La Société des consommateurs
eBook - ePub

La Société des consommateurs

  1. 272 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

La Société des consommateurs

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

La panne de la consommation des années 1990 annonce-t-elle la fin de la société de consommation? L'abstinence serait-elle devenue un vote de protestation des citoyens consommateurs? Non, la société de consommation n'est pas morte, et elle accentue encore son emprise sur nos modes de vie. Les ménages équipés, les individus saturés, la consommation doit répondre maintenant à d'autres attentes beaucoup plus immatérielles dont ce livre donne la clé. Les nouveaux marchés porteurs sont ceux qui peuvent rassurer les individus: la santé, l'écologie, le terroir, la famille, et même la solidarité. Robert Rochefort est directeur du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC).

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à La Société des consommateurs par Robert Rochefort en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Negocios y empresa et Comportamiento del consumidor. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1995
ISBN
9782738173966
DEUXIÈME PARTIE
DES TEMPS D’INQUIÉTUDE AU RETOUR DE LA CROISSANCE (1995-DÉBUT DU XXIe SIÈCLE)


CHAPITRE VI
La consommation doit rassurer

Il ne faut jamais avertir les gens de leur danger que quand il est passé.
VOLTAIRE, L’Écossaise ou Le café
Assailli par des inquiétudes de toutes sortes, l’individu cherche dorénavant à être rassuré. Cela entraîne des changements dans ses choix de consommateur. Tel est le basculement des années 1990. Quel contraste avec le temps des années 1980 au cours desquelles la consommation exaltait la toute-puissance de l’individu triomphant et lui proposait d’oublier ses soucis grâce au plaisir éphémère et superficiel ! Chacune des peurs du moment fait émerger de nouvelles attentes auxquelles les industriels et les commerçants tentent progressivement de répondre dans de très nombreux secteurs de biens et de services.
À la peur de la maladie correspond déjà une spectaculaire montée de la santé comme argument de vente sur presque tous les marchés, et cela va continuer. L’inquiétude qui résulte de l’anarchie dans laquelle se font l’internationalisation de l’économie et l’industrialisation de la planète débouche sur le besoin de trouver de nouvelles règles du jeu mondiales. L’argument écologique gagne du terrain dans la consommation du fait d’une prise de conscience de cette dimension. Le développement des produits verts ne fait que commencer. L’interpénétration des sociétés et la disparition des frontières conduisent chacun à retrouver des racines et orientent ses choix vers des produits qui sont l’expression de nos terroirs ou de la tradition ancestrale plus diffuse de nos civilisations. Mais refusant de vivre replié sur soi, l’envie est forte de découvrir par la même occasion les racines des autres peuples. C’est ce que proposent les références à caractère ethnique devenues assez nombreuses dans l’alimentation de tous les jours, la restauration festive, l’habillement et le tourisme. Enfin, la solitude corrélative de l’hyper-individualisme explique le retour en force de la famille, forme élémentaire de la solidarité interpersonnelle, mais derrière lequel pointe déjà le spectre redoutable d’une société de clans et de tribus si jamais les autres niveaux de solidarité n’étaient pas à leur tour réhabilités.
Le plus ambigu des développements récents de la consommation motivée par les inquiétudes est certainement celui qui a trait à la dimension humanitaire. De nombreux produits s’associent à une cause défendue par telle ou telle association caritative ou médicale. Par carence des structures politiques perçues comme défaillantes, la consommation s’engouffre dans une brèche au risque de s’y perdre. Certaines associations y voient une possibilité d’accroître leur notoriété et la collecte des fonds nécessaires à leur action. Pourtant, il ne faut pas confondre les genres. Les entreprises peuvent devenir citoyennes pour le grand bien de tous et d’abord de leurs salariés. Elles n’ont pas pour mission de structurer même partiellement l’espace politique, en décidant quel programme médical ou quelle association doivent être encouragés ou défendus. En tout état de cause, elles n’en ont pas les capacités. Le choix d’une marque de café ou d’une bouteille d’eau minérale, sous prétexte que ces produits défendent momentanément une cause, n’est qu’un piètre et éphémère substitut au bulletin de vote ou à l’adhésion à une association. L’exemple de Benetton nous montre ce qu’il ne faut pas faire en ce domaine.
La consommation change donc radicalement de logique. Et bien entendu, cela touche en premier lieu à sa dimension immatérielle. C’est le durable qui remplace l’éphémère, le recyclable qui remplace le jetable, le familial qui remplace l’individuel, le solidaire qui remplace l’égoïste, le personnalisé qui remplace l’anonyme et enfin la précaution (et donc l’épargne) qui se substitue au risque (et donc à l’endettement). Sommes-nous pour autant entrés dans les années de l’ennui ? Je ne le crois pas. La quête de sens dont toute cette évolution rend compte, destinée à contrecarrer les excès des années passées et à traverser ces temps d’inquiétude, ne tue pas le plaisir et ne tarit pas le désir1. Seulement, ceux-ci ne s’expriment plus d’une façon aussi exubérante, ils le font avec davantage de pudeur et de discrétion, de manière certainement plus intériorisée.
Mis bout à bout, tous les thèmes sur lesquels nous allons revenir plus longuement et dont la progression n’est pas terminée répondent à de nouvelles attentes de sécurisation du consommateur. Leur articulation est d’une telle cohérence qu’on peut même parler d’une recherche de « rassurance »2. Pourquoi ce néologisme ? Pour signifier la force de cette logique. Oui, face à ses inquiétudes multiples, le consommateur souhaite être rassuré.
Comment cette évolution a-t-elle eu lieu ? Le pourquoi, nous l’avons déjà exposé, tient à la montée des inquiétudes, mais attachons-nous à comprendre le comment. Comment, à un moment donné, assiste-t-on à une transformation aussi profonde des formes et des contours de l’immatériel de la consommation ? Cela ne se fait absolument pas d’une façon théorique mais tout simplement d’une façon empirique. Il n’y a pas de Deus ex machina qui tirerait les ficelles de la consommation et qui déciderait tout d’un coup d’inverser le sens de déplacement de la marionnette. Pour le dire plus directement encore, ce ne sont pas les industriels qui décident comme cela, tous ensemble, de transformer leur offre. Et s’il fallait une image simple pour comprendre ce processus, on pourrait s’appuyer sur la comparaison avec les processus de sélection et d’affinement des espèces dans le règne animal qui s’effectue par les lois de l’évolution. À un moment donné, le climat social change durablement, les attentes des consommateurs se modifient du fait qu’ils vivent par ailleurs dans un monde qui leur apparaît de plus en plus angoissant et imprévisible, et il se trouve que cela a comme conséquence de leur faire préférer certains produits déjà présents sur le marché. Ces produits survivront et proliféreront du fait de ce changement de climat, les autres, progressivement délaissés, ne s’imposeront pas et disparaîtront.
Prenons un exemple : le segment de produits du terroir a toujours existé, notamment parce qu’il a toujours été commode pour les grands distributeurs de mettre dans leurs rayons des produits de fabrication locale, même lorsque la mode faisait préférer les produits industriels des marques nationales. Cette commodité tenait à différents facteurs : fidélisation d’une clientèle âgée habituée à ces produits, intérêt politique à montrer qu’on soutient la fabrication régionale – la grande distribution s’est tellement vu reprocher de tuer des emplois locaux dans le petit commerce ! –, multiplicité des sources d’approvisionnement qui permet de maintenir une forte concurrence parmi les fournisseurs, et puis il faut bien trouver garnis les rayons (Auchan est fier de proposer 52 000 articles dans ses hypermarchés). Et d’un seul coup, alors qu’on ne s’y attend pas, ces produits se vendent plus que d’habitude. Les distributeurs qui disposent d’outils de mesure instantanée des ventes par type de produits s’en rendent compte et accroissent les linéaires accordés à ces produits, amplifiant d’autant la tendance.
Prenons un second exemple. Sans que personne n’ait pu le prévoir, l’huile d’olive se vend aujourd’hui très bien. Elle n’avait jamais disparu des rayons, car il fallait notamment satisfaire le besoin de la clientèle originaire du sud de la France. L’immatériel de l’huile d’olive attire une clientèle beaucoup plus nombreuse aujourd’hui. Cela se fait naturellement parce que le produit est déjà dans les rayons. Les distributeurs observent ce succès et ensuite, ils cherchent à l’amplifier en multipliant les marques proposées. En amont, les industriels s’adaptent à leur tour en créant de nouveaux produits : diversification des origines géographiques de l’huile d’olive, déclinaison du produit de base (aromatisation avec différentes herbes), création de nouveaux conditionnements plus évocateurs (forme de la bouteille, étiquetage…). Comme les ventes progressent, cela vaut le coup d’investir dans des études de marché du produit et, si ce qui en sort est conforme aux attentes du consommateur, il n’y a aucune raison pour que l’amplification des ventes ne se poursuive pas.
À ces exemples de produits en croissance, correspondent des exemples symétriques de produits en déclin. Certains aliments allégés ne répondent plus aux nouvelles attentes des consommateurs, ils se vendent donc moins bien. Du coup, les distributeurs réduisent les parts de linéaires qu’ils leur avaient accordés, ils abandonnent nombre de ces produits. Les consommateurs qui leur seraient restés fidèles ne les trouvent plus aussi aisément. Selon le degré d’intuition des uns et des autres, les distributeurs tout comme les industriels ont compris plus ou moins vite l’ampleur du basculement en train de s’opérer.
Le professionnalisme des distributeurs leur permet d’ailleurs une adaptation presque immédiate qui amplifie les tendances. Et l’espionnage permanent auquel ils se livrent les uns à l’égard des autres les conduit à réagir presque tous au même moment. Si l’un d’eux n’avait pas saisi une évolution du marché, l’observation attentive de ses concurrents lui fera vite rattraper son retard3. Au risque de décevoir certains consommateurs, il faut bien reconnaître qu’aujourd'hui, à surface de magasin identique et dans une région donnée, les différentes enseignes de la grande distribution se ressemblent de plus en plus, leurs politiques d’approvisionnement et de fixation des prix sont très proches. À l’exception toutefois des gammes de produits à marque de distributeurs qui conservent certaines particularités d’une enseigne à l’autre à tel point que les fusions et les concentrations aboutissent à la disparition de certaines d’entre elles et à leur remplacement par d’autres auxquelles ils n’étaient pas habitués pour les désemparer un certain temps. C’est par exemple ce que l’on a pu observer à la fin 2000 avec la suppression des supermarchés Continent (devenus Carrefour) et des supermarchés Stock (devenus Champion) à la suite de la fusion Carrefour-Promodes.
Une fois que les tendances émergentes sont repérées, que certains produits apparaissent clairement en progression alors que d’autres marquent le pas, les processus d’innovation reprennent leurs droits. Les industriels sortent sur le marché des produits qui, tout en se situant dans la nouvelle tendance, vont un peu plus loin que les précédents. C’est alors que peut s’enclencher un processus dynamique entre l’offre et la demande qui constitue le facteur essentiel de la croissance.
Encore faut-il tenir compte des contraintes du système de production et de ses difficultés éventuelles d’adaptation. Ainsi, les livraisons à domicile de pizzas ou d’autres plats cuisinés, sortes de compromis entre le dépaysement festif du restaurant et la sécurité conviviale du domicile, ne demandent pour se développer que l’existence d’une main-d’œuvre jeune peu soucieuse des astreintes d’horaires et que ne rebutent pas trop les courses en cyclomoteur à travers la ville. Il se trouve que ces emplois de service s’implantent. À l’inverse, réintroduire des serveurs dans les pompes à essence ou du personnel à quai dans les stations de métro, susceptibles de réinstaurer le sentiment de sécurité, apparaît beaucoup plus difficile compte tenu de l’organisation de ces secteurs de production, de leur degré d’automatisation et de robotisation. Et pourtant, il s’agirait bien d’une façon de satisfaire un besoin de sécurité, conforme à l’idée de rassurance.
Dans un tout autre secteur, celui de la santé, les modifications du mode de production prennent un tour particulier. D’abord, celui de l’association entre recherche publique et recherche privée dont l’antagonisme, au contraire, ne peut qu’entraver le développement de tout le secteur. Ensuite, les services médicalisés de souci de soi, pour reprendre l’expression de Michel Foucault, n’assureront leur expansion que s’ils prennent le risque d’abandonner le système protecteur de la Sécurité sociale pour épouser celui, plus exposé mais plus prometteur, de la grande consommation. Dans l’un et l’autre cas, l’incertitude porte davantage sur le rythme des changements que sur leur principe qui ne fait aucun doute.
Mais l’exemple le plus convaincant de l’incompatibilité entre aspirations immatérielles et modes de production au point de compromettre l’émergence des nouveaux comportements de consommation se situe sur le terrain industriel. Une majorité de Français se déclarent prêts à acheter des produits fabriqués dans leur pays. Mais, au-delà de la difficulté à soutenir des thèses protectionnistes, il y a une impossibilité quasi physique à mettre en œuvre cette aspiration. La simple fabrication d’un pot de yaourt mobilise des usines implantées dans plusieurs pays. En conséquence, l’immatériel protectionniste ne pourra s’appliquer que dans des secteurs très localisés, plus ou moins artisanaux. Son véritable terrain d’élection, compatible avec les modes de production, concerne les produits du terroir.
Lorsque tout se passe bien, la logique suit donc son cours et, plus les produits deviennent porteurs des caractéristiques immatérielles du moment, plus celles-ci deviennent structurantes, au risque d’une certaine rigidité. C’est le choc entre ces deux caractéristiques, tout autant indispensables mais quelque peu contradictoires – devoir être structurant et pragmatique tout à la fois – qui rend les changements chaotiques et non pas fluides.
La consommation n’est donc pas régie exclusivement par les règles économiques, elle est au contraire l’enjeu des négociations sur les valeurs du moment, suffisamment unanimes pour être incorporées dans les biens et les services. Les nouveaux produits et services doivent répondre aux attentes des consommateurs, dans leur double dimension fonctionnelle et immatérielle, qui ne s’opposent pas, mais au contraire s’imbriquent l’une dans l’autre. Des produits qui se présentent comme bénéfiques pour la santé doivent faire la preuve qu’ils en possèdent bien les caractéristiques physiologiques. Les produits verts, respectueux de l’environnement, doivent se justifier à cet égard. Telle est la dynamique de la consommation, à l’œuvre dans les différentes phases de son histoire et qui s’impose encore aujourd’hui.
Peut-on aller plus loin que la seule observation du marché ? Comment prévoir l’orientation des attentes immatérielles du consommateur ? Il y a toujours les hypothèses que chacun peut faire. Le dernier chapitre sera consacré à développer la figure du consommateur-entrepreneur qui succède à la rassurance. À court terme, je pense qu’il existe une approche très simple et parfaitement logique pour repérer si une tendance immatérielle est ou non en train de s’emparer de l’esprit du consommateur. Nous avons, à plusieurs reprises, insisté sur l’imbrication nécessaire entre les caractéristiques fonctionnelles et immatérielles. Nous avons dit également que lorsque le consommateur décroche des tendances immatérielles proposées par le marché, parce que celles-ci ne collent plus à ses attentes, il se réfugie temporairement dans des objets moins chers, qui apparaissent débarrassés d’affublements immatériels. Ces changements peuvent être repérés dans des enquêtes, grâce à quelques questions précises.
L’incorporation de la dimension immatérielle dans les objets de consommation renchérit leur prix. C’est normal, c’est l’une des composantes de la valeur ajoutée. Pour savoir si les consommateurs acceptent les produits et les services qui en découlent, il convient tout simplement de savoir s’ils sont ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Du même auteur aux éditions Odile Jacob
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Sommaire
  7. Avant-propos
  8. Remerciements
  9. CHAPITRE PREMIER - Introduction Qu’est-ce que consommer ? Le fonctionnel et l’immatériel
  10. Première partie - UNE HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION
  11. Deuxième partie - DES TEMPS D’INQUIÉTUDE AU RETOUR DE LA CROISSANCE (1995-début du XXIe siècle)
  12. Sources
  13. Bibliographie