Des microbes ou des hommes
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Des microbes ou des hommes

Qui va l'emporter ?

  1. 352 pages
  2. French
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Des microbes ou des hommes

Qui va l'emporter ?

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À propos de ce livre

Psychose collective ou risque réel?À la fin des années 1970, les microbes semblaient vaincus. De la rage à la tuberculose, aucun n'avait résisté. La variole, la plus meurtrière, était même éradiquée. Et puis, en une vingtaine d'années, tout a basculé. Ebola, sida, vache folle, sras, grippe aviaire, les microbes ressurgissent et semblent se jouer des hommes. Ce livre décrit une réalité scientifique qui dépasse la science-fiction: il montre comment les microbes ont appris à résister aux antibiotiques, quelles parades, toutes plus ingénieuses, ils ont su opposer aux moyens thérapeutiques. Et il explique à quelles conditions les hommes pourront l'emporter. Pourvu qu'ils ne prêtent pas main-forte aux microbes en les disséminant dans des attaques terroristes!Maxime Schwartz, biologiste moléculaire, a été directeur général de l'Institut Pasteur. Il est l'auteur de Comment les vaches sont devenues folles. François Rodhain, entomologiste, est professeur honoraire à l'Institut Pasteur.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2008
ISBN
9782738193353
Troisième partie
Les illusions perdues
Chapitre 11
Le retour du microbe
Au début des années 1970, une certaine inquiétude commençait à poindre. Dans les hôpitaux, on rencontrait de plus en plus souvent des bactéries devenues résistantes aux antibiotiques. On prenait conscience que des maladies presque disparues chez nous, par exemple la tuberculose, restaient présentes dans le tiers-monde. On commençait à envisager un retour possible d’une épidémie meurtrière de grippe, semblable à celle qui avait causé entre 20 et 50 millions de morts en 1918-1919…
Vint l’année 1976. Rétrospectivement, ce fut une année charnière. Alors que l’humanité était sur le point de remporter sa plus éblouissante victoire sur les maladies infectieuses, l’éradication de la variole, trois événements se produisirent qui devaient modérer l’optimisme ambiant.
L’année 1976
En juillet de cette année-là, quelques centaines de vétérans américains de la Seconde Guerre mondiale, membres de lAmerican Legion (encore appelés « légionnaires »), se réunissent en congrès à Philadelphie, en Pennsylvanie. Ils descendent dans quatre hôtels de la ville et, au cours de la deuxième nuit de cette réunion, deux des participants souffrent de fièvre, de douleurs musculaires et de troubles respiratoires, tous signes qui, survenant brusquement chez des personnes relativement âgées, n’attirent pas l’attention sur le moment. Cependant, dans la semaine qui suit, le département de la Santé de l’État de Pennsylvanie est submergé de cas de pneumonie aiguë, parfois suivis de décès, chez des personnes ayant séjourné dans les hôtels en question, pour la plupart des vétérans participant au congrès. Au total, 182 cas sont déclarés, dont 29 mortels. La cause de cette épidémie n’est élucidée que six mois plus tard, à l’issue d’une véritable enquête policière menée par les épidémiologistes des CDC (Centers for Disease Control). Le coupable est une bactérie jusqu’alors inconnue qui fut dénommée Legionella car découverte grâce à – si l’on peut dire – ces légionnaires. Ce germe, habituellement inoffensif et présent dans les cours d’eau, s’était installé à l’insu de tous dans l’eau résiduelle des tours de conditionnement d’air de l’un des hôtels de Philadelphie. Très difficile à cultiver, ce qui explique le temps qu’il fallut pour l’identifier, la bactérie se développe par contre très bien dans le poumon, pour peu que la faculté lui soit donnée d’y pénétrer ; c’est justement ce qui s’était produit lorsque ces bactéries avaient été diffusées dans l’atmosphère en même temps que l’air conditionné. La maladie qu’elle cause, appelée « maladie des légionnaires » ou « légionellose », reconnue pour la première fois lors de l’épidémie de Philadelphie, s’est par la suite manifestée régulièrement dans de nombreux pays, en général véhiculée par des systèmes de conditionnement d’air ou des installations de douches. Durant l’année 2005, en France, l’Institut de veille sanitaire n’a pas enregistré moins de 1 500 cas.
Non loin de la Pennsylvanie, c’est dans le Connecticut que, la même année, un deuxième événement se produit. En l’espace de quelques mois, 51 habitants du petit village de Lyme sont atteints d’une étrange maladie ressemblant à l’arthrite rhumatoïde. Cette série de cas donne lieu à une étude épidémiologique approfondie de la part d’un rhumatologue, Allen C. Steere. Une fois individualisée, cette maladie, dès lors appelée « maladie de Lyme », est ensuite retrouvée dans plusieurs États, la région la plus touchée restant cependant la Nouvelle-Angleterre. Aux signes articulaires de cette maladie étaient généralement associés d’autres symptômes, notamment cutanés et neurologiques, dont on se rendit compte qu’ils avaient été décrits depuis longtemps, de manière indépendante, en Europe. Ce n’est qu’en 1981 qu’un épidémiologiste, Willy Burgdorfer, identifia le germe responsable : une bactérie spiralée, dénommée par la suite, en son honneur, Borrelia burgdorferi, et en montra la transmission par des tiques. Ce sont, en effet, ces arthropodes qui assurent la circulation de la bactérie parmi des cervidés, en particulier des daims, et des petits rongeurs, au sein d’un écosystème forestier qui s’est peu à peu reconstitué en Nouvelle-Angleterre après que les cultivateurs l’eurent désertée pour les plaines fertiles du Middle West. Le désir d’un « retour à la nature » ayant, par ailleurs, poussé certains habitants à construire leurs maisons aussi près que possible des forêts, les conditions étaient ainsi créées pour que les tiques transmettent les Borrelia du daim à l’homme, ce dernier entrant ainsi par mégarde dans un cycle épidémiologique qui, normalement, ne devait pas le concerner, et provoquer de ce fait l’émergence de la maladie de Lyme. Depuis lors, on a constaté que cette maladie était présente dans de nombreux pays. Le nombre moyen annuel de cas est de l’ordre de 15 000 pour l’ensemble des États-Unis, mais il est aussi d’au moins 50 000 en Europe (5 000 à 10 000 en France). Ainsi, en Amérique du Nord comme en Europe, cette borréliose est aujourd’hui la plus répandue des maladies à vecteurs et, pourtant, elle n’est guère reconnue que depuis quelque vingt-cinq ans !
Le troisième fait marquant de l’année 1976 se produit bien loin des États-Unis, à Yambuku, un petit village situé dans le nord de ce qui était alors le Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo). Dans les premiers jours de septembre, un homme d’une quarantaine d’années se présente au petit hôpital de la mission tenu dans ce village par des sœurs belges. Il souffre de douleurs généralisées, de fièvre, de vomissements et de diarrhée, puis d’hémorragies multiples et finalement décède trois jours après son hospitalisation, sans qu’un diagnostic précis ait pu être établi. Malheureusement, ce patient avait introduit le mal dans l’hôpital. Quelques jours plus tard, en effet, deux des sœurs infirmières qui l’avaient soigné présentent les mêmes symptômes ; l’une décède rapidement, l’autre est évacuée sur Kinshasa. La maladie se répand au sein de l’hôpital, parmi le personnel soignant, les autres patients, ainsi que dans l’entourage de ces derniers, soit au sein de la mission, soit dans le village de Yambuku et aux alentours ; la plupart devaient décéder. Beaucoup de patients de l’hôpital s’enfuient, disséminant ainsi la maladie dans les villages environnants. Pour l’épidémiologiste, c’est la pire des situations. L’alerte ayant été donnée entre-temps, une mission internationale est dépêchée par l’Organisation mondiale de la santé. Il s’agit de juguler l’épidémie le plus rapidement possible, d’en comprendre la nature et l’origine, d’identifier le microbe responsable. Très vite, on isole, en effet, un très curieux virus auquel on donne le nom d’une rivière coulant près de Yambuku : Ebola. Les conditions de transmission sont élucidées ; elles nécessitent un contact étroit avec le malade, avant ou après son décès. Les injections pratiquées à l’aide de matériel mal stérilisé, les soins donnés aux malades, les rites funéraires, avaient fourni autant d’occasions de contamination. L’hôpital de Yambuku fut contraint de fermer ses portes, 11 des 17 soignants ayant succombé à la maladie. Dans la population, on dénombra, en trois mois, 280 décès sur 318 cas, soit un taux de mortalité effrayant de près de 89 % ! L’origine du virus restait toutefois mystérieuse. Très curieusement, une autre épidémie comparable éclata au même moment dans le sud du Soudan, entraînant quelque 150 décès ; elle était due à un virus proche mais néanmoins différent. Par la suite, le virus Ebola a frappé à une quinzaine de reprises dans différentes régions d’Afrique centrale (Congo, Gabon, Ouganda, Soudan…). Au total, quelque 1 860 personnes (et plusieurs milliers de gorilles) sont mortes de la fièvre hémorragique à virus Ebola en Afrique centrale.
D’où provenait ce virus totalement inconnu avant 1976 ? Très vite, l’hypothèse fut émise de l’existence d’un réservoir naturel constitué par un animal, ou peut-être un insecte, voire une plante, auquel il ne causerait aucun dommage. Certains singes, chez lesquels le virus est souvent observé, furent un temps soupçonnés, mais le fait qu’ils meurent généralement de leur infection montre qu’ils ne peuvent être que des hôtes relais entre le véritable réservoir – qui, lui, doit survivre à l’infection et donc permettre au virus de se maintenir – et l’homme. Des recherches récentes (2005) indiquent que le réservoir pourrait être représenté par des chauves-souris. Lorsque, à la suite d’un contact avec un animal porteur du virus, un homme contracte la maladie, il peut, s’il est soigné dans l’un de ces petits hôpitaux de brousse tels que celui de Yambuku, être à l’origine de la contamination du personnel soignant ou d’autres patients, en raison de l’insuffisance des conditions d’hygiène régnant dans ces établissements, et devenir source d’une épidémie.
Ainsi, cette année 1976, nous avons assisté à l’apparition brusque, inattendue, de 3 maladies « nouvelles », que l’on qualifierait aujourd’hui d’« émergentes » et qui, par coïncidence, se sont manifestées, à ce moment-là, dans trois contextes à tous égards bien différents. Dans les 3 cas, les microbes responsables n’étaient pas nouveaux. Ils préexistaient, chacun ayant son écologie particulière : les cours d’eau pour la Legionella, les populations de daims et leurs tiques pour la Borrelia, des chauves-souris pour le virus Ebola. Si ces germes se sont mis soudain à provoquer des épidémies, ce fut, dans les 3 cas, du fait des changements survenus dans les modes de vie de l’homme : c’est le développement du conditionnement de l’air qui a fait de Legionella un agent pathogène, c’est l’évolution de l’habitat en Nouvelle-Angleterre qui a causé l’apparition de la maladie de Lyme dans cette région, et c’est l’insuffisance des équipements des dispensaires et hôpitaux installés dans la brousse africaine qui a favorisé l’épidémie zaïroise d’Ebola.
Dans les années 1970, outre ces 3 maladies, sont apparus le virus Marburg et le virus Hantaan. La décennie des années 1980 a vu émerger les virus HTLV et surtout celui du sida. Les années 1990, quant à elles, ont été marquées par la crise de la « vache folle », le virus Sin Nombre des Indiens Navajos, le virus Nipah en Malaisie, etc. Et déjà, ce début de troisième millénaire nous apporte une épidémie potentiellement redoutable, celle du SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère), qui fut heureusement maîtrisée, la menace de la « grippe aviaire » à virus H5N1, puis l’épidémie due au virus Chikungunya dans les îles de l’océan Indien.
En réalité, c’est bien l’émergence du sida au début des années 1980 qui a véritablement fait prendre conscience au monde entier que de nouvelles maladies infectieuses pouvaient encore apparaître, des maladies émergentes mortelles devant lesquelles notre science, notre technologie et notre médecine peuvent se révéler impuissantes.
Le sida
On se rappelle comment le sida (syndrome d’immunodéficience acquise) a d’abord été détecté chez des homosexuels américains en 1982, puis comment les agents en cause, VIH1 et VIH2, ont été isolés à l’Institut Pasteur par l’équipe de Luc Montagnier en 1983 et 1985. On sait aussi comment l’épidémie a été partiellement contrôlée dans les pays industrialisés, par l’application de strictes mesures de prévention, et comment elle poursuit son effroyable développement dans les pays moins développés, au point que, aujourd’hui, cette maladie est parvenue au peu enviable statut de maladie infectieuse la plus meurtrière au monde. Actuellement, le nombre de décès dus au sida a été évalué à environ 3 millions par an, le nombre de personnes infectées, et vouées pour la plupart à une mort dans les prochaines années, étant d’environ 40 millions. En dehors des traitements antiviraux, qui ne font que stabiliser l’infection et ne sont réellement accessibles qu’aux pays industrialisés, et de mesures de protection individuelle dont la mise en œuvre rencontre de nombreuses difficultés dans les pays en développement, nous restons impuissants à juguler cette épidémie.
Rapportons seulement un fait qui en dit long sur l’émergence de cette nouvelle et gravissime pandémie.
En 1976, à Yambuku, les membres de la mission envoyée par l’OMS afin d’y rechercher ce qui devait être le virus Ebola avaient prélevé 659 échantillons de sérum. Ces échantillons avaient été conservés aux États-Unis, dans les congélateurs des CDC. En 1985, alors que la pandémie de sida avait entamé son expansion, les chercheurs des CDC eurent l’idée de ressortir les échantillons prélevés en 1976 à Yambuku pour y rechercher la présence éventuelle d’anticorps anti-VIH, susceptibles d’indiquer que certains habitants du village avaient déjà été infectés par le virus du sida. Sur les 659 sérums, 5 se révélèrent positifs. Cela indiquait que la maladie était déjà présente à Yambuku en 1976, soit cinq ans avant qu’elle ne soit détectée aux États-Unis. Résultat intéressant, mais pas surprenant car on était déjà convaincu que le sida avait pris naissance en Afrique.
Plus surprenante, en revanche, fut la suite de l’histoire. Les CDC envoyèrent en effet une nouvelle équipe à Yambuku, tant pour retrouver la trace des séropositifs de 1976 que pour étudier l’évolution de l’épidémie de sida dans le village. Le résultat fut frappant : le taux de séropositivité, c’est-à-dire la proportion de personnes infectées par le virus, était resté le même, soit un peu moins de 1 %. Ainsi, le virus était présent depuis neuf ans dans ce village et n’y avait pas causé d’épidémie, alors que, dans la capitale Kinshasa, et dans la plupart des pays du monde, la proportion de personnes infectées s’accroissait à une vitesse vertigineuse.
Ce résultat suggère que le VIH pourrait avoir été présent depuis de longues années dans de petites communautés de l’Afrique centrale, mais n’infectait qu’un petit nombre de personnes, la diffusion du virus étant limitée du fait des traditions sociales en vigueur dans ces communautés. Malheureusement, en raison de l’exode rural, quelques personnes infectées ont pu quitter ces communautés pour rejoindre des mégapoles telles que Kinshasa, où sévissent la prostitution et la toxicomanie. Le virus eut alors tout loisir de se répandre dans la ville puis, grâce au développement des transports internationaux et du tourisme, dans le monde entier. Dans les pays développés, particulièrement aux États-Unis, le relâchement des mœurs a donné un nouveau coup d’accélérateur à la pandémie. On voit donc que, là encore, ce sont des changements dans les modes de vie des communautés humaines qui ont vraisemblablement provoqué l’émergence de cette maladie au niveau mondial, alors qu’elle n’existait auparavant qu’à bas bruit dans de petites communautés africaines.
Quant à l’origine du virus, tout porte à croire qu’il provient des singes, le virus VIH1 étant très semblable à un virus du chimpanzé et le virus VIH2 à un virus de singe mangabey. L’habitude qu’ont les populations d’Afrique centrale de consommer, et donc de dépecer les singes (c’est la fameuse « viande de brousse ») fournit de multiples occasions pour le passage du virus du singe à l’homme. Des études très détaillées des différentes souches de virus circulant actuellement dans les populations humaines et dans les populations de singes suggèrent que les souches humaines de VIH1 proviennent d’un ancêtre commun qui serait passé du singe à l’homme dans les années 1930. Il est vraisemblable que de multiples autres passages ont eu lieu, mais que les virus correspondants n’ont pas eu l’occasion de se répandre dans les populations humaines comme l’ont fait le VIH1 et, dans une moindre mesure, le VIH2.
Émergence : mot nouveau pour un concept ancien
La notion de maladies apparaissant à l’improviste, de manière imprévue, n’est pas nouvelle. De telles émergences (des disparitions aussi, probablement) ont toujours eu lieu. Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, de nombreux exemples ont été relatés, de la « Peste noire » qui ravagea l’Europe au XIVe siècle à l’introduction de la fièvre jaune africaine sur le continent américain entre le XVIe et le XIXe siècle ; des épidémies de typhus qui accompagnaient les armées en campagne à l’apparition de la syphilis en Europe au XVIe siècle ; de la brutale diffusion dans le monde entier de la grippe « espagnole » de 1918 à la première manifestation de la fièvre de la vallée du Rift au Kenya au début des années 1930 et à l’émergence du sida au début des années 1980. Ce dernier phénomène montre bien que nous pouvons nous trouver, du jour au lendemain, devant une crise sanitaire imprévue, aux répercussions sociales, économiques et politiques désastreuses pour la planète entière, entraînant, tout comme autrefois, des réactions émotionnelles volontiers irrationnelles.
En cas d’émergence d’une maladie infectieuse, ce qui impressionne le plus, c’est bien le caractère apparemment nouveau, mais c’est aussi le sentiment d’imprévisibilité, la rapidité de sa propagation, enfin la mortalité élevée dans une population qui n’en a encore jamais été victime et qui se trouve donc dépourvue d’immunité. La fiction des Martiens détruits par les microbes terrestres dans La Guerre des mondes illustre bien ces différents aspects. Il est dès lors légitime de s’interroger sur la nature des risques courus et sur les conditions de survenue de telles catastrophes. Inévitablement, les mêmes interrogations se font jour : pourquoi ici et pas ailleurs ? Pourquoi maintenant et pas plus tôt ou plus tard ? Pourquoi cette espèce (en particulier l’espèce humaine) et pas telle autre ?
Ce phénomène d’émergence amène donc à se poser plusieurs questions. Les premières, auxquelles nous allons tenter d’apporter des éléments de réponse dans le présent chapitre, pourraient s’énoncer comme suit. Qu’est-ce qu’une maladie émergente ? S’agit-il vraiment de maladies « nouvelles » ? Ces maladies émergentes sont-elles devenues plus fréquentes et plus graves ? Si oui, pourquoi ? Quels sont les mécanismes de l’émergence ? D’autres questions, que nous aborderons ultérieurement, consisteraient à se demander quel est le rôle joué par l’homme dans l’apparition des maladies émergentes, et si de nouvelles sont à craindre.
Qu’est-ce qu’une maladie émergente ?
On entend souvent dire : « Une maladie émergente, c’est une maladie nouvelle. » La question, en réalité, est un peu plus compliquée, le terme « émergence » recouvrant des situations très diverses.
On appelle souvent maladie « émergente » une maladie déjà connue, mais qui a soudainement envahi une nouvelle région jusque-là indemne. Ce fut le cas, par exemple, de la fièvre jaune lorsqu’elle arriva sur le continent américain, ou de la peste quand elle s’installa aux États-Unis en 1900, ou encore du choléra gagnant l’Afrique en 1970, ou même, plus récemment, lorsque le virus Chikungunya frappa La Réunion.
Il peut aussi s’agir de maladies infectieuses qui viennent d’être identifiées. Nous en avons donné quelques exemples dans les lignes qui pr...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Prologue
  6. Première partie - Le microbe débusqué
  7. Deuxième partie - Une guerre sur tous les fronts
  8. Troisième partie - Les illusions perdues
  9. Quatrième partie - Quelle cohabitation ?
  10. Glossaire des maladies citées
  11. Bibliographie
  12. Remerciements
  13. Du même auteur chez Odile Jacob