir en vacances et de constituer une Ă©pargne de prĂ©vision pour leurs enfants.
La derniĂšre fois que je les ai vus, leur inquiĂ©tude Ă©tait palpable. Pour eux, les choses Ă©taient devenues clairement plus difficiles. Nous avons Ă©changĂ© sur leur budget. Ils mâont dit Ă quel point les prix avaient augmentĂ©. De façon un peu automatique, je leur ai rĂ©pondu que lâinflation Ă©tait pourtant trĂšs basse. Ils ont souri : « Tu sais, ça baisse peut-ĂȘtre pour les Ă©crans plats ou les ordinateurs, mais ce nâest pas ce qui remplit le caddie. » Ce qui pĂ©nalise Claire et JĂ©rĂŽme, câest lâĂ©volution des prix alimentaires, le coĂ»t de lâessence, les surprimes en assurance, les impĂŽts locaux qui nâont cessĂ© de grimper ou encore les frais de transport en commun ou de cantine. Et lĂ , lâinflation modĂ©rĂ©e, on ne la voit pas trop.
Au supermarchĂ©, Ă chaque passage en caisse, Claire et JĂ©rĂŽme constatent avec effarement que leurs courses leur coĂ»tent plus cher quâavant. Quand ils se sont installĂ©s ensemble, en 1998, ils arrivaient Ă bien se nourrir pour 250 francs par semaine. Aujourdâhui, ils dĂ©pensent rarement moins de 80 euros, soit un peu plus de 500 francs. Et pourtant ils font attention et ne prennent quasiment que des marques dâenseigne.
Jâaime bien Ă©changer de temps en temps avec les responsables de magasin, parce quâils sont un trĂšs bon baromĂštre. Tous, ils sont formels. Les familles ont changĂ© leur mode de consommation, avec une attention aux prix plus forte que jamais : on change de marque, on arrĂȘte les produits les plus chers comme les plats cuisinĂ©s, on privilĂ©gie le hard discount. De nouvelles formes de consommation Ă©mergent, comme ces stands de picking oĂč, au lieu dâacheter un paquet, vous prenez exactement la quantitĂ© de produits dont vous avez besoin : les 150 grammes de cĂ©rĂ©ales pour la semaine au lieu du paquet de 750 grammes.
Pour continuer Ă bien vivre sans trop se priver, les familles sont devenues expertes en systĂšme D. Elles sont obligĂ©es de ruser : faire du covoiturage ; revendre et acheter dâoccasion sur Internet les vĂȘtements et les jouets des enfants ; faire les brocantes â jamais les vide-greniers nâont eu autant de succĂšs ! ; attendre les soldes pour acheter les vĂȘtements dont on a besoin ; emprunter livres, CD et DVD Ă la bibliothĂšque ; payer dans les grandes surfaces avec des tickets restaurants, subventionnĂ©s pour moitiĂ© par lâentreprise ; utiliser les chĂšques vacances pour rĂ©gler les pĂ©ages ; se faire rĂ©munĂ©rer les jours accumulĂ©s sur le compte Ă©pargne-temps au lieu de prendre des congĂ©s ; mettre sa maison en location pendant les vacances et partir en camping. Certes, dans plusieurs cas, il sâagit de modes de consommation plus Ă©cologiques et plus responsables. Câest une vraie avancĂ©e pour lâenvironnement. Sauf que quand il ne sâagit pas dâun choix raisonnĂ©, mais dâune contrainte subie, ces actions sont un symptĂŽme frappant de lâappauvrissement des classes moyennes.
Dans ce budget, le transport pĂšse particuliĂšrement lourd. Claire et JĂ©rĂŽme vivent loin du bourg. Ils sont obligĂ©s dâavoir deux voitures. Emmener les enfants Ă lâĂ©cole ou au club de sport, aller chez le mĂ©decin, se dĂ©placer pour les formalitĂ©s administratives : pour eux, la hausse du prix de lâessence est une trĂšs mauvaise nouvelle. 10 euros de plus sur un plein de sans-plomb, cela pĂšse rapidement sur le budget. Et autant vous dire que, chez moi, les gentils discours politiques incitant Ă prendre les transports en commun laissent les gens de marbre. En Haute-Loire, le TER nâest pas franchement une option. Et les hausses du coĂ»t de lâessence viennent pĂ©naliser ceux qui nâont pas dâautre choix que de prendre leur voiture pour aller travailler. RĂ©sultat : on perd rapidement en frais de dĂ©placement ce que lâon gagne par son travail.
Enfin, il y a le prix de lâĂ©nergie. Profitant du dispositif dâĂ©co-prĂȘt Ă taux zĂ©ro, Claire et JĂ©rĂŽme ont amĂ©liorĂ© lâisolation de leur maison. MalgrĂ© tout, la facture reste importante. Ils ont accueilli avec soulagement lâannonce faite par François Fillon de geler cette annĂ©e le tarif du gaz et de contenir la hausse de lâĂ©lectricitĂ©.
Lâeuro nâa pas le profil du bouc Ă©missaire
Je voudrais mâarrĂȘter un court instant sur lâeuro. Oui, en 2002, au moment de son introduction, lâeuro sâest sĂ»rement accompagnĂ© de hausses de prix rĂ©alisĂ©es en profitant de la confusion des esprits. Oui, lâeuro nâempĂȘche pas les prix dâaugmenter. Pour autant, est-il responsable de tous les maux ? Le remĂšde miracle serait-il de remiser la monnaie commune au placard, comme le propose Mme Le Pen ?
LâEuropĂ©en convaincu que je suis ne peut pas laisser raconter nâimporte quoi en prospĂ©rant sur lâinquiĂ©tude des classes moyennes. Dâabord, lâeuro est-il responsable des hausses de prix ? De lâautre cĂŽtĂ© de la Manche, pas dâeuro : les prix ont augmentĂ© de 4 % par an, soit deux fois plus quâen France. Chez nous, depuis lâintroduction de lâeuro, le prix de la baguette de pain a doublĂ© en dix ans, câest vrai. Mais avec le franc, entre 1980 et 1990, il avait triplĂ© !
Et, surtout, sortir de lâeuro pour revenir au franc reviendrait Ă faire payer une facture encore plus lourde aux classes moyennes. Lâeuro est une monnaie considĂ©rĂ©e comme forte, mĂȘme dans les turbulences actuelles â câest dâailleurs tout le paradoxe. La prĂ©sence de lâAllemagne et sa trĂšs grande attention Ă la stabilitĂ© de la monnaie jouent incontestablement un rĂŽle positif. Revenir au franc et nous lancer seuls sur les grandes eaux de la spĂ©culation monĂ©taire est bien hasardeux, encore plus avec les avis de tempĂȘte actuels. Revenir au franc pourrait nous coĂ»ter 20 % ou plus de valeur par rapport au niveau actuel de lâeuro. Pour faire simple, le franc serait moins crĂ©dible que lâeuro. Mais 20 % en moins, ce nâest pas juste un chiffre de technocrate. Cela a un impact trĂšs clair sur la vie quotidienne des classes moyennes. Vous avez un peu dâargent sur un compte Ă©pargne : quand Mme L...