L' Illusion méritocratique
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L' Illusion méritocratique

  1. 256 pages
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L' Illusion méritocratique

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À propos de ce livre

«Bravo, tu l'as bien mérité! » Tous ceux qui ont rejoint le camp des vainqueurs du jeu scolaire et universitaire voient ainsi salués leurs efforts et leur «mérite», leurs «capacités» et leurs «talents». Mais ces éloges ont un revers: en élevant les uns, ils rabaissent les autres, définis précisément par ce qu'ils ne sont pas. David Guilbaud, lui-même issu de ce système méritocratique, montre comment, en dépit des travaux de Bourdieu et de ses successeurs, en dépit des dispositifs d'«égalité des chances» qui se développent, tout concourt à maintenir un statu quo inégalitaire dès les premières années du parcours scolaire. C'est cette discordance entre les discours et la réalité que ce livre examine. Avec une question: pourquoi ce système est-il si ardemment défendu non seulement par les gagnants du jeu «méritocratique», mais aussi par ceux qu'il a laissés de côté? Bref, quels sont les ressorts de cette illusion méritocratique et pourquoi est-il important de la dissiper? Un guide d'autodéfense intellectuelle à l'usage de ceux qui doutent de faire partie des «meilleurs». David Guilbaud, issu de la promotion George Orwell (2015-2016) de l'École nationale d'administration, est aujourd'hui haut fonctionnaire.

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Informations

CHAPITRE 1

Veni, vidi… dixi


Raconter le monde des gagnants de l’élitisme méritocratique

« Bravo, tu l’as mérité. » Nombreux sont ceux qui, dans mon entourage plus ou moins proche, ont eu et ont encore recours au lexique du mérite pour rendre hommage au parcours qui m’a permis de franchir l’une après l’autre toutes les étapes de l’ascension menant aux sommets de la hiérarchie scolaire et sociale. Je ne suis pas le seul : tous ceux, sans aucune exception, qui ont rejoint le camp des vainqueurs du jeu méritocratique sont salués pour leurs efforts, leur travail, leur « mérite », mais aussi leurs « capacités » et leurs « talents ». Ces termes élogieux sont autant de petites touches qui peignent le portrait de sujets d’exception, qui seraient dotés de qualités les rendant intrinsèquement supérieurs aux autres.
Mais ces éloges ont un revers : en élevant les uns, ils rabaissent les autres. Derrière chaque compliment se cache l’affirmation discrète d’une différence d’essence entre ceux qui appartiennent à ce monde des vainqueurs et ceux qui n’en sont pas. Chaque éloge creuse encore un peu plus le fossé social qui sépare ces supposées élites des « autres », de ce groupe dont les membres sont définis précisément par ce qu’ils ne sont pas : pas issus de ces écoles, pas dotés de ces diplômes, pas membres de ce monde. Combien de fois me suis-je trouvé mal à l’aise face à quelqu’un que mon statut social intimidait ? Combien de fois ai-je été embarrassé par les propos de quelqu’un qui, voulant bien faire, insistait pour souligner qu’il était loin d’être aussi intelligent et cultivé que moi – c’est-à-dire que « nous », que tous ceux qui font partie de cette « élite » célébrée par les autres autant que par elle-même. Dans notre société, ceux qui n’ont pas le statut n’ont pas la compétence : ils doivent s’incliner et laisser les dominants parler. Ils sont même invités à voter pour eux. Celui-là, par exemple, qui a fait l’ENA et veut être président de la République, doit être très intelligent. N’est-ce pas ? D’ailleurs, on nous l’a bien dit lorsque nous sommes entrés à Sciences Po : « Vous êtes l’élite de la nation. » Et, pour s’assurer que nous ne l’eussions pas oublié, on nous l’a redit lorsque nous sommes entrés à l’ENA. Difficile d’être plus clair.
Cette dictature du « mérite » scolaire et du statut auquel il donne accès est d’autant plus révoltante qu’elle masque l’indigence des enseignements proposés dans ces écoles. Sciences Po, l’ENA… Quel plaisir ce doit être d’étudier dans ces temples de la connaissance ! C’est en tout cas souvent ce que l’on pense lorsqu’on ne connaît ces derniers que de l’extérieur. Pour ma part, après cinq années passées dans l’un et deux années dans l’autre, c’est un autre sentiment qui domine : l’indignation. L’indignation envers la médiocrité générale des enseignements qui y sont dispensés, à de trop rares exceptions près1 ; l’indignation envers le conformisme qui y prévaut et est exigé de leurs élèves ; l’indignation envers l’hypocrisie de ces écoles qui jouent les grandes et se drapent dans les beaux atours de l’élitisme. Il se passait rarement un jour, durant notre scolarité à l’ENA, sans que l’indigence des contenus pédagogiques et des exigences intellectuelles qui y prévalaient ne se rappelle à nous et vienne encore alimenter notre lassitude et notre frustration. C’est devenu une blague entre anciens camarades de promo : lorsque quelqu’un énonce une évidence avec l’air de celui qui vient de trouver une idée géniale, il se voit rétorquer : « T’as fait l’ENA, toi, non ? » Ceux qui ne savaient rien de ces écoles nous disaient, parfois un peu envieux, que l’on devait y suivre des cours passionnants. Erreur. On ne demande pas à leurs élèves d’apprendre des choses, encore moins de développer une analyse critique. On ne leur demande pas de se cultiver, de devenir « brillants ». Ces fantaisies sont totalement hors sujet dans ces écoles qui sont avant tout des écoles de commandement. Ce que l’on nous demandait, à nous élèves, c’était de devenir des dominants. D’acquérir des « savoir-être », de savoir diriger et commander. Et, si possible, de maîtriser cette compétence très particulière consistant à donner l’impression à tous les autres que l’on sait tout sur tout, alors que l’on ne sait presque rien sur pas grand-chose. Presque rien, car même lorsqu’il arrivait, par intention ou accident, que le cursus proposé à l’étudiant en master « affaires publiques » de l’IEP de Paris comprenne un cours intéressant, il ne s’agissait jamais que d’une dizaine de conférences, bien insuffisantes pour creuser réellement le sujet dont il était question. Le constat est encore plus sévère s’agissant de l’ENA, qui ne propose à ses élèves que des conférences ponctuelles sur tel ou tel sujet important – le sort des migrants, l’habitat insalubre, les politiques éducatives – auquel ne seront consacrées que deux pauvres heures, tandis qu’un exercice absurde consistant à rédiger une note administrative, dans des conditions sans lien avec la réalité professionnelle, concentrera l’attention des élèves pendant des semaines, entre épreuves blanches et corrections insipides, jusqu’à l’apothéose qu’est l’épreuve de classement, sorte de flagellation intermédiaire avant le Jugement dernier de l’énarque.
Aucun de ceux qui ont fréquenté ces établissements ne peut honnêtement croire ni prétendre que leurs enseignements justifient la reconnaissance sociale exorbitante accordée à leurs anciens élèves. Pourtant, beaucoup trop de ces derniers croient sincèrement qu’ils font partie de cette « élite de la nation » que certains aiment exalter. Cette croyance s’installe très tôt : il suffit de se promener aux abords de la rue Saint-Guillaume, à Paris, pour observer la faune bien particulière des bébés « Sciences Po » qui, à peine entrés en première année, apprennent à jouer aux dominants en s’entraînant à traiter les autres avec ce savant mélange d’arrogance tranquille, de morgue délicate et de mépris souriant qui caractérisait déjà, pour beaucoup d’entre eux, leurs propres parents. Terrible maladie que cette arrogance, à la fois héréditaire et contagieuse, qui fait de ces postadolescents des dominants en puissance. Touchés par la grâce de l’élitisme méritocratique, ils ont gagné leur ticket pour le monde d’« en haut », celui des privilégiés pour lesquels un jour passé sans se rappeler, et rappeler aux autres, la supériorité de leur statut est un jour perdu. Passer cinq ans à Sciences Po, c’est donc – mais heureusement pas seulement – devoir supporter ces bébés donneurs de leçons qui, sans avoir jamais connu la difficulté, n’aiment rien tant que prononcer de grands discours sur la « valeur travail » et l’importance de l’effort et du mérite, idéalement après avoir fumé leur cigarette de 10 h 30 et avant de retourner vérifier l’état de leurs réseaux sociaux.
Cette illusion d’une supériorité d’autant plus fortement affirmée qu’elle n’est fondée sur rien de tangible s’accompagne ainsi d’un puissant mépris social qui s’enracine durablement chez les intéressés. La belle histoire qu’ils se racontent pour exalter leur mérite et leur compétence comprend d’autres personnages : des faire-valoir, qui doivent payer le prix du songe doré dans lequel les héros de l’histoire se blottissent. Un jour, une amie m’a raconté l’anecdote suivante, si révélatrice, à laquelle elle avait assisté. Alors qu’il s’échinait, sans grand succès, à faire démarrer la voiture du préfet, un employé de préfecture avait lâché : « Je ne dois pas être assez méprisant. » L’anecdote traduit bien l’insupportable prétention d’un trop grand nombre de ceux qui gravitent dans ces milieux : parce qu’ils tiennent l’essentiel du sentiment de leur propre valeur du statut auquel ils ont accédé plutôt que de leurs compétences en tant que telles, ils se font un devoir de l’infliger quotidiennement à ceux dotés d’un statut subalterne, parce qu’écraser les autres leur procure une jouissance et un réconfort à nuls autres pareils. En ne reconnaissant d’égaux que ceux qui disposent du même statut qu’eux, ils se convainquent qu’ils appartiennent à un groupe supérieur. Ils jouissent de reconnaître dans les autres leurs semblables et de se reconnaître en eux tel qu’ils espèrent être eux-mêmes : forts, dominants, reconnus, consacrés, assurés de leur valeur sociale. Cela les réconforte parce que cela leur permet de se convaincre qu’ils sont supérieurs à quelque chose : à quoi, ils ne le savent pas vraiment. Ils se rêvaient conquérants, Bonaparte au col du Grand-Saint-Bernard, héros magnifiques à la hauteur de la promesse élitiste qui leur a été imposée dès leur adolescence ; ils ne sont devenus que de tristes figures égoïstes, qui vengent leurs frustrations en rabaissant ceux qui les entourent dès qu’ils le peuvent. L’un refusera catégoriquement de donner son nom lorsqu’un agent de sécurité le lui demandera, partant du principe que tout un chacun est censé le connaître ; l’autre sautera à la gorge du malheureux qui aura osé le gratifier d’un simple « bonjour » au lieu d’un « bonjour monsieur ».
Ce mépris social leur permet de se rassurer ; il leur permet aussi de tenir les autres à distance. L’incompétent qui fait valoir son statut pour disqualifier les autres pratique une forme de guerre préventive : de crainte que quelqu’un ne l’humilie en lui démontrant qu’il est dans l’erreur, il humilie tout le monde en étouffant d’avance leurs voix sous le poids des différences de statut. À cet égard, il n’est guère étonnant de constater que, bien souvent, ce sont les plus compétents qui sont les plus sympathiques avec tous ceux qu’ils côtoient, quel que soit le statut de ces derniers. On pourrait s’étonner que les petits chefs ainsi décrits ne comprennent pas que ce qui ne leur coûterait rien – être agréables, polis, souriants, sympathiques – pourrait leur rapporter beaucoup, et qu’ils préfèrent faire le choix de l’arrogance et du mépris. Mais c’est parce que cela, en fait, leur coûterait, et c’est toute la tristesse de leur situation. Ils ont vraiment le sentiment qu’ils dérogeraient, qu’ils s’aviliraient, s’ils s’abaissaient au niveau de ces êtres inférieurs en faisant preuve de sympathie à leur égard. Pauvres d’eux. On ne serait pas loin de plaindre ces presque-morts, momifiés dans leurs titres et leurs statuts, s’ils ne faisaient tant de mal.
Ces milieux sociaux sont malades de l’étiquette, étourdis par cette ivresse du statut, au point que les propos tenus par une personne y sont toujours entendus à travers le filtre de son statut social. L’intéressé peut bien prononcer des propos lumineux, il y a de bonnes chances que ces derniers soient complètement assombris et assourdis en raison du handicap statutaire de leur auteur. Les différences de statut se traduisent par une présomption de compétence pour les uns et une présomption d’incompétence pour les autres. Pour obtenir une même reconnaissance professionnelle ou sociale, celui qui ne dispose que d’un statut inférieur devra toujours travailler dix fois plus et être dix fois meilleur que celui qui appartient à la caste dominante. Ce qui est en jeu dans cet impérialisme des statuts dominants n’est pas si éloigné de ce qui sous-tendait le dégoût des aristocrates d’hier envers les roturiers. C’est le même réflexe défensif-agressif qui se déploie, toujours aussi efficace : en renvoyant l’indésirable à son infériorité essentielle, intrinsèque, on assure la perpétuation d’une barrière infranchissable qui préserve les privilèges de ceux qui sont du bon côté.
Ce mépris social qu’encourage l’élitisme méritocratique n’est pas la seule raison d’en vouloir à ce totem. L’interminable et sans cesse renouvelée célébration des élites méritocratiques est agaçante également en ce qu’elle prétend rendre justice des efforts de chacun alors qu’elle ne fait que prendre acte d’inégalités établies à l’issue d’un jeu biaisé à de nombreux titres. Rien, à cet égard, n’est plus hypocrite que l’injonction habituelle qui prétend que « quand on veut, on peut ». Qui peut prétendre que, dans le long processus d’assignation des individus à un destin social, seul le mérite permet de départager l’homme blanc bien né d’un autre d’origine « modeste », pudique terme pour désigner la pauvreté ? Ou d’une femme ? Ou issu d’une de ces « minorités visibles » qu’on préfère souvent ne pas trop voir ? Ou d’un transsexuel ? Ou encore d’une personne « en situation de handicap » ? Quant aux femmes transsexuelles, pauvres et noires, je n’en ai pas encore rencontré une seule dans les cercles restreints de l’élite sociale, mais sans doute cela s’explique-t-il par leur absence d’ambition plutôt que par les biais du jeu méritocratique. Alors, quand on veut, on peut ? Eh bien, non : parfois, très souvent en fait, on a beau vouloir très fort, on ne peut pas. On est bloqué. On se heurte à un mur, et la partie est terminée.
Notre vision collective est marquée par la grande et belle image de la République égalitaire qui, sortie par le miracle révolutionnaire des ténèbres de l’Ancien Régime, aurait enfin permis d’établir une société de l’égalité et du mérite. Cette image est un rideau de fumée, et le souvenir de la Révolution est d’autant plus célébré qu’elle a permis, en remplaçant le principe de l’héritage par celui du mérite, d’établir sur des bases solides la domination sociale de la bourgeoisie. Notre société n’est pas égalitaire. Elle ne l’a jamais été, et le suffrage universel n’y change rien. Nous vivons toujours dans une aristocratie, à ceci près que les titres scolaires et les statuts professionnels ont remplacé les quartiers de noblesse. Un champion de moto devient, sans avoir le baccalauréat, député, maire et ministre ? On prend soin de l’appeler le « motodidacte ». Un agent d’assurances, fils d’employés de banque, devient député, puis ministre et président de région ? On s’assure que personne n’oublie ce passé d’assureur et on l’appelle « Floc Floc » pour moquer le bruit de ses semelles de chaussures qui n’ont pas le bon goût de dépasser les 1 000 euros.
Alors, pourquoi ce livre ? Parce que les gagnants de ce jeu méritocratique ont une responsabilité, celle de parler pour dire que la réalité diffère de l’image véhiculée par les discours des promoteurs de l’élitisme méritocratique, et qu’il nous faut nous libérer de cette domination du mérite scolaire et des statuts qui asphyxie notre société. Il faut avoir le courage de dire que la « méritocratie » est faussée, et que le jeu scolaire oppose des joueurs dotés d’armes inégales. Il faut avoir le courage de dire que l’élitisme méritocratique ne permet pas de sélectionner les plus compétents, mais qu’il consolide en pratique la domination de certaines catégories sociales. Il faut, enfin, dire et répéter que le droit à la parole des membres de la société ne doit pas dépendre de leur statut, qui n’est ni un gage de compétence ni celui d’une valeur intrinsèquement supérieure. C’est donc au déboulonnage de ces totems et à la déconstruction de ces fausses évidences que les chapitres suivants seront consacrés.

CHAPITRE 2

Illusoire égalité des armes


« Il naît des hommes, il naît des femmes, il naît des filles uniques et des familles de dix enfants, il naît des enfants doués pour les études et d’autres doués pour les travaux manuels. Ce ne sont pas des inégalités de la nature, ce sont des disparités, des différences neutres par rapport à tout sentiment de justice ou d’injustice. Trente ans après leur naissance, certains travaillent de leurs mains, d’autres s’occupent de leur foyer, d’autres accèdent à des postes de commandement, d’autres tournent des films, d’autres enseignent à la génération nouvelle. Leurs vies sont différentes, leurs modes de vie sont différents : là encore, des disparités sont inévitables. »
Valéry GISCARD D’ESTAING,
discours prononcé en 1970.
« Les principes sont sacrés. Je pense en particulier au grand principe d’égalité qui est la clef de voûte de notre unité. Mais de quelle égalité parlons-nous ? Si l’on parle de l’égalité absolue des situations, on tombe tout de suite dans l’égalitarisme, et l’égalitarisme, c’est le contraire de la République parce que la République, c’est aussi la récompense du mérite. La République, c’est l’élitisme républicain, c’est la récompense de l’effort et la récompense du travail, ce n’est pas l’égalitarisme. L’égalité républicaine, c’est l’égalité devant la loi, l’égalité des droits et des devoirs, c’est l’égale dignité des personnes, c’est l’égalité des chances. »
Nicolas SARKOZY,
discours prononcé en 2008.

« Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » : la promesse méritocratique

Le concept de « méritocratie » n’a émergé que récemment, dans des conditions et pour des raisons très différentes de celles qui entourent son utilisation actuelle. Sa première utilisation daterait de 1958, avec la publication par le sociologue britannique Michael Young d’un roman intitulé The Rise of the Meritocracy1. Dans cette satire dystopique, l’auteur présentait sa vision d’un futur dans lequel le recours à l’« intelligence » et au « mérite » comme critères exclusifs de valeur sociale aurait permis ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Introduction
  6. Chapitre 1 - Veni, vidi… dixi - Raconter le monde des gagnants de l'élitisme méritocratique
  7. Chapitre 2 - Illusoire égalité des armes
  8. Chapitre 3 - Triés avant même de s'en rendre compte
  9. Chapitre 4 - Sur un fil - Devenir un « miraculé scolaire »
  10. Chapitre 5 - « Si cela existe, c'est qu'il y a une raison » - Le mérite selon qui, pour servir qui ?
  11. Chapitre 6 - Direction : le mur - Quelques-uns gagnent, tout le monde perd
  12. Chapitre 7 - Que faire ?
  13. Conclusion
  14. Notes
  15. Table