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Le Retour du Capital
Les fusions-acquisitions en France et dans le monde
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Le Retour du Capital
Les fusions-acquisitions en France et dans le monde
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Ă propos de ce livre
Les fusions-acquisitions, que l'on connaßt surtout sous la forme spectaculaire de l'OPA, sont l'enjeu de la «guerre économique» que se livrent aujourd'hui les pays et les entreprises dans le monde. Baudouin Prot et Michel de Rosen, inspecteurs des Finances, exercent d'importantes responsabilités dans la banque et l'entreprise. Ils ont réuni des études de premiÚre main sur les fusions-acquisitions en France et dans le monde.Un livre de référence pour comprendre un phénomÚne-clé de l'économie contemporaine.
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Informations
CHAPITRE 1
Les deux mondes
BAUDOUIN PROT
MICHEL DE ROSEN
MICHEL DE ROSEN
LâactivitĂ© de fusions-acquisitions est restĂ©e, au plan mondial, largement dominĂ©e jusquâen 1985 par les entreprises de deux pays : les Ătats-Unis et la Grande-Bretagne. Cette domination repose sur des facteurs socioculturels qui diffĂ©rencient nettement lâunivers anglo-saxon de la RFA ou du Japon. Jusquâen 1985 Ă©galement la France est restĂ©e un acteur marginal de ce marchĂ©. Depuis 1986, une puissante vague mondiale de restructurations sâest levĂ©e, de nouveaux acteurs y prennent une part trĂšs active. Ce mouvement devrait se poursuivre.
Jusquâen 1985, un phĂ©nomĂšne largement anglo-saxon et domestique
Aux Ătats-Unis, cette pratique de la vie des affaires, ancienne, nâa cessĂ© dâĂȘtre intense du milieu des annĂ©es 50 jusquâĂ aujourdâhui
Aux Ătats-Unis, les opĂ©rations de fusions-acquisitions sont tout Ă fait admises, y compris sous forme dâOPA hostiles, car dans la mentalitĂ© amĂ©ricaine il est normal quâun actionnaire cĂšde ses actions au plus offrant qui devra Ă son tour, pour justifier son prix dâachat, amĂ©liorer la rentabilitĂ© des actifs ainsi acquis. Que lâacquĂ©reur procĂšde pour ce faire Ă des rĂ©ductions massives dâeffectifs ou Ă des cessions dâactifs nâest pas casser lâoutil de travail ou dĂ©manteler lâentreprise mais appliquer au monde des affaires les dures lois de la vie.
Un autre point essentiel caractĂ©rise les Ătats-Unis, câest la qualitĂ© de lâinformation financiĂšre disponible sur toutes les entreprises cotĂ©es : ceci est dĂ©terminant car, sous le contrĂŽle rigoureux de la SEC, les rapports annuels doivent ĂȘtre Ă la fois trĂšs dĂ©taillĂ©s et complets. Une Ă©tude exhaustive de cette documentation publique permet dâobtenir des Ă©lĂ©ments essentiels Ă une Ă©valuation financiĂšre et Ă une bonne comprĂ©hension de la stratĂ©gie de lâentreprise sur ses principaux marchĂ©s.
Contrairement aux idĂ©es reçues, en nombre dâopĂ©rations de fusions-acquisitions rĂ©alisĂ©es chaque annĂ©e, le niveau des annĂ©es 80 (de 2 400 Ă 3 000 par an) est infĂ©rieur de moitiĂ© Ă celui atteint au cours des annĂ©es 1968 Ă 1972. Le maximum historique de 6 000 opĂ©rations a Ă©tĂ© atteint en 1970. Les crises pĂ©troliĂšres sont passĂ©es par lĂ et depuis 1975 jamais ce nombre nâa dĂ©passĂ© 3 000 par an. Dans les annĂ©es 60, se sont constituĂ©s, par acquisition dâune multitude dâentreprises de taille moyenne, les grands conglomĂ©rats (ITT, Gulf et Western, Textron) que lâon « dĂ©monte » maintenant.
Il est vrai quâen montants lâĂ©volution a Ă©tĂ© trĂšs sensible, passant dâun niveau moyen unitaire de 13 millions de dollars en 1968-1972 Ă 80 millions dans les annĂ©es 80 Ă 85 et, dans la mĂȘme pĂ©riode, dâun montant total de 20 milliards de dollars Ă 90 milliards par an. En pourcentage du PIB et de la capitalisation boursiĂšre, les opĂ©rations de fusions-acquisitions ont reprĂ©sentĂ© en 1983-1985 une part deux fois plus Ă©levĂ©e que pour les annĂ©es 1968-1970.
La comparaison de ces deux périodes fait encore apparaßtre trois éléments de stabilité et deux éléments de discontinuité :
â La permanence du trĂšs haut niveau, en nombre et en montant, des opĂ©rations rĂ©alisĂ©es sur le marchĂ©.
â La stabilitĂ© du poids (Ă un niveau dâenviron 10 Ă 15 % de la valeur totale des transactions) des opĂ©rations initiĂ©es, aux Ătats-Unis, par des entreprises Ă©trangĂšres.
â Le maintien de la faible importance relative des opĂ©rations rĂ©alisĂ©es Ă lâĂ©tranger par des entreprises amĂ©ricaines (moins de 1 % de la capitalisation boursiĂšre amĂ©ricaine).
â Lâinversion du sens dâun grand nombre dâopĂ©rations : tournĂ©es vers la constitution de conglomĂ©rats diversifiĂ©s il y a vingt ans, elles sont intĂ©grĂ©es dans des stratĂ©gies de recentrage dans les annĂ©es 80.
â Lâapparition, Ă la fin des annĂ©es 70, et lâaffirmation au cours des annĂ©es 80, des acquisitions rĂ©alisĂ©es par LBO (Leveraged Buy Out, ou rachat dâune entreprise avec effet de levier).
Au total, de 1955 Ă 1985, le poids des Ătats-Unis dans le marchĂ© mondial des fusions-acquisitions est restĂ© prĂ©pondĂ©rant, reprĂ©sentant, pour leurs seules opĂ©rations domestiques, de lâordre de la moitiĂ© de ce marchĂ©.
La Grande-Bretagne, autre terre dâĂ©lection des fusions-acquisitions
La premiĂšre vague dâopĂ©rations est intervenue au dĂ©but du siĂšcle. La seconde dans les annĂ©es 20, qui a donnĂ© naissance Ă ICI, GEC et autres Beecham. Le mouvement a repris fortement dans les annĂ©es 60. Ainsi, depuis la fin de la guerre et jusquâen 1985, leur importance a connu une Ă©volution constante : part relative passĂ©e de 0,5 % du PIB Ă la fin des annĂ©es 40, Ă 1 % dans les annĂ©es 50, 2 Ă 3 % dans la premiĂšre partie des annĂ©es 60, puis une pĂ©riode particuliĂšrement active de 1965 Ă 1973 (de 3 % Ă 8 % du PIB selon les annĂ©es), suivie par des annĂ©es beaucoup moins intenses jusquâen 1983 (Ă environ 1 % du PIB).
Ce nâest quâĂ partir de 1984 que le mouvement de fusions-acquisitions a repris une pente fortement ascendante : mais en 1985, le niveau atteint (3 % du PIB) restait nettement infĂ©rieur au record de 1968.
La permanence dâun fort courant dâacquisitions par des Ă©trangers est une autre caractĂ©ristique britannique. Mais le niveau des ventes a presque toujours Ă©tĂ© nettement infĂ©rieur Ă celui des achats faits Ă lâĂ©tranger par des entreprises britanniques. Au total de 1949 Ă 1985, le rapport global de ces deux flux est dâenviron 1 Ă 3. Câest dire que lâouverture traditionnelle de lâĂ©conomie britannique nâa pas nui au maintien de lâagressivitĂ© internationale â tout aussi traditionnelle â des entreprises de ce pays.
La troisiĂšme caractĂ©ristique britannique est, comme pour les Ătats-Unis, le nombre Ă©levĂ© des opĂ©rations rĂ©alisĂ©es sur le marchĂ© intĂ©rieur (sous forme dâOPA ou dâOPE) et parmi celles-ci, la frĂ©quence significative (1 sur 4 environ) des opĂ©rations dites « hostiles ».
Au total, les opĂ©rations domestiques rĂ©alisĂ©es aux Ătats-Unis et en Angleterre et les opĂ©rations internationales rĂ©alisĂ©es par les entreprises de ces deux pays ont reprĂ©sentĂ©, jusquâen 1985, plus des deux tiers de lâactivitĂ© mondiale de fusions-acquisitions.
En RFA et au Japon, lâextrĂȘme raretĂ© des opĂ©rations de ce type sâexplique par des systĂšmes socioculturels fort diffĂ©rents
Entre le Japon et la RFA les diffĂ©rences ne manquent pas, mĂȘme dans le domaine des restructurations dâentreprises. Mais ce qui frappe dâabord dans la situation dâavant 1986, ce sont les points communs entre ces deux pays :
â Les restructurations y sont rares.
â Elles se font trĂšs peu par le marchĂ©, et presque jamais sous forme dâopĂ©rations inamicales.
â Les acquisitions rĂ©alisĂ©es par leurs entreprises nationales Ă lâĂ©tranger sont relativement modestes, mais elles sont pourtant nettement plus importantes que les acquisitions rĂ©alisĂ©es par des entreprises Ă©trangĂšres. Ce dĂ©sĂ©quilibre est net en RFA, il est mĂȘme absolu au Japon oĂč les acquisitions rĂ©alisĂ©es par des Ă©trangers sont, dans la pĂ©riode, quasi inexistantes.
Que le contraste soit dans les faits aussi cinglant entre ces deux groupes de pays â Ătats-Unis et Angleterre dâun cĂŽtĂ©, Japon et RFA de lâautre â mĂ©rite que lâon sây arrĂȘte.
De fait, ces diffĂ©rences correspondent Ă des systĂšmes socioculturels profondĂ©ment distincts, mĂȘme si dans ces quatre pays se retrouvent la minceur du rĂŽle des pouvoirs publics dans les restructurations dâentreprises et lâexistence de systĂšmes de valeurs faisant la part belle aux entrepreneurs et au profit.
Lâactionnaire ou lâentreprise ?
Dâun cĂŽtĂ©, aux Ătats-Unis et en Grande-Bretagne, le systĂšme est centrĂ© sur lâactionnaire, propriĂ©taire de lâentreprise. Afin dâĂȘtre assurĂ© dâune valorisation maximale de son patrimoine, il doit avoir Ă tout moment la libertĂ© de garder ses titres ou de les vendre au plus offrant. Ce faisant, il ne dessert ni les intĂ©rĂȘts de lâentreprise â puisquâil lâincite en permanence Ă amĂ©liorer ses performances, et lâempĂȘche ainsi de sâendormir â ni ceux de lâensemble de lâĂ©conomie â puisquâil contribue Ă une bonne allocation des richesses entre les diffĂ©rentes entreprises. Ainsi aux Ătats-Unis, en cas dâOPA, les actionnaires de la sociĂ©tĂ© cible qui apportent leurs titres peuvent revenir sur leur dĂ©cision dans un dĂ©lai de quinze jours et si le prix finalement payĂ© change, le nouveau prix plus Ă©levĂ© sâapplique aux actions dĂ©jĂ achetĂ©es.
Il faut noter que ces deux pays ont dominĂ© successivement la finance mondiale depuis deux siĂšcles : cette stratĂ©gie dĂ©libĂ©rĂ©e dâouverture leur Ă©tait Ă la fois accessible et avantageuse. En Grande-Bretagne, Mme Thatcher, dans ce domaine comme dans bien dâautres, a pratiquĂ© un vĂ©ritable retour aux sources.
Au contraire, au Japon et en Allemagne fĂ©dĂ©rale, le systĂšme est centrĂ© sur lâentreprise comme collectivitĂ©. Son avenir doit ĂȘtre assurĂ© en tant quâentitĂ© avec ses dirigeants, son personnel et⊠ses actionnaires. ThĂ©orisĂ©e par Ludwig Ehrard au travers de la « soziale Marktwirtschaft » (Ă©conomie sociale de marchĂ©), cette conception attache beaucoup plus dâimportance Ă lâintĂ©gritĂ© de lâentreprise et Ă son devenir Ă long terme.
Pour les Anglo-Saxons, lâentreprise doit dâabord et avant tout bien servir les intĂ©rĂȘts de lâactionnaire. Celui-ci en retour la fortifie, la stimule, en pratiquant lâinfidĂ©litĂ© ou au moins en Ă©tant libre de pouvoir ĂȘtre infidĂšle. Pour les Allemands et les Japonais, Ă lâinverse, lâactionnaire doit bien servir lâentreprise, notamment en lui Ă©tant fidĂšle : il lâaide ainsi Ă concentrer son Ă©nergie et ses talents pour conduire et mettre en Ćuvre une stratĂ©gie de compĂ©titivitĂ© Ă long terme.
Ces deux conceptions sĂ©crĂštent ou sâaccompagnent de multiples diffĂ©rences. Dâun cĂŽtĂ©, le marchĂ© des actions est Ă la fois ample, fluide et central. De lâautre, il est cloisonnĂ©, faible et marginal en RFA ou massif mais pourtant sous contrĂŽle (complexe) au Japon.
(en milliards de dollars)
Le poids des financements apportĂ©s par ce marchĂ© est important dans un cas, marginal dans lâautre. CorrĂ©lativement le rĂŽle des banques est, tant en ce qui concerne le financement que le pouvoir, beaucoup plus fort au Japon, et plus encore en RFA, quâaux Ătats-Unis et en Grande-Bretagne. Le capital Ă©tranger est, comme tout capital, le bienvenu dans un cas, il est traitĂ© avec distance dans lâautre.
Les opĂ©rations « hostiles » sont normales et mĂȘme saines dans un cas, elles sont choquantes dans lâautre. Le jeu des attaquants et des dĂ©fenseurs doit sâexercer avec le maximum de libertĂ© et dâĂ©quilibre, dâun cĂŽtĂ©, la prime est clairement Ă la dĂ©fense, de lâautre.
CorrĂ©lativement, on sâattache nettement aux Ătats-Unis et en Grande-Bretagne Ă protĂ©ger les minoritaires, alors quâau Japon et en Allemagne domine le souci de respecter les majoritĂ©s. Les dirigeants sont trĂšs mobiles et distincts de lâentreprise, dâun cĂŽtĂ©, ils sont beaucoup plus stables, et presque assimilĂ©s Ă lâentreprise, de lâautre.
Les convergences au sein de chacun de ces deux groupes sont frappantes. Faut-il sâen Ă©tonner, il y a nĂ©anmoins dans chacun des pays des spĂ©cificitĂ©s qui correspondent Ă leur histoire, Ă leur culture et Ă leur propre systĂšme de valeurs. Il faut citer, en particulier : aux Ătats-Unis, le rĂŽle omniprĂ©sent et trĂšs important des juges, dont les dĂ©cisions exercent un poids considĂ©rable sur les restructurations elles-mĂȘmes et sont, Ă ce titre, trĂšs souvent sollicitĂ©es par les attaquants comme par les dĂ©fenseurs.
En Grande-Bretagne, le poids des rĂšgles de place â le City Code on Take Overs and Mergers â constamment modifiĂ©es pour sâadapter aux Ă©volutions du marchĂ© et qui sont fixĂ©es par les reprĂ©sentants des principales organisations professionnelles de la City.
En Allemagne fĂ©dĂ©rale, lâopacitĂ© financiĂšre demeure remarquable : trĂšs peu de sociĂ©tĂ©s publient des comptes dĂ©taillĂ©s puisque le pays ne compte que 2 200 sociĂ©tĂ©s anonymes1 ; de plus les pratiques de provisionnement et de mise en rĂ©serve rendent la lecture et lâinterprĂ©tation de ces donnĂ©es plutĂŽt hasardeuses ; enfin, la valeur des transactions est rarement rendue publique. Cette situation contraste de façon frappante avec la qualitĂ© de lâinformation disponible sur les entreprises, en Grande-Bretagne et, plus encore, aux Ătats-Unis.
La bourse reste en Allemagne un instrument marginal. La RFA ne compte que 473 entreprises cotĂ©es. La puissance financiĂšre des entreprises allemandes, dont le taux dâautofinancement a toujours Ă©tĂ© Ă©levĂ©, et le soutien actif quâelles reçoivent de leur banquier, leur ont permis de ne pas prendre le chemin de la bourse. De leur cĂŽtĂ© les Ă©pargnants allemands continuent de marquer une prĂ©fĂ©rence pour les placements sĂ»rs de type obligataire : le nombre des actionnaires dans ce pays comme la place des actions dans lâensemble des portefeuilles de valeurs mobiliĂšres est sans rapport avec la situation qui prĂ©vaut aux Ătats-Unis et en Grande-Bretagne.
Les entreprises cotĂ©es en bourse emploient dâailleurs moins de 10 % des salariĂ©s en RFA alors que cette proportion est de 37 % aux Ătats-Unis et de 51 % en Grande-Bretagne.
Ă signaler aussi en Allemagne le poids et lâefficacitĂ© des rĂšgles Ă©crites qui viennent corseter le systĂšme : notamment, une loi de 1937 sur le dĂ©pĂŽt des titres qui autorise les banques, en lâabsence de directives de vote donnĂ©es par leurs dĂ©tenteurs, Ă utiliser comme elles le souhaitent leurs droits de vote aux assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales. Ou encore, les rĂšgles de protection des dirigeants â membres des conseils de surveillance ou des directoires â qui bĂ©nĂ©ficient dâune quasi-immunitĂ© et dâune panoplie Ă©tendue de moyens de dĂ©fense. Le plus souvent, les statuts des entreprises les rendent invulnĂ©rables, grĂące Ă une clause qui prĂ©voit quâaucun actionnaire, quel que soit le nombre de ses titres, ne peut dĂ©tenir plus de 5 % des ...
Table des matiĂšres
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Avant-propos
- Chapitre 1 - Les deux mondes
- PremiĂšre partie - Le primat de lâactionnaire
- DeuxiĂšme partie - Le primat de lâentreprise
- TroisiÚme partie - La France réveillée
- Glossaire
- Table