Soyez savants, devenez prophètes
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Soyez savants, devenez prophètes

  1. 274 pages
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Soyez savants, devenez prophètes

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À propos de ce livre

« Sans la science, on ne peut rien comprendre aujourd'hui au monde moderne. La démarche scientifique nous conduit à nous interroger sur le sens de l'homme, celui du monde qu'il a construit et de l'Univers qu'il habite, en somme sur les questions fondamentales depuis la nuit des temps. Nous avons voulu, dans ce livre, nous comporter en guides afin de permettre à chacun d'entre nous de jeter un regard sur le spectacle des lois qui président à l'architecture du monde. Parce que nous voulons faire partager ce sentiment, si proche du sacré, nous nous sommes retrouvés sur les terres de la philosophie et de la religion. Un autre ordre du monde ne peut venir que d'une sagesse où la science, ou plutôt ce qu'elle révèle, trouve sa véritable place. Rien n'est plus important que de donner aux jeunes l'éducation dont ils ont besoin, qui fera d'eux des hommes et des femmes libres, capables de comprendre l'Univers qui les entoure et sa signification. Il le faut, d'urgence, avant que des gourous, des marchands, des adorateurs de légendes ou des illuminés aient le temps de s'emparer d'eux. Qu'ils aient des savants le vrai savoir et des prophètes la lucidité et l'action éclairée. » G. C. et R. O. Georges Charpak est prix Nobel de physique et physicien au CERN. Il est notamment l'auteur de Devenez sorciers, devenez savants, qui a été un immense succès de librairie. Roland Omnès, physicien théoricien, est professeur émérite à la faculté des sciences de Paris-XI-Orsay.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2004
ISBN
9782738190550
Premiere partie
Science
Chapitre 1
Souvenirs de genèse
Nous percevons très mal ce qui s’écoule avec lenteur. Ainsi, les milliards d’années d’existence de la Terre et de l’Univers, ou les millions d’années de l’espèce humaine restent-ils des abstractions vagues pour beaucoup d’entre nous. Millions, milliards, on les mélange un peu, la durée d’une vie reste toujours l’unité de mesure du temps tel qu’on le perçoit.
Et voici maintenant, même à cette échelle, que l’histoire s’accélère. Tout évolue, le savoir-faire ne dure pas le temps d’une carrière et le monde se modifie sans cesse. Il y a les armes, les guerres, les soubresauts d’avant et d’après le colonialisme, la fin de l’URSS et l’évolution de la Chine. Il y a Internet, l’ordinateur, les médias, les transferts d’industries d’un continent à l’autre, la religion du communisme chassée par les missionnaires de la mondialisation, tandis que les adorateurs du folklore s’incrustent. L’histoire s’accélère, oui, c’est évident ! Comme il est évident que le développement des techniques y contribue bien plus que l’impact des idées.
Nous soutiendrons dans ce livre qu’il s’agit de rien de moins que d’une mutation. Toutes les causes qu’on en donne sont accessoires à l’exception d’une seule : l’apparition de la science voilà quatre siècles.
C’est la seconde fois qu’une mutation de cette envergure se produit. La précédente, la première, eut lieu au début du néolithique, voilà douze mille ans. Ne pouvant nous prétendre spécialistes d’un si lointain passé, nous nous contenterons de rappeler les faits dans ce premier chapitre sous forme d’une fable.
Révélations nouvelles sur l’âge paléolithique
Il y a longtemps, si longtemps qu’on peut dire qu’il était une fois un démiurge et sa compagne. « Un démiurge, qu’est-ce que c’est ? », demanderont certains, ou « Kekcékça ? » comme Gavroche sous la plume de Victor Hugo. À en croire les dictionnaires, les démiurges étaient des divinités secondaires dans la tradition platonicienne et l’un d’eux fut même élevé au rang de dieu du Mal et de créateur désastreux du monde par les cathares du Midi ! Nous croyons quant à nous que les démiurges sont des artisans que Dieu commandite pour qu’ils lui proposent des projets inédits, des mondes surprenants, des spectacles, des théorèmes ou des joyaux vivants, en somme tout ce qui peut distraire un Tout-Puissant. « Étonnez-moi, leur dit-il chaque fois qu’il préside un de leurs congrès, inventez encore quelque chose d’intelligent. »
Ces deux démiurges avaient jadis eu l’idée de l’homme. Le prototype qu’ils avaient alors proposé était séduisant — surtout dans sa version féminine —, la maquette ne manquait ni de grâce ni de finesse. « Il est à mon image et me ressemble, avait dit Dieu. Il me plaît. Je le crée. » Créer n’est pas facile quand on doit respecter les lois qu’on a promulguées soi-même et tenir compte de la jurisprudence accumulée pendant toute l’histoire du monde. Heureusement, Dieu est subtil, comme le dira son ami Einstein — un démiurge aussi, celui-là —, et, en goupillant, recollant et mutant quelques gènes de singe, il mit le projet d’homme sur la chaîne de production. Il y a des millions d’années de cela et l’on discute encore de la date exacte et du lieu de l’inauguration.
Calendrier universel
(Les dates données dans cette table ne se veulent qu’indicatives.)
– 14 milliards d’années
Naissance de l’Univers.
300 000 ans plus tard : apparition des premiers atomes.
Après encore environ 1 milliard d’années : les premières étoiles.
– 6 milliardsFormation du Soleil.
– 4,6 milliardsFormation de la planète Terre.
– 3,5 milliardsLa vie est déjà présente sur la Terre.
– 65 millionsDisparition des dinosaures.
– 9 à – 7 millionsLes premiers hominidés, ancêtres lointains du gorille, du chimpanzé et de l’homme (via la lignée de l’australopithèque, de l’Homo habilis, l’Homo ergaster et l’Homo sapiens).
– 500 000 Homo ergaster maîtrise le feu.
– 150 000 Homo sapiens (conventionnellement, le début de l’époque paléolithique).
– 10 000Fin de la dernière période glaciaire. Début de l’époque néolithique. Première grande mutation de la société humaine.
– 3 000Débuts de l’écriture.
– 500La philosophie, la logique, les mathématiques et de nombreux autres domaines de la pensée se précisent.
+ 1600Débuts de la science expérimentale et de la seconde mutation de la société humaine.
Mais voilà près de deux cent mille ans, c’est-à-dire il était une fois, le démiurge et sa compagne étaient perplexes. « Eh bien ! et l’homme, leur avait dit Dieu ce jour-là, qu’est-ce qu’il devient ? Il serait temps de me proposer une suite. L’australopithèque n’était pas mal, l’invention du feu par l’Homo erectus était une bonne trouvaille, mais quelle lenteur, cela n’en finit pas. Un peu d’imagination, que diable ! » (Dieu a de l’indulgence pour la concurrence.) Nos deux démiurges avaient aussitôt sorti leurs compas, leurs crayons et leurs bistouris. Le masculin avait trouvé un titre qu’il avait inscrit en grands caractères sur sa feuille « L’homme I », puis il l’avait rayé pour écrire « L’Homo sapiens ». Mais le reste de la page restait désespérément vide. « Il nous faudrait un bon scénario, dit-il, songeur, quelque chose de romantique, peut-être, bercé par le chant des oiseaux et le murmure du vent. » Or imaginer une histoire et la voir se dérouler comme un film ne font aucune différence chez les esprits créatifs, et donc pour les démiurges, de sorte que voici ce qu’ils virent.
La caméra céleste déroulait sous leurs yeux des forêts inviolées, parsemées de clairières et de rivières limpides. Ils apercevaient partout des animaux, en horde ou solitaires, mais ils furent étonnés par le petit nombre des hommes. Ils en comprirent vite la raison. Ceux qu’ils voyaient semblaient n’être qu’un gibier tremblant. De jour et de nuit, des machéirodontes — de gigantesques tigres à dents de sabre — en faisaient leurs proies et les meutes de hyènes chasseuses, Hyenictis et Euryboas aux pattes démesurées, les harcelaient pour voler leurs enfants. D’autres félins aux canines aiguës et à la mâchoire puissante, d’abominables Dinofelis, décimaient chaque nuit les petits groupes humains partout où ils cherchaient refuge. Les démiurges jugèrent que la tuerie allait bientôt prendre fin avec l’extinction de l’espèce.
Ils coupèrent le spectacle sans laisser s’achever une scène insupportable et se regardèrent longtemps en silence. Ce fut elle qui prit la parole :
« Quelque chose a raté dans notre programme, et je crois deviner quoi…
— Tu veux dire : la multiplication des fauves ? Mais nous n’y pouvons rien ; l’équation qui lie les populations des prédateurs à celles des proies est incontestable et le résultat du calcul est imparable. C’est foutu, quoi qu’on fasse.
— Ce n’est pas ce que je veux dire. Tu n’as pas remarqué les cris que poussaient les humains quand le Dinofelis est entré dans leur grotte en bondissant au-dessus du feu ? Ils piaillaient, ils couinaient, ils grognaient, et certains même rugissaient…
— Cela n’a rien d’étonnant, vu les circonstances.
— Mais tu ne comprends pas : ils ne parlaient pas ! »
Le démiurge tressaillit. Comment une telle évidence avait-elle pu lui échapper ? En effet, un des éléments importants du programme « Homo » avait été de faire émerger le langage. Les humains avaient reçu les quelques gènes indispensables pour le développement du cortex et la configuration du larynx, cela devait leur permettre d’inventer, ou plutôt de découvrir un langage articulé. Il leur suffisait en principe de prendre modèle sur les régularités évidentes et omniprésentes de la nature. Ils ne devineraient bien sûr pas tout de suite que toutes les roches sont faites de cristaux de tailles diverses ni que tous les érables partagent un même génome, mais ce qu’ils avaient sous les yeux devait suffire à leur suggérer que les sons qu’ils articuleraient pourraient signifier à leur guise « pierre », « érable » ou « je t’aime ».
Le démiurge avait même établi une classification théorique de tous les types de langues possibles. Il expliquait que la répétition des mêmes phénomènes et des mêmes actes devait se traduire, dans certaines langues, par des verbes, c’est-à-dire des images d’actions qui prendraient une forme orale. Il montrait comment des désinences, des conjugaisons de ces verbes pourraient faire entrer le temps dans le langage en distinguant ce qui est de ce qui fut ou de ce qui sera ; comment des qualités visibles, adjointes aux noms comme autant d’adjectifs, les enrichiraient en les précisant. Tout un jeu de déclinaisons et de prépositions permettrait selon lui de rendre compte des relations qui existent entre les choses et les actions. Le démiurge n’était pas peu fier de son travail et la correspondance qu’il imaginait entre, d’une part, les choses, les êtres et les mouvements du monde, et, d’autre part, une simple suite de sons lui semblait une admirable relation mathématique entre des domaines apparemment très éloignés.
Tel avait été le projet, et voilà que rien n’était arrivé de ce qui était prévu, deux cent mille ans après la découverte du feu ! La raison de cet échec lui apparut aussitôt, tout comme elle avait frappé sa compagne : les hommes étaient trop tenaillés par la peur pour trouver le temps de penser. Il reprit en soupirant :
« C’est raté. Il faudrait tout reprendre avec une autre espèce.
— Mais pas du tout, rien n’est perdu ! Nous pensions que la constance et l’harmonie des phénomènes naturels allaient suffire à produire un langage dans un cerveau évolué. Mais ce cerveau existe bien ; il se trouve seulement qu’il n’arrive pas à fonctionner. Revenons au début ! Aidons les hommes à découvrir le langage qu’ils ont déjà sur le bout de la langue. Tu verras, ils sauront communiquer bien mieux qu’avec des grognements. Ils pourront s’organiser, échanger des idées, concevoir des armes, des stratégies, des tactiques, surprendre et vaincre leurs ennemis. Ils pourront chasser à leur tour leurs prédateurs, les harceler, les obliger à fuir ou disparaître. Ils pourront jouir pleinement, consciemment, abondamment, des bienfaits de mère Nature. Regarde le scénario que cela donne… »
Après s’être convaincus du bien-fondé de leur plan, les deux démiurges se mirent à parcourir la Terre en parlant aux hommes. Ceux-ci étaient si peu nombreux et si doués pour l’imitation que l’opération fut rapide. Tout laisse à penser que les démiurges répandirent plusieurs types de langues, ce qui expliquerait la diversité actuelle ; mais ce n’est qu’une hypothèse.
Ce qu’ils virent alors les emplit d’aise. Ils avaient sous les yeux une famille humaine paisible, un couple réuni au fond d’une cabane, entouré d’enfants aux yeux éveillés. La famille faisait partie d’une petite horde de quelques dizaines d’individus, tous solidaires et liés par la parenté, se déplaçant ensemble au gré des saisons, profitant des moments propices à la cueillette ou offrant les meilleures occasions de chasse. Les démiurges souriaient de satisfaction : « Regarde ! Les fauves se tiennent maintenant à distance des lances, des frondes et des javelines. La petite fratrie est en relation avec d’autres, elles forment ensemble une ethnie de quelques centaines ou milliers d’individus qui partagent une même langue et les mêmes coutumes. Quand la population d’une fratrie ou d’une ethnie augmente au-delà de ce que peut nourrir son territoire, alors elle essaime. Un groupe se détache et part chercher fortune ou provende ailleurs, un peu plus loin. Si bien qu’en allant ainsi un petit peu plus loin, et encore un peu plus, l’espèce humaine couvre la Terre entière de ses hordes migratoires. »
Des formes d’art sont en train d’apparaître. Des peintures couvrent les murs des falaises et des grottes, la musique et les chants font vibrer l’atmosphère, les hommes modèlent dans l’argile des figurines suggestives et fragiles. « L’homme I », devenu vraiment sapiens, est maintenant présentable, les démiurges en font un tableau auquel ils donnent pour titre « L’état de nature, ou l’âge paléolithique », signifiant qu’il n’en restera un jour que des pierres taillées. En remettant cette œuvre à Qui de Droit, la compagne du démiurge ajouta :
« Pour ma part, je considère cela comme un paradis.
— Un Paradis ! L’idée est belle, dit Dieu. Je m’en resservirai. »
Du bon usage des démiurges
« De même que les yeux des oiseaux nocturnes sont éblouis par le soleil, le regard de notre pensée se détourne de ce qui porte en soi le plus de lumière. » Cette pensée est d’Aristote, mais quiconque a côtoyé la science peut témoigner de sa vérité. Combien de fois n’est-on pas amené à dire au cours d’une vie : « Mais pourquoi n’ai-je pas posé cette question ? », ou : « Comment ai-je pu ne pas voir cette réponse ? » Le phénomène est si général qu’on se demande parfois en refermant un livre d’histoire : « Mais comment les hommes ont-ils pu rester si longtemps aveugles à ce qui paraît l’évidence même ? » Qui ne voudrait comprendre le monde actuel et vers quel horizon il nous précipite ? On le sent en gestation, mais on ne sait trop de quoi. Aucune question n’est plus urgente, et, pourtant, le regard de notre pensée reste aveugle, comme l’œil d’une chouette effarée.
Le plus difficile est de regarder ce qui est comme si on ne l’avait jamais vu, car ce qui est familier paraît toujours nécessaire et certain, alors qu’il est en fait baigné de mystère. On dit que « la rose est sans question » et pourtant, quels mystères recèle la plus éphémère des roses. Souvent aussi, on ignore qu’on ne sait pas, parce que l’on croit savoir. Ainsi, le Soleil brille, pourquoi ? Cette question d’enfant a été obscurcie pendant des millénaires par les mythologies. Un dieu doublement « chauffeur » conduisait l’astre mouvant en illuminant la Terre ; ou un Dieu unique intimait « que la lumière soit » et le Soleil obéissant brilla de mille feux en attendant la fin du monde. Mais ce n’est qu’un exemple.
En voici un autre puisé dans l’histoire. C’est seulement dans la seconde moitié du XXe siècle que la première mutation de l’humanité s’est révélée à nos yeux, alors qu’elle remonte en réalité à douze mille ans. Splendide et dramatique, nous allons la raconter, mais il faut préciser d’abord le sens du mot « mutation » quand on l’emploie en histoire. Le terme est emprunté à la biologie où il désigne la transformation d’un être ou d’une espèce dont les historiens retiennent l’impossibilité d’un retour en arrière. Il s’agit donc d’un phénomène plus radical qu’une révolution qui désigne un mouvement circulaire et dont les effets peuvent toujours se voir annulés par une autre révolution. Le destin bifurque en revanche quand une mutation se produit dans une société. L’avenir est un nouvel essor vers d’autres horizons, ou le déclin et la mort.
La connaissance de ces phénomènes est récente, on mesure mal à quel point le champ du savoir s’est élargi au cours du seul XXe siècle, et combien notre vision devrait être plus nette que celle de nos prédécesseurs. D’oiseaux nocturnes, nous voici devenus diurnes et la lumière pourrait guider assurément nos pas. Mais, hélas, nous sommes insupportablement myopes. Gens à courte vue et de culture éparse, nous ne savons pas tirer profit ni sagesse de notre immense savoir.
Telle est la clef de ce livre qui n’a d’autre prétention que de permettre aux vraies questions de jeter leur lumière. Encore faut-il laisser poindre l’étrangeté au travers de ce qui semblait familier. Ainsi, nos démiurges et autres artifices qui balisent ce livre ne sont là que pour nous arracher, nous tous, à l’opacité de l’habitude.
L’homme II : le néolithique
L’acte II vit ouvrir par les démiurges un nouveau dossier : « L’homme II ». Le début est daté de manière précise puisqu’il eut lieu dix mille ans avant notre ère 1. Il aurait pu se produire maintes fois auparavant, ou peut-être jamais car ce fut un événement improbable, un aléa conforme au jeu des lois naturelles et aussi un fruit de ces lois qui aurait pu ne pas naître. On peut dire que ce fut une mutation de l’humanité, que les historiens ont d’abord appelée l’âge « néolithique » avant qu’ils ne discernent son importance et sa signification véritables. Les démiurges eux-mêmes ne furent pas assez attentifs quand l’événement eut lieu et restèrent indécis sur les circonstances exactes du phénomène, hésitant entre plusieurs scénarios. Nous vous proposons donc de suivre l’un de ceux qu’ils ont conçus.
C’était la fin d’une période glaciaire. On vit le climat se réchauffer et de vastes glaciers fondre en peu de siècles, offrant aux feux du soleil des continents rajeunis. La faune et la flore changeaient et des territoires nouveaux s’ouvraient aux hommes. Les mammouths, les rennes et les autres grands animaux du froid se retiraient, tandis que d’autres plus petits se multipliaient. La chasse était bonne et facile, la nourriture abondante et les hommes devenaient de plus en plus nombreux. Le phénomène n’avait rien en soi de très nouveau, la Terre avait connu bien d’autres ères glaciaires suivies par des stades de réchauffement, mais quelque chose d’imprévu se produisit alors, pour cette unique fois.
Les démiurges, dont on a vu le goût pour les mathématiques, savaient pertinemment que les phénomènes naturels fluctuent : ils varient d’un cas à l’autre et ils peuvent prendre un cours inédit sous l’effet de causes apparemment infimes. Ce n’est pourtant qu’après coup qu’ils observèrent ce qui se passait en quelques lie...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Du même auteur chez Odile Jacob
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Introduction
  7. Premiere partie - Science
  8. Deuxième partie - Science, philosophie et religion
  9. Troisième partie - Pour une éducation au XXIe siècle