L' Individu dans la société d'aujourd'hui
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L' Individu dans la société d'aujourd'hui

N°8

  1. 256 pages
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N°8

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À propos de ce livre

Les grandes questions humaines d'aujourd'hui: la mondialisation et les identités culturelles, la montée du religieux, l'illettrisme, l'individualisme, la drogue. L'Université de tous les savoirs: une approche contemporaine des différents domaines de la connaissance dans un esprit qui est à la fois celui du bilan encyclopédique et celui du questionnement d'avenir. Contributions notamment d'Alain Ehrenberg, François Ewald, Élisabeth de Fontenay, Claude Habib, Danièle Hervieu-Léger, Bernard Lahire, Tobie Nathan, Alina Reyes, Giulia Sissa, Jean-Didier Urbain, Georges Vigarello.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2002
ISBN
9782738169242

Psychothérapies — problèmes de définition et autres problèmes*1


par Tobie Nathan

Problèmes de définitions

Psychothérapie désigne « la thérapeutique de la personne (de l’être), par le traitement de son “âme”, selon des méthodes excluant le recours à la chimiothérapie*2… », définition à laquelle je rajouterai aujourd’hui :
…et à toute forme de procédés impliquant l’action de la matière sur l’esprit.
En se définissant, en s’instituant ainsi, les psychothérapies ont délimité leur domaine de manière à exclure. Je ne parle pas seulement du passé, il s’agit d’un phénomène général et permanent — une sorte de génie spécifique des psychothérapies. Il est vrai que les domaines d’intérêt et de recherche, les idées, les êtres en général, apparaissent à la fois avec et contre. Sitôt apparus, les voilà qui cherchent des alliés, qui établissent des contrats, et dans un même mouvement posent des anathèmes. Mais certains êtres sont chasseurs et carnivores par nature. Ils apparaissent pour combattre, dévorer, éliminer. Les psychothérapies sont de cette espèce. C’est pourquoi la plupart des autodéfinitions des psychothérapies sont de fait négatives. L’ambiguïté du terme, le flou de sa signification en est un signe. Dans leur définition même, dans leur opposition à la matière, les psychothérapies entrent donc en guerre — ou en chasse, si l’on veut — contre toute autre forme de thérapeutique. En effet, la plupart des thérapeutiques que l’on rencontre à travers le monde traitent les humains à partir de l’action sur une matière. Force est donc de constater que les psychothérapies ne peuvent se définir que de manière négative. Car ce que détestent les psychothérapies, toutes les psychothérapies, c’est précisément la matière.
De plus, lorsqu’il s’agit de thérapeutique, il est absurde d’opposer action de la matière sur l’esprit (chimiothérapie) à action de l’esprit sur la matière (psychothérapie). La psychothérapie, elle aussi, agit sur la matière, même si c’est en la niant.
Toute thérapie (y compris la psychothérapie) est action sur la matière dans le but de modifier l’être.
C’est pour toutes ces raisons qu’il me semble plus judicieux de définir les psychothérapies par leurs antipathies et leurs tropismes. Essentiel aussi de ne pas les figer dans des définitions positives qui donneraient l’illusion d’objets « naturels ». Bref : le mot psychothérapie convient essentiellement, et pour l’heure*3, aux pays occidentaux. Il désigne une intervention thérapeutique se proclamant non armée — s’engageant donc par principe à ne jamais recourir à l’usage d’un certain nombre d’objets. Elles ne sont pas des chimiothérapies, s’interdisant l’usage de médicaments, de drogues, de substances.
Elles ne sont pas des thérapies traditionnelles, s’interdisant, cela va de soi, l’usage d’amulettes, de fétiches ou de sacrifices animaux. Elles ne sont pas des thérapies religieuses, s’interdisant l’usage de prières, de l’imposition des mains ou du sentiment de communion au sein d’un groupe de fidèles. Elles ne sont pas des thérapies « politiques », s’interdisant (en principe) l’usage de l’inscription de la personne souffrant d’un désordre dans la hiérarchie d’un groupe ayant vocation d’agir dans la vie publique — se refusant donc à être réellement des sortes d’initiations.
Les psychothérapies se définissent par conséquent « par les objets qu’elles n’utilisent pas » et c’est par cette même référence à des objets absents qu’elles construisent la vérité. J’utilise le mot « objet » dans son sens banal : « objet du monde sensible », fait de matière et dont l’existence ne doit rien à la perception ou à l’imagination d’un quelconque « sujet ». L’objet est donc ce contre quoi bute la perception.
Permettez-moi une incise. Le problème du « changement » n’a pas cessé de hanter la psychanalyse et la psychothérapie — depuis le renoncement dégoûté de Freud aux « miracles de la guérison » [analyse terminée…] jusqu’aux critiques astucieuses de Sartre sur le versant de « la mauvaise foi » (dans L’Être et le Néant). Comment en effet être soi — être, donc ! — et engager ce même soi dans un changement, donc dans un non-être. Que faire de ce moment sensible de l’entre-deux, le moment de la cure dont on sait que, par exemple en psychanalyse, il peut occuper des pans entiers de l’existence ? C’est pourquoi le problème du changement en psychothérapie a oscillé entre trois grandes possibilités : l’eurêka miraculeux*4 — amèrement contredit par les résultats réels des cures —, la pédagogie — parfois délibérément assumée par certaines techniques (analyse transactionnelle, thérapies cognitives) — et le renoncement cynique à tout changement, cette position qu’Isabelle Stengers définit ainsi, non sans humour : apprendre enfin à se découvrir incurable*5. « Je veux changer car je souffre », s’attend à entendre le psychothérapeute de son patient. La plupart du temps, c’est la famille, les proches du patient : « Changez-le ; il nous fait souffrir. » Mais qu’est-ce que changer pour un être humain ? Certes un humain ne peut pas changer ; il ne peut que se métamorphoser. C’est sans doute les anciens qui ont le plus réfléchi à ce problème, et notamment les Grecs en évoquant, surtout dans les récits mythiques, la possibilité de « la métamorphose*6 » — problème fort peu repris, sauf évidemment par Kafka, mais surtout par Deleuze qui a fort bien compris qu’il s’agissait d’une question d’alliance. Car l’on se métamorphose toujours en quelque chose. Le patient des psychothérapies ne cherche pas à se métamorphoser en homme normal ; il tend vers un autre être défini par la théorie de son thérapeute. La guêpe se métamorphose-t-elle en orchidée lorsqu’elle en est fécondée ? Le chat se transforme-t-il en babouin lorsqu’ils partagent le même virus ?
« Il y a un bloc de devenir qui prend la guêpe et l’orchidée, mais dont aucune guêpe-orchidée ne peut descendre. Il y a un bloc de devenir qui saisit le chat et le babouin, et dont un virus C opère l’alliance […], ces phénomènes où l’évolution ne va pas d’un moins différencié à un plus différencié, et cesse d’être une évolution filiative héréditaire pour devenir plutôt communicative ou contagieuse. Nous préférerions alors appeler “involution” cette forme d’évolution qui se fait entre hétérogènes, à condition que l’on ne confonde surtout pas l’involution avec la régression. Le devenir est involutif, l’involution est créatrice*7. »
Voilà les mots clés d’une théorie du changement en psychothérapie : « devenir », « évolution entre hétérogènes », « contagion », « création ».

Propositions méthodologiques

CONSTATS

Il est logiquement impossible de définir les psychothérapies à partir de ce qu’elles montrent d’elles-mêmes pour se promouvoir, du fait de la nature pour ainsi dire substantiellement paradoxale de ce type d’objet :
Elles se proclament une pratique, une écoute, une pratique de l’empathie, une école de la liberté, mais, comme nous l’avons vu, une telle conception bute naturellement sur le problème du changement. Alors, si elles se proclament une pratique, nous savons que leur âme est une théorie. Car c’est la pensée que cultive le thérapeute, celle qu’il habite et partage avec un groupe de pairs, celle à partir de laquelle il pense le désordre qu’on lui soumet — c’est cette pensée qui est le principal moteur de l’influence thérapeutique — sa théorie, donc ! C’est elle qui dessine cet être hétérogène vers lequel tendra le patient qui se soumet à la technique. Disqualifiez la théorie et l’ensemble s’effondre comme un château de cartes.

L’exemple de l’autisme

Les traitements psychanalytiques de l’autisme, très répandus aux États-Unis durant les années 1960 et une partie des années 1970, se sont surtout appuyés sur une attribution du symptôme autistique à une intentionnalité inconsciente de l’enfant et sur une remise en cause du comportement des parents, notamment des mères. Les abus de ce type de théorie, qui ont en fait commencé dès que le syndrome a été décrit pour la première fois par Léo Kanner en 1943, ont surtout consisté à accuser les parents — et notamment les mères. Kanner avait même donné une description des mères d’enfants autistes, « froides, inaffectives et autoritaires ». Il faut dire que Kanner est revenu sur ses premières déclarations au cours d’un congrès en 1969 en proclamant : « Parents, je vous acquitte. »
La psychologie cognitive, en plein essor à l’heure actuelle, interprète aujourd’hui les symptômes autistiques comme des réactions ou des adaptations à un déficit neurologique inné ou acquis. Quelles que soient les causes biologiques — génétiques, infectieuses, traumatiques, allergiques, etc. — qui sont l’objet des recherches actuelles, la théorie biologique construit un désordre d’une tout autre nature que celui d’abord décrit par les psychopathologies dynamiques. Si celles-ci ne pouvaient qu’incriminer le « sujet », le rendre solidaire de son désordre, et produire ensuite des récits qui avaient toujours pour fonction d’expliquer pourquoi il avait eu raison d’être malade, les approches biologiques actuelles ont en revanche plutôt tendance à décrire un sujet devant assumer un « handicap », devant s’adapter à une singularité ; et c’est pourquoi il est indispensable que la communauté lui vienne en aide.
Dans le premier cas, celui des théories psychanalytiques, nous avions un « sujet » enflé d’intentionnalités, parfois paradoxales — un sujet à la fois presque « pervers » dans son entêtement à créer son propre désordre, mais aussi romantiquement mature dans sa compréhension de la négativité substantielle de l’existence. Et dans l’autre, celui des théories cognitives, à la limite, une sorte d’explorateur de mondes inconnus*8, ceux produits par les anomalies de son système nerveux central.
Mais il faut surtout remarquer, dans le changement de paradigme, le rôle fondamental des familles réunies en associations et aussi celui des associations de malades. En effet, il n’est possible d’imputer à la personne la création de son propre désordre que si elle obtient une compensation : parvenir à plus de savoir, plus de maturité, participer de manière active à un mouvement d’idées, à un pouvoir. Il est compréhensible que les patients volontaires pour un traitement psychanalytique ou psychothérapique sont dans ce cas et tirent sans doute de leur espoir de parvenir à ce noyau de pouvoir, la force de se soumettre au traitement.
Mais, dans le cas des enfants autistes, les personnes en jeu étaient surtout les parents — les jeunes malades ne participant que très peu aux préoccupations de leur thérapeute. De plus, comme les thérapeutes les considéraient pour le moins comme de potentiels suspects, les familles sont parties chercher ailleurs.
Ainsi, nous voyons que ce que proclament les psychothérapies reste toujours fort éloigné de leur véritable nature.
Elles se proclament une pratique, mais la réalité de leur fonctionnement est opaque à l’observateur :
Pas (ou très peu) de corpus complets de séances, notamment pour les psychothérapies d’inspiration psychanalytique. Mais surtout impossib...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. Le risque dans la société contemporaine - par François Ewald
  6. Tourisme et mobilités : héritages, évolutions, innovations, tendances - par Jean-Didier Urbain
  7. Les associations et la démocratie : la singularité française - par Martine Barthélemy
  8. Identité et mondialisation - par Zygmunt Bauman
  9. L’illettrisme ou le monde social à l’aune de la culture - par Bernard Lahire
  10. Nervosité dans la civilisation : du culte de la performance à l’effondrement psychique - par Alain Ehrenberg
  11. 2001, l’odyssée d’Éros — entre monts et merveilles, répression et régression - par Alina Reyes
  12. Les formes nouvelles de la religiosité - par Danièle Hervieu-Léger
  13. L’amour en deux leçons - par Claude Habib
  14. La cruauté envers les animaux - par Élisabeth de Fontenay
  15. Le culte du corps dans la société contemporaine - par Georges Vigarello
  16. Psychothérapies — problèmes de définition et autres problèmes - par Tobie Nathan
  17. L’émergence de l’individu dans les sociétés du Sud - par Mahmoud Hussein
  18. L’enfant et la mort - par Ginette Raimbault
  19. Plaisir et souci : le défi des drogues - par Giulia Sissa
  20. Les auteurs
  21. Table