Une histoire criminelle de la France
eBook - ePub

Une histoire criminelle de la France

  1. 368 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Une histoire criminelle de la France

DĂ©tails du livre
Aperçu du livre
Table des matiĂšres
Citations

À propos de ce livre

De la Cour des Miracles Ă  la French Connection, de Mandrin Ă  la Brise de Mer, de Pierrot le Fou Ă  Mesrine, des Apaches aux gangs actuels, mais aussi de FouchĂ© aux brigades du Tigre, cet ouvrage tĂ©moigne des figures criminelles et aussi policiĂšres qui ont marquĂ© leur Ă©poque. Au-delĂ  de ces personnalitĂ©s mythiques et des seuls faits divers, il cherche surtout, en les replaçant dans leur contexte Ă©conomique et social, Ă  cerner les Ă©volutions et les ruptures pour esquisser une vĂ©ritable histoire sociale de la France. CondensĂ© des imperfections humaines, le criminel, individu parfois incarnĂ© par le pouvoir, est en effet un formidable rĂ©vĂ©lateur des forces et des faiblesses d'une sociĂ©tĂ©, nous en apprenant Ă©normĂ©ment sur nous-mĂȘmes, par ses actes comme par la façon dont nous tentons d'y faire face. Le crime est inhĂ©rent Ă  toute sociĂ©tĂ© humaine. Et, pourtant, l'histoire montre bien la relativitĂ© de la criminalitĂ© et ses transformations au cours des siĂšcles. À la persistance de certains comportements Ă  travers le temps rĂ©pond la variĂ©tĂ© des crimes, en nombre et en qualitĂ©, qui illustrent chaque pĂ©riode. L'histoire du crime, c'est aussi l'histoire d'un pays! Alain Bauer est professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et mĂ©tiers, Ă  New York et Ă  PĂ©kin. Il a notamment publiĂ© une GĂ©ographie de la France criminelle. Christophe Soullez est criminologue et chef du dĂ©partement de l'Observatoire national de la dĂ©linquance et des rĂ©ponses pĂ©nales. Il a notamment publiĂ© Violences et insĂ©curitĂ© urbaines.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramĂštres et de cliquer sur « RĂ©silier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez rĂ©siliĂ© votre abonnement, il restera actif pour le reste de la pĂ©riode pour laquelle vous avez payĂ©. DĂ©couvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l’application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accĂšs complet Ă  la bibliothĂšque et Ă  toutes les fonctionnalitĂ©s de Perlego. Les seules diffĂ©rences sont les tarifs ainsi que la pĂ©riode d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous Ă©conomiserez environ 30 % par rapport Ă  12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement Ă  des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă  toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă  celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte Ă  haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accĂ©der Ă  Une histoire criminelle de la France par Alain Bauer, Christophe Soullez en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Social Sciences et Criminology. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages Ă  dĂ©couvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2012
ISBN
9782738180087
Chapitre 1
La France du brigandage, des crimes féodaux
et des premiÚres formes de criminalité urbaine
Les travaux sur les faits criminels au Moyen Âge sont abondants tant cette pĂ©riode a captivĂ© de nombreux historiens qui, Ă  la recherche d’informations sur le mode de vie durant la pĂ©riode mĂ©diĂ©vale, ont Ă©tudiĂ© les multiples archives criminelles faites d’actes des parlements, de plaidoiries, de listes d’écrou, de quittances de dĂ©tention, etc. Si les sources sont fragmentĂ©es, notamment au niveau gĂ©ographique, elles n’en apportent pas moins d’intĂ©ressantes approches sur l’état de la criminalitĂ© telle qu’elle Ă©tait perçue.
Par ailleurs, l’intĂ©rĂȘt portĂ© Ă  la criminalitĂ© mĂ©diĂ©vale, sous ses formes les plus diverses, a Ă©tĂ© de pair avec l’étude des systĂšmes de rĂ©gulation sociale et politique, au premier rang desquels figure la construction de la police comme administration chargĂ©e de faire respecter les rĂšglements destinĂ©s Ă  prĂ©server l’ordre et la sĂ©curitĂ©.
Le Moyen Âge est souvent considĂ©rĂ© comme une pĂ©riode durant laquelle la police n’existait pas2 et oĂč les conflits avaient tendance Ă  ĂȘtre rĂ©glĂ©s dans le cadre de transactions privĂ©es. Il semble toutefois, Ă  la lumiĂšre des textes et de l’évolution du pouvoir royal, que l’organisation administrative policiĂšre, bien que trĂšs limitĂ©e, n’en a pas moins suivi le dĂ©veloppement des diffĂ©rentes formes de criminalitĂ©.
C’est dans la seconde moitiĂ© du IXe siĂšcle, Ă  la suite des invasions bretonnes et normandes, que les pouvoirs institutionnels de l’Empire carolingien Ă©clatent. Les habitants des campagnes et des villes recherchent alors de nouvelles formes de protection. Les cadres de l’ancienne administration, en particulier les comtes, et de riches propriĂ©taires se constituent des armĂ©es personnelles qui protĂšgent le domaine fĂ©odal. Petit Ă  petit se forment des Seigneuries, entitĂ©s politiques de tailles diverses et totalement autonomes. De maniĂšre parallĂšle, les liens entre les personnes prennent le pas sur les rĂšgles publiques. Le fonctionnement de la sociĂ©tĂ© repose sur un rĂ©seau de fidĂ©litĂ©s : le Seigneur accorde un fief Ă  un vassal qui lui rend hommage. Il se tient alors Ă  son service et assure ainsi des missions d’ordre public.
Ainsi, au Moyen Âge, le pouvoir est atomisĂ© entre une multitude de seigneurs fĂ©odaux. MaĂźtres de leurs territoires, ils y exercent tous les pouvoirs, y compris ceux de justice et de police qui, Ă  l’époque, sont confondus. C’est donc une seule et mĂȘme personne, le seigneur, qui Ă©lucide l’infraction, juge son auteur et le chĂątie. Au dĂ©but du rĂšgne des CapĂ©tiens, la justice cesse d’ĂȘtre un service public pour devenir un bien patrimonial entre les mains des seigneurs qui cherchent Ă  accroĂźtre leur puissance et leur pouvoir Ă  travers l’exercice d’une administration, le plus souvent arbitraire3.
Les rois de France ont alors un pouvoir trĂšs limitĂ© qui ne s’étend qu’à leur domaine propre. Ils doivent d’ailleurs composer avec une multitude de chĂątelains qui ne poursuivent que le seul objectif d’étendre leur territoire et d’asseoir ainsi leur pouvoir Ă  travers la captation d’un maximum de terres, notamment en usant de la force, de la violence et, corollairement, du pillage.
Tout le travail de reconquĂȘte du pouvoir par les rois de France consiste Ă  imposer aux seigneurs fĂ©odaux une organisation plus centralisĂ©e visant Ă  rĂ©guler, puis Ă  limiter, les affrontements entre baronnies et les exactions de ces derniers. Ils vont Ă©galement leur retirer progressivement des prĂ©rogatives notamment dans le domaine de l’exercice des pouvoirs de justice et de police, et ainsi propager l’idĂ©e que les sujets du roi doivent vivre en communautĂ© selon un certain ordre social et public rĂ©gi, notamment, par une administration judiciaire et de nouveaux textes normatifs qui apparaissent : les ordonnances de police.
1. La violence féodale
Le Moyen Âge est une pĂ©riode rĂ©putĂ©e pour la violence de ses mƓurs et de ses pratiques. Les seigneurs rĂšgnent en maĂźtres sur leurs domaines et se concurrencent les uns et les autres. La vie humaine, et notamment celle des serfs et paysans, n’a presque aucune valeur. Pour ĂȘtre un puissant baron, il est nĂ©cessaire de disposer d’un vaste territoire, et de vassaux, permettant de lever rapidement une armĂ©e afin, par exemple, de participer aux croisades en Terre sainte qui vont s’étaler de 1096 Ă  1291, du concile de Clermont Ă  la prise de Saint-Jean-d’Acre.
Le droit de ban : l’arbitraire seigneurial
La violence seigneuriale s’exerce tout d’abord par le droit de ban, qui est le droit d’ordonner, de contraindre et de punir. Les habitants n’ont aucun droit sur la terre du seigneur guerrier qui les protĂšge. Le ban relĂšve du pouvoir de commandement que possĂšde le seigneur. Il peut dĂ©cider de taxer, d’imposer des corvĂ©es, de punir chaque vassal ou manant. Le droit de ban, rĂ©servĂ© aux chĂątelains, est progressivement accordĂ© Ă  leurs vassaux. Ainsi, le vassal se met sous la protection d’un seigneur plus puissant. NĂ©anmoins cette puissance doit beaucoup au nombre, Ă  la loyautĂ© et la puissance relative de ses vassaux, d’oĂč la rĂ©ciprocitĂ©. Si le vassal a des devoirs, comme l’aide militaire ou financiĂšre et la fourniture, le seigneur doit lui permettre d’assurer ses obligations. Pour ce faire, le seigneur peut donner un fief Ă  son vassal. Ce fief est en gĂ©nĂ©ral une terre qui rapporte des revenus et sur laquelle il est fondĂ© Ă  exercer le droit de ban. Ce dernier est donc Ă©clatĂ© entre une multitude de seigneurs. Les pouvoirs de justice et de police sont ainsi dĂ©multipliĂ©s.
Le droit de ban permet d’imposer aux habitants de nombreuses contraintes. C’est donc tout d’abord une violence sociale qui s’exerce sur les paysans et les serfs. Ils se voient obligĂ©s d’accomplir certaines tĂąches (corvĂ©es, entretenir les terres du chĂąteau, curer les fossĂ©s, etc.) au profit de leur maĂźtre et sont victimes de prĂ©lĂšvements arbitraires de sommes d’argent, la taille, ou de monopoles Ă©conomiques contraignants comme le fait de ne pouvoir vendre leur rĂ©colte ou leur vin avant que la rĂ©serve du seigneur ne soit Ă©puisĂ©e. Ces « mauvaises coutumes » sont gĂ©nĂ©ralement ordonnĂ©es par l’usage de la violence et l’exercice d’une justice discrĂ©tionnaire servant les seuls intĂ©rĂȘts du seigneur4. Les tĂ©moignages issus de cette pĂ©riode montrent la violence de certains nobles et leur pouvoir tyrannique. Toutefois, les seigneurs doivent aussi faire attention Ă  prĂ©server une paysannerie productrice et utile Ă  la prospĂ©ritĂ© des territoires. L’usage de la violence reste donc souvent proportionnĂ© ou seulement sous-tendu. MalgrĂ© les ordonnances de Justice de Louis IX, en dĂ©cembre 1254, prĂ©cisant les obligations des serviteurs de l’État en direction de la population et interdisant une justice des nobles et des riches, plutĂŽt clĂ©mente, et une justice des pauvres, plus dure, le systĂšme fĂ©odal continue Ă  s’abattre sur les citoyens les plus dĂ©favorisĂ©s.
La violence féodale : un passe-temps ordinaire
La violence fĂ©odale n’est pas qu’une question de domination des plus puissants sur les plus humbles. Elle se rĂ©vĂšle Ă©galement comme un mode de rĂ©gulation sociale et politique entre les nobles. Les seigneurs se font la guerre pour des territoires, des femmes, des droits ou des questions d’honneur. Ces conflits sont toutefois considĂ©rĂ©s comme lĂ©gitimes et sont souvent synonymes de vengeance. Les seigneurs se combattent pour se rendre justice. Si ces guerres prennent souvent l’allure d’affrontements entre chevaliers, sur des plaines Ă©loignĂ©es des villages et chĂąteaux, elles font rĂ©guliĂšrement des populations des victimes collatĂ©rales.
Durant les guerres avec les envahisseurs Ă©trangers, barons et seigneurs fĂ©odaux profitent du dĂ©sordre et sortent de leurs chĂąteaux afin de se livrer, pour certains, au dĂ©troussage des marchands ou au pillage des abbayes5. Ainsi, prĂšs de 40 % des suppliants qui demandent grĂące, aprĂšs avoir dĂ©valisĂ© marchands et voyageurs, Ă©ventuellement passĂ©s au fil de l’épĂ©e, sont des nobles6. Les guerres privĂ©es7 reprĂ©sentent Ă©galement de belles opportunitĂ©s pour les seigneurs qui disposent de moyens importants et qui ont des vues sur les fiefs de leurs voisins. Mais les raisons justifiant exactions et destructions vont souvent au-delĂ  de la simple revendication territoriale. Ainsi, l’ambition, la gloire, la vengeance ou encore la convoitise d’une belle femme sont prĂ©textes Ă  la guerre quand, plus simplement, ce n’est pas un moyen de se divertir.
Certains de ces seigneurs, Ă  l’image du marĂ©chal de France Gilles de Rais, forts de leur impunitĂ© et d’un pouvoir sans limites, perpĂ©tuent les pires exactions rĂ©vĂ©lant, bien avant l’heure, que les tueurs en sĂ©rie ne sont pas apparus au XXe siĂšcle.
Le premier tueur en série français connu :
Gilles de Rais
Seigneur de Bretagne, connu pour avoir Ă©tĂ© marĂ©chal de France et compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, Gilles de Rais (1404-1440) est une figure cĂ©lĂšbre, et controversĂ©e, de la guerre de Cent Ans. Il s’est illustrĂ© Ă  travers plusieurs faits d’armes contre les Anglais, notamment lors de la prise d’OrlĂ©ans aux cĂŽtĂ©s de Jeanne d’Arc.
À l’occasion du siĂšge manquĂ© de Paris, la Cour l’incite Ă  se retirer sur ses terres et en particulier dans son chĂąteau de Tiffauges en VendĂ©e. C’est dans ce lieu que le sire de Rais aurait perpĂ©trĂ© une sĂ©rie de crimes pour lesquels il est Ă©galement connu. Certains auteurs voient en lui le personnage de « Barbe bleue » et le « plus grand tueur en sĂ©rie de l’histoire de France ». PassionnĂ© d’alchimie et de magie, soi-disant adepte du diable, il fait l’objet de nombreuses rumeurs sur ses pratiques sexuelles et ses activitĂ©s criminelles. Ainsi il se fait connaĂźtre pour avoir torturĂ© et immolĂ© des centaines d’enfants (originaires des campagnes), et notamment de jeunes garçons, soit pour mettre plus de raffinement dans ses plaisirs, soit pour utiliser leurs organes dans des cĂ©rĂ©monies sataniques.
En mai 1440, suite Ă  un conflit avec l’Église, celle-ci dĂ©cide d’enquĂȘter sur les rumeurs qui sont de plus en plus insistantes et qui se concrĂ©tisent notamment par la disparition inexpliquĂ©e de nombreux adolescents. En septembre 1440, l’Église impose Ă  Gilles de Rais de comparaĂźtre, non pour les crimes qu’il aurait commis sur les enfants, mais pour avoir pĂ©nĂ©trĂ© armĂ© dans une chapelle Ă  l’occasion d’un conflit liĂ© Ă  des revendications territoriales. Ce n’est que quelques jours plus tard qu’il dĂ©couvre devant le tribunal de l’Inquisition les vĂ©ritables chefs d’accusation, les plus graves de l’époque : sodomie, sorcellerie et assassinat. C’est bien d’ailleurs parce qu’il ne se doute pas des rĂ©elles raisons de son « interpellation » qu’il se laisse capturer sans opposer de rĂ©sistance. Il est alors incarcĂ©rĂ© Ă  la prison de Nantes oĂč une enquĂȘte sur les meurtres d’enfant avait Ă©tĂ© lancĂ©e.
Son procĂšs s’ouvre Ă  Nantes le 8 octobre 1440. Le dossier d’accusation est trĂšs Ă©toffĂ© et, alors mĂȘme que par peur des reprĂ©sailles, les parents des victimes n’osaient parler, l’arrestation de Gilles de Rais dĂ©lie les langues. Les tĂ©moignages Ă  charge se multiplient, dont ceux de ses complices, et rĂ©vĂšlent l’ampleur des crimes commis. Gilles de Rais, se sentant piĂ©gĂ©, et placĂ© au pied du mur, se rĂ©volte, ce qui entraĂźne en rĂ©action son excommunication. Celle-ci lui fait peur et il dĂ©cide alors de se confesser en Ă©change de la levĂ©e de cette sanction. Ses aveux confirment l’atrocitĂ© des faits. Le marĂ©chal de France et ses deux valets sont condamnĂ©s Ă  ĂȘtre pendus puis brĂ»lĂ©s. Le procĂšs de Gilles de Rais est l’un des tout premiers visant des barons du royaume, qui, jusque-lĂ , ne relevaient pas de la justice de droit commun. Dans son ouvrage, Le ProcĂšs de Gilles de Rais, Georges Bataille conclut que « la tragĂ©die de Gilles de Rais est celle de la fĂ©odalitĂ©, c’est la tragĂ©die de la noblesse. Les crimes de Gilles de Rais sont ceux du monde oĂč il les commit : un monde qui avait longtemps laissĂ© libre cours aux dĂ©chaĂźnements de la violence des puissants et qui, peu Ă  peu seulement, apprit Ă  se rĂ©gler sur d’autres codes de valeurs8 ». Gilles de Rais reste encore un mystĂšre pour de nombreux historiens, dont certains doutent de sa culpabilitĂ© et en font une des victimes de l’Inquisition9.
Le duel judiciaire : une violence légale
Le duel judiciaire reste Ă©galement l’une des formes de violence fĂ©odale les plus courantes entre seigneurs. Il succĂšde Ă  l’ordalie, appelĂ©e Ă©galement jugement de Dieu, mĂ©thode de test de la culpabilitĂ© ou de l’innocence d’une personne, sans combat mais souvent Ă  l’issue fatale. En 1215, le IVe concile du Latran interdit les Ordalies aux clercs10, puis celles-ci sont abolies par saint Louis en 1258. Elles sont remplacĂ©es par le duel judiciaire et les preuves Ă©crites et orales (notamment l’enquĂȘte de tĂ©moins et le serment purgatoire) dans le cadre des grandes ordonnances sur la Justice. Le duel judiciaire devient donc une nouvelle forme de procĂšs dans lequel la dĂ©cision finale est fixĂ©e par l’issue du combat entre deux adversaires. Pour que le rĂ©sultat soit acceptable par toutes les parties, des rĂšgles prĂ©alables sont fixĂ©es. Remontant aux pratiques des Francs, et bien que condamnĂ© par l’Église (concile de Valence de janvier 855), le duel judiciaire est trĂšs rĂ©pandu au Moyen Âge. Le pouvoir royal tente pourtant d’en limiter l’usage afin de diminuer les pertes dans les rangs de la noblesse. Louis IX, puis Philippe le Bel, prennent des dispositions en vue de rĂ©duire le recours Ă  cette pratique. À partir de cette Ă©poque, le duel judiciaire n’est plus admis lorsque la culpabilitĂ© ou l’innocence de l’accusĂ© est manifeste, lorsque les voies ordinaires de la justice permettent l’établissement de la vĂ©ritĂ©, ou encore en temps de guerre. Le dernier autorisĂ© par un roi de France, connu sous le nom de « Coup de Jarnac11 », a lieu le 10 juillet 1547 et oppose Jarnac et La ChĂątaigneraie. Les duels judiciaires disparaissent dĂ©finitivement sous Louis XIII.
Toutefois, si les seigneurs ne peuvent plus se battre sur autorisation royale, ils sont toujours en proie Ă  une irrĂ©sistible pulsion visant Ă  dĂ©montrer leur virilitĂ© et leur puissance. Le duel judiciaire prend alors une nouvelle forme au XVIe siĂšcle : le duel du point d’honneur. Celui-ci est aussi un moyen de contourner, voire de dĂ©fier, le pouvoir royal qui ne cesse de s’affirmer. Les gentilshommes continuent donc Ă  se livrer bataille pour des questions d’honneur public ou privĂ©. Le duel devient mĂȘme une mode de la noblesse d’épĂ©e. Mais, tout comme pour le duel judiciaire, celui-ci fait des ravages au sein de la noblesse. Devant cette hĂ©catombe, les souverains successifs, soucieux Ă©galement de se conformer au principe d’interdiction prĂŽnĂ© par l’Église, prennent conscience de la nĂ©cessitĂ© d’interdire cette pratique qui grĂšve trĂšs largement les rangs de la cour, m...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Le crime et l’histoire : une incestueuse relation
  5. Chapitre 1 - La France du brigandage, des crimes féodaux et des premiÚres formes de criminalité urbaine
  6. Chapitre 2 - La criminalitĂ© et la construction de l’État
  7. Chapitre 3 - L’État se protùge et s’organise
  8. Chapitre 4 - La Belle Époque et ses « beaux voyous »
  9. Chapitre 5 - Le crime, la Seconde Guerre mondiale et l’Occupation
  10. Chapitre 6 - La France criminelle d’aprùs-guerre en pleine mutation
  11. Chapitre 7 - La France des années 1980-2000 : un autre milieu, de nouvelles menaces
  12. Chapitre 8 - La mondialisation du crime
  13. Conclusion
  14. Notes
  15. Sources bibliographiques
  16. Bibliographie générale
  17. Du mĂȘme auteur chez Odile Jacob