L' Énergie, l'émotion, la pensée au bout des doigts
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L' Énergie, l'émotion, la pensée au bout des doigts

Au-delà de l'ostéopathie

  1. 336 pages
  2. French
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L' Énergie, l'émotion, la pensée au bout des doigts

Au-delà de l'ostéopathie

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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

« J'aimerais vous faire partager cet émerveillement à toucher la vie du bout des doigts, loin des mots, de plain-pied dans son expression directe. Car le corps sait, la souffrance est palpable, l'histoire aussi; manquent parfois le verbe, la conscience. Cet émerveillement simple, un peu naïf, loin des dogmes, devrait être un des piliers de l'ostéopathie. Il implique la réjouissance. La réjouissance est contagieuse, elle guérit. Au fil de ma pratique, le chemin de mes mains devient une aventure intérieure, source d'introspection sur les plans physique, émotionnel et mental. Le rapport à l'autre change. Et, par le toucher, émerge parfois le singulier, l'intime, la profondeur de l'être. Ce livre repose sur vingt années d'exercice à soigner des maux de dos, des migraines, mais aussi des troubles du sommeil, des problèmes digestifs, des chocs émotionnels... Soigner ne veut pas dire guérir à tout coup, mais soigner avec ses seules mains, sans médicaments, exige toujours une grande écoute et, donc, parle de ce que nous sommes. »A. C. Le docteur Alain Cassourra est médecin, ostéopathe, chargé de cours à la faculté de médecine Paris-XIII. Il raconte ici son itinéraire personnel, son apprentissage auprès des maîtres de l'ostéopathie et ses rencontres avec les patients.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2010
ISBN
9782738196088

Chapitre 1

Le mouvement, terre inconnue

Nous allons croiser le souffle de la vie, son frémissement insaisissable et pourtant palpable, singulier, universel. Nous allons découvrir le toucher, suivre la quête du senti, dans le silence d’un corps-à-corps dont les mains sont l’interface. Nous rencontrerons le doute, des impasses, des échecs, quelques succès, et l’émerveillement. Nous rencontrerons des hommes, des femmes. Et nous referons le chemin, celui des pionniers et le mien.
La vie ne manque pas d’imagination, toujours prête à surprendre, à prendre par la main. J’ignorais ses clins d’œil. Je dissertais sur mon sort avec assurance, ne me privant pas de parler du sens. J’avais une armure de certitudes, je m’enfermais dans le dogme sans le savoir, j’étais prisonnier d’une étrange carapace. Ma perception du monde et la conscience que j’en avais créaient un amalgame cohérent. À le contempler, je me trouvais intelligent. De ce poste d’observation, je croyais connaître ses lois, ses possibles et ses impossibles.
J’en étais là, doctorat en médecine fraîchement en poche, encore et pour longtemps élève appliqué et consciencieux. L’heure des remplacements avait sonné. Dans la campagne toulousaine, j’étais assis à la place du docteur, du médecin de famille parti en vacances. J’étais donc celui qui savait, à ce titre on me consultait. Comme souvent la salle d’attente était pleine, le retard s’accumulait, j’examinais longuement mes patients, consultais le Vidal et me replongeais régulièrement dans le guide des cent premières ordonnances.
Devant moi, un homme de belle prestance, souriant, rentre et s’assied. Il n’a pas l’air bien malade, ce qui n’est pas pour me déplaire. Il est vêtu de blanc, blanc de la tête aux pieds, peau blanche, dents blanches. J’ai du mal à cerner le motif de sa consultation. Sans savoir pourquoi, sa présence m’irrite un peu et j’ai envie d’en finir au plus vite. Interrogatoire, examen, ordonnance, le tout dans un temps record. Je tends ma prescription, l’homme prend l’ordonnance et la pose face à lui sur le bureau. Il la pose délicatement devant lui, veut-il quelques explications ? Apparemment pas. Il sort lentement de sa poche un objet qui reste caché dans sa main droite fermée, il pose le coude droit sur la table et de ce point d’appui ramène la main au-dessus du papier. Il l’ouvre, et quelle n’est pas ma surprise, entre pouce et index reste suspendu un pendule ! Il teste ainsi mon ordonnance !
Ai-je affaire à un illuminé ? À le laisser procéder de la sorte, j’ai l’impression de l’encourager. Suis-je en train d’afficher une complicité compromettante ? La honte est sur moi. Les mandarins de la faculté m’entourent de leurs regards omniscients et réprobateurs. L’ordre des médecins, l’Académie de médecine, l’armada des hommes en blanc, tous me montrent du doigt : « Cassourra, la médecine est une science ! »
Je suggère à l’autre homme en blanc, l’hérétique, d’accélérer. Il me regarde tranquillement, sourire aux lèvres, il a déjà fini. Il me confirme le bien-fondé de mon traitement. Je le vire poliment.
Il revient quelques jours plus tard avec un cadeau en guise de remerciement : pas des œufs, un poulet ou un cageot de légumes, comme il est coutumier à la campagne. Je me demande de quoi il pourrait me remercier. Je ne l’ai pas tiré d’une affaire délicate. Je n’ai manifesté aucune compassion à son égard, je suis resté plutôt distant. D’accord, je l’ai laissé user du pendule. Globalement, je l’ai plutôt expédié. Il m’offre un livre, Médecin des trois corps du Dr Janine Fontaine. Une femme médecin y raconte son expérience auprès des guérisseurs philippins. Encore un délire mystico-ésotérique, me dis-je. Mais le gémeau est curieux et, bien que sceptique, je le lus.
Les deux années suivantes, alors que je refaisais lors des vacances d’été le même remplacement, j’eus droit aux deux tomes suivants que je lus avec le même scepticisme, le même regard distant et amusé. Le Dr Fontaine continuait d’y raconter ses voyages aux Philippines et ses expériences avec les mêmes guérisseurs. L’homme habillé de blanc ne manquait pas de constance et je le trouvais finalement sympathique, bien qu’un peu délirant. Puis le temps passa, je l’oubliais. Restaient trois livres en rapport avec une anecdote plutôt cocasse, insignifiante et sans conséquence.
Mais, quelque vingt ans plus tard, quand je fus convié lors d’un tête-à-tête singulier à partir aux Philippines avec un quasi-inconnu, je ne pus me dérober ; ces deux moments se télescopaient, la vie me prenait par la main et me disait : « Allez, viens. » J’allais la suivre. J’avais déjà vécu quelques révolutions intérieures, entre autres avec l’apprentissage de l’ostéopathie. Le chantier de démolition-reconstruction des acquis allait se poursuivre remettant en cause la vision que j’avais de la médecine, de l’ostéopathie, de la maladie, du soin, de l’homme et de moi-même.
Je vous invite à suivre ce périple où la vie a changé mes repères, mes certitudes alors que mon mental déployait une énergie considérable à les maintenir. L’apprentissage de l’ostéopathie fut un long et difficile chemin. Le médecin que j’étais eut bien du mal à accepter ses concepts. L’idée que la main par le toucher pourrait me révéler un monde, un monde chez l’autre mais aussi en moi, ne m’avait pas effleuré, de même l’idée que le développement d’un sens, le toucher, allait changer mon regard au monde. Un jour, face aux autres, je me saurai riche d’une autre langue, d’une autre connaissance, mais je me sentirai bien seul avec des confrères qui ne la parlent pas. Ce jour-là je cesserai de vouloir être un bon élève pour tracer ma route au risque de m’entendre dire par l’ordre, l’Académie et l’armada des hommes en blanc : « Vous êtes un charlatan. »
Ainsi je fus entraîné à l’encontre de tout ce que je croyais être. Le chemin se fit-il par accident ? Le fil d’une vie se déroule étonnamment avec ses carrefours, ses brisures de lignes. Mais le hasard y a-t-il sa place ?

D’Ivanohé à Rébuffat, de Béjart à Barychnikov…

La télévision fit irruption dans les années 1960, un jour, à la maison, offerte par ma grand-mère. Je devais avoir 5 ou 6 ans. Sans doute mon père a-t-il râlé devant cette dépense inconsidérée, sans doute ma mère a-elle été ravie. Au bout du compte, les adultes prirent vite goût au petit écran. Une fois par semaine, j’avais droit à ma soirée télé avec Cinq colonnes à la une de Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet. Cette émission me montrait le monde, je le découvrais avec émerveillement. J’y rencontrais aussi la vie des hommes. Deux d’entre eux allaient frapper mon imaginaire, deux hommes épris de mouvement et d’espace, un alpiniste et un danseur : Gaston Rébuffat et Maurice Béjart.
L’écran est noir et blanc. La paroi granitique tombe sur la mer de glace, au soleil du petit matin. Un homme se profile et grimpe dans le vide, félin. « C’est un fou !, s’écrit mon père. S’il lui arrive quelque chose, il va falloir aller le récupérer là-haut avec des crochets et tout le bordel ! » Alors que mon père tempête, je suis fasciné. Rébuffat grimpe. Attachée autour de sa taille, la corde de chanvre tombe tel un fil à plomb sans effleurer la roche, parallèle à la paroi. Tel le trait du peintre, elle souligne la verticale. Il danse avec le rocher, passe d’équilibre en déséquilibre. Il le touche, le pétrit presque. Une prise se présente, l’équilibre change. Entre les appuis, le corps se tend, se tord, se gaine. Plus que le combat contre la paroi, les pitons plantés, les échelles de corde qui l’aident à avancer, je regarde la danse. La forme d’une prise de main, d’une prise de pied engendre le mouvement à venir. Le corps s’élance, se tend l’instant suivant, se relâche dans un repos relatif lors d’un équilibre transitoire. Tout le corps travaille. Point de combat guerrier pour monter plus haut, j’y vois plutôt une variation au bord du vide. Les mains agrippent, les pieds poussent. La main est à plat, coincée dans une fissure. La partition est-elle écrite dans la paroi ? Qui est le maître du jeu ? La paroi ou la peur, le froid ou le courage, le soleil, la neige, l’immensité de l’espace ou le souffle ? Sous la Voie lactée dans la nuit scintillante, l’homme au pull jacquard marche sur le glacier blanc. Au rythme de ses pas, un autre homme le suit, la corde les relie. Leurs pas crissent sur la glace, leur souffle scande le silence. Au sommet de la barre des Écrins, ils doivent s’enivrer du ciel et de la terre.
Il pleut à verse, des trombes d’eau sur la cour du Palais des papes en Avignon. L’écran est toujours noir et blanc. L’enfant que je suis s’étonne de ce qui se passe. La pluie ruisselle sur des corps presque nus. Les corps bougent, s’animent. Il y a des femmes, il y a des hommes, un danseur au crâne rasé, d’autres danseurs, Béjart et son regard de fauve. Je me souviens des hommes, de leur puissance. Les corps des femmes, sensuels, détrempés sous la pluie, leur fluidité, leurs grands sauts, leurs virevoltes me fascinent tout autant. La compagnie improvise dans la tempête. J’y vois des planètes qui tournent, des étoiles qui brillent, j’y vois la liberté. L’orage en viendra-t-il à bout ? L’espace rectangulaire est marqué au sol. Hors du marquage, bien que toujours sur scène, ils sont hors représentation, et je sens bien la frontière des deux mondes. Ils passent de l’un à l’autre, de l’intime repli sur soi au don aux autres. Qu’est-ce qui les pousse à pénétrer l’espace, puis le quitter ?
L’un part dans une diagonale de déboulés ; dans sa trajectoire il croise quelques autres. Des interférences naissent. Les corps entrent en contact, partagent un instant à deux, trois puis les trajectoires se quittent. Chacun revient à sa solitude. La sueur mêlée à la pluie englue les danseurs. Ils tombent, ils glissent. La pluie les renvoie à la gravité, le vent les déséquilibre, ils lâchent prise. La musique de Pierre Henry ajoute au cataclysme.
Je vois dans cette chorégraphie notre épopée humaine : des ego, fragmentés dans l’espace et le temps. Intuitivement en moi, je sens ce même espace infini où le vide est plus que la matière, le mouvement autant que le silence. J’ai l’impression d’être dans la Voie lactée, perdu, sans tristesse, sans peur, sans grand débordement, immergé dans le tout. Cela me parle, me parle de moi. En écrivant ceci, c’est l’adulte qui analyse, me direz-vous. Qu’a vu l’enfant que j’étais ? La force de l’immensité, le dedans-le dehors, la chair, l’envie de prendre à bras-le-corps, d’embrasser, d’aller vers des horizons lointains, hors moi et en moi.
Ces deux hommes, Rébuffat et Béjart, deux portes ouvertes un instant sur le monde, frappèrent définitivement mon imaginaire. Ces rencontres germeront et, le temps venu, m’entraîneront dans leur sillage.
Nous habitions cité Californie, une petite cité. J’en étais très fier, c’était pour moi comme habiter Monument Valley ou le Grand Canyon. Nous étions très exactement à Californie I. Il y avait un Californie II et un III. C’était l’époque d’Apollo I, II, III… Encore l’immensité de l’espace. Et je sortais de ma maison, j’étais Ivanhoé, j’enjambais mon cheval imaginaire et partais à travers le terrain vague au grand galop, vers la forêt, à la conquête d’un pays lointain.
Asthmatique, myope, bègue, les dents de travers, je passais beaucoup de temps avec le corps médical. À chaque visite du docteur, je sentais ma grand-mère maternelle un peu en émoi, attentive et respectueuse devant tant de savoir.
Veuve, directrice d’école à la retraite, elle avait perdu un enfant de laryngite aiguë. Elle gardait pourtant toute confiance en la médecine. Elle croyait dans la science et au progrès en général. Elle me mit sur le rail des études avec l’idée de la perfection. Il me faudrait être le premier.
De façon plus obscure, je m’étais assigné une seconde tâche, non moins ardue, sauver l’humanité. Mon grand-père maternel s’appelait Sauveur, il était mort à la guerre. Ma grand-mère était restée seule avec ses trois enfants. Plus tard, ma mère travaillant et elle étant à la retraite, sans mari, disponible, elle décida de s’occuper de moi. J’eus à assumer un certain transfert. Par amour pour elle, il fallait bien que j’incarne ce Sauveur. Je sauverai l’humanité, je combattrai l’injustice et la maladie, je serai médecin. J’avais une haute idée de la fonction.
Dans une certaine mesure, les études de médecine ne me convinrent guère. Autant j’avais aimé le lycée, autant j’ai peu apprécié la faculté et l’anonymat dans lequel nous évoluions. Dans des amphithéâtres bondés, la distance entre les professeurs et l’étudiant que j’étais me laissait sur ma faim. Je ne percevais pas toujours chez eux la flamme du pédagogue. Dans le secondaire, j’avais rencontré des professeurs passionnés, désireux de nous transmettre leur savoir, de nous montrer le chemin. Ici, rien de tel. Le plus souvent, les cours étaient donnés mécaniquement, sans grande flamme. Leur valeur devait être toute relative puisque la future élite médicale, celle qui se destinait à une carrière hospitalière, préparait l’internat à grand renfort de conférences. Certaines étaient privées, bon nombre étaient payantes, il fallait être introduit. Je trouvais ce système injuste.
En première année, pour préparer le concours qui ouvrait les portes du cursus, bon nombre d’étudiants s’inscrivaient dans des cours privés (aujourd’hui, il semble que cela soit indispensable). Je pensais que seul le mérite devait être pris en compte. Je loupai ma première année d’un cheveu, je fus le second collé. Je redoublai et me préparai avec Élie, un copain de promotion. Nous nous coachions mutuellement, nous nous faisions plancher l’un l’autre, dans des conditions de temps très exigeantes, sur les sujets les plus ardus. Nous nous confectionnions des QCM « maison » d’une difficulté redoutable. Au bout du compte, le concours ne nous parut pas si difficile.
Je finis second et Élie septième. Partant de là je trouvais que nous avions fait preuve de notre mérite. J’aurais bien vu un tapis rouge se dérouler sous nos pieds. Tel ne fut pas le cas. Les examens se succédaient. Je mettais un point d’honneur à décrocher les meilleurs résultats, mais petit à petit la motivation s’émoussait. Le point de mire suivant était l’internat. Un autre concours dont la préparation nécessitait de passer par les conférences privées. Les efforts fournis jusqu’alors ne servaient à rien, la sélection ne se faisait pas sur ces bases. L’internat me paraissait définitivement injuste. Je décrochais, je ne le préparerai pas. J’avais une aversion pour ce système dont l’objectif ne me semblait pas l’émergence des talents les meilleurs, mais plutôt la conservation des privilèges de certains. C’est en partie faux. Mon copain Élie en est un des nombreux exemples. Il ne faisait pas partie du sérail, il continua, il mène aujourd’hui une brillante carrière de chef de service. D’une certaine manière, je me suis toujours senti exclu du monde médical.
Vinrent les stages hospitaliers, infirmiers puis en tant qu’externe. Là aurait pu se dessiner un compagnonnage. Je ne rencontrai rien de semblable. Vinrent les premiers patients à examiner, les premiers gestes, la première prise de sang, les premiers points, la première ponction lombaire. Dans le lot, certains professeurs me marquaient tout de même. Je pense entre autres au Pr Armengaud, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Purpan de Toulouse. Humaniste, rigoureux, je le sentais désireux de faire de nous des médecins capables de poser un diagnostic avec réflexion. « Vous finirez par donner des antibiotiques comme tous vos confrères, sans vous poser de questions. Vous serez formés par les labos qui vous expliqueront quoi prescrire. Et certains d’entre vous iront apprendre la médecine auprès de confrères qui s’autoproclameront enseignants de quelque méthode à part. » Je l’écoutais avec respect, je n’allais pas suivre la piste des laboratoires pharmaceutiques, mais… celle des méthodes à part.
Le monde hospitalier est le reflet du monde. J’y vivais mal l’arrivisme, la paranoïa et la petitesse. La médecine me plaisait, l’étudier aussi, mais l’étudier ainsi, non. J’irai jusqu’au bout, j’aurai mon doctorat, mon père en sera fier, je ferai des remplacements de médecine générale à la campagne. Peut-être m’installerai-je un jour ? Mais je n’irai pas plus loin.
Troisième année de médecine. Je sors d’une garde en obstétrique, à l’hôpital La Grave au centre de Toulouse. La nuit tombe, j’enjambe ma mobylette, un Peugeot 102 bleu, fidèle destrier ; me revoilà Ivanhoé. Je passe la Garonne et juste après le pont m’engage sur les quais. Je lève la tête, comme d’habitude sur la gauche la lumière est allumée. Je m’arrête sur le trottoir comme souvent au sortir de ces gardes qui m’amènent à passer ici. Régulièrement, dans le noir, je me retrouve là à cette heure, voyeur rêveur, le regard happé de l’autre côté de la rue, au premier étage, derrière la baie vitrée d’un hangar en briques rouges dans l’angle de deux immeubles. À contre-jour l’éclairage laisse deviner l’animation intérieure.
Des silhouettes passent par deux ou trois, silhouettes de femmes surtout. Elles défilent, ondulent, tournent, sautent, disparaissent pour réapparaître plus tard en d’autres trajectoires. Je suis devant le Dansoir. J’aime regarder cette femme qui danse, après une journée passée avec celle qui accouche. J’aimerais la rencontrer et danser avec elle. L’arrêt dure quelques minutes. Mes rêveries m’entraînent vers des horizons improbables, un libre partage avec le féminin. Et je repars pleins gaz sur mon Peugeot bleu.
Je resterai dans le fantasme, l’imaginaire jusqu’à cet après-midi...

Table des matières

  1. Page de Titre
  2. Copyright
  3. Avant-propos
  4. Chapitre 1. Le mouvement, terre inconnue
  5. Chapitre 2. Toucher avec les yeux
  6. Chapitre 3. Entre les mains, un corps conscient
  7. Chapitre 4. Dans l’immobilité
  8. Chapitre 5. Au bout des doigts, l’énergie, l’émotion, la pensée
  9. Chapitre 6. Le mystérieux frémissement de la vie
  10. Glossaire
  11. Bibliographie
  12. Remerciements
  13. 4ème de couverture