Ulysse, lors de son pĂ©rilleux retour vers Ithaque, dut croiser lâĂźle des SirĂšnes. Instruit par CircĂ© sur les risques mortels quâil encourait avec ses compagnons, il leur boucha les oreilles avec de la cire, et se fit attacher au mĂąt du navire. Lorsque, pieds et poings liĂ©s, il entendit leur chant, il supplia, du regard et des sourcils, ses hommes de le libĂ©rer. Ceux-ci, au contraire, multipliĂšrent ses liens et se courbĂšrent sur les rames jusquâĂ ce quâils Ă©chappassent au danger. Mais que chantaient les SirĂšnes de si irrĂ©sistiblement attirant ? Le poĂšte lâĂ©voque en quelques versLXXII :
Dans une lecture qui laisse moins de place Ă la poĂ©sie, on peut imaginer que les SirĂšnes prĂ©tendaient dĂ©tenir toutes sortes de connaissances et dâinformations quâelles divulguaient avec un charme envoĂ»tant. Les mĂ©dias font-ils autre chose ? Eux aussi dĂ©tiennent lâinformation et cherchent Ă plaire lorsquâils la restituent. Ce processus serait-il mortifĂšre ? Devrions-nous, pour y rĂ©sister, nous boucher les oreilles ou nous faire ligoter ? La mĂ©taphore ne doit pas nous entraĂźner dans des excĂšs de verbe. Mais, compte tenu de la problĂ©matique de cet ouvrage et des dĂ©rapages notĂ©s dans les Ă©tudes de cas qui prĂ©cĂšdent ce chapitre, il est maintenant nĂ©cessaire de nous interroger sur les qualitĂ©s et les dĂ©fauts des systĂšmes qui nous informent. Jâaborderai ce questionnement de façon gĂ©nĂ©rale avant de le recentrer sur lâinformation scientifique en particulier.
Les médias en question
Le fonctionnement et le rĂŽle des mĂ©dias Ă©voquent, de façon diffuse, un malaise grandissant aussi bien chez les journalistes que chez les politologues et divers acteurs de la vie publique. La rĂ©flexion critique sur les mĂ©dias, en France comme Ă lâĂ©tranger, est entrĂ©e depuis quelque temps dans une phase plus active, Ă la suite de plusieurs manipulations spectaculaires de lâopinion notamment : le charnier de Timisoara (fin 1989) et la guerre du Golfe (en 1991). Des journalistes ont exprimĂ© leurs doutes sur le fonctionnement du systĂšmeLXXIII et on a assistĂ© Ă une floraison dâouvrages critiques ou polĂ©miques ou, plus calmement, analytiques. Certains titres sont Ă©clairants : MĂ©dias et DĂ©mocratie, la dĂ©riveLXXIV, MĂ©dias et DĂ©ontologie. RĂšgles du jeu ou jeu sans rĂšgleLXXV, sans compter La TĂ©lĂ©vision, un danger pour la dĂ©mocratieLXXVI et bien dâautres. Constats et analyses sont largement convergents.
Le poids des mĂ©dias, dans des sociĂ©tĂ©s oĂč les activitĂ©s de communication occupent une place considĂ©rable, est Ă©norme1 . Il va probablement croissant avec lâaugmentation du temps libre et lâĂ©volution des technologies de lâinformation. Le Français moyen passe presque six heures par jour au contact des mĂ©dias2 : plus de trois heures devant la tĂ©lĂ©vision, plus de deux heures au contact dâune radio et prĂšs de trois quarts dâheure Ă lire des journaux. Toutefois, ces activitĂ©s sont rarement exclusives. Lâinformation nâen occupe quâune faible part. Seulement vingt millions de tĂ©lĂ©spectateurs regardent les journaux tĂ©lĂ©visĂ©s du soir et lâaudience des pĂ©riodiques reflĂšte un engouement modeste pour lâinformation3.
Le rĂšgne de lâimage est attestĂ© non seulement par la prĂ©gnance de la tĂ©lĂ©vision mais aussi par sa pĂ©nĂ©tration dans la presse Ă©crite et jusque dans lâĂ©criture : « Ă lâintĂ©rieur mĂȘme des articles, le recours Ă lâimage dĂ©peinte, la scĂ©narisation du rĂ©cit sont devenus des procĂ©dĂ©s constants. Cette Ă©volution est assez prĂ©occupante quant Ă certains aspects de fondsLXXVII. » Lâimage, note Henri PigeatLXXVIII, « privilĂ©gie lâĂ©motion, lâirrationnel, lâimmĂ©diatetĂ© et le symbolique, au dĂ©triment de lâexplication, de la comprĂ©hension dâensemble, de la mise en ordre et en perspective ». « Le rĂšgne de lâimage implique pour tous les acteurs et les informateurs une mise en scĂšne et lâirruption du spectacle dans le monde de lâinformation. »
Voici donc une premiĂšre critique : la mise en image gĂ©nĂ©ralisĂ©e de lâinformation sâaccompagne dâun glissement de catĂ©gories, en donnant la primautĂ© Ă lâĂ©motionnel sur le rĂ©flexif. Ă laquelle sâajoute une seconde : la quĂȘte effrĂ©nĂ©e de lâimmĂ©diatetĂ©, du temps rĂ©el. « Aussi faut-il craindre que vĂ©rifications, mises en perspective, recherches de tenants et aboutissants, prises de distance aussi, tout ce qui permet un jugement Ă©clairĂ©, ne succombent, sacrifiĂ©s sur lâautel de la vitesseLXXIX. » La sĂ©lection des faits traitĂ©s par les mĂ©dias constitue un troisiĂšme thĂšme de critique. Ainsi, les grands journaux tĂ©lĂ©visĂ©s accordent souvent peu de place aux Ă©vĂ©nements les plus graves. Comme le note Pierre BourdieuLXXX : « en mettant lâaccent sur les faits divers, en remplaçant ce temps rare avec du vide, du rien ou du presque rien, on Ă©carte les informations pertinentes que devrait possĂ©der le citoyen pour exercer ses droits dĂ©mocratiques. » Cette sĂ©lection premiĂšre des faits montrĂ©s par rapport Ă ceux qui ne le sont pas constitue une question primordiale, celle de lâ« ordre du jour » que Daniel CornuLXXXI rĂ©sume ainsi : « Par la dĂ©termination dâun ordre du jour, les mĂ©dias offrent une interprĂ©tation gĂ©nĂ©rale de la rĂ©alitĂ© en distinguant les thĂšmes et Ă©vĂ©nements considĂ©rĂ©s comme âremarquablesâ. Lâinfluence rĂ©elle des mĂ©dias sur la sociĂ©tĂ© tient davantage Ă cette fonction quâĂ lâaccomplissement de desseins manipulateurs Ă des fins de domination. » Roland CayrolLXXXII insiste aussi sur ce point. « Ce sont trĂšs largement les mĂ©dias qui opĂšrent le choix des donnĂ©es considĂ©rĂ©es comme les plus importantes pour les retransmettre en direction des citoyens. » Or le choix des sujets inscrits Ă lâordre du jour est le produit dâinteractions complexes oĂč les facteurs Ă©conomiques jouent leur rĂŽle : « Lâinformation coĂ»te de plus en plus cher [...]. Or le public est de moins en moins disposĂ© Ă payer au prix fort ce qui pourtant le mĂ©riterait. » Les journalistes sont ainsi conduits Ă privilĂ©gier des sujets « qui ne coĂ»teront rien ». DâoĂč le rĂŽle jouĂ© par les services de communication opĂ©rant pour le compte dâentreprises et dâinstitutions diverses. « Ainsi, des secteurs entiers de lâactualitĂ© ne font plus lâobjet dâune information Ă©quitable en raison dâune influence exagĂ©rĂ©e des services de communication [...]. Les mĂ©dias sont nĂ©cessairement moins attentifs aux organisations ou aux secteurs qui nâont pu financer de services de communication [...]. Aucun organisme indĂ©pendant nâa fait lâĂ©valuation de la part exacte des informations âinspirĂ©esâ de celles qui circulent Ă lâinitiative des mĂ©dias. Les premiĂšres lâemportent trĂšs largement sur les secondesLXXXIII. » Au total, conclut Henri Pigeat, « si lâon nây prend garde, lâinformation ne sera plus lâinstrument critique indispensable Ă lâexercice de la dĂ©mocratie rĂȘvĂ©e par les DĂ©clarations des droits de lâhomme. Au lieu de lâagora et du dĂ©bat des citoyens libres et conscients, elle peut engendrer un vaste terrain vague, diffus et virtuel oĂč errent des individus submergĂ©s dâinformations, incapables en fait de retrouver leur chemin, abandonnĂ©s Ă eux-mĂȘmes ou proies dĂ©signĂ©es pour les vendeurs de fantasmes ou dâutopie. Amplifiant les craintes de Tocqueville, la dĂ©mocratie risquerait alors dâĂȘtre plus apparente que rĂ©elle. Tel est sans doute lâenjeu de sociĂ©tĂ© capital de cette Ă©volutionLXXXIV ».
Le rĂŽle de la tĂ©lĂ©vision est particuliĂšrement mis en cause. « Il nâest pas, Ă©crit Pierre BourdieuLXXXV, de discours (analyse scientifique, manifeste politique, etc.) ni dâaction (manifestation, grĂšve, etc.) qui, pour accĂ©der au dĂ©bat public, ne doive se soumettre Ă cette Ă©preuve de la sĂ©lection journalistique, câest-Ă -dire Ă cette formidable censure que les journalistes exercent. » « La tĂ©lĂ©vision, constate Roland CayrolLXXXVI, joue, en tant que telle, Ă se faire institution politique, Ă se prĂ©senter comme lieu solennel dâarbitrage dâun dĂ©bat politique dramatisĂ© selon les rĂšgles de son spectacle. Les autres mĂ©dias se partagent les miettes, nullement nĂ©gligeables, du festin politique et Ă©lectoral. » Karl Popper va plus loin : « La tĂ©lĂ©vision a acquis un pouvoir trop Ă©tendu au sein de la dĂ©mocratie. Nulle dĂ©mocratie ne peut survivre si lâon ne met pas fin Ă cette toute-puissance... Un nouvel Hitler disposerait avec elle dâun pouvoir sans limite. Il ne peut y avoir de dĂ©mocratie si lâon ne soumet pas la tĂ©lĂ©vision Ă un contrĂŽle ou, pour parler plus prĂ©cisĂ©ment, la dĂ©mocratie ne peut subsister durablement tant que le pouvoir de la tĂ©lĂ©vision ne sera pas complĂštement mis au jourLXXXVII. »
Ce florilĂšge montre que, dans certaines sphĂšres au moins, le dĂ©bat est engagĂ©, et plutĂŽt vivement. Les journalistes français, au plan collectif, ne sont pas restĂ©s totalement Ă lâĂ©cart. AlertĂ©e par lâimage dĂ©sastreuse dont ils sont crĂ©ditĂ©s dans lâopinion4, la Commission de la carte, qui dĂ©livre la carte de presse aux journalistes en exercice, a publiĂ©, le 4 fĂ©vrier 1992, un communiquĂ© qui fit quelque bruit : « Face au discrĂ©dit dont les mĂ©dias font lâobjet dans lâopinion publique, si lâon en croit les sondages, et compte tenu des conditions de plus en plus scabreuses qui prĂ©sident Ă la collecte de lâinformation â ĂąpretĂ© de la concurrence, hantise de lâaudimat, recherche du scoop Ă tout prix, poids de la publicitĂ©, vitesse accĂ©lĂ©rĂ©e de la transmission des nouvelles, rĂ©duction du temps nĂ©cessaire Ă leur vĂ©rification, etc., la Commission [...] appelle ses quelque vingt-sept mille ayants droit Ă la plus grande vigilance [...] Devant la cascade des dĂ©rapages [...] la Commission de la carte estime de son devoir dâappeler les Ă©diteurs et les journalistes, chacun selon ses responsabilitĂ©s, Ă conjuguer leurs efforts pour donner un coup dâarrĂȘt Ă cette dangereuse dĂ©riveLXXXVIII. »
*
En France, le dĂ©bat, plus tardif quâailleurs, doit ĂȘtre inscrit dans son cadre historique. Il est enracinĂ© dans lâarticle 11 de la DĂ©claration des droits de lâhomme de 1789 : « La libre communication de ses pensĂ©es et de ses opinions est un des droits les plus prĂ©cieux de lâhomme ; tout citoyen peut donc parler, Ă©crire, imprimer librement, sauf Ă rĂ©pondre de lâabus de cette libertĂ© dans les cas dĂ©terminĂ©s par la loi. » Câest donc la loi qui est chargĂ©e de dĂ©finir des limites et de les faire respecter. Dans cet esprit, et surtout depuis 1881, un arsenal lĂ©gislatif complexe a progressivement Ă©tĂ© mis en place pour dĂ©finir les limites de la libertĂ© de la presseLXXXIX. En ce sens, on comprend bien lâirritation latente des journalistes français devant un systĂšme quâils jugent excessivement et parfois inĂ©quitablement rĂ©pressifXC. On doit se demander si cet encadrement juridique ne contribue pas Ă Ă©touffer la discussion dĂ©ontologique â bien quâon puisse, Ă lâinverse, imaginer que lâempire de la loi sâĂ©tend dâautant plus que la profession est lente Ă promouvoir des rĂšgles dĂ©ontologiques efficaces.
Cette situation contraste avec la tradition anglo-saxonne5, comme lâillustre le premier amendement de la DĂ©claration des droits de lâhomme Ă©dictĂ©e en 1791 aux Ătats-Unis : « Le CongrĂšs ne fera aucune loi [...] restreignant la libertĂ© de la parole ou de la presse. » Ă lâencadrement lĂ©gislatif de la libertĂ© de la presse et Ă une forme de contrĂŽle a priori qui prĂ©valent en France, les Anglo-Saxons opposent donc, de façon radicale, un refus total de tout encadrement lĂ©gislatif, avec deux consĂ©quences notables. Dâune part, une jurisprudence sâest Ă©laborĂ©e progressivement, mais a posteriori et au cas par cas, pour rĂ©gler les conflits. Dâautre part, la responsabilisation des journalistes sâest avĂ©rĂ©e propice au dĂ©veloppement de rĂ©flexions sur la dĂ©ontologie. Beaucoup dâentreprises de presse aux Ătats-Unis ont Ă©laborĂ© leurs propres codes de dĂ©ontologie. En outre, leur analyse comparĂ©e fait partie de lâenseignement du journalisme, qui est trĂšs dĂ©veloppĂ©, de sorte quâune culture de la dĂ©ontologie pĂ©nĂštre le milieu journalistique de façon systĂ©matique. En France, 10 % seulement des journalistes en exercice en 1996 avaient Ă©tudiĂ© dans une Ă©cole de journalisme, et la profession, au demeurant assez peu organisĂ©e, semble mal prĂ©parĂ©e aux dĂ©bats sur la dĂ©ontologie. Des tentatives sporadiques pour proposer des rĂšgles dĂ©ontologiques ont eu lieu, sans grand rĂ©sultat6.
La conception libĂ©rale, fondĂ©e sur la libertĂ© de lâindividu, sâĂ©tend, aux Ătats-Unis, Ă la libertĂ© des entreprises de presse qui doivent rester Ă lâabri de toute intervention de lâĂtat, et dont lâindĂ©pendance Ă©conomique apparaĂźt ainsi comme une condition nĂ©cessaire. Pourtant, en Grande-Bretagne, la BBC est entiĂšrement financĂ©e par la redevance, tout en maintenant son indĂ©pendance, de façon parfois conflictuelle vis-Ă -vis de lâĂtat qui rĂ©colte la manne. En France, la libĂ©ralisation des entreprises de presse sâest accĂ©lĂ©rĂ©e. Mais le temps nâest pas si lointain oĂč toutes les chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision Ă©taient propriĂ©tĂ© de lâĂtat et oĂč les confĂ©rences de rĂ©daction se dĂ©roulaient en liaison Ă©troite avec le ministĂšre de lâInformation. Ce nâest que dans les annĂ©es 1980 que lâĂtat a abandonnĂ© son monopole sur la tĂ©lĂ©vision.
Dans lâoptique libĂ©rale stricte, la notion de contrĂŽle externe, surtout sâil est exercĂ© par lâĂtat et mĂȘme sâil est transcendĂ© par lâempire du service public7, nâest pas recevable. La dĂ©ontologie est la voie majeure et quasi unique par laquelle le systĂšme peut sâautorĂ©guler. Ă lâinverse, les approches « sociales » qui reconnaissent une place importante Ă lâexercice du service public sont plus ouvertes Ă lâimplantation dâinstances de contrĂŽle. Les conseils de presse et les ordres professionnelsXCI constituent des superstructures mises en place, avec des succĂšs variables, dans de nombreuses dĂ©mocraties occidentales8. La Grande-Bretagne, rĂ©putĂ©e pour la qualitĂ© de la BBC dont lâindĂ©pendance et la rigueur sont vantĂ©es dans le monde entier, possĂšde aussi une presse dâĂ©chos et de ragots dont la rĂ©putation nĂ©gative nâest pas moindre. Câest pourquoi une Commission des plaintes fut mise en place Ă titre expĂ©rimental en 1991. Comme toutes les instances de contrĂŽle, elle est confrontĂ©e au problĂšme de la dĂ©finition et lâampleur des moyens de contrĂŽle et de rĂ©torsion dont elle peut disposer pour ĂȘtre efficace sans porter atteinte Ă la libertĂ© de la presse.
Génie médiatique et risque informationnel
Les sons et les images, dans les technologies numĂ©riques actuelles, sont dĂ©composĂ©s, dĂ©crits par des paquets de nombres, et reconstruits par le rĂ©cepteur Ă partir des donnĂ©es numĂ©riques. De mĂȘme, toute information fait lâobjet dâune reconstruction. Le journaliste est lâordonnateur dâune re-prĂ©sentation du fait ou de lâĂ©vĂ©nement quâil veut transmettre. Cette ingĂ©nierie de lâinformation comporte des aspects techniques, mais fondamentalement elle repose sur des choix, des sĂ©lections, une composition effectuĂ©e par le journaliste. Lâinformation banale « une vague de froid sâest abattue sur le France » peut ĂȘtre transmise de bien des maniĂšres : telle autoroute est coupĂ©e ; des retards sont enregistrĂ©s dans plusieurs aĂ©roports ; un record de froid a Ă©tĂ© battu dans telle ville ; des salles dâĂ©coles sont ouvertes aux sans-abri, etc. Le journaliste dispose de donnĂ©es dâorigines diverses, souvent fournies par les agences de presse, pas nĂ©cessairement complĂštes, mais le plus souvent surabondantes. Il dĂ©cide dâabord que la vague de froid mĂ©rite, ou non, dâĂȘtre rapportĂ©e. Dans lâensemble des Ă©lĂ©ments dont il dispose, il sĂ©lectionne ceux quâil juge ĂȘtre les plus significatifs. Puis il compose le message quâil calibre en fonction de lâimportance qui lui est attribuĂ©e et du sens quâil veut lui donner. IllustrĂ©e Ă la tĂ©lĂ©vision par des images montrant des patineurs sur le lac gelĂ© du bois de Boulogne ou des sans-abri dans des cartons, la mĂȘme information sera annotĂ©e et perçue de façon trĂšs diffĂ©rente.
Il nây a donc pas, stricto sensu, dâinformation. Il nây a que des produits dâinformation, fabriquĂ©s par ces ingĂ©nieurs professionnels que sont les journalistes, Ćuvrant au sein dâentreprises de presse qui financent lâĂ©laboration des produits et en assurent la diffusion. Jâappellerai gĂ©nie mĂ©diatique cette ingĂ©nierie de lâinformation et risque informationnel le risque, associĂ© Ă cette activitĂ©, de fabriquer un produit dangereux ou potentiellement dangereux9.
En tant que biologiste, je ne rĂ©siste pas au plaisir de dresser un parallĂšle entre le gĂ©nie mĂ©diatique et le gĂ©nie gĂ©nĂ©tique. Le gĂ©nie gĂ©nĂ©tique, dont il a Ă©tĂ© abondamment question, est une technologie qui consiste Ă rabouter des gĂšnes ou des morceaux de gĂšnes. Or les gĂšnes sont porteurs dâinformation. Ils dĂ©livrent un message gĂ©nĂ©tique. Ainsi, le gĂ©nie mĂ©diatique et ...