La petite fille derrière le gros buzzer rouge
Alice a 45 ans. Mariée depuis près de vingt ans, cette éducatrice spécialisée est toujours attachée à son époux. Mais suite au deuil douloureux d’un ami proche, elle s’est prise d’affection pour un autre homme. Elle sent bien pourtant que cette liaison serait contraire à ses valeurs et à son souhait de rester fidèle à son mari. Mais elle n’arrive pas à y renoncer. Elle arrive en séance désemparée…
ALICE : Je me sens comme embarquée dans un cyclone. C’est plus fort que moi. Cet homme que j’ai rencontré, j’en suis tombée amoureuse sans rien voir venir. Tous les matins, je ne peux pas m’empêcher de lui envoyer des SMS. Pourtant, je souhaite rester fidèle à mon mari. Je l’aime toujours.
FRANÇOIS : Merci Alice. Si je comprends bien, une part de toi est très attirée par cet homme que tu as rencontré et te pousse à lui écrire des SMS, alors qu’une autre part de toi veut que tu restes fidèle à ton mari. Peux-tu aller à l’intérieur et voir ce que tu ressens maintenant que tu as pu dire ça.
A. : C’est un énorme soulagement de pouvoir en parler. Ça fait sept mois que ça dure et je n’ai personne à qui confier ça.
F. : Je t’invite à rester avec ses sensations de soulagement, et à montrer aux parts qui lutteraient avec la part qui lance des SMS, que tu peux atteindre cet état de calme, malgré ces turbulences intérieures.
A. : Une part de moi est en train de dire : « Ça y est : on a trouvé une porte. »
F. : Montre bien à toutes ces parts qui sont engagées dans ton problème qu’il y a une porte. Comment fais-tu l’expérience de cette porte ? La vois-tu ?
A. : Elle s’entrouvre, c’est bleu derrière.
F. : Comment tes parts réagissent-elles à cette vision ?
A. : Elles se tournent vers elle. C’est comme si elles se prenaient par la main et se disaient : « Enfin, on peut y aller. »
F. : En creux, j’entends leur souffrance de ne pas avoir eu cette vision d’une sortie possible pendant ces sept mois.
A. : [Des larmes jaillissent.] Je ne comprenais rien. Ce n’était pas possible.
F. : Une part désespérée se manifeste. Peux-tu l’accueillir ? Maintenant, elle peut prendre de la place. Il y a davantage d’espace à l’intérieur.
A. : Tout a commencé après le décès d’un ami très proche. Je comprends que la part qui est tombée amoureuse de cet homme et qui essaie de se lier à lui en envoyant des SMS est venue pour me sauver de cette perte.
F. : Je pense que c’est une part de toi qui analyse la situation ainsi. Elle a probablement raison. Peux-tu l’inviter à se mettre de côté en te laissant, toi, vérifier si ce qu’elle croit est vrai. Tu vas vérifier avec la part elle-même. Pour résumer, Alice, j’ai identifié plusieurs parts : celle qui est tombée amoureuse de l’homme et qui lui envoie des SMS (sans doute un protecteur pompier) ; celle qui est désespérée ; j’ai l’impression qu’il y a aussi des parts qui réagissent négativement à celle qui envoie des SMS…
A. : Il y en a une qui juge sévèrement l’envoi des SMS. Elle me rappelle les conventions, les valeurs familiales… Elle s’oppose à la part qui envoie des SMS. C’est infernal entre elles. Mais la part SMS est plus forte que tout.
F. : Est-ce que tu peux aller vérifier si toutes les parts qui jugent le comportement de la part qui envoie des SMS accepteraient de se mettre de côté, maintenant que tu es là avec moi et que nous pouvons travailler ensemble (pendant la séance) ?
A. : Toutes ? Oui, je les vois d’un côté, et de l’autre la part SMS.
F. : C’est très important qu’elles acceptent de faire cela. Concentre-toi et trouve la part SMS dans ton corps ou à l’extérieur du corps.
A. : Elle est à l’extérieur, à droite, de grande taille, c’est rouge, ça hurle : c’est comme une alarme, un gros buzzer rouge.
F. : Que ressens-tu Alice pour cette part buzzer rouge ?
A. : Je ne comprends rien du tout. J’ai bien envie d’aller l’arrêter, mais je n’y arrive pas.
F. : Il y a une part de toi qui ne comprend pas, qui voudrait agir mais qui ne sait pas faire. Peux-tu lui montrer que tu es là ? [Silence.] Maintenant qu’elle voit que tu es là et que je suis avec toi, demande-lui si elle accepterait de se mettre de côté afin que tu puisses t’occuper de la part buzzer rouge.
A. : Je perçois maintenant une petite fille derrière l’alarme.
F. : Que ressens-tu maintenant par rapport à la part alarme ?
A. : J’ai envie de la remercier parce que je vais pouvoir aller chercher la petite fille.
F. : Comment quand elle entend cela, réagit-elle ?
A. : Je sens qu’une autre part en moi intervient. Je la connais. C’est celle qui veut s’occuper de ceux qui ne vont pas bien. Elle se demande ce que je vais faire du destinataire des SMS.
F. : Accepte-t-elle de se mettre de côté ?
A. : Oui.
F. : Est-elle bien consciente que si tu t’occupes de la petite fille et de l’alarme, cela aura sûrement un impact sur ta relation avec la personne concernée ?
A. : J’ai l’image de ma mère qui fait beaucoup cela (s’occuper des autres qui ne vont pas bien).
F. : Comment réagit-elle au fait que si tu t’occupes de la petite fille et de l’alarme, cela aura sûrement un impact sur ta relation avec la personne concernée ?
A. : Elle dit : « Je ne vais plus servir à rien. »
F. : Comme est-ce que c’est pour elle ?
A. : Elle en a assez de s’occuper des autres.
F. : Elle accepte de se mettre de côté ?
A. : Oui.
F. : Comment la part alarme réagit-elle à ce qui vient d’être dit ?
A. : Elle dit : « C’est impressionnant de voir tout ce bazar. » Elle regarde. Elle est très étonnée de tout ce qui est en train de se passer autour d’elle. Elle est émerveillée du système autour d’elle.
F. : Est-ce qu’il y a une modification dans son apparence ?
A. : Elle hurle moins. Elle attend maintenant, que j’y aille. Elle est presque de côté.
F. : Te donne-t-elle la permission d’aller vers ...