Jésus voit le jour au sein du judaïsme, première des religions monothéistes, dont l’histoire couvre plus de trois millénaires et débute en Mésopotamie, vers 1850 avant notre ère. Dieu se révèle alors à Abraham et conclut avec lui une alliance. Il lui promet une nombreuse descendance et lui donne l’ordre de quitter son pays et sa famille pour s’établir en Palestine, la terre promise.
Les descendants d’Abraham, les douze enfants de Jacob (fils d’Isaac et petits-fils d’Abraham) sont poussés par la famine à émigrer en Égypte. Après une période prospère, ils sont réduits en l’esclavage et menacés d’extermination. Au XIIIe siècle avant notre ère, Moïse reçoit de Dieu l’ordre de libérer son peuple du joug égyptien et de le ramener en Palestine. Sur le chemin de l’exode, au mont Sinaï, Dieu dicte à Moïse le Décalogue, les Dix Commandements, gravés sur les tables de la Loi et énoncés par la Bible : « Je suis l’Éternel, ton Dieu ; tu ne feras point d’idole ; tu n’invoqueras point le nom de l’Éternel en vain ; souviens-toi du jour du Sabbat ; honore ton père et ta mère ; tu ne commettras pas d’homicide ; tu ne commettras pas d’adultère ; tu ne voleras pas ; ne rends point contre ton prochain un faux témoignage ; ne convoite pas la maison de ton prochain ; ne convoite pas la femme de ton prochain1. » Ces lois fondamentales de l’Alliance entre Dieu et le peuple hébreu fondent la base de la Loi juive et sont à l’origine des Mitzvoth, ces 613 prescriptions d’ordre moral et pratique qui s’imposent aux Juifs. Les Dix Commandements sont alors gravés sur les tables de la Loi, conservées dans un coffret, l’Arche d’alliance, véritable sanctuaire portatif.
Le peuple juif s’installe ensuite sur la terre promise, l’actuelle Palestine. Au Xe siècle avant notre ère, David unifie le royaume d’Israël et conquiert Jérusalem. Son fils Salomon y fait construire un temple, lieu de culte et de sacrifice, où est déposée l’Arche d’alliance.
L’histoire de Jésus s’inscrit dans le contexte religieux du judaïsme issu des réformes menées au Ve siècle avant J.-C., après le retour de l’exil à Babylone. Le culte ancestral de Yahwé, à l’exclusion de tout autre dieu, s’organise autour de la Loi, du temple de Jérusalem et de l’institution sacerdotale. En parallèle, des traditions populaires et des archives officielles sont rassemblées et forment l’ébauche de ce qui deviendra la Bible par la suite. La Loi, Torah en hébreu, s’élabore autour de la figure fondatrice de Moïse. Les cinq livres qui la composent, en grec pentateuque, codifient étroitement la spiritualité et la vie quotidienne des Juifs. Elle joue le rôle du livre fondateur de l’identité religieuse et de l’appartenance au peuple juif.
La Torah, du verbe hébreu yaroh (enseigner, instruire), comprend les cinq premiers livres de la Bible (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome) écrits par Moïse mais révélés par Dieu sur le mont Sinaï. La Torah est l’expression de la volonté divine. En ce sens, elle désigne aussi la Loi, l’ensemble des règles qui s’imposent aux Juifs, dans tous les domaines de l’existence. Règles religieuses et morales, mais également civiles et pénales, qui guident l’homme dans sa vie quotidienne et ses rapports avec les autres.
Les Juifs croient en un Dieu unique, créateur de l’univers, de la terre et de l’humanité, qui régit le destin des êtres humains. Un Dieu transcendant, qui s’est révélé au peuple hébreu, lui a dicté sa loi et a conclu une alliance avec lui. Cette alliance fait du peuple juif, un peuple élu : le peuple de Dieu. Les Juifs attendent, pour la fin des temps, la venue d’un messie qui réparera les souffrances du peuple hébreu et apportera à l’humanité la paix et la justice éternelles.
Le temple de Jérusalem devient le lieu unique de la présence divine. Le culte de Yahwé y est régi par le clergé selon les règles strictes de la pureté rituelle. Il accomplit les offrandes et les sacrifices quotidiens, suivant le calendrier liturgique structuré par le sabbat hebdomadaire et marqué par les grandes fêtes annuelles. Le clergé, fortement hiérarchisé, comprend les prêtres qui règlent les liturgies, les lévites chargés des sacrifices et une multitude de desservants. Les pouvoirs temporels et religieux sont répartis entre le roi et le grand prêtre. En l’absence d’institution royale, l’institution sacerdotale répond de l’ensemble de la communauté.
En 63 avant notre ère, le général romain Pompée s’empare de la Judée et met fin à l’État juif. Rome favorise l’ascension d’Hérode, fils d’une puissante famille originaire de la province d’Idumée, fortement hellénisée. En 37 avant J.-C., Hérode prend le pouvoir, restaure le royaume de Judée et se met sous la dépendance de la tutelle romaine. Son régime autoritaire, la romanisation du royaume, son impiété notoire et son ascendance étrangère (nabatéen par sa mère) heurtent les Juifs traditionalistes. Pour les amadouer, il rénove somptueusement le temple de Jérusalem.
En l’an 6 de notre ère, la Judée est annexée à la province romaine de Syrie. La pression fiscale et la gestion brutale des gouverneurs enveniment les relations entre la population locale et l’autorité romaine. L’obligation du culte impérial, pierre angulaire de la politique unificatrice de Rome, suscite chez les religieux juifs une condamnation sans appel. Des prophètes annoncent la fin des temps et la venue d’un libérateur pour Israël. Les mouvements patriotiques entretiennent un climat d’insurrection latente. La résistance tourne à la guerre civile à compter de 66 de notre ère. Rome envoie d’importantes troupes et reconquiert la Galilée sous la conduite de Vespasien. Son fils Titus assiège Jérusalem et incendie le temple le 9 août 70, causant ainsi la fin du royaume de Judée. La dernière résistance juive se poursuit dans la forteresse de Massada et succombe en 73. Le judaïsme trouve néanmoins un nouveau souffle en Galilée à Tibériade. Des écoles rabbiniques fleurissent et jettent les bases d’un judaïsme talmudique, recentré sur la synagogue et sous l’autorité des rabbins (responsables religieux).
Entre le IIe siècle avant notre ère et le Ier siècle après l’ère chrétienne, le judaïsme est marqué par l’éclosion de plusieurs courants : les pharisiens, les sadducéens, les zélotes et les esséniens.
Les pharisiens rassemblent les docteurs de la loi juive, attachés aux textes religieux officiels. Les sadducéens, hostiles aux classes populaires, sont favorables à l’hellénisme. Les zélotes, guerriers attachés à la stricte observance des lois juives et hostiles aux présences grecques et romaines, sont à l’origine de plusieurs révoltes contre l’occupant. Les esséniens vivent en communautés monastiques le long de la mer Morte et certains villages de Judée. Les auteurs anciens comme Pline l’Ancien, Philon d’Alexandrie et Flavius Josèphe, qui ont vécu au Ier siècle de notre ère, à l’époque de la communauté essénienne de Qumrân, soulignent la vie singulière de ce groupe avec une sincère admiration : les esséniens vivent en célibataires, partagent leurs biens et leur idéal de sainteté dans une ascèse et une exigence pointilleuse de pureté. Ils forment une communauté hiérarchisée, où l’on n’entre qu’au terme d’une longue probation, et dont les membres sont soumis à une règle stricte. Leurs journées sont marquées par la prière, la contemplation, l’étude des textes religieux et l’exercice d’un métier. Ils croient à la résurrection, à l’immortalité de l’âme, à la prédestination et au messianisme. Ils respectent le repos du sabbat, pratiquent certains sacrifices. Thérapeutes, ils savent guérir l’âme et le corps. Favorables à l’astrologie, ils croient en un Dieu unique, aux anges, à la Torah et en de nombreuses idées issues directement de la Bible. Ils se considèrent comme les Fils de la Lumière, s’opposant ainsi aux Fils des ténèbres. Ils croient à la venue de deux messies, un messie politique et un messie religieux. Les esséniens ne suivent pas les pratiques du temple de Jérusalem, qu’ils considèrent perverties et corrompues.
Flavius Josèphe, historien juif du Ier siècle, écrit au sujet des esséniens : « Les pharisiens considèrent que certains événements sont l’œuvre de la destinée, pas tous… Quant à la secte des esséniens, elle déclare que la destinée est la maîtresse de toute chose et que rien ne peut advenir à l’homme qui ne soit conforme à son décret. Les sadducéens, en revanche, ne font aucun cas de la destinée et estiment que toute chose est en notre pouvoir2. »
Pline l’Ancien (23-79 après J.-C.) écrit de son côté :
« À l’ouest de la mer Morte vit la tribu solitaire des esséniens, qui se distingue notablement de toutes les autres tribus du monde entier, puisqu’elle ne compte aucune femme et a renoncé à l’argent, de même qu’à tout désir sexuel, et vit avec les palmiers pour toute compagnie. Jour après Jour, l’afflux constant de réfugiés est alimenté par de nombreuses adhésions de personnes lasses de l’existence et que le sort conduit à rejoindre la communauté et à adopter son mode de vie. Des millénaires durant une race sans enfants se perpétue ainsi indéfiniment : la lassitude existentielle des autres est tellement prolifique pour cette communauté ! Les esséniens vivent aujourd’hui sur les restes de l’ancienne ville d’Engedi, dont les terres fertiles et la palmeraie n’étaient surpassées que par celles de Jérusalem, aujourd’hui réduite en cendres, comme à Jérusalem3. »
C’est dans un royaume, divisé par divers courants religieux et placé sous la tutelle de Rome, que Jésus voit le jour. Sa naissance un 25 décembre repose sur les calculs du moine Denys Le Petit en 525, chargé par le pape de l’époque de bousculer les calendriers précédents et de prendre le 25 décembre comme jour de référence. Plus tard, des recherches approfondies ont démontré que Denys s’était trompé de quatre à sept ans sur l’année de la naissance de Jésus ! Il serait donc né quelques années avant le début de l’ère chrétienne officielle.
L’existence de Jésus est attestée par l’historien juif Flavius Josèphe (37-100 apr. J.-C.). Dans les Antiquités juives, texte rédigé en 94, il écrit :
« En ce temps-là paraît Jésus, un homme sage […], faiseur de prodiges, un maître des gens qui recevaient avec joie la vérité. Il entraîna beaucoup de Judéens et aussi beaucoup de Grecs1. »
L’historien romain Tacite (vers 58-vers 120) écrit dans les Annales :
« Mais aucun moyen humain, ni les largesses du prince, ni les cérémonies pour apaiser les dieux, ne faisait céder l’opinion infamante d’après laquelle l’incendie avait été ordonné par Néron. En conséquence, pour étouffer la rumeur, Néron produisit comme inculpés et livra aux tourments les plus raffinés des gens, détestés pour leurs turpitudes, que la foule appelait “chrétiens”. Ce nom leur vient du Christ, que, sous le principat de Tibère, le procurateur Ponce Pilate avait livré au supplice2. »
Il est donc avéré qu’un homme nommé Jésus, ayant vécu sous le règne de l’empereur romain Tibère (42 av. J.-C.-37 apr. J.-C.), a été condamné à mort et que ses disciples continuèrent à le suivre en tant que Jésus-Christ, à travers son message spirituel.
Les informations sur son lieu de naissance sont plus précises. Ses parents, Joseph et Marie, résidant à Nazareth, se trouvent en déplacement à Bethléem pour des raisons administratives, lorsque l’enfant voit le jour dans une étable.
Joseph, modeste charpentier, est un lointain descendant de David, le grand roi juif de l’Ancien Testament, dont la dynastie s’est effondrée en raison des invasions successives. Présenté comme un homme intègre, discret et religieux, il n’entretient pas de relations sexuelles avec sa fiancée avant le mariage. Lorsque Marie annonce sa grossesse avant la célébration officielle, il soupçonne une infidélité de la part de sa promise. Cependant, un ange...