L’intelligence ne suffit pas !
« Tu es débile ou quoi ? », « Tu n’as rien dans la tête ! » « Tu as un pois chiche à la place du cerveau ! », etc., autant d’insultes fréquentes prononcées par les enfants entre eux mais aussi, tristement, par certains adultes excédés face à un enfant qui n’arrive pas à apprendre.
Ceci témoigne d’une idée centrale : l’intelligence est généralement considérée comme l’ingrédient indispensable à tout apprentissage. Si je suis intelligent, toutes les chances sont de mon côté. Sans intelligence, point de salut ! Les choses ne sont pas si simples.
L’intelligence facilite un nombre considérable d’apprentissages et permet d’être plus efficace et plus rapide face à une tâche intellectuelle. C’est un fait incontestable. Mais l’intelligence ne suffit pas pour réussir, ni à court ni à long terme.
De plus, il est souvent préférable d’avoir un potentiel intellectuel moins élevé mais très homogène plutôt qu’une intelligence supérieure mais hétérogène. L’homogénéité, c’est-à-dire le fait que l’ensemble des facettes de l’intelligence se situe au même niveau de fonctionnement, donne une grande force à la pensée. En revanche, lorsque certains domaines sont très efficients alors que d’autres présentent des fragilités, cela crée un déséquilibre dans le fonctionnement intellectuel. Certaines fois cela marche très bien, très facilement, et à d’autres moments c’est plus difficile, plus lent. Pour l’enfant c’est une sensation très désagréable et quelquefois inquiétante car il ne sait jamais quand cela va marcher ou non et ce sur quoi il peut compter. Tout se passe comme si le sol se dérobait soudain sous ses pieds alors qu’il ne s’y attendait pas et que jusque-là il avançait vite en toute sérénité. Il en résulte souvent une tension face aux apprentissages car l’enfant devient vigilant et lorsque la difficulté apparaît il mobilise toute son énergie pour la dépasser. Il compense avec ses forts secteurs de compétence, mais ce n’est pas toujours efficace et cela le décourage. Il ne comprend pas ce qui se passe et l’entourage non plus, ce qui peut entraîner une spirale d’incompréhension réciproque : « Il n’y a aucune raison que ça ne marche pas ! », « Tu le fais exprès ou quoi ! », « Celui-là, il ne travaille que quand il a envie ! », « Fais un effort ! », etc. Autant de remarques blessantes et mal vécues par un enfant qui, lui aussi, croit qu’il aurait pu, dû, y arriver… et qui, pourtant, bloque vraiment.
Attention au leurre de l’intelligence toute-puissante. Un enfant intelligent, voire très intelligent, peut lui aussi être en difficulté scolaire sans que son intelligence puisse venir à son secours. C’est une chose d’être intelligent, c’est autre chose de parvenir à se servir efficacement de son intelligence.
Mais qu’est-ce que l’intelligence ?
Définir l’intelligence est… impossible ! Ou presque ! Autant de courants théoriques, autant de scientifiques, autant d’époques et autant de définitions. Cependant, si on demande à chacun dans une assemblée de donner sa définition personnelle, un consensus global va se dégager. Une représentation commune qui fonde le substrat de ce que les psys nomment le facteur g, le facteur d’intelligence générale. En prenant quelques risques on peut dire en désordre que l’intelligence c’est :
– une capacité d’adaptation à l’environnement,
– une interaction d’aptitudes : percevoir, analyser, comprendre, raisonner, résoudre des problèmes, mémoriser…,
– la faculté d’associer des idées, des contextes, des connaissances. Selon l’étymologie : inter-ligere, qui signifie faire des liens.
Naître intelligent
ou le devenir ?
On naît avec un bagage intellectuel qui sera activé et enrichi par l’environnement. Ce qui signifie que l’intelligence seule, si elle n’est pas stimulée, si l’enfant ne peut l’exercer, ne pourra se développer. À l’inverse, on ne peut faire aller un enfant au-delà de ses capacités initiales. C’est-à-dire qu’on peut lui permettre d’exploiter au maximum ses ressources et de les développer, on peut augmenter ses capacités d’apprentissage, mais on ne peut lui donner de l’intelligence « en plus ». Selon une très jolie formule : « Les gènes constituent un clavier dont l’environnement sera le pianiste. »
L’intelligence c’est un peu de tout cela à la fois. Mais on reste là dans le cadre d’une forme d’intelligence « académique », celle qui est proche des compétences d’apprentissage scolaire.
Selon les théories récentes1, il faudrait ajouter l’intelligence émotionnelle, l’intelligence interpersonnelle (comprendre les sentiments des autres) ou intrapersonnelle (se comprendre soi-même). Mais aussi l’intelligence naturaliste (comprendre la nature), l’intelligence musicale ou encore l’intelligence kinesthésique (comprendre et apprendre avec le corps)… D’autres formes d’intelligence seront sûrement encore explorées et étudiées.
Il faut cependant être prudent au risque réducteur de ce type de modèle. Par exemple : si je suis un manuel je ne peux pas être un intellectuel. On ne peut isoler une intelligence spécifique d’un fonctionnement global.
Et si l’intelligence était aussi la capacité à utiliser… son intelligence ? Le QI, voilà une vraie star ! Tout le monde parle de QI et éprouve de la curiosité à son égard. Ou de la peur. Bref, le QI ne laisse pas indifférent car il est censé mesurer notre intelligence. Et, aujourd’hui, l’intelligence est devenue dans les esprits une valeur sûre pour réussir sa vie. D’où l’inquiétude : mon enfant est-il intelligent ?
La réalité est bien différente :
Le QI n’est pas
• Le QI n’est pas une mesure de l’intelligence. Comment prétendre mesurer une notion aussi vaste et composite ? L’intelligence est par essence indéfinissable, nous l’avons vu. Comment alors réduire à un chiffre l’étendue du fonctionnement intellectuel de quelqu’un ?
• Le QI n’exprime pas une valeur absolue comme on prendrait la taille ou le poids d’un individu. Le QI est un score relatif qui permet de situer un enfant par rapport à un groupe d’enfants du même âge. Par exemple, si on évalue un enfant de 10 ans on regardera sur les normes quelles sont les performances moyennes habituelles d’un enfant de 10 ans confronté au même problème. Si l’enfant fonctionne comme les autres on dira qu’il a une intelligence normale (dans la norme). Dans les autres cas on parlera d’intelligence inférieure ou supérieure à la moyenne. Le QI est une expression statistique.
• Le QI, malgré les initiales, n’est pas un Quotient intellectuel. C’était le cas au début du siècle dernier lorsqu’on faisait le rapport de l’âge réel sur l’âge mental multiplié par 100. Mais le...