La Terre est sphĂ©rique, tourne sur elle-mĂȘme et autour du Soleil. Trois affirmations aujourdâhui communĂ©ment admises, mais cela nâa pas Ă©tĂ© chose facile. HĂ©raclide du Pont Ă©mit, au IVe siĂšcle avant notre Ăšre, lâhypothĂšse de la rotation de la Terre sur elle-mĂȘme afin dâexpliquer le mouvement apparent des Ă©toiles au cours de la nuit. ĂratosthĂšne, un siĂšcle plus tard, calculait de maniĂšre expĂ©rimentale le rayon de la Terre. Le mouvement de la Terre autour du Soleil fut, lui, plus difficile Ă admettre : GalilĂ©e, adoptant et modĂ©lisant lâidĂ©e de Copernic, se heurta Ă lâĂglise et dut « abjurer » sa thĂ©orie1.
La forme de la Terre
La Terre est sphĂ©rique et non plate, nos Anciens lâont su en voyant depuis la cĂŽte un navire disparaĂźtre progressivement derriĂšre lâhorizon, ou en observant la forme circulaire de lâombre portĂ©e par la Terre sur la Lune lors dâune Ă©clipse de Lune. Lâobservation dâĂ©toiles diffĂ©rentes suivant la latitude â et notamment dâun hĂ©misphĂšre Ă lâautre â prouvait aussi que la Terre nâĂ©tait pas plate. ĂratosthĂšne de CyrĂšne (276-194 av. J.-C.), directeur de la BibliothĂšque dâAlexandrie, par ailleurs inventeur du crible des nombres premiers qui porte son nom, Ă©value la circonfĂ©rence terrestre en mesurant les longueurs diffĂ©rentes de lâombre dâun « gnomon » (bĂąton plantĂ© dans le sol) en deux lieux diffĂ©rents situĂ©s Ă 900 kilomĂštres de distance, SyĂšne (aujourdâhui Assouan) et Alexandrie. Il obtient une circonfĂ©rence terrestre de 45 000 kilomĂštres, mesure dâune bonne prĂ©cision pour lâĂ©poque.
Figure 1 : La ville de SyĂšne (Assouan) est presque situĂ©e sur le tropique nord, le Soleil y tombe Ă la verticale dâun puits lors du solstice dâĂ©tĂ©. Sachant cela, ĂratosthĂšne, en mesurant la longueur de lâombre du gnomon Ă Alexandrie, dĂ©duit un angle α Ă©gal Ă 7° 12', Ă©gal aussi Ă la distance angulaire entre SyĂšne et Alexandrie (N.B. : ici lâangle α est fortement exagĂ©rĂ©). Connaissant la distance entre les deux villes et la hauteur du gnomon, il Ă©tait en mesure de dĂ©duire la circonfĂ©rence, donc le rayon terrestre.
Plus tard, on sâapercevra que la Terre nâest pas une sphĂšre parfaite. La force centrifuge due Ă sa rotation sur elle-mĂȘme a un effet diffĂ©rent aux pĂŽles â oĂč elle est nulle â, et Ă lâĂ©quateur â oĂč elle est maximale. La Terre a donc, en fait, la forme non dâune sphĂšre mais dâune quasi-sphĂšre, un ellipsoĂŻde aplati aux pĂŽles et enflĂ© Ă lâĂ©quateur. Cet aplatissement a une valeur relative de lâordre de 1/298, câest-Ă -dire que lâĂ©quateur est plus long que tout mĂ©ridien terrestre dâune longueur dâenviron 128 kilomĂštres. Câest le mathĂ©maticien français Maupertuis (1698-1759) qui, en menant des expĂ©ditions au PĂ©rou et en Laponie pour mesurer la longueur de lâĂ©quateur et dâun mĂ©ridien, mit en Ă©vidence cette forme dâellipsoĂŻde.
La rétrogradation des planÚtes
Une des observations les plus curieuses faites de tout temps sur la voĂ»te cĂ©leste est la rĂ©trogradation des planĂštes extĂ©rieures, tout particuliĂšrement celle de Mars, la plus proche de la Terre. Cette observation gĂ©omĂ©trique simple de la trajectoire de Mars sâexplique par sa vitesse de rotation moins grande sur son orbite, et par le fait quâon lâobserve depuis la Terre, elle-mĂȘme en mouvement.
Figure 2 : La Terre, Ă©voluant sur une orbite plus petite, va plus vite que Mars dans son mouvement de rĂ©volution autour du Soleil (la rĂ©volution de Mars se fait en 1,88 annĂ©e terrestre) : comme on le voit sur la figure, observĂ©e sur la « voĂ»te cĂ©leste », la planĂšte Mars semble revenir en arriĂšre entre les positions 3 et 4, puis 4 et 5. Câest le mouvement apparent de rĂ©trogradation.
Cette observation, pourtant facilement explicable dans un systĂšme hĂ©liocentrique, comme on le voit sur la figure 2, allait ĂȘtre Ă la source dâun systĂšme qui restera en vigueur prĂšs de quinze siĂšcles, le systĂšme gĂ©ocentrique de PtolĂ©mĂ©e du mouvement des planĂštes, avec ses « Ă©picycles » et ses « dĂ©fĂ©rents ».
Figure 3 : SchĂ©ma simplifiĂ© du systĂšme gĂ©ocentrique de PtolĂ©mĂ©e. Les planĂštes tournent autour de la Terre dans un mouvement composĂ© : elles tournent sur un cercle dit Ă©picycle, dont le centre tourne lui-mĂȘme autour de la Terre. Ce mouvement complexe permettait de rendre compte, notamment, de la rĂ©trogradation des planĂštes (figure de droite). Dâun point de vue mathĂ©matique, un point situĂ© sur le cercle Ă©picycle dĂ©crit (figure de droite) une courbe de type cycloĂŻde : câest la mĂȘme courbe que dĂ©crit la valve de gonflage du vĂ©lo quand la roue avance.
Il Ă©tait pourtant un astronome grec, visionnaire, qui dĂšs lâAntiquitĂ© avait fait lâhypothĂšse de la rotation de la Terre autour du Soleil : Aristarque de Samos (env. 310-230 av. J.-C.) avait Ă©valuĂ© la distance de la Terre au Soleil, et la taille du Soleil, en sâappuyant sur les phases de la Lune, notamment sa quadrature. Trouvant un diamĂštre du Soleil 20 fois plus grand que celui la Terre â la proportion exacte est 109 fois plus grande â, il avait Ă©mis lâidĂ©e que lâastre plus petit, la Terre, tournait autour du plus grand, le Soleil.
Rotation et translation
La Terre tourne sur elle-mĂȘme. Cette rotation est souvent appelĂ©e « mouvement diurne » de la Terre. Pourquoi « diurne » alors que ce mot est plutĂŽt utilisĂ© par opposition à « nocturne » ? Parce que ce mouvement dure une journĂ©e (latin dies, « jour, journĂ©e »). Ce mouvement nâa pu faire lâobjet que trĂšs tardivement dâune vĂ©rification expĂ©rimentale : câest en 1851 que lâexpĂ©rience de Foucault au PanthĂ©on en dĂ©montre les effets sur le pendule. Soumis Ă une force de Coriolis liĂ©e Ă la rotation de la Terre, et de valeur diffĂ©rente suivant la latitude, le pendule fait le tour de son cadran en un jour au pĂŽle, mais ne tourne pas autour de son cadran Ă lâĂ©quateur ; sa pĂ©riode prend toutes les valeurs intermĂ©diaires entre 1 jour et lâinfini quand il passe par les latitudes intermĂ©diaires (par exemple, au PanthĂ©on Ă Paris, il tourne autour de son cadran en 30 heures). CâĂ©tait la premiĂšre confirmation expĂ©rimentale, par une mesure faite sur Terre, de la rotation de notre planĂšte sur elle-mĂȘme.
Figure 4 : Le pendule montĂ© par Foucault au PanthĂ©on, le 2 dĂ©cembre 1851 (illustration du Journal des dĂ©bats, oĂč Foucault Ă©tait « journaliste scientifique ». © MusĂ©e des Arts et MĂ©tiers)
La Terre tourne aussi autour du Soleil. Au terme de « rotation », on prĂ©fĂšre celui de « rĂ©volution ». Certains parlent mĂȘme dâun mouvement de « translation » : ce terme aide Ă comprendre le fait que lâaxe des pĂŽles terrestres pointe toujours vers la mĂȘme direction pendant ce mouvement.
Combien dure un jour ?
24 heures, bien Ă©videmment ! Pourquoi ? Parce que câest ainsi quâil est dĂ©fini. Le Soleil traverse toutes les 24 heures le mĂ©ridien passant par un lieu donnĂ© de la Terre. Mais cette durĂ©e ne correspond pas Ă celle dâun tour de la Terre sur elle-mĂȘme, qui pourtant pourrait paraĂźtre comme une autre dĂ©finition de la durĂ©e dâun jour.
Comme on le voit sur la figure, le passage du Soleil au mĂ©ridien dâun lieu donnĂ© a lieu lĂ©gĂšrement aprĂšs que la Terre a effectuĂ© un tour sur elle-mĂȘme : en effet, pendant la durĂ©e considĂ©rĂ©e, la Terre a avancĂ© sur son orbite de rĂ©volution, et lâaxe Terre-Soleil nâest plus tout Ă fait le mĂȘme (ce qui nâarriverait pas si la Terre Ă©tait immobile). La durĂ©e sĂ©parant deux passages du Soleil au mĂ©ridien dâun lieu donnĂ© est le jour solaire ou jour civil (soit 24 heures), la durĂ©e de rotation de la Terre sur elle-mĂȘme, lĂ©gĂšrement plus courte, est le jour sidĂ©ral, de 23 h 56 min 4 s, soit 86 164 secondes. Le jour sidĂ©ral est ainsi appelĂ© car il correspond Ă la durĂ©e dâun tour de la Terre sur elle-mĂȘme mesurĂ©e par rapport aux Ă©toiles. Une Ă©toile donnĂ©e (hors le Soleil) repasse au mĂ©ridien dâun lieu donnĂ© toutes les 23 h 56 min 4 s. Câest le jour absolu, caractĂ©risant le mouvement diurne de la Terre indĂ©pendamment de son mouvement autour du Soleil, et indĂ©pendamment du jour civil correspondant au rythme de lâactivitĂ© humaine.
Figure 5 : La Terre a fait un tour sur elle-mĂȘme quand elle se retrouve en A, au moment oĂč les droites issues de A dans les deux positions sont parallĂšles : il sâagit du jour sidĂ©ral (pris par rapport Ă un repĂšre indĂ©pendant de son mouvement autour du Soleil, par exemple par rapport Ă la voĂ»te cĂ©leste). Mais, Ă ce moment-lĂ , en A dans la position de droite, le Soleil, symbolisĂ© par les rayons portant les lettres S, nâest pas encore passĂ© au mĂ©ridien, il ne le fera que quelques instants plus tard (illustration C. Flammarion, Astronomie populaire).
Câest en effet le jour solaire qui est utilisĂ© dans la vie « quotidienne » pour le rĂ©glage de nos montres et de notre agenda, car câest celui qui rythme le jour et la nuit (passage du Soleil au mĂ©ridien, dâun cĂŽtĂ© ou de lâautre). Si lâon prenait le jour sidĂ©ral comme Ă©talon de la durĂ©e dâune journĂ©e, avec un dĂ©calage de prĂšs de 4 minutes par jour, on se retrouverait au bout de six mois2 avec midi Ă minuit, ce qui pour nos montres nâest pas trĂšs gĂȘnant, mais lâest sans aucun doute pour notre vie quotidienne !
Histoires de calendrier(s)
Lâhomme dĂ©finira plusieurs durĂ©es rythmant sa vie en sâappuyant sur les phĂ©nomĂšnes naturels observĂ©s. Lâalternance du jour et de la nuit dĂ©finit la journĂ©e. Le rythme des lunes permettra de rĂ©pondre au besoin de dĂ©finir une durĂ©e de temps plus longue, le mois. Le rythme des saisons, sensible dans les rĂ©gions tempĂ©rĂ©es, induit lâannĂ©e, dont la durĂ©e est liĂ©e au mouvement de la Terre autour du Soleil. Elle est dĂ©finie par le passage de la Terre au mĂȘme endroit prĂ©cis sur son orbite. Elle est Ă©gale Ă 365 jours 5 h 48 min 47 s, soit 365,242 jours, lĂ©gĂšrement infĂ©rieure Ă 365 jours un quart3.
Jules CĂ©sar, en 46 av. J.-C., prit cette durĂ©e de 365 jours un quart comme base du calendrier qui porte son nom, le calendrier julien, fondĂ© sur un cycle de quatre annĂ©es, avec une journĂ©e supplĂ©mentaire dans lâune dâelles : câest lâannĂ©e bissextile4, permettant de se recaler sur le mouvement de la Terre autour du Soleil. LĂ encore, si lâon ne faisait pas cet ajustement, ce nâest pas midi en pleine nuit quâon aurait, mais en sept cents ans la neige en juillet ! Lâajustement a lieu fin fĂ©vrier, dernier mois de lâannĂ©e du calendrier julien. Cette annĂ©e commençait au mois de mars : dâoĂč les noms de septembre, octobre, etc., attribuĂ©s au septiĂšme, huitiĂšme mois de lâannĂ©e dans le calendrier romain. Certains mois avaient Ă©tĂ© dĂ©diĂ©s Ă des dieux (mars au dieu Ă©ponyme, juin Ă Junon), le SĂ©nat romain dĂ©diera le mois de juillet Ă Jules CĂ©sar et celui dâaoĂ»t Ă lâempereur Auguste en Ă©galisant la durĂ©e de ces deux mois, afin que nâapparaisse aucune diffĂ©rence entre les deux hiĂ©rarques !
Toutefois, lâajustement bissextile de Jules CĂ©sar ne sâavĂ©ra pas tout Ă fait suffisant, puisque la durĂ©e du mouvement de la Terre est lĂ©gĂšrement infĂ©rieure Ă 365 jours un quart, exactement 365 j 5 h 48 min 47 s. Ce dĂ©calage de 11 min 13 s (soit 673 s par an) a provoquĂ© bien des avatars de calendrier⊠Ainsi, en 1582, plus de seize siĂšcles aprĂšs CĂ©sar, toujours Ă Rome, le pape GrĂ©goire XIII mit en place le calendrier grĂ©gorien, qui, entre autres modifications, permettait de rattraper ce retard du calendrier civil par rapport au calendrier de la Terre : Ă Rome, le jeudi 4 octobre 1582 a Ă©tĂ© suivi du vendredi 15 octobre5. En France, cet ajustement eut lieu deux mois plus tard, lors du rĂšgne dâHenri III : le 9 dĂ©cembre 1582 fut suivi du 20 dĂ©cembre. La Russie nâadopta le calendrier grĂ©gorien quâen 1918 â aprĂšs la rĂ©volution dâoctobre 19176 â en sautant treize jours et non dix, le dĂ©calage sâĂ©tant accru entre-temps.
Afin dâĂ©viter lâaccumulation dâun tel dĂ©calage Ă nouveau, le calendrier grĂ©gorien, instituĂ© Ă partir de 1582, stipulait aussi que les annĂ©es ...