Parle à ceux que tu n'aimes pas
eBook - ePub

Parle à ceux que tu n'aimes pas

Le défi de Babel

  1. 240 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Parle à ceux que tu n'aimes pas

Le défi de Babel

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

« Reconstruire Babel, c'est refuser la dispersion et l'enfermement, tisser solidement les fils d'un dialogue exigeant et lucide entre nos intelligences singulières, aussi différentes, aussi éloignées soient-elles. Reconstruire Babel, c'est transmettre une langue commune et forte pour que nos enfants, curieux de la différence et défiant la distance, puissent construire ensemble un monde un peu meilleur que celui que nous leur aurons laissé. Reconstruire Babel, c'est le défi que nous devons aujourd'hui relever. » A. B. Une analyse lucide de notre société; des propositions pour que, à nouveau, nous puissions croire ensemble en un avenir commun. Professeur de linguistique à l'université Paris-Descartes, conseiller scientifique de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, Alain Bentolila est l'auteur de plusieurs ouvrages qui sont de grands succès, parmi lesquels Tout sur l'école et Le Verbe contre la barbarie, qui a reçu le prix Essai France Télévisions.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Parle à ceux que tu n'aimes pas par Alain Bentolila en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Langues et linguistique et Linguistique. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2010
ISBN
9782738196040
Première partie
La chute de BABEL : une langue qui nous divise
Tout ce qui nous divise en groupes sourds les uns aux autres, tout ce qui nous incite à ne faire don de notre parole qu’à ceux qui nous ressemblent ; en bref, tout ce qui nous dissuade ou nous rend incapables de franchir la distance sociale, religieuse, professionnelle ou culturelle qui nous sépare des autres, tout cela nous renvoie à la destruction de BABEL.
Aujourd’hui, la chute de BABEL, c’est une langue française traversée par de telles inégalités de parole, de lecture et d’écriture que son intégrité même se trouve remise en cause.
Aujourd’hui, la chute de BABEL, ce sont des millions de femmes, d’enfants et d’hommes qui sont privés du droit fondamental de laisser une trace fermement dessinée d’eux-mêmes sur une intelligence étrangère.
Aujourd’hui, la chute de BABEL, c’est notre renoncement à transmettre à nos enfants une langue juste et forte capable de porter une pensée libre et lucide.
La chute de BABEL, ce n’est pas la dispersion des langues, c’est l’affaiblissement du verbe qui n’a plus la force de construire une intelligence collective nourrie par un dialogue exigeant et fécond.
Chapitre premier
Inégalités linguistiques : les pauvres, les nantis et les cyniques
En elle-même, une langue n’est pas riche ou pauvre. Une langue n’est rien sans ceux qui la parlent. La langue française ne s’enrichit pas nécessairement à mesure que s’accumulent les trouvailles de ses utilisateurs même si elles sont étonnantes ou pittoresques. Elle n’est pas un trésor linguistique libéralement ouvert à tous dans lequel chacun puiserait avec un égal bonheur et une égale pertinence. La richesse d’une langue ne se mesure pas au nombre de pages nouvelles des dictionnaires à la mode qui, chaque année, se disputent la palme de la modernité et du jeunisme en rivalisant d’audace pour intégrer précipitamment des mots aussi nouveaux qu’éphémères. Notre langue française, ce sont des hommes et des femmes qui entretiennent avec elle des relations de plus en plus inégales. Il y a ceux qui ont eu la chance de vivre un apprentissage au cours duquel le confort douillet de la connivence a alterné avec la confrontation exigeante à la distance ; ceux-là ont certes goûté aux mots de la proximité et de la familiarité, mais ont aussi acquis, parfois chèrement, les mots de la différence et de l’éloignement. Guidés par des médiateurs attentifs et ambitieux, ces « nantis » de la langue ont appris à ajuster leurs riches moyens linguistiques aux besoins justement mesurés des différentes situations de communication. Et puis, il y a les autres qui n’ont pas eu cette chance. Eux n’ont connu que proximité, banalité et indifférence ; leur horizon de parole est limité par un vocabulaire réduit et une organisation grammaticale chaotique. Ce sont les « pauvres » du langage, impuissants à défendre leurs points de vue, incapables de dénoncer la propagande, sans défense contre l’arbitraire et l’injustice.
Dans ce contexte d’insupportables inégalités linguistiques, les moins favorisés manquent cruellement de modèles qui les hissent au-dessus du quotidien de leurs discours réduits : ils ont besoin d’exigence et non de complaisance. Dans les classes, les élèves ont besoin que leurs maîtres leur parlent une langue de distance et de précision, car l’école est le seul lieu où cette chance sera offerte aux plus démunis. De la même façon, nos politiques, au plus haut niveau de l’État, devraient prendre toutes leurs responsabilités linguistiques. Un Président, un ministre ne peuvent laisser leurs discours traîner dans la familiarité, voire dans la grossièreté. Leurs discours constituent un modèle linguistique très largement diffusé, et ces modèles doivent faire honneur à la langue française et aux fonctions qu’ils occupent. Quand Fadela Amara utilise volontairement des expressions de la langue des ghettos sociaux, elle ne rend pas service aux jeunes qui n’ont d’autre langue que celle-là. Elle ne les sert pas, elle se sert de leur pauvreté linguistique. Quand elle clame avec jubilation que « le Président parle comme une vraie “caillera” », elle flatte complaisamment son manque de tempérance et de lucidité, alors que les jeunes des cités ont besoin qu’au plus haut niveau de l’État on leur indique que l’explication, l’argumentation et la précision des mots sont les conditions de la réussite et de la dignité sociales.
Cette coupable complaisance incite certains adolescents et jeunes adultes (et pas seulement ceux des quartiers) à revendiquer ce langage « différent » comme l’affirmation d’une identité perdue, la marque d’une appartenance ethnique ou cultuelle dont on cherchera en vain les repères. Ceux qui soulignent le dynamisme, la créativité et la valeur identitaire de la langue des quartiers semblent ignorer l’enfermement auquel l’insécurité linguistique condamne ceux qui la subissent. Ces bons apôtres, de droite ou de gauche, refusent d’analyser les enjeux politiques et sociaux du langage, et feignent d’être séduits par l’écume d’une parole dont le pittoresque cache bien mal l’inquiétante approximation. Ils clament à qui veut l’entendre que tous les langages sont égaux alors que certains livrent les clés du monde et que d’autres ferment les portes du ghetto.
Il ne s’agit pas de plaider pour une servile obéissance à une norme immuable, ni de se lamenter sur la pureté perdue d’une langue que tout changement pervertirait. Dénoncer l’absence de pouvoir linguistique dont souffrent certains des citoyens de ce pays, ce n’est pas stigmatiser les fautes d’orthographe et de grammaire en évoquant un temps rêvé où, une fois passé le certificat d’études primaires, on n’en commettait plus. En matière d’éducation, la nostalgie est toujours mauvaise conseillère. Le juste combat pour la langue française doit permettre à la majorité de ceux qui vivent en France de disposer de mots suffisamment précis, de structures grammaticales suffisamment stables et de formes d’argumentations suffisamment organisées pour imposer leur pensée au plus près de leurs intentions et pour accueillir celle des autres avec infiniment de lucidité et de vigilance. Car c’est bien là le problème essentiel ! La question n’est pas de dénoncer des mots de formes étranges qui pourraient choquer notre (trop grande) sensibilité orthographique ; la seule question qui mérite d’être posée avec obstination est celle de la marginalisation linguistique. Une marginalisation qui a peu de chose en commun avec l’argot dont on se servait pour éviter d’être compris, tout en sachant parfaitement s’expliquer avec n’importe qui, policiers compris. Non ! Cette marginalisation linguistique est fille de l’enfermement et de l’inégalité ; elle est subie. Parfois revendiquée comme marque faussement identitaire, elle ruine en fait toutes chances d’insertion, elle ne permet pas de se défendre contre l’injustice et l’exploitation.
Ces difficultés linguistiques se nouent très tôt, comme s’installent très tôt les inégalités de parole puis d’écriture. Un enfant n’apprend pas à parler plusieurs fois. Dès l’enfance, dans la famille et à l’école maternelle, il doit être amené à découvrir les enjeux de la communication humaine. Il va avoir besoin qu’on lui fasse comprendre ce que parler veut dire : le droit de laisser une trace de lui-même sur l’intelligence d’un autre mais aussi le devoir de préciser et d’organiser son langage afin d’être compris au plus juste de ses intentions. C’est très tôt que lui sera donné le goût de l’Autre. Le goût d’élire l’Autre – parce que différent – comme celui avec lequel il aura à passer des conventions qui porteront vers lui sa pensée singulière avec une chance qu’il ne la trahisse point. Dès l’instant où un bébé vient au monde, dès ses premiers regards, dès ses premiers gestes, il s’engage sur la voie de la « signification pour l’Autre ». Gestes ritualisés, qui gagnent en constance et en conventionnalisation, sont les premières tentatives de faire de l’autre son partenaire de sens. Des signaux aux signes, des signes aux mots, des mots aux phrases, se dessine la voie de la communication humaine à laquelle la langue donnera toute sa puissance et toute sa liberté. Pour que le pouvoir linguistique soit au bout du chemin, un enfant devra pouvoir s’appuyer sur des médiateurs qui l’aideront à sortir du pré carré de la familiarité et de la connivence pour s’adresser à ceux qu’il connaît moins pour leur dire des choses qui ne leur sont pas familières ; car tel est le vrai défi de l’apprentissage de la langue. Pour le relever il aura besoin qu’on l’aide à analyser ses échecs et à les transformer en conquêtes nouvelles ; parents et enseignants devront lui rappeler sans cesse qu’au jeu du langage, c’est l’étranger qui est son partenaire privilégié et l’étrange son sujet d’élection. Plus il affirmera sa volonté de repousser jour après jour les limites du connu, et plus il mettra courage et envie dans l’apprentissage d’une langue forte et précise. C’est en effet parce qu’on lui aura donné le désir d’élargir le cercle de ceux à qui il s’adresse et celui des sujets qu’il ose aborder qu’un jeune enfant consentira des efforts pour acquérir un vocabulaire plus riche, des structures plus complexes.
Certains enfants ont la chance qu’on leur donne le goût de l’exigence, l’appétit de la précision ; d’autres se réfugient dans le flou et le banal pour ne pas s’exposer, pour ne pas se dévoiler à un monde qu’ils pensent indifférent ou hostile. Cantonnés à une communication de stricte connivence, ils se sont repliés sur un vocabulaire flou et réduit. Car plus on connaît quelqu’un, plus on a de choses en commun avec lui, et moins on aura besoin des mots précis pour communiquer ensemble. En bref, si un enfant ne s’adresse qu’au petit cercle de ceux qui lui ressemblent, qui ont les mêmes références culturelles, qui appartiennent au même milieu social, cela « ira sans dire ». Il n’aura pas besoin de mettre en mots précis et soigneusement organisés sa pensée. Il partage avec ses alter ego tellement de choses, il subit une telle proximité, il limite tellement les contenus de ses échanges que l’imprécision devient la règle d’un jeu linguistique rétréci dont les enjeux et les ambitions ne lui ont pas été clairement transmis. Personne n’a dit à cet enfant sans repère que la langue est faite pour le hisser au sommet de ces montagnes où se raréfie l’oxygène du « déjà vu » et du « déjà su » ; là où il ne rencontrera que quelques rares silhouettes indistinctes avec lesquelles l’idée même de l’échange est un défi ; là où les mots peinent à porter une charge si lourde qu’ils ont sans cesse la tentation d’abandonner la partie, pour laisser place à l’indifférence et à la violence. Personne ne l’a équipé pour cette douloureuse et merveilleuse escalade.
À nos enfants, à nos élèves nous devons donc proposer des situations de communication les plus variées possibles. Varier les interlocuteurs en invitant l’enfant à oser s’adresser à des gens qu’il connaît mal ou qu’il ne connaît pas. Varier les sujets de discussion pour passer du banal au singulier, de l’attendu à l’étrange, de l’évident au complexe. Varier les formes de discours : raconter mais aussi témoigner ; décrire mais aussi expliquer ou encore argumenter. Ces incitations régulières à relever des défis de communication, en évitant bien sûr l’importune insistance, l’obligeront à mobiliser des moyens linguistiques de puissance différente, puisant parfois au plus profond des trésors de la langue, parfois se contentant d’écumer la surface du lexique. Car il ne faudrait pas croire que l’échec en termes de communication est toujours dû à une pénurie de mots. Lorsqu’on a en face de soi quelqu’un qui nous est très proche, avec lequel on partage ce que l’on peut appeler un même « territoire d’informations », il est inutile, voire nuisible de le noyer sous une pluie d’indices. Mais utiliser des mots passe-partout, des structures grammaticales imprécises et des liaisons discursives relâchées alors que la situation dans laquelle on officie exige rigueur et précision conduit aussi sûrement à l’échec. Si la prodigalité gratuite n’assure pas le succès d’un acte de communication, la pénurie ne le garantit en aucune façon. Seul vaut l’ajustement pertinent des moyens dont dispose un enfant aux attentes d’un auditeur particulier et aux exigences d’une situation particulière. Le juste usage de la langue est donc celui qui s’appuie sur une évaluation des attentes et des besoins de l’autre et mobilise en conséquence les moyens linguistiques pertinents : « De quoi ou de qui ai-je l’intention de parler ? » ; « Que vais-je en dire ? » ; « Que sais-je de celui à qui je destine mon message ? » ; « Que sait-il de mes intentions et de moi-même ? » ; « Que sait-il du sujet de ma communication ? » ; « Quelle situation préside à mon acte de parole ? » Telles sont les questions indispensables que doit se poser un enfant pour devenir un locuteur ou plus tard un scripteur responsable. Peser soigneusement ce que son interlocuteur est censé savoir, donner suffisamment d’informations mais pas trop, voilà ce qui conditionnera la pertinence de son propos.
Dans l’apprentissage de la communication, rien n’est pire que la banalisation monotone : parler aux mêmes gens des mêmes choses. C’est pourquoi une trop forte homogénéité dans une classe ou dans un groupe familial est infiniment dangereuse ; elle réduit nos ambitions de parole aux reflets de nous-mêmes. En matière d’apprentissage et de déploiement de la langue, c’est la mixité, la variation, la différence qui apportent enrichissement et flexibilité. Une classe comme une famille, d’ailleurs, ne sont pas des lieux d’élection. Elles ne doivent pas l’être ! Un enseignant ne choisit pas ses élèves et les élèves ne se choisissent pas entre eux. De même ne choisit-on pas sa famille. On n’est pas dans la même classe parce qu’on s’aime ; on n’est pas dans la même classe parce qu’on se ressemble. On s’y retrouve, on s’y reconnaît chacun dans sa différence et on essaie de vivre ensemble. Un élève doit apprendre que sa parole n’est pas uniquement réservée aux camarades avec qui il a des affinités. De la même façon, un enfant ne parle pas à ses parents parce qu’il les aime ; il les aimera, peut-être, parce qu’il leur aura parlé et qu’eux-mêmes auront pris infiniment de soin à le comprendre et à lui répondre. La première leçon de l’école prolonge celle de la maison : faire comprendre que cette langue, dont on va sans cesse perfectionner la maîtrise, est faite pour rendre audibles les différences, non pour les édulcorer. En bref, dans la classe comme chez lui, l’« élève-enfant » devra apprendre à communiquer avec ceux qu’il n’aime pas, ceux qui sont les plus différents de lui. Parents et enseignants doivent ainsi faire en sorte qu’il sépare clairement ce qui est dit de l’identité de celui qui le dit. De telle sorte qu’il apprenne à juger une proposition pour ce qu’elle est et non pas en fonction de l’affection ou de la haine que l’on porte à celui qui la profère.
C’est la qualité de l’accompagnement familial puis scolaire qui conditionne la réussite de l’apprentissage linguistique d’un enfant. On ne s’en exonère pas en lui achetant un jeu ou un logiciel, ou en le collant devant une émission de télévision, fût-elle éducative. Un des droits fondamentaux du petit enfant est qu’on porte une attention constante à ce qu’il dit. Il a besoin qu’on lui donne régulièrement des mots nouveaux ; il veut voir dans les yeux de l’adulte que l’on accueille avec vigilance ses tentatives parfois maladroites mais toujours signifiantes. Il demande que l’on s’engage à ses côtés, avec autant de bienveillance, d’exigence que de constance… C’est cette présence attentive, cette écoute affectueuse et lucide, cette parole qui alterne connivence et distance dont sont privés bon nombre d’enfants quelle que soit leur appartenance sociale. Une des mutations les plus importantes de notre société tient au fait que les familles sont amenées à confier beaucoup plus tôt qu’auparavant leurs enfants à d’autres. Il ne s’agit pas de le déplorer ; il est vain de regretter avec nostalgie l’heureux temps où tous les petits enfants bénéficiaient plus longtemps de la chaleur du foyer familial. La seule question qui mérite d’être posée est la suivante : comment assurer, à un moment crucial du développement d’un enfant, une qualité d’accueil et d’accompagnement qui lui donne les meilleures chances d’épanouissement ?
Parlons clair ! La conquête par les femmes des postes de responsabilités au plan professionnel, associatif et politique est sans aucun doute la meilleure chose qui pouvait arriver à notre société tout entière. Encore faut-il que cette émancipation soit accompagnée de mesures sociales telles qu’une mère ne soit pas déchirée entre des obligations professionnelles exigeantes et sa volonté de donner à son enfant le temps d’affection, d’écoute et de compréhension qu’elle sait indispensable à son épanouissement. Nous, pères, maris ou compagnons, n’avons pas voulu ou su compenser la juste prise de responsabilités de nos compagnes ; dans la plupart des cas, nous n’avons rien ou très peu changé à nos ambitions professionnelles et à nos habitudes de vie. Il m’apparaît injuste et scandaleux qu’une femme ne puisse pas conjuguer avec sérénité son travail et son rôle de mère-médiatrice. Au lieu d’avoir octroyé à tous les Français des loisirs supplémentaires à travers la loi limitant le temps de travail à trente-cinq heures, j’aurais préféré que l’on fasse un effort significatif pour permettre aux mères (ou aux pères d’ailleurs) de jeunes enfants de partager leur temps entre leur profession et l’éducation de leurs petits, et ce, avec l’assurance totale que ce partage ne nuirait en rien à l’avancement de leur carrière. On ne peut pas condamner un tout petit enfant à ne voir sa mère qu’une heure à peine par jour pendant la semaine ; on ne peut pas condamner une mère à laisser toute la journée son enfant à des gens qui ne pourront pas jouer un rôle de médiateur dévoué et attentif. Il est bien beau de parler de parité, mais, si cette juste cause n’est pas portée par des mesures qui garantissent aux femmes un équilibre serein entre l’accompagnement de son petit enfant et sa responsabilité professionnelle, elle restera un simple mot d’ordre et cachera mal une très profonde injustice.
Et, pour couronner le tout, les grands-parents, en bien meilleure forme qu’auparavant et beaucoup plus sollicités...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Copyright
  4. Table
  5. Dédicace
  6. Introduction. BABEL revisitée
  7. Première partie. La chute de BABEL : une langue qui nous divise
  8. Seconde partie. Le défi de BABEL : une langue qui nous rassemble
  9. Du même auteur
  10. Quatrième de couverture