Le Langage ordinaire et la différence sexuelle
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Le Langage ordinaire et la différence sexuelle

  1. 160 pages
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Le Langage ordinaire et la différence sexuelle

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À propos de ce livre

L'important, en matière de différence sexuelle, n'est pas la réalité des sexes, qui est incontestable, mais le choix par le sujet d'un désir conforme ou non à son sexe. Mais comment se fait ce choix? Quels rôles jouent notamment la fonction de la castration et la première identification au père? Quel est le sens de cette fonction et quelle est la portée de cette identification? Ne faut-il pas voir dans la phase phallique, plutôt qu'une théorie infantile, un fantasme du langage « ordinaire » par opposition aux langages formalisés?Sur tous ces sujets, Moustapha Safouan s'interroge, analyse, propose. Une fois le livre refermé, on mesure à quel point, soucieuse de la transmission des biens, notre société promeut une morale sexuelle totalement fondée sur la méconnaissance de ce qui est au cœur de tout un chacun: le désir. Moustapha Safouan est psychanalyste. Formé au sein de la Société psychanalytique de Paris, proche et fidèle de Jacques Lacan, il a été membre de l'École freudienne de Paris jusqu'à sa dissolution. Il a publié, entre autres, Études sur l'œdipe, La Parole ou la Mort, Pourquoi le monde arabe n'est pas libre: politique de l'écriture et terrorisme religieux.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2009
ISBN
9782738193971
Chapitre 1
L’élaboration du concept de l’objet a à travers l’histoire de théories psychanalytiques
On sait que, dans son Interprétation du rêve, Freud est parti d’une intuition comme on ne peut en avoir « deux fois dans une vie », celle de l’existence des processus qu’il a qualifiés de « primaires » par opposition aux « secondaires », ceux de la logique. Opposition qui, à elle seule, suggère qu’il s’agit des processus langagiers. D’autant plus que Freud les considérait comme des processus significatifs. Ce qui s’y signifie c’est l’inconditionnalité du désir, je veux dire le désir en tant qu’il préside à toute action ou affirmation, quelque chose qui correspond à ce que certains philosophes ont nommé l’« élément volontaire du jugement », celui qui fait qu’on accole un prédicat à un sujet. Effet du logos, le désir n’en est pas moins au-delà des raisons. Cette précellence du désir entraîne une conséquence que je souligne dès maintenant : en dehors de la croyance, il n’y a pas pour la pensée un point de départ qui s’imposerait nécessairement grâce à son évidence ou son intelligibilité intrinsèque ; dans la science, le point de départ est le choix des axiomes.
Nous admettons aussi que dans le livre qu’il considérait comme son autre chef-d’œuvre, Trois essais sur la théorie de la sexualité, Freud est également parti d’une intuition qu’il a lui-même formulée en ces termes : « La signification réelle des Trois essais réside en ce qu’il accomplit une unification de la vie sexuelle normale, des perversions et de la névrose – autant dire dans le postulat d’un fonds (Anlage) polymorphe pervers indifférencié, à partir duquel se développent les formes diverses de la vie sexuelle sous l’influence des expériences vécues1. » Avant de poser la question de savoir quel est ce fonds, essayons de dégager les affirmations jamais encore entendues que les Trois essais ont apportées, et qui ont révolutionné la théorie de la sexualité.
La première est celle selon laquelle la sexualité commence avec la naissance. Même si on ajoute qu’il s’agit d’une sexualité « étayée » sur la satisfaction des besoins, oral pour commencer, il n’en reste pas moins qu’il s’agit dans la sexualité d’un mode de satisfaction nettement distinct de celui du besoin. Retenons que cette affirmation ne s’accorde apparemment pas avec une autre affirmation de Freud selon laquelle la sexualité s’introduit dans le psychisme avec le primat du phallus. Mais ce désaccord se résout sans doute si l’on prend en considération la temporalité rétroactive de l’effet traumatique. On dira alors que la sexualité orale ou anale est une sexualité « en soi » ou encore « en attente », comme dit Jean Laplanche, et que c’est l’entrée en jeu du « Seigneur phallus » qui lui donne sa signification pour le sujet ; de fait, le caractère phallique des objets prégénitaux s’atteste indéniablement dans les vertus fécondatrices qui leur sont attribuées dans les théories sexuelles infantiles.
La deuxième affirmation de Freud concerne justement le contraste entre les modes de satisfaction du besoin d’un côté et de la sexualité de l’autre. Alors que la satisfaction du besoin réside dans le plaisir qu’apporte la réduction de l’excitation physiologique, celle du plaisir sexuel réside justement dans l’excitation même. Ce contraste nous incite à assigner à la sexualité une autre fin que celle du plaisir, au sens de la réduction de la tension, une fin pour laquelle conviendrait le terme de « jouissance ». De fait, on sait les complications doctrinales qu’a entraînées l’utilisation du même terme pour désigner deux phénomènes opposés. Freud a dû introduire une opposition entre un principe de plaisir et un principe de réalité qui requiert, lui, le maintien d’un certain taux de tension. Mais cette opposition n’en est pas une, puisque le principe de réalité n’est qu’un détour sur le chemin vers la même fin, à savoir le plaisir. Quant à l’opposition entre les deux principes en tant que l’un, celui du plaisir vise à l’identité de perception, alors que l’autre vise à l’identité de pensée, elle s’accorde mal avec la définition selon laquelle l’inconscient, qui est le domaine des processus primaires, consiste justement en des pensées, alors que les processus secondaires sont censés être ceux qui régissent l’action avec ce que cela comporte d’un réglage sur les perceptions. Une autre opposition introduite par Freud, toujours afin d’apprivoiser l’ambiguïté de la satisfaction, est celle entre les pulsions du moi ou de conservation et les pulsions sexuelles. Mais, comme il s’est avéré que le moi est, lui aussi, un objet libidinalement investi, Freud a dû introduire une nouvelle opposition entre les pulsions de mort qui œuvrent en silence et les bruyantes pulsions de vie qui visent la réduction à zéro de toute tension selon le principe de Nirvana.
En fait, si nous faisons abstraction de ces distinguos opérés ultérieurement, et revenons aux Trois essais, il n’y a guère de doute que ce que Freud y introduit de plus neuf est bien la notion de pulsion, laquelle, comme source constante se démarque radicalement du caractère périodique du besoin. En effet, une excitation constante est une excitation rebelle à toute satisfaction qu’apporterait, comme c’est le cas pour le besoin, un objet spécifique. Je touche ici à la troisième et sans doute la plus importante affirmation de Freud, celle qu’il formule en ces termes : « Ce qui est essentiel et constant dans la pulsion sexuelle, ce n’est pas l’objet mais quelque chose d’autre. » On voit comment, par une déduction verbale ou, comme on dit, analytique, on passe de quelque chose d’autre à autre chose, puis à la Chose, où nous repérons l’Anlage, le fonds auquel la vie sexuelle emprunte ses diverses formes.
Ce paradoxe d’une quête de la satisfaction qui s’aiguise de son impossibilité même, Freud l’étend à toute la sexualité infantile, qui est l’autre grande découverte concomitante de celle de la pulsion. Cette sexualité est entièrement aimantée par ce que Freud appelle « l’expérience de la première satisfaction ». Or ce dont il s’agit, c’est de retrouver cette première expérience « avec le poinçon de cette fois-là », comme s’exprime Lacan. Il y va donc d’une figure de l’impossibilité. Sans omettre de remarquer qu’au niveau de la génitalité, justement, il n’y a pas de première satisfaction accordée par la mère, ni même la possibilité d’une telle satisfaction.
À considérer, en particulier, le sein comme objet du désir oral, Freud et les pionniers à sa suite n’ont pas tardé à reconnaître le caractère cannibalique de ce désir : « Il est, écrit Abraham, menacé à jamais du destin de l’insatisfaction, jamais la zone buccale ne devra connaître cette satiété que désire l’inconscient. » Nous savons, en effet, par ailleurs que le sein n’est intéressé dans le désir que pour autant que le sujet en est sevré comme d’une partie de lui-même. Il ne s’agit donc pas du sein qui allaite ou qui répond au besoin mais du sein dont le sujet est mutilé comme d’un organe sien. La libido orale est cet organe même, cette coupure ou cette « pièce détachée », pour reprendre une métaphore mécaniste de Lacan. D’ailleurs, ce sein qui n’est en fin de compte que l’emblème d’une décomplétude organique dont la variété correspond à celle des zones érogènes (membranes buccale, anale, peau, sans oublier cet orifice qui ne se ferme pas qu’est l’oreille), ce sein n’a pas d’intérêt en lui-même. Son intérêt réside dans le « plaisir d’organe » qu’il stimule, ce qui rend possible le retournement de la pulsion, originairement objectale, au sens d’être enracinée dans l’objet foncièrement perdu, sur le corps propre, comme dans la succion du pouce, aussi bien que la création de l’objet si bien qualifié de « transitionnel » par Winnicott. « Transitionnel », parce que son importance plus que vitale n’assure cependant pas sa pérennité, « transitionnel » aussi, parce qu’il appartient à un espace intermédiaire qui n’est ni intérieur ni extérieur, objet auquel l’enfant tient comme à une partie de lui-même, sinon la plus aimée de lui-même2.
C’est justement pour rendre compte de ce caractère déviant, polymorphe, à la fois fixe et instable, non sans objet et cependant insatiable, que Freud, pour qui la doctrine évolutionniste était le domaine de référence obligé auquel il empruntait ses axiomes, a dû faire appel à une spéculation mythobiologique : la théorie de la pulsion est devenue notre mythologie, dit-il, et on se rappelle son recours au mythe aristophanesque. Son exemple fut suivi. Par Ferenczi en premier.
« Je pense, écrit Ferenczi dans Thalassa, que ce que nous appelons la génitalité est la somme des pulsions dites partielles et des excitations des zones érogènes. Chez l’enfant, tout organe et toute fonction d’organe sont, dans une large mesure, au service des tendances à la satisfaction du plaisir. La bouche, les orifices d’excrétion, la surface de la peau, l’activité des yeux et des muscles, etc. sont utilisés par l’enfant comme moyens d’autosatisfaction, qui longtemps ne reçoivent aucune “organisation” tangible, les autoérotismes étant encore anarchiques. Plus tard, les tendances au plaisir se groupent autour de certains foyers ; c’est par l’organisation dite orale et sadique-anale que le développement commence à sortir de son anarchie antérieure. J’ai alors tenté une étude plus approfondie de la période où cette unification arrive à maturité, la génitalité3. »
On le voit, si Ferenczi se propose cette étude, c’est que, pour lui, cette arrivée à maturité de la génitalité ne trouve pas ipso facto son objet naturel, à savoir le partenaire requis pour la reproduction sexuelle. Le choix d’une femme par un homme ou d’un homme par une femme implique un motif qui dépasse ce service, même si ce service peut être invoqué comme raison du choix. Quel est ce motif ?
« Vous vous souvenez peut-être, dit Ferenczi, que j’ai été amené à décrire le premier sommeil du nouveau-né comme une reproduction assez réussie de l’état de quiétude d’avant la naissance. J’ajoutais que cet état, comme d’ailleurs tout sommeil ultérieur, on pouvait l’interpréter comme satisfaction hallucinatoire du désir de ne pas être né. À l’état de veille, chez l’enfant, ce fut la satisfaction sur le mode oral (téter, sucer), puis plus tard sur le mode sadique-anal (plaisir de l’excrétion et de la maîtrise), qui servit de substitut réel à la sensation de béatitude intra-utérine. La génitalité elle-même est selon toute apparence le retour à cette tendance originaire, et à son assouvissement qui a lieu, cette fois, simultanément sous la forme hallucinatoire, symbolique et dans la réalité4. »
Ferenczi n’en reste pas là. Sans doute en application du principe selon lequel l’ontogenèse récapitulait la phylogenèse – axiome emprunté par la psychanalyse à la biologie –, il ajoute : « L’idée me vint que tout comme le rapport sexuel pourrait, au niveau hallucinatoire, symbolique et réel, prendre aussi, d’une certaine façon, le sens de régression, du moins dans sa forme d’expression, à la période natale et prénatale, de même la naissance et l’existence antérieure, dans le liquide amniotique lui-même, pourraient être un symbole organique du souvenir de cette grande catastrophe géologique et des luttes pour l’adaptation que nos ancêtres, dans la lignée animale, durent vivre pour s’adapter à la vie terrestre et aérienne. Dans le rapport sexuel sont donc esquissées des traces mnésiques de cette catastrophe subie, et par l’individu et par l’espèce5. »
Au fond, cette théorie, dont Ferenczi se demande s’il ne faut pas l’appeler « fantasmagorie », et bien d’autres du même acabit sont autant de manières pour désigner l’ensemble vide. Je veux dire qu’il s’agit là de tentatives destinées à répondre à cette question : quel est l’objet mystérieux du désir là où on ne saurait invoquer nulle décomplétude organique ni une première satisfaction, c’est-à-dire, justement, au niveau génital ? Si je devais poursuivre la métaphore mécaniste de la « pièce détachée », je dirais qu’à ce niveau les appareils sont là, il ne manque que l’emploi. Mais, comme un désir est tout de même un manque, il faut bien inventer un manque auquel rapporter le désir sexuel au titre d’une régression. L’étonnant est que le problème se trouve ainsi biologiquement résolu sans passer par l’œdipe et sans que personne ait songé à interroger l’œdipe, alors que les écrits et les dits de Freud y invitaient. J’en veux pour preuve cette phrase émise au cours d’une des réunions de la Société psychanalytique de Vienne6 : « Les conditions préalables de l’amour nous démontrent que le fait de tomber amoureux consiste en ce qu’un vieil idéal, qui date de l’enfance, est réalisé dans une autre personne, et que cela fait donc sens de dire que “les mariages sont faits dans le ciel”. » Quiconque aime laisser libre cours à ses fantaisies cyniques aura beau jeu d’ajouter « mais se déroulent sur terre ». Le point qui, toutefois, nous intéresse est que les pionniers ne se sont pas servis des indications tant explicites qu’implicites de Freud, pour réviser l’œdipe à la lumière de ses thèses sur la phase phallique. Abraham moins que quiconque.
Abraham avait une connaissance clinique indéniable des formes régressives ou prégénitales du désir. Le terme même d’« amour partiel de l’objet », que nous lui devons, le prouve. Sous sa plume, ce terme est le plus souvent synonyme de celui de « désir ». C’est ainsi qu’il écrit, par exemple, que « les parties du corps de l’objet d’amour qui sollicitent le fétichiste sont les mêmes que les objets de l’“amour partiel” ». Seulement cette partie du corps, disons le pied ou le nez, qui sollicite l’amour partiel ou le désir du fétichiste, Abraham la tient pour la cause même de son désir, comme si nous ne savions pas que c’est pour sa valeur phallique que le fétichiste l’affectionne. À partir de quoi il a pu opposer à l’amour partiel un amour de l’objet tout entier et imaginer une maturation biologique dont la première étape serait l’étape orale précoce, celle qui s’atteste dans la succion du pouce et qui correspondrait à l’autoérotisme sans objet, alors que, on vient de le voir, la succion représente plutôt le retournement sur le corps d’une pulsion originairement objectale. L’étape qui couronne, selon Abraham, cette maturation est celle dite « génitale définitive », correspondant à l’amour objectal, postambivalent. Quant à l’étape phallique, elle est considérée comme un...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Copyright
  4. Table
  5. Introduction
  6. Chapitre 1. L'élaboration du concept de l'objet a à travers l'histoire de théories psychanalytiques
  7. Chapitre 2. La sexualité féminine
  8. Chapitre 3. Préambule à la question de la jouissance supplémentaire
  9. Chapitre 4. La première identification au père et la fonction phallique
  10. Chapitre 5. Le langage ordinaire et la différence sexuelle
  11. Reprise
  12. Remerciements
  13. Quatrième de couverture