Découvrir la philosophie 1 : Le Sujet
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  1. 320 pages
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En cinq petits ouvrages très accessibles (Le Sujet, La Culture, La Raison et le Réel, La Politique, La Morale), voici un outil complet pour mieux comprendre la philosophie. Constitué d'une série de leçons que l'on peut lire dans l'ordre que l'on voudra, selon ses goûts, ses besoins ou ses choix, chaque volume présente les œuvres des plus grands penseurs, des classiques aux contemporains. Il ne traite pas seulement de l'histoire de la philosophie, mais aborde des questions liées aux grands sujets actuels: biologie, astronomie, éthique, anthropologie, religion, etc. Pour le lecteur curieux de s'initier, pour l'élève et l'étudiant soucieux de compléter sa formation, un panorama des grandes questions philosophiques mêlant histoire de la pensée et problématiques d'aujourd'hui. Alain Renaut est professeur à l'université Paris-VI, titulaire de la chaire de philosophie morale et politique.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2010
ISBN
9782738171870
CHAPITRE 1
La conscience

La conscience est l’un des objets les plus traditionnels de la philosophie. Cependant, comme à propos d’un certain nombre d’autres objets traditionnels de la philosophie, il est indispensable aujourd’hui, pour le philosophe, de légitimer, en le situant avec clarté, le type de contribution qu’il peut encore, ici, apporter à la réflexion. Marx notamment nous avait déjà accoutumé à penser l’idée d’une production sociale de la conscience. Durant ces dernières décennies, ce sont les recherches sur le système nerveux (ce qu’on appelle les « neurosciences ») qui ont fait surgir de multiples tentatives d’élucidation biologique du psychisme ou de l’activité mentale. Au point qu’on a même parfois pu considérer que la conscience se trouvait désormais scientifiquement « expliquée ». Au début du VIIIe siècle, Shankara avait pourtant soutenu que « le soi ne se réfute pas », suggérant par là que ce que nous appelons la conscience n’est pas un objet soumis à de quelconques preuves ou déductions rationnelles. Qu’advient-il des lois de cette même conscience si elle se peut « expliquer » ? À quoi bon, dans ces conditions, s’interroger encore sur la conscience, et surtout en quoi le philosophe conserverait-il sur ce terrain un espace d’intervention, avec les moyens spécifiques qui sont les siens et sans devoir se borner à tirer les conséquences de ce que les neurosciences ont découvert ? Sans évoquer ici de façon détaillée ces découvertes, on peut néanmoins y souligner la volonté de prendre au sérieux cette donnée : c’est avec son cerveau que l’homme pense. Donnée empiriquement constatable : des interventions chirurgicales requises pour soigner certains troubles font apparaître que les fonctions de la conscience, y compris celle qui assure son unité et nous permet ainsi de dire « je », en rapportant à notre Moi une multiplicité d’états mentaux, s’enracinent dans la cartographie des hémisphères cérébraux. Qui plus est, on considère aujourd’hui que, de la souris à l’homme, il n’y a pas eu d’autre événement majeur, dans l’évolution du cerveau des mammifères, que l’expansion de certaines parties de l’encéphale correspondant à ce qu’on appelle le « néocortex ». Pour simplifier à l’extrême et sachant qu’on appelle « cortex » la partie superficielle du cerveau, où se concentrent les zones les plus porteuses d’opérations mentales :
  • Chez les poissons, les seules parties développées sont spécialisées dans l’olfaction.
  • Ces centres olfactifs se réduisent chez les reptiles, où l’apparition d’un autre type de cortex permet de développer les autres sens, notamment la vision.
  • C’est une nouvelle différenciation qui fait surgir le « néocortex » chez les reptiles les plus évolués, puis chez l’homme. La façon dont, chez ce dernier, il envahit les hémisphères cérébraux s’accompagne de nouvelles fonctions qui se rapportent aux organes des sens, en permettant en particulier l’association des informations qu’ils fournissent.
Comment ne pas être tenté de considérer que nous apprenons ainsi de quelle manière se construit pour nous le monde des objets qui peuplent notre conscience ? Pour expliquer les mécanismes de la conscience, il suffirait alors de reconstruire le très long processus à la faveur duquel le développement de certaines aires du cerveau, notamment dans sa région antérieure ou frontale, a rendu possibles les diverses opérations requises pour que s’élaborent les représentations que nous avons des objets et de nous-mêmes. Même si ce qui a produit cette poussée évolutive dans l’anatomie de l’encéphale est encore hors d’atteinte (d’autant que l’évolution parallèle du génome semble avoir été bien moins forte), il n’en demeure pas moins que certaines dimensions des phénomènes humains que nous désignons par le terme de conscience auraient ainsi, selon l’appréciation du neurobiologiste Jean-Pierre Changeux, perdu « leur caractère de prodige » (L’Homme neuronal, Paris, Fayard, 1983, p. 358).
Dans ces conditions, à quoi bon, répétons-le, philosopher encore sur la conscience ? Pour répondre, il ne saurait en tout état de cause suffire aujourd’hui au philosophe d’ignorer (par superbe ou par paresse) des découvertes qui, en moins de quarante ans, ont autant transformé la connaissance du système nerveux que la physique a pu se renouveler depuis le début du XXe siècle. Il lui faut en fait montrer que l’explication neurobiologique de la conscience, même si elle parvenait à se poursuivre beaucoup plus loin encore que ce n’est le cas, ne dispenserait pas de certaines interrogations ne relevant plus des neurosciences. Pour l’essentiel, ces interrogations pourraient tourner autour de cette question : n’existe-t-il pas, de l’animal à l’humain, des différences impossibles à nous représenter seulement en termes de complexification des opérations mentales dont les diverses espèces vivantes sont capables ?
Explicitons la question, qui va nous servir de fil conducteur. L’approche, au fond de type quantitatif, selon laquelle, de la souris à l’homme, le surgissement de la conscience a procédé seulement d’un accroissement du néocortex est-elle susceptible d’épuiser tout ce par quoi la conscience se signale qualitativement à nous ? Entendre : est-elle à même de nous permettre de discerner ce par quoi la conscience se désigne à nous ? Une telle interrogation n’engage pas seulement la conscience comme un phénomène neurobiologique d’une particulière complexité, mais comme un phénomène proprement humain, qualitativement et irréductiblement différent de tous les phénomènes susceptibles d’être répertoriés dans les autres espèces vivantes. C’est donc face à de telles questions que la démarche philosophique demeure indispensable, si du moins elle reste fidèle à elle-même, c’est-à-dire si elle prend la forme, en l’occurrence, d’une interrogation sur les conditions requises pour que nous puissions identifier un certain nombre d’opérations mentales comme constitutives d’une conscience. Dégager les conditions sans lesquelles une conscience ne pourrait être identifiée comme telle (ce qui peut exiger plus qu’une simple collection unifiée d’états mentaux) requiert alors bien plus qu’expliquer la formation de la conscience. Elle exige bien plutôt de réfléchir à ce qui est indispensable pour que l’on puisse parler proprement d’une conscience et penser ce que l’on dit quand on emploie ce terme.
I. Le problème : la conscience comme phénomène humain ?
Il existe une foule d’états mentaux dont le rassemblement unifié constitue, pour l’approche neurobiologique, une conscience. Pour autant, la conscience a aussi fourni à la philosophie, en tout cas depuis les Modernes, l’un des objets qu’elle a le plus interrogés. C’est même en grande partie à des philosophes, nous allons le voir, que nous devons les termes auxquels nous recourons pour désigner les phénomènes concernés par ces interrogations. Essayons de comprendre pourquoi cette autre approche, philosophique, s’est affirmée avec une telle insistance.
1 – CONSCIENCE ET APERCEPTION
Lorsque Descartes considère ce qui, en l’homme, lui apparaît se distinguer du corps et qu’il appelle l’âme, il fait de l’activité de pensée ou, selon son propre terme, du « penser » la structure commune à toutes les capacités que je puis reconnaître comme miennes. Je puis certes, explique-t-il dans la deuxième de ses Méditations métaphysiques (1641), douter, concevoir, affirmer, nier, vouloir, ne pas vouloir, imaginer, sentir, mais chacune de ces différentes puissances qui sont en moi « fait partie de ma pensée ».
Affirmation déconcertante au premier abord : pourquoi, par exemple, inscrire l’imagination dans la pensée alors qu’il peut m’arriver de penser à quelque chose (en l’occurrence à ce que signifie la notion de conscience et aux interrogations qu’elle soulève) sans pour autant laisser vagabonder mon imagination, laquelle, dans le cas présent, risquerait même plutôt de me détourner du travail que j’ai entrepris d’accomplir ? Penser sans imaginer, sans doute est-ce donc concevable, du moins jusqu’à un certain point et dans les limites de ce que nous entendons le plus communément par imagination, mais imaginer sans penser ? Ou vouloir sans penser ? Et même sentir sans penser ? Mais alors qu’entendons-nous par penser quand nous entrevoyons que cette activité accompagne en réalité toutes les autres opérations de notre esprit ? La réponse, limpide, est fournie par Descartes dans ses Principes de la philosophie (1644, Première partie, art. 9) :
« Par le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes ; c’est pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir, est la même chose ici que penser. »
Ces lignes sont empruntées à la traduction française, due à l’abbé Picot et revue par Descartes, que les Principes, d’abord publiés en latin, connurent en 1647 et sur laquelle nous nous sommes accoutumés en général à travailler. Il n’est néanmoins pas inutile, dans le cas présent, de prêter attention à quelques-uns des termes latins que Descartes avait d’abord choisis pour exprimer ce qu’il souhaitait expliquer.
La pensée, ce que Descartes, en latin, appelle « cogitatio », coïnciderait donc, à suivre cette définition, avec cette capacité que nous avons non seulement de faire quelque chose, mais d’apercevoir, dans l’instant même où nous le faisons, que nous sommes en train de le faire. Or, plus explicite, le latin indiquait que la « cogitatio » englobe tout ce qui, en nous, se produit en nous atteignant comme « êtres conscients » (nobis consciis), « de telle sorte que nous en avons conscience » (conscientia). Le terme de « conscience », dont l’apparition en latin, ici, est presque la seule que l’on relève chez Descartes, se trouve par là, à la faveur de l’équivalent retenu par la traduction française, clairement établi comme synonyme de la capacité non pas seulement d’« avoir » des états mentaux, mais de nous « apercevoir » que nous les avons. Ainsi, par exemple, ai-je la volonté de m’avancer le plus clairement possible dans cette analyse, mais en même temps j’aperçois en moi cette volonté, et cette « aperception », comme l’ont parfois nommée les philosophes, n’est autre que ce que nous appelons aussi « conscience ». C’est en ce sens que Leibniz suggère, pour sa part en français, de distinguer la simple « perception » de « l’aperception ou de la conscience » : il est en effet, du moins à ses yeux, des « perceptions inconscientes », chez les animaux sans doute, mais même chez l’homme, quand il s’agit de petites perceptions, infinitémisales, qui ne sont perçues avec conscience que quand elles atteignent un certain degré.
On laissera ici de côté ce qu’une analyse plus poussée de la suggestion leibnizienne pourrait nous apporter pour une réflexion sur l’inconscient (voir : t. 1, « L’inconscient », I, 1) ou sur la perception (voir : t. 1, « La perception »). En revanche, complétant l’indication de Descartes par celle de Leibniz, retenons-en une première définition philosophique de la conscience comme cette dimension de notre esprit qui fait que nous sommes, sinon toujours, du moins le plus souvent en quelque sorte présents à nous-mêmes et à nos activités. Nous pouvons certes envisager, non pas seulement depuis Freud et ses hypothèses sur l’inconscient psychique, mais déjà depuis Leibniz et sa théorie des « perceptions inconscientes », que cette capacité de nous accompagner nous-mêmes dans ce que nous faisons ou éprouvons ait des limites et qu’au-delà de ces limites (qui sont les limites de la conscience) nous puissions nous échapper à nous-mêmes. Du moins apercevons-nous immédiatement par nous-mêmes, pour reprendre les termes de Descartes, toute une part de « ce qui se fait en nous ». C’est même dans ce travail de « l’aperception ou de la conscience », pour reprendre ceux de Leibniz, que nous tendons en général à situer ce qui nous distingue d’une pierre qui roule le long d’une pente (sans avoir la moindre conscience de sa chute ni des conséquences qu’elle est susceptible d’entraîner). Ou d’un animal, auquel, à tort ou à raison, nous sommes portés à n’attribuer, si nous lui en attribuons, que des degrés de conscience extrêmement rudimentaires.
À partir d’une telle notion de la conscience, qui engage une réflexion sur l’humanité même de l’homme, il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la philosophie, tout particulièrement quand, chez les Modernes, elle s’est développée dans l’orbite de l’humanisme, se soit fortement attachée à cerner ce par quoi cette faculté d’être conscient constitue l’une des marques les plus certaines de l’humain. Au point que, à bien des égards, les philosophies modernes ont été, en tout cas pour une grande partie d’entre elles, des « philosophies de la conscience ». On peut même préciser que c’est à un triple égard que le fait de la conscience a été et demeure objet de philosophie.
2 – CONSCIENCE DOBJET, CONSCIENCE DE SOI, CONSCIENCE MORALE
Quand la philosophie s’attache à la conscience, le plus naturel est qu’elle interroge en premier lieu ce qu’on appelle la conscience d’objet. On peut en effet se poser la question, dont Kant a fait le point de départ de sa théorie de la connaissance, de savoir « sur quel fondement repose le rapport de ce qu’on nomme en nous représentation à l’objet ». Comment la conscience peut-elle s’apercevoir qu’il existe quelque chose hors d’elle et comment ce qu’elle éprouve, quand elle fait cette expérience, lui apparaît-il comme connoté d’une dimension d’extériorité ? Au-delà de cette question radicale sur ce qui rend possible la conscience d’objet comme telle, le philosophe peut aussi s’interroger sur les formes très diversifiées que prend cette conscience d’objet. Elle peut en effet aussi bien s’en tenir à la relation la plus immédiate qu’il est possible d’avoir à l’objet des sens que dépasser cette immédiateté vers des savoirs de plus en plus élaborés de l’objet et du monde.
Ainsi Hegel a-t-il consacré l’un de ses ouvrages les plus impressionnants, la Phénoménologie de l’esprit (1807), à montrer comment s’enchaînent les différentes figures de la conscience d’objet, selon une trajectoire qu’il décrit comme étant celle de l’« expérience de la conscience ». Ce trajet de la conscience apparaît alors comme partant de la « certitude sensible », forme la plus immédiate de la conscience d’objet : la conscience voit qu’ici est un arbre ou que maintenant c’est la nuit. Le parcours qui s’enclenche à partir de cette « conscience du ceci sensible » est supposé devoir conduire jusqu’au « savoir absolu » : l’objet apparaît à la conscience comme n’étant pas fondamentalement différent du sujet lui-même. Le réel, une fois que ma connaissance a saisi la rationalité des lois qui le structurent, se révèle comme intrinsèquement conforme aux exigences de ma propre raison. Bref, selon la célèbre formule de Hegel : « Le réel est rationnel et le rationnel est réel » (voir : t. 2, « L’Histoire », II, 5).
Le philosophe s’attachant à la conscience d’objet peut assurément se représenter autrement que ne l’a fait Hegel ce dont cette conscience est capable et se forger une autre idée du point jusqu’auquel elle peut s’élever : du moins fera-t-il de la conscience (comme conscience d’objet) ce par quoi ou ce pour quoi le monde émerge à un savoir possible.
Une deuxième interrogation sur la conscience s’ensuit immédiatement. Elle concerne plus spécifiquement ce qu’on entend par conscience de soi. Le terme est apparu, là encore, chez un philosophe, mais en anglais. C’est le philosophe anglais Locke qui, dans un chapitre ajouté en 1694 à son Essai sur l’entendement humain (1690), utilise l’expression de self-consciousness. Il désigne ainsi, dans le sujet, « le sentiment qu’il a de ses propres actions » : à partir de ce sentiment, le sujet se forge une représentation de ce que Locke appelle the Self, c’est-à-dire une conscience du « soi », ou encore de ce qu’on nomme l’« identité personnelle ». Quand j’ai conscience de la nuit qui tombe et de l’obscurité qui envahit la rue où je me promène, je m’éprouve moi-même comme conscient de cette obcurité et, le cas échéant, comme ressentant une légère angoisse ou au contraire un apaisement. Quand je m’éprouve ainsi moi-même comme tel ou tel (angoissé, apaisé, etc.), quand je prends conscience que je suis amoureux ou que ma vie n’a pas le sens que je croyais devoir lui attribuer : qu’en est-il de la représentation que je me forge ainsi de moi-même par rapport à ce que je suis vraiment ?
À partir de cette réflexion sur la conscience de soi, on peut certes voir poindre à nouveau la question de l’inconscient : à supposer, en effet, que ma conscience ne parvienne pas à me donner une image fidèle de moi-même, ne dois-je pas imputer cette opacité qui me sépare de ce que je suis vraiment à une dimension de ma vie psychique qui échapperait à toute conscience de soi ? Mais plus largement s’interroger sur la conscience de soi, c’est aussi, par exemple, rencontrer la question des limites de la sincérité dont on peut faire preuve envers soi-même ou de cette éventuelle dimension de « mauvaise foi » dans laquelle Sartre a vu une catégorie constitutive de la conscience (voir : t. 1, « L’inconscient », III, 1).
Avec la conscience d’objet et la conscience de soi, la philosophie qui essaie de cerner ce qu’est une conscience n’en a toutefois pas encore fini. Elle peut en effet prendre enfin pour objet de questionnement une troisième dimension de la conscience : celle de la conscience morale. Non seulement je suis conscient en effet de la pluie qui tombe et qui fait des claquettes sur le pavé, ou de l’amour qui m’envahit et capte toute mon énergie, mais je suis conscient aussi, par exemple, du mal que je fais en ne remplissant pas mes engagements ou des valeurs au nom desquelles je dois et peux refuser d’accorder à quelqu’un, par pure complaisance, ce qu’il n’a pas mérité. La conscience morale se pose avant tout — ainsi Hegel la définit-il dans la Phénoménologie de l’esprit — comme « savoir et vouloir du devoir ».
Cette figure de la conscience correspond-elle simplement à une spécification de la conscience ? Dans la trajectoire de la conscience que Hegel nous fait suivre, de l’immédiatet...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Découvrir la philosophie
  4. Copyright
  5. Sommaire
  6. Présentation
  7. Introduction
  8. Chapitre 1 - La conscience
  9. Chapitre 2 - La perception
  10. Chapitre 3 - L’inconscient
  11. Chapitre 4 - Autrui
  12. Chapitre 5 - Le désir
  13. Chapitre 6 - L’existence et le temps
  14. Glossaire
  15. Répertoire des philosophes et autres auteurs