« Je ne sais pas pourquoi, mais dĂšs que jâai un Ă©chec, dĂšs que lâon me dĂ©valorise, jâai une envie immĂ©diate et non rĂ©flĂ©chie dâavaler des mĂ©dicaments. »
Un jeune homme de 23 ans parle ainsi de ses trois intoxications mĂ©dicamenteuses volontaires en quatre ans, survenues Ă chaque fois sur ce qui ressemble communĂ©ment Ă un coup de tĂȘte. TrĂšs lucide sur ces moments intenses, il Ă©voque lui-mĂȘme une sorte de pulsion quâil ne parvient pas toujours Ă refrĂ©ner et quâil relie sans discussion Ă une envie de mourir et Ă une interprĂ©tation nĂ©gative dâune situation que bien dâautres parviendraient Ă gĂ©rer. Une remarque dĂ©sobligeante, un Ă©chec, une mauvaise note, en fait tout ce qui accentue la vision nĂ©gative quâil a de lui-mĂȘme. La question des pulsions sâarticule avec la question de la motivation du geste, en particulier celle de lâĂ©valuation du dĂ©sir de mort.
Des propos ambivalents
Lors des premiers entretiens suivant le rĂ©veil aux urgences, les soignants sont gĂ©nĂ©ralement Ă©tonnĂ©s par le discours ambivalent des patients, et lâĂ©valuation du dĂ©sir de mort est souvent extrĂȘmement ardue. En effet, le patient manifeste un discours dâaprĂšs coup qui sâattache principalement Ă raconter lâĂ©vĂ©nement dĂ©clenchant. Les propos sâembrouillent allĂšgrement, mĂȘlĂ©s aux instants confus du rĂ©veil, et les intentions exactes du geste ne sont guĂšre Ă©valuables. Intentions de mort, dĂ©sir dâoublier, regrets de sâĂȘtre manquĂ©, mais aussi souvent regrets dâavoir voulu mourir et incomprĂ©hension de son propre geste. Parfois mĂȘme, le rescapĂ© mĂ©lange sans vraiment en prendre conscience toutes ces impressions. Cliniquement, il apparaĂźt une sorte de balance plus ou moins stable entre les dĂ©sirs de mort et de vie. Comment Ă©valuer alors ce « dĂ©sir » de mort ? Câest en effet bien souvent la premiĂšre question que se pose le mĂ©decin ou le psychologue dans ce contexte.
Entre le moment du passage Ă lâacte et les entretiens du rĂ©veil, plusieurs remaniements se sont produits, en particulier au niveau de ce que lâon appelle le Moi. Ă lâĂ©vidence, lâindividu nâest plus exactement le mĂȘme Ă son rĂ©veil et ceci peut ĂȘtre un Ă©lĂ©ment perturbateur pour lâĂ©valuation objective du dĂ©sir de mort. « Au moment du rĂ©veil, Ă©crivent ainsi Jean-Claude Rolland et Olivier Quenard21, le Moi qui parle est un Moi de nouveau en vie qui a triomphĂ© de la mort et qui nâa plus rien Ă voir avec le Moi menacĂ© et dĂ©bordĂ© par la tendance suicidaire. [âŠ] Le sujet va tendre Ă reconstruire lâĂ©vĂ©nement suicidaire Ă la lumiĂšre de son statut de vainqueur, [âŠ] minimisant lâimportance de lâordalie, et surtout lâimportance du danger de mort, jusquâĂ un point oĂč celle-ci peut ĂȘtre complĂštement dĂ©niĂ©e. » ce dĂ©ni est effectivement frĂ©quemment retrouvĂ© dans le discours du rĂ©veil Ă travers de nombreuses expressions comme : « Je voulais dormir », « Je voulais oublier », « je voulais me calmer. » Ce dĂ©ni risque de gĂ©nĂ©rer, ou peut-ĂȘtre ne fait-il simplement que les rĂ©vĂ©ler, une banalisation et une minimisation de la prise du mĂ©dicament, surtout sâil nâexiste aucune sĂ©quelle physique comme câest le cas habituellement. Il est alors bien frĂ©quent dâaboutir Ă une conduite dâannulation magique, dans laquelle la seule demande formulĂ©e par le patient est celle de sa sortie immĂ©diate. Banalisation et minimisation ne sont pas le fait exclusif des patients ; lâentourage y participe volontiers, se dĂ©fendant ainsi en quelque sorte dâun sentiment de culpabilitĂ© que lâintoxication mĂ©dicamenteuse volontaire Ă©veille en lui. De la mĂȘme façon, dâailleurs, lâinstitution soignante peut avoir tendance Ă banaliser ce geste.
Freud et le suicide
Si lâon examine le discours du rĂ©veil, on constate aisĂ©ment que les patients affirment avec ambivalence leur dĂ©sir de mort, essentiellement car ce discours vient aprĂšs coup et aprĂšs les remaniements du Moi dont nous venons de parler. En fait, « le dĂ©sir de mort nâest jamais univoque, mais est toujours lâun des termes dâune ambivalence rĂ©alisĂ©e avec plus ou moins de violence, [âŠ] ambivalence vie-mort qui renvoie sans doute Ă lâambivalence du conflit devenu invivable pour le sujet, et qui envahit tout son champ de perception », Ă©crivent Jacques Vedrinne et Jean-Pierre Soubrier. Le concept de mort est bien plus souvent associĂ© Ă des idĂ©es de paix, de sommeil, de renouveau, voire de renaissance. En fait, « lâaspect dĂ©finitif de la mort est le plus souvent Ă©vacuĂ©, et lorsquâil est envisagĂ©, il nâentraĂźne pas lâangoisse qui lui est habituellement corrĂ©lĂ©e22 ». La rĂ©alitĂ© de la mort, de la destruction corporelle, nâest bien souvent pas reprĂ©sentĂ©e par les suicidants au moment oĂč ils dĂ©cident dâabsorber leur traitement.
En fait, nous avons lâimpression que le sujet est pris dans un mouvement de va-et-vient, de flux et de reflux. La balance oscillerait du cĂŽtĂ© « mort » lors du passage Ă lâacte et reviendrait parfois du cĂŽtĂ© « vie » lors de la prise de conscience du geste lui-mĂȘme, le sujet prĂ©venant ainsi, bien souvent, lâentourage. DerriĂšre cette balance vie-mort qui apparaĂźt cliniquement, certains ont voulu, dans la continuitĂ© de Sigmund Freud, y associer les concepts de pulsion de vie et pulsion de mort.
Dans un premier temps (1915), lorsque Freud se rĂ©fĂšre Ă une pulsion, il considĂšre la pulsion sexuelle. Il oppose alors les pulsions dâautoconservation, situĂ©es du cĂŽtĂ© du principe de rĂ©alitĂ©, aux pulsions sexuelles, situĂ©es du cĂŽtĂ© du principe de plaisir. Dans Deuil et MĂ©lancolie (1917), Freud sâinterroge sur ce qui peut pousser un sujet jusquâĂ lâautodestruction23 : « Nous avons reconnu comme Ă©tat originaire dâoĂč part la vie pulsionnelle, un amour si considĂ©rable du Moi pour lui-mĂȘme, nous voyons se libĂ©rer, dans lâangoisse qui se manifeste quand la vie est menacĂ©e, une charge si gigantesque de libido narcissique, que nous ne saisissons pas comment ce Moi peut consentir Ă son autodestruction. » Puis, aprĂšs 1920, il introduit un nouveau dualisme, pulsion de mort et pulsion de vie. Cette pulsion de mort « reprĂ©sente la tendance fondamentale de tout ĂȘtre vivant Ă retourner Ă lâĂ©tat anorganique24 », câest-Ă -dire tend Ă la rĂ©duction complĂšte des tensions vers un retour Ă un Ă©tat antĂ©rieur. Cette pulsion de mort est assimilĂ©e Ă©galement Ă une sorte de « pulsion de paix ».
Les pulsions dâautoconservation
Si la notion de pulsion de mort demeure lâune des thĂ©ories freudiennes les plus controversĂ©es, le concept dâautoconservation se rĂ©vĂšle Ă lâinverse particuliĂšrement pertinent. Pour Jean-Claude Rolland et Olivier Quenard, ces pulsions, que lâon pourrait rapprocher du concept dâinstinct de survie, seraient sidĂ©rĂ©es chez certaines personnes, par exemple lors de circonstances de vie difficiles, favorisant alors le passage Ă lâacte suicidaire. La distinction avec le concept de pulsion de mort est essentielle : quand nous Ă©voquons un mal de vivre, nous considĂ©rons quâil ne sâagit pas pour autant nĂ©cessairement dâun dĂ©sir de mort. La sidĂ©ration de ces pulsions dâautoconservation gĂ©nĂšre un dĂ©sinvestissement narcissique de « ce Moi qui nâest soudain plus aimĂ© » et « perd, au fond, toute sa substance et du coup, toute capacitĂ© de rĂ©sistance25 ». Le dĂ©sir de mort nâest pas tant celui dâune mort physique que celui de la mort symbolique dâun personnage qui souffre et vit une situation dâimpasse, et souhaiterait, inconsciemment bien Ă©videmment, renaĂźtre autrement, parfois simplement voir ses souffrances sâapaiser, souvent retrouver autour de lui un environnement concernĂ© par ses difficultĂ©s et prĂȘt Ă le soutenir. Plus que tout autre moyen de tentative de suicide, lâintoxication mĂ©dicamenteuse volontaire tĂ©moigne dâun dĂ©sir dâĂ©chapper Ă la rĂ©alitĂ© traumatique et de se retirer du monde extĂ©rieur, avec le risque trĂšs mal Ă©valuĂ© que ce retrait ne soit dĂ©finitif. Lâambivalence des propos des suicidants au rĂ©veil tient peut-ĂȘtre dans cette distinction vis-Ă -vis de ce que reprĂ©sente le concept de mort, mort physique ou mort symbolique.
Acting-out et passage Ă lâacte
Dans la pratique quotidienne, les patients Ă©voquent assez souvent cette notion de pulsion, sans quâil sâagisse nĂ©cessairement des mĂȘmes pulsions que nous venons dâĂ©voquer. En effet, en dehors des pathologies psychiatriques, un grand nombre dâintoxications mĂ©dicamenteuses volontaires sâeffectuent de maniĂšre impulsive, brutale, presque non mentalisĂ©e ; un simple Ă©vĂ©nement peut suffire Ă dĂ©clencher un geste, tels une dispute, un Ă©chec, une contrariĂ©tĂ©. Il sâagit dâune des caractĂ©ristiques frĂ©quentes des intoxications mĂ©dicamenteuses volontaires. Classiquement, on distingue Ă ce titre deux concepts sĂ©mantiques : celui dâ« acting-out » qui est une conduite proche du symptĂŽme et visant Ă montrer quelque chose Ă autrui, et celui de « passage Ă lâacte » qui ne sâadresserait Ă personne et nâattendrait aucune interprĂ©tation ; lâun serait en attente dâun dĂ©cryptage par autrui (lâacting-out), alors que le second se situerait sur un versant dâirrĂ©versibilitĂ©. La nuance est fondamentale et essentielle dans la prise en charge et la gravitĂ© potentielle des intoxications mĂ©dicamenteuses volontaires, car la dimension de message cryptĂ© positionne diffĂ©remment lâindividu face au dĂ©sir de mort au moment oĂč sâeffectue le geste. Dans lâurgence, la diffĂ©rence entre les deux est difficile, dâoĂč lâintĂ©rĂȘt de se donner quelques jours avant dâinscrire le geste dans lâhistoire dâun patient. Pourtant, le travail ne sera pas le mĂȘme dans les deux cas : le passage Ă lâacte tĂ©moigne dâune souffrance psychique non verbalisable et dâune incapacitĂ© de symbolisation, et il est souvent difficile de travailler sur le discours ; avec lâacting-out, « nous travaillons Ă aider le sujet Ă inscrire son mal-ĂȘtre dans un discours, tout autant que nous approfondissons Ă qui ce discours peut bien sâadresser26 », et ce travail peut, dans une conception dâintervention de crise, dĂ©boucher sur des hypothĂšses de travail. Dans tous ces cas, il nâest pas nĂ©cessaire de parvenir Ă un Ă©tat dĂ©pressif pour voir un individu absorber une dose toxique de mĂ©dicaments ; un Ă©vĂ©nement prĂ©cipitant peut suffire dans un contexte de vulnĂ©rabilitĂ©.
Deux situations cliniques
Dans un autre registre, certaines situations Ă©voluent de maniĂšre linĂ©aire vers le dĂ©couragement, le dĂ©sespoir, le pessimisme, frĂ©quemment des Ă©tats dĂ©pressifs ou encore vers un sentiment trĂšs fort dâimpasse. Dans ces cas, on a lâimpression que la balance dont nous parlions prĂ©cĂ©demment penche vers le dĂ©sir de mort plus par dĂ©ficit de ces pulsions de vie, ou encore des pulsions dâautoconservation, que par accentuation des pulsions de mort. La clinique psychiatrique des intoxications mĂ©dicamenteuses volontaires laisserait assez facilement penser quâil existe deux phĂ©nomĂšnes pulsionnels sous-jacents : dâun cĂŽtĂ© une pathologie de lâimpulsivitĂ©, dâun autre une pathologie de lâeffondrement progressif des instincts de conservation, ou encore peut-ĂȘtre de ce que lâon appelle lâinstinct de survie. Dans les deux cas, le geste sâinscrit, non seulement dans une conception pulsionnelle (le moment du geste), mais Ă©galement dans un contexte de vulnĂ©rabilitĂ©. La tendance Ă lâimpulsivitĂ© tĂ©moigne dâune intolĂ©rance aux dĂ©ceptions, aux frustrations, aux pertes, comme câest le cas dans les Ă©tats-limites par exemple ; lâaffaiblissement des Ă©nergies vitales peut tĂ©moigner dâune certaine dĂ©pressivitĂ©, dâun Ă©tat dâesprit ressemblant au Taedum Vitae des philosophes, dâune fatigue de la vie, dâun Ă©puisement, dâun manque de capacitĂ© projective, ou encore dâun manque dâestime de soi. Joseph Conrad disait Ă ce sujet : « Il me semble que le suicide est souvent lâaboutissement dâun simple Ă©puisement mental, non pas un geste dĂ©sespĂ©rĂ©, mais le symptĂŽme final dâun effondrement complet. »
Pourquoi certains passent Ă lâacte tandis que dâautres rĂ©sistent ?
Cette approche thĂ©orique des pulsions est insuffisante Ă elle seule car elle nâexplique pas la rĂ©sistance de certains et la fragilitĂ© dâautres face aux difficultĂ©s de la vie, face au mal de vivre. Pourquoi, aprĂšs tout, deux sujets placĂ©s dans les mĂȘmes conditions de vie et dâĂ©vĂ©nements nâauront pas la mĂȘme rĂ©action face au suicide ? Le concept dâĂ©tayage, tel que lâentend Winnicott, est peut-ĂȘtre pertinent ici. De maniĂšre triviale, les pulsions constituent une sorte de bouillonnement intĂ©rieur et tempĂ©tueux qui demande Ă ĂȘtre canalisĂ©, tel un fleuve qui rencontrerait un barrage plus ou moins solide face Ă lui. Ce barrage pourrait ĂȘtre assimilĂ© au concept de « dĂ©fenses psychiques ». Cet Ă©tayage fonctionne alors comme le soutien dâune construction, mais il se fonde sur deux niveaux : un niveau ancien, fonction de lâenvironnement intime du nourrisson et de lâenfant ; un niveau plus actuel, fondĂ©, lui, sur les Ă©tayages dont lâadulte peut avoir besoin et qui sont plus du ressort du cadre environnemental. Quand les Ă©tayages familiaux ont Ă©tĂ© prĂ©sents et efficaces, les Ă©vĂ©nements de vie auront un impact moins destructeur car lâadulte aura appris durant ses premiĂšres annĂ©es ce quâest la notion de sĂ©curitĂ© de base et dâindividuation, câest-Ă -dire la capacitĂ© Ă vivre et Ă rĂ©agir comme un ĂȘtre autonome qui nâa plus besoin de bĂ©quille psychique, un ĂȘtre qui contrĂŽle ses Ă©motions, ses pulsions, ses mouvements intĂ©rieurs inconscients, un ĂȘtre qui peut tolĂ©rer les absences et les pertes sans vouloir disparaĂźtre. LâĂ©tayage parental permet de contenir les emballements pulsionnels. La littĂ©rature psychiatrique met en Ă©vidence la frĂ©quence de facteurs dâinstabilitĂ© dans le passĂ© des individus suicidants, quâil sâagisse dâune grande frĂ©quence de pertes prĂ©coces (dĂ©cĂšs, sĂ©paration, divorce), dâune instabilitĂ© psychologique des parents, de suicide ou tentatives de suicide dâun parent, ou de maltraitances physique ou sexuelle. LâimpulsivitĂ© de certains passages Ă lâacte correspond souvent Ă une maniĂšre apprise de rĂ©agir aux contrariĂ©tĂ©s, aux dĂ©ceptions, aux pertes. Si lâenfant ne trouve pas de rempart solide face Ă lâĂ©mergence de ses pulsions et de ses angoisses, il risque fort de retrouver Ă lâĂąge adulte une maniĂšre inadĂ©quate de rĂ©agir face aux difficultĂ©s de la vie.
NĂ©anmoins, lâimpact des Ă©vĂ©nements de vie pourra aussi ĂȘtre diffĂ©remment partagĂ© en fonction des Ă©tayages actuels de lâindividu, fondĂ©s sur plusieurs Ă©lĂ©ments : lâĂ©quilibre familial, les soutiens amicaux, le rĂ©seau social, la stabilitĂ© de la sociĂ©tĂ©, la soliditĂ© des cadres environnementaux (travail, valeurs de la sociĂ©tĂ©). Nous avons ici la confrontation entre un cadre symbolique et imaginaire, inconscient, et un autre qui sâancrerait plus dans le rĂ©el. Ces deux fondations sont essentielles et complĂ©mentaires. Elles expliquent Ă la fois quâun dĂ©faut dâĂ©tayage de lâenfance puisse parfois se compenser par un Ă©tayage environnemental (Ă©ducateurs, soutiens, amis), mais Ă©galement quâun Ă©tayage normal de lâenfance puisse ĂȘtre dĂ©bordĂ© par des Ă©vĂ©nements de vie intenses, par exemple sâils surviennent dans une pĂ©riode dĂ©structurĂ©e du sujet (chĂŽmage, solitude, maladie, perte des valeurs de lâenvironnementâŠ).
Ceci est particuliĂšrement significatif dans ces intoxications mĂ©dicamenteuses volontaires consĂ©cutives Ă un vĂ©cu dâimpasse et dâĂ©puisement face Ă une situation qui perdure et rĂ©siste Ă toute solution. Ces cas sont frĂ©quemment retrouvĂ©s dâindividus ayant finalement dĂ©cidĂ© dâabsorber des mĂ©dicaments aprĂšs avoir luttĂ© plusieurs mois pour rĂ©gler des situations de vie compliquĂ©es, et qui vivent ou ressentent leur situation comme insoluble. Le cas des mĂ©sententes conjugales est frĂ©quemment de ce registre, avec plusieurs phases Ă©volutives, mĂȘlĂ©es dâespoir, de tentatives de rĂ©conciliation, mais aussi de phases de disputes ou dâincomprĂ©hension qui peuvent envahir de plus en plus la vie quotidienne. Tout en doutant de leur amour pour lâautre, des sentiments ambivalents peuvent surgir, avec la volontĂ© de lutter, pour les enfants, pour Ă©viter un divorce, mais aussi celle dâabandonner, car toutes les solutions ont Ă©tĂ© essayĂ©es. Avec le temps et la rĂ©pĂ©tition des soucis, le dĂ©couragement pointe de plus en plus nettement, prenant une teinte vaguement dĂ©pressive. Au fur et Ă mesure que le sujet Ă©cluse ses solutions, le sentiment dâimpasse devient prĂ©valent, associĂ© au pessimisme, parfois Ă un sentiment dâabsurditĂ© et de vide affectif. Les actes et pensĂ©es du sujet semblent ne plus avoir de sens. Si le rĂ©seau social et affectif est de surcroĂźt dĂ©faillant, lâeffondrement peut succĂ©der Ă cette apparente rĂ©sistance. Une petite Ă©tincelle peut alors suffire chez cette personne de plus en dĂ©munie, faisant Ă©cran Ă une situation dĂ©gradĂ©e depuis longtemps. Lâintoxication mĂ©dicamenteuse volontaire est parfois le dernier recours, sans quâil sâagisse pour autant dâune envie de mort mais plutĂŽt, trĂšs souvent, dâune conduite dâabandon au destin et Ă la bienveillance dâautrui.
Finalement, ce ne sera pas rĂ©ellement lâaspect qualitatif de lâĂ©vĂ©nement qui comptera, mais bien plus lâaspect qualitatif de lâenvironnement qui Ă©taye le sujet, contrĂŽle ses mouvements dâangoisse et donne parfois un sens Ă la recherche d...