Un bon sommeil dĂ©pend de lâaction de multiples hormones et neurotransmetteurs sur de nombreux circuits neuroanatomiques dĂ©diĂ©s au sommeil. Par exemple, les variations hormonales survenant lors de la grossesse ou de la mĂ©nopause peuvent altĂ©rer la qualitĂ© du sommeil. Le vieillissement, mĂȘme sâil est tout Ă fait physiologique, va Ă©galement, le plus souvent, sâaccompagner de modifications des neurones, des circuits neuronaux et des neurotransmetteurs, ces substances qui transmettent lâinformation dâun neurone Ă lâautre : le sommeil tient alors moins bien, il est mal organisĂ© et souvent interrompu. Bref, notre sommeil bouge Ă mesure que nous vieillissons ; nous nâavons pas, adultes, les mĂȘmes nuits que lorsque nous Ă©tions enfants ou adolescents. Et cela est parfaitement normal.
Toutefois, si la gĂȘne occasionnĂ©e est trop importante, il existe des solutions pour mieux supporter ces variations ; un mĂ©decin peut aussi vous aider Ă les trouver.
Le sommeil durant la grossesse
« Je suis si contente dâattendre mon bĂ©bĂ©, mais je suis trĂšs fatiguĂ©e, et je dors de plus en plus mal⊠»
Mme L. A. a 38 ans. Elle est décoratrice. Elle est enceinte pour la premiÚre fois et en est trÚs heureuse : elle attendait ce bébé depuis bientÎt trois ans. Elle vient me consulter car elle dort mal.
Cela a dĂ©butĂ© il y a deux mois par quelques rĂ©veils nocturnes. Au 6e mois de la grossesse, les troubles de sommeil ne font cependant que sâaggraver. Mme L. A. sâendort difficilement, puis un mal de dos, parfois des rĂ©gurgitations acides la rĂ©veillent. Dâautres fois, rien ne vient expliquer les Ă©pisodes dâinsomnie de plus en plus frĂ©quents. Dans la journĂ©e, elle est fatiguĂ©e, nerveuse, parfois somnolente. Cela commence Ă la gĂȘner dans son travail. Elle a mĂȘme eu rĂ©cemment une dispute avec son mari.
Elle qui Ă©tait si active, avide des toutes derniĂšres expositions, abonnĂ©e Ă lâOpĂ©ra, ne sort plus le soir, reste cloĂźtrĂ©e chez elle et refuse toutes les invitations. Elle est mieux chez elle bien installĂ©e devant la tĂ©lĂ©vision.
« Souffrez-vous dâimpatiences dans les jambes le soir ou dans la journĂ©e ?
â Non, il ne me semble pas quâil y en ait.
â Vous ĂȘtes-vous mise Ă ronfler depuis que vous ĂȘtes enceinte ?
â Peut-ĂȘtre un peu dâaprĂšs mon mari, mais rien de gĂȘnant.
â Des crampes la nuit ?
â Non.
â Une inquiĂ©tude concernant la venue du bĂ©bĂ© ?
â Oui, la peur que lâaccouchement ne se passe pas bien, que lâenfant soit mal formĂ©. Je suis peut-ĂȘtre un peu soucieuse devant lâorganisation Ă mettre en Ćuvre pour ma nouvelle vie, mais je ne suis ni anxieuse ni dĂ©primĂ©e. Mon mari est attentionnĂ© et lui aussi est heureux dâĂȘtre bientĂŽt papa.
â Buvez-vous de lâalcool pour vous endormir ?
â Jamais, il nâen est pas question pendant la grossesse, ni de tabac. »
En consultation, Mme L. A. est joyeuse, Elle est habillĂ©e de façon ample, trĂšs moderne et colorĂ©e, dâinspiration ouzbek. Dans la salle dâattente, elle a rempli le questionnaire sur les troubles du sommeil avec beaucoup de sĂ©rieux. Ce questionnaire comporte toutes les informations sur les horaires du sommeil, ses Ă©ventuelles interruptions, la liste des phĂ©nomĂšnes qui le perturbent, et son caractĂšre reposant ou non. Il renseigne aussi sur les consĂ©quences dâun mauvais sommeil comme les troubles de la mĂ©moire, de la concentration, un Ă©tat dĂ©pressif et un manque dâĂ©nergie. Câest un instrument trĂšs prĂ©cieux qui permet au patient dâorganiser ses idĂ©es et au mĂ©decin de comprendre trĂšs vite quelles sont ses plaintes.
Lâexamen est normal. On note seulement un poids de 68 kilos pour une taille de 1,58 mĂštre, ce qui est limite Ă sept mois de grossesse.
Mon diagnostic
Lâinsomnie, plus ou moins sĂ©vĂšre, semble faire partie intĂ©grante des symptĂŽmes de la grossesse et rares sont les femmes enceintes qui y Ă©chappent. Maintenir un sommeil ininterrompu devient de plus en plus difficile dâun trimestre Ă lâautre. Lâinsomnie a plusieurs causes : modifications physiques et physiologiques importantes, vulnĂ©rabilitĂ© psychique accrue, stress engendrĂ© par les douleurs, perspective de lâaccouchement et des changements de la vie qui lui succĂ©deront. Toute anxiĂ©tĂ© prĂ©existante, source dâinsomnie, est augmentĂ©e par la grossesse. La prise dâalcool et de tabac lâaggrave dâautant plus quâelle est dĂ©conseillĂ©e et entraĂźne rĂ©probation et sentiment de culpabilitĂ©. Les impatiences dans les jambes, trĂšs frĂ©quentes pendant cette pĂ©riode, contribuent encore Ă retarder le sommeil. Le ronflement sâinstalle souvent pendant la grossesse et surtout pendant les trois derniers mois (voir aussi « Mon diagnostic »). Il concerne 14 % Ă 55 % des patientes, selon les Ă©tudes. La prise de poids, les changements hormonaux, la congestion nasale et lâĆdĂšme pharyngĂ© peuvent en expliquer lâapparition. De ces patientes, environ 10 % font un syndrome dâapnĂ©es obstructives du sommeil, le syndrome nâest en gĂ©nĂ©ral pas sĂ©vĂšre car les fortes concentrations de progestĂ©rone pendant la grossesse protĂšgent des apnĂ©es. Il est pourtant source de fatigue et de somnolence, mais dans une proportion difficile Ă Ă©valuer, car des femmes enceintes qui ne souffrent pas de syndrome dâapnĂ©es du sommeil peuvent ĂȘtre, elles aussi, somnolentes en fin de grossesse (voir aussi « Mon diagnostic »). Lors de la grossesse, les enregistrements du sommeil (en fait, rarement nĂ©cessaires !) ont montrĂ© que le sommeil lĂ©ger est augmentĂ© aux dĂ©pens du sommeil profond et que les Ă©veils sont frĂ©quents.
Les consĂ©quences de lâinsomnie sur lâĂ©volution de la grossesse ne sont pas vraiment connues. Pour certains mĂ©decins, elle allongerait le temps de travail et favoriserait les accouchements par cĂ©sarienne. Mais cette opinion nâest pas partagĂ©e par dâautres spĂ©cialistes qui considĂšrent que lâallongement du temps de travail comme les troubles du sommeil ont en fait les mĂȘmes causes : le surpoids et lâĂąge Ă©levĂ© de la femme enceinte. Le rĂŽle de lâinsomnie sur les perturbations de lâhumeur, notamment le « baby blues » (la dĂ©pression qui suit lâaccouchement) nâest pas prouvĂ©. De nombreux autres facteurs peuvent les expliquer, quâils se produisent pendant la grossesse ou la pĂ©riode postnatale. Il nâa pas Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© non plus la moindre relation entre lâinsomnie de la grossesse et la psychose du post-partum, affection psychiatrique encore plus grave que la dĂ©pression, comportant des hallucinations et parfois un dĂ©sir de suicide ou de mort du bĂ©bĂ©.
En rĂ©sumĂ©, lâinsomnie est trĂšs frĂ©quente pendant la grossesse, presque inĂ©vitable, mais elle a peu de consĂ©quences et elle est rarement suffisamment grave pour justifier un traitement. Dâailleurs, la plupart des femmes ne sâen plaignent ni Ă leur obstĂ©tricien ni Ă la sage-femme.
Les traitements possibles
Les traitements proposĂ©s sont peu nombreux, et le recours aux mĂ©dicaments doit ĂȘtre rĂ©duit au maximum.
1. Le mĂ©decin prescrira, bien entendu, des mesures dâhygiĂšne de sommeil : il vaut mieux, notamment, Ă©viter la prise de liquide au coucher et conserver des horaires de coucher et de lever rĂ©guliers et normaux.
2. Les thĂ©rapeutiques non mĂ©dicamenteuses doivent ĂȘtre utilisĂ©es en prioritĂ©. Le traitement des douleurs dorsales et pelviennes par la gymnastique dans lâeau, les oreillers abdominaux ou les massages, par exemple, fait disparaĂźtre ce facteur trĂšs important dâinsomnie de la grossesse qui est lâinconfort dans le lit. Lâacupuncture favorise un bon sommeil et rĂ©duit lâanxiĂ©tĂ© lorsquâelle existe. Câest un traitement qui a fait ses preuves contre les douleurs dorsales et les sciatiques. Rappelons quâen Chine elle est utilisĂ©e pour rĂ©guler le systĂšme de reproduction fĂ©minin. DâaprĂšs une Ă©tude concernant 1 366 femmes recourant Ă une FIV (fĂ©condation in vitro), lâacupuncture effectuĂ©e immĂ©diatement avant ou immĂ©diatement aprĂšs le transfert dâembryon dans lâutĂ©rus augmente de 65 % les chances de grossesse. La phytothĂ©rapie peut aussi ĂȘtre utilisĂ©e, Ă la condition de respecter les contre-indications de la grossesse : la passiflore donne de bons rĂ©sultats. Une prĂ©paration dâaubĂ©pine et de valĂ©riane est Ă©galement sans danger et a lâavantage de pouvoir ĂȘtre poursuivie pendant lâallaitement. LâhomĂ©opathe propose Sumbul et KaliPhos.
3. Les somnifĂšres et anxiolytiques sont en revanche gĂ©nĂ©ralement dĂ©conseillĂ©s pendant la grossesse. Les benzodiazĂ©pines augmentent le risque de malformations congĂ©nitales lorsquâelles sont administrĂ©es en dĂ©but de grossesse et favorisent lâhypotonie nĂ©onatale (perte du tonus musculaire) et les difficultĂ©s respiratoires en fin de grossesse. DâaprĂšs le CRAT (Centre de rĂ©fĂ©rence sur les agents tĂ©ratogĂšnes), le traitement hypnotique doit ĂȘtre aussi bref que possible. On choisira la doxylamine (DonormylÂź) qui est lâhypnotique le mieux connu en cours de grossesse. En cas dâinefficacitĂ© de la doxylamine, on pourra avoir recours au nitrazĂ©pam (MogadonÂź) ou Ă un anxiolytique comme lâoxazĂ©pam (SĂ©restaÂź) ou lâhydroxyzine (AtaraxÂź). Si les options prĂ©cĂ©dentes sont inefficaces ou mal tolĂ©rĂ©es, lâutilisation ponctuelle dâune molĂ©cule apparentĂ©e aux benzodiazĂ©pines, le zolpidem (StilnoxÂź) ou le zopiclone (ImovaneÂź) est envisageable.
4. Chez les femmes enceintes, un syndrome de jambes sans repos, qui se manifeste par des impatiences dans les jambes, apparaĂźt frĂ©quemment au deuxiĂšme et au troisiĂšme trimestre de la grossesse (voir aussi « Le syndrome des jambes sans repos »). Chez elles, le mĂ©decin peut difficilement prescrire les mĂ©dicaments habituels. La dĂ©dramatisation du problĂšme, lâassurance que le syndrome disparaĂźtra aprĂšs lâaccouchement suffisent en gĂ©nĂ©ral Ă amĂ©liorer nettement lâĂ©tat de la patiente. Si la gĂȘne est importante, seul lâoxycodone (OxyContinÂź, OxynormÂź) pris au coucher pendant une courte pĂ©riode, est jugĂ© sans risque.
5. Lorsquâil existe un syndrome dâapnĂ©es du sommeil (voir aussi « Le ronflement et les apnĂ©es du sommeil ») sĂ©rieux dĂ©tectĂ© par le questionnaire et un enregistrement, les patientes mĂ©ritent dâĂȘtre traitĂ©es par ventilation nocturne, jusquâĂ lâaccouchement et mĂȘme au-delĂ , tant quâil nâa pas disparu. Les facteurs de rĂ©duction d...