Un autre regard sur la schizophrénie
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Un autre regard sur la schizophrénie

  1. 400 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Un autre regard sur la schizophrénie

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À propos de ce livre

Que signifie un diagnostic de schizophrénie aujourd'hui? Quelles sont les grandes hypothèses de recherche qui s'efforcent d'en percer le mystère? Quels sont les obstacles qui se dressent devant les chercheurs? Comment les surmonter? Surtout, comment mieux soigner les patients que nous jugeons atteints de cette affection, compte tenu de ce que nous avons appris?1908-2008: la schizophrénie a cent ans. Le moment est venu de procéder à un bilan, en portant un regard critique sur une notion inventée à une époque où les connaissances médicales et scientifiques sur les troubles mentaux étaient fort éloignées de celles d'aujourd'hui. C'est à une telle entreprise que s'attelle ce livre. Alain Bottéro est psychiatre. Il a été chef de clinique à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, chercheur à l'Université Harvard, assistant à l'hôpital Saint-Antoine.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2008
ISBN
9782738194749
Quatrième partie
Traitements
Chapitre 11
Une décennie
de recommandations thérapeutiques
In necessariis unitas,
in dubiis libertas,
in omnibus caritas.
EPISCOPIUS187
Un déferlement de consensus
Les dix années qui viennent de s’écouler ont donné lieu à une avalanche de « guides de recommandations » (en anglais guidelines) et autres « conférences de consensus » concernant les modalités de traitement et de prise en charge des schizophrénies. Le phénomène a été particulièrement marqué aux États-Unis où l’on a vu paraître en trois ans à peine – de 1996 à 1999 – non moins de cinq guidelines de quelque importance188. Plusieurs évolutions paraissent avoir concouru à l’emballement de ce type de publications. Aux États-Unis, l’intervention croissante des compagnies d’assurances dans le débat médical aura probablement joué un rôle majeur. Le droit de regard économique exercé dans ce pays par les assureurs médicaux privés sur toute décision thérapeutique a rendu indispensable pour les psychiatres de définir des standards de soins, de clarifier dans les moindres détails leurs stratégies thérapeutiques un tant soit peu complexes ou contradictoires, afin de garantir (ou de limiter : c’est selon le point de vue auquel on se place) le remboursement des traitements devant être considérés comme indiscutables. Différents secteurs participent à cet assaut de publications : associations de psychiatres spécialistes, fournisseurs de soins privés (« HMO » : Health Maintenance Organizations), experts d’assurances, agences de santé gouvernementales, etc., ce d’autant qu’il est devenu clair que dans un système de santé conçu à l’instar d’un marché comme un autre, seuls les acteurs en mesure d’offrir des prestations thérapeutiques conformes au state of the art se voient avantagés dans la compétition féroce qui se livre désormais à l’égard des acheteurs de soins. Mais même dans un pays de sécurité sociale publique solidaire tel que le nôtre, qui n’a pas encore érigé la concurrence médicale en arbitre du jeu, les soins ont un prix, et l’augmentation sans précédent des dépenses de santé a fini par amener les organismes payeurs à exiger des psychiatres qu’ils se conforment eux aussi à des « règles de bonne pratique ». Quel que soit le système de remboursement en vigueur, les dépenses médicales atteignent de telles proportions qu’il est devenu partout impératif d’identifier les traitements à la fois les plus efficaces et les plus rentables. Pareilles contraintes d’accréditation poussent donc les psychiatres à définir leurs propres références de soins, ne serait-ce que pour pouvoir garder la main haute sur ce qu’ils estiment relever d’une compétence qu’on ne saurait leur contester.
La commercialisation de plus en plus poussée du champ de la santé n’explique toutefois que l’accélération récente d’un phénomène dont l’amorce est en fait plus ancienne. Smith et Docherty rappellent qu’en 1992 on dénombrait déjà plus de 1 300 guidelines publiés en médecine193. Pour une raison évidente : les guidelines représentent cette synthèse d’informations techniques indispensable au praticien qui souhaite tenir à jour ses règles de prescriptions, en dépit du flot continu d’informations qui le submerge, afin de continuer de soigner au mieux ses patients. Pour donner un simple ordre de grandeur, la National Library of Medicine américaine enregistre chaque mois, au bas mot, 35 000 nouveaux articles parus dans la presse médicale (ibid.). Comment s’y retrouver, à ce rythme ? L’envolée des connaissances est exponentielle, qui impose une actualisation continue de l’information médicale. C’est désormais le rôle dévolu aux guidelines : offrir sous un format maniable des révisions régulières des acquis médicaux les plus significatifs, afin de permettre aux praticiens d’ajuster leur savoir.
De plus en plus spécialisées, les connaissances médicales imposent des mises à jour permanentes, l’établissement de priorités, la comparaison des pratiques, etc., ce qui n’empêche d’ailleurs pas que subsistent, souvent insoupçonnés, de larges écarts d’usages et de savoir-faire entre écoles, régions ou pays. Pour prendre un exemple dans le domaine qui nous intéresse, sait-on seulement qu’un neuroleptique aussi employé dans le traitement des schizophrénies que la fluphénazine (Moditen®) reste prescrit en France à des posologies de l’ordre de 300 mg par jour, le dictionnaire Vidal encourageant à « pousser » jusqu’aux 800 mg en cas de non-réponse, alors que depuis plus de dix ans déjà le Physician’s Desk Reference, le « Vidal américain », recommande de ne pas dépasser les 15 mg/j avec un produit aussi toxique sur le plan neurologique ? On le voit sur ce simple exemple, se renseigner sur ce que font les autres paraît plus qu’indispensable à toute médecine responsable.
L’avalanche d’informations rend nécessaire de procéder à un tri : déterminer le degré de confiance qui peut être attribué à des études de qualité variable, fournir aux non-experts une estimation de la validité des travaux publiés et des connaissances produites, séparer le bon grain de l’ivraie. Cela pose un problème particulièrement difficile à résoudre, auquel s’efforcent de répondre – tant bien que mal – les auteurs des différentes recommandations thérapeutiques que nous allons commenter dans ce chapitre et les deux qui vont suivre. Sur quel type de preuve doit-on s’appuyer pour retenir ce qu’il est convenu d’appeler une « évidence médicale » ? Le seul bon sens clinique ? L’irremplaçable expérience individuelle ? La concertation exclusive d’un collège de spécialistes attelés à définir les normes consensuelles de leur discipline ? La stricte validation physiopathologique des traitements ? Le rasoir d’Ockham de l’essai clinique randomisé en double aveugle ? Dans la pratique, la plupart des guides de recommandations combinent ces différents niveaux de preuve en confiant le plus souvent à un jury d’experts la mission de synthétiser le meilleur consensus possible, en l’état actuel des connaissances. Certains font appel pour cela à la méthode Delphi (du nom de l’oracle !), qui revient à soumettre les points de controverse sur une question à un panel d’autorités indépendantes, dont les opinions sont classées, à l’issue de plusieurs tours de table, suivant un gradient de dispersion autour d’une médiane qui tiendra lieu de consensus194. Une méthode, on s’en doute, aussi sérieuse que laborieuse, qui ne garantit nullement qu’une opinion ne soit pas quelquefois retenue « faute de mieux », par consensus obligé, avec tous les compromis rhétoriques que l’on peut imaginer (entre « consensus » et « conformisme », il existe parfois des parentés de circonstances).
Partager les points de vue entre spécialistes des diverses disciplines impliquées dans les procédures de diagnostic et de traitement semble donc devenu la règle en psychiatrie, une branche de la médecine qui – plus que ses sœurs – demeure l’enjeu d’écoles de pensée aux approches divergentes, pour certaines violemment antagonistes, préférant volontiers l’anathème au compromis. Comme pour les autres spécialités médicales, même si c’est avec quelque retard, la nécessité de se mettre d’accord sur les meilleurs traitements est maintenant admise par les psychiatres, ne serait-ce qu’au regard de l’intérêt bien compris de leurs patients. En soi, c’est déjà est un acquis très important.
Mais le fait le plus nouveau est peut-être que les psychiatres ne sont plus les seuls à s’informer, à confronter leurs points de vue, à s’enquérir des innovations, à voyager. L’un des traits les plus marquants de l’évolution des mœurs médicales au cours de ces vingt dernières années aura été l’implication, la participation active, toujours plus poussées, des patients et de leurs familles dans les choix thérapeutiques qui leurs sont proposés. Internet aidant – les sites d’information médicale en ligne connaissent une explosion à la mesure de leur succès –, on ne peut que s’attendre à ce que le mouvement s’accélère. Il en résulte une exigence inédite de ce que l’on a appelé, à juste titre, la « transparence ». La révolution inaugurée par le sida, dont les victimes se sont imposées comme acteurs à part entière dans le dispositif des soins, n’a fait que se poursuivre, pour gagner une à une toutes les spécialités, psychiatrie comprise. Avec une retombée inattendue de cette quête de transparence, qui finit par peser lourd sur l’exercice médical contemporain (le cas est très clair outre-Atlantique) : la judiciarisation des litiges, et cette nécessité qui en découle, pour chaque partenaire du « contrat » de soin, de se référer à (de s’abriter derrière ?) un état officiel régulièrement mis à jour des options thérapeutiques.
Ce mouvement général d’ouverture des pratiques médicales à l’égard du public, cette volonté de transparence, se font à leur tour sentir en psychiatrie : nombre des guides de recommandations aujourd’hui publiés le sont avec la participation active de représentants des patients, de leurs familles, des diverses institutions sociales impliquées. La schizophrénie commence donc lentement à quitter le domaine réservé des psychiatres. Les patients, leurs familles, aux États-Unis leurs associations et leurs avocats, revendiquent d’être tenus informés des obligations de moyens auxquelles ils sont en droit de prétendre.
Dans un esprit voisin, un autre coup d’accélérateur a été donné à la diffusion la plus large des recommandations thérapeutiques par la prise de conscience – documentée par maintes enquêtes de santé publique – de disparités flagrantes des pratiques et de l’accès aux soins qui subsistent en psychiatrie. Les assurés sociaux souffrant de schizophrénies dans une démocratie développée peuvent connaître des parcours thérapeutiques d’une telle inégalité qu’il est devenu urgent de proclamer, et de faire circuler le plus possible, le meilleur type de soins dont devraient bénéficier ces patients.
Enfin, il ne faut pas l’oublier, dans le monde des publications médicales, le nerf de la guerre reste l’argent, lequel dépend avant toute chose du bon vouloir de l’industrie pharmaceutique. La profusion des guidelines à laquelle on assiste dans le domaine des schizophrénies reflète aussi les enjeux économiques actuels de ces affections. L’arrivée sur le marché des « nouveaux neuroleptiques » devait naturellement conduire les laboratoires à investir dans la mise à jour et la diffusion la plus large possible des règles de prescription de ces produits. Pour se donner une idée des montants financiers en jeu, il suffit de réaliser que ces nouveaux neuroleptiques se vendent en moyenne de cinquante à cent fois plus cher que leurs prédécesseurs : leur coût d’utilisation s’évalue de 6 à 12 dollars par jour. Autrement dit, pour chaque patient traité, ils rapportent au bas mot entre 2 200 et 5 400 dollars par an. En somme, un marché devenu plus lucratif encore que celui des antidépresseurs : de quatre à six fois plus en moyenne195.
Dans de telles conditions, certains guides se voient rédigés par des non-spécialistes et orientés vers la définition des soins...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. Première partie - La schizophrénie aujourd’hui
  6. Deuxième partie - Histoire
  7. Troisième partie - Représentations
  8. Quatrième partie - Traitements
  9. « Le Labyrinthe » de William Kurelek
  10. Lexique
  11. Notes
  12. Bibliographie
  13. Remerciements