Télévision queer
eBook - ePub

Télévision queer

  1. 178 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Télévision queer

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Queer, la télévision? À en croire certains éditocrates excédés, il serait désormais impossible d'ouvrir la télé sans y voir toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. S'il est vrai que la diversité sexuelle et la complexité des genres sont de plus en plus représentées à la télévision, les efforts déployés par les Netflix de ce monde pour rester en phase avec les attentes du public sont souvent suspects… et incomplets. Que signifient au juste ces nouvelles représentations? Peut-on faire confiance à un média qui cherche avant tout à engranger des profits? La télévision peut-elle être queer?Talk-show, websérie, téléroman, les études de cas réunies ici portent sur divers formats de ce média, et ce, dans différents contextes culturels (Québec, Canada, États-Unis, Allemagne et Espagne). Ces analyses montrent tout à la fois les limites du média et ses possibilités pour mettre en scène des représentations queer radicalement subversives. Des textes de Stéfany Boisvert, Tara Chanady, Florian Grandena, Charlotte Kaiser, Antonio Lérida Muñoz, Alexis Poirier-Saumure, Julie Ravary-Pilon, Joëlle Rouleau, Olivier Tremblay, Christoph Vatter et Arnaud Widendaële.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Télévision queer par Joëlle Rouleau en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Sciences sociales et Étude des média. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Année
2022
ISBN
9782890917989

La télévision québécoise: représentation et autoreprésentation lesbienne, bisexuelle et queer

TARA CHANADY
Rendre visible quoi, de quelle façon, dans quel contexte, par qui et pour qui? Pour les groupes minorisés, le dévoilement en dehors de la sphère de l’intime articule des enjeux d’existence et de reconnaissance sociale155 qui participent aux perceptions de leur réalité sociale156. En plus de provoquer un sentiment d’isolement, le déni d’apparence (l’impossibilité de se faire voir et entendre) peut altérer le sens de soi des personnes, c’est-à-dire la conscience de ce qu’elles sont et de ce que les autres pensent d’elles. La visibilité publique et médiatique est de ce fait un enjeu politique qui peut influencer les paramètres de leur expérience quotidienne157. En particulier, l’articulation des identifications LBTQ158, voire lezbiqueer159, à la télévision est reconnue comme centrale dans les processus d’autoreprésentation et d’autoreconnaissance des individus issus de la diversité sexuelle160. Ne pas avoir honte, se reconnaitre, se sentir exister collectivement.
Si, depuis quelques années, la mise en visibilité de la diversité sexuelle à la télévision québécoise ne se limite plus au classique coming out d’un personnage lesbien isolé, différents enjeux de pouvoir cadrent cependant ces nouvelles visibilités. Réseau standardisé capitaliste excluant tout élément dissident161, la télévision reproduit les normes hégémoniques qui formatent la diversité sexuelle. Elle est de ce fait considérée comme «l’un des plus importants appareils de la technologie moderne de la répétition genrée et sexuée»162. Dépassant une lecture binaire des représentations (bonnes ou mauvaises, réalistes ou irréalistes), les études télévisuelles queer s’intéressent précisément aux normes derrière la mise en scène de l’homosexualité au petit écran163. Autrement dit, comment les relations romantiques ou sexuelles entre femmes y sont-elles construites? Quels éléments y sont rendus visibles? Quels discours identitaires y sont mobilisés?
Considérant le contexte québécois, je propose d’observer les transformations des signifiants accordés aux orientations sexuelles dans différentes productions télévisuelles récentes. Ce faisant, je m’intéresse à la fois à leur mise en scène (représentation et autoreprésentation), au contexte de leur production (commentaires de producteur·trice·s et d’acteur·trice·s) et à leur réception médiatique (articles de presse) pour saisir de façon plus complexe l’actualisation des normes dans leur contexte social164. Quelles perspectives sur l’orientation sexuelle des femmes nous offre donc le paysage télévisuel québécois récent? J’interrogerai les processus de représentation identitaire à partir des théories des études culturelles, lesbiennes et queer de la télévision qui s’intéressent aux processus de signification et de resignification165 au sein de la culture populaire.

La fiction télévisuelle récente: réorienter les narratifs

Dans la dernière décennie, la représentation de la diversité sexuelle au petit écran québécois a connu une importante augmentation malgré l’absence toujours marquée de personnages racisés et diversifiés du point de vue de l’expression de genre. Si la visibilité de l’homosexualité féminine a évolué plus lentement que celle des hommes — cela a pris plus de dix ans avant qu’un personnage récurrent lesbien fasse suite à un personnage gai166 —, les années 2010 ont vu se multiplier rapidement les représentations lesbiennes, notamment par la télésérie Unité 9 (ICI Radio-Canada Télé, 2012-2019) qui en met en scène une dizaine167. L’invisibilisation a ainsi graduellement cédé la place à la mise en discours d’une forme d’homosexualité normalisée, principalement cadrée par la jeunesse, la blanchité, la cisexualité et la monogamie. À ce sujet, certain·e·s auteur·trice·s ont souligné l’aplanissement de la figure lesbienne, resignifiée de façon conformiste, pour la rendre recevable dans l’espace public et médiatique168. La mise en discours de la sexualité à travers les catégories universalistes de la blanchité occidentale169 et l’imposition d’un discours de coming out universel170 ont ainsi fait l’objet de plusieurs critiques concernant la reproduction de normes autour d’une sexualité dite «désirable». Certain·e·s ont semblablement dénoncé l’imposition d’une figure lesbienne «ordinaire, positive et normale», participant à la reproduction d’idéaux de féminité et de blanchité171. La marchandisation de la culture populaire lesbienne, axée sur le divertissement et l’esthétique, s’est en somme accompagnée d’une invisibilisation des formes jugées non acceptables ou trop politiques172, des espaces ou des enjeux lesbiens et queer qualifiés de plus subversifs.
Ainsi la minorité doit rester minorité. Il n’est pas question de déconstruire davantage les régimes de genre et de sexualité sur lesquels reposent nos sociétés: homme/femme, hétérosexualité/homosexualité. Une démarcation claire est aussi tracée entre l’hétérosexualité (présentée comme neutre) et l’homosexualité, le désir ne devant pas errer trop librement: le définir et le cadrer permettent de sécuriser les frontières entre soi et l’autre173 et d’ainsi apaiser les angoisses174. Comme l’évoquait le chroniqueur Guy Fournier dans le journal le plus lu au Québec:
Quand je regarde notre télévision, en particulier celle de Radio-Canada, je trouve que les gens comme vous et moi cèdent graduellement la place à des personnages marginaux et à des histoires qui sont le lot d’une minorité plutôt que le lot de la majorité, plus silencieuse que jamais […]. Est-il encore possible de produire une fiction qui ne compte pas un gai, une lesbienne, un bisexuel, un transgenre ou un queer175?
Une conception plus fluide de la sexualité commence cependant à traverser différents narratifs. Dans Unité 9, par exemple, l’univers de la prison dans lequel évoluent les protagonistes (par définition, un lieu de comportements «déviants») offre de nouvelles possibilités de visibilité et permet au désir d’éclater. Certains personnages, comme ceux de Michèle (Catherine Proulx-Lemay) et Shandy (Suzanne Clément et Catherine-Anne Toupin), expriment une multitude de désirs qui remettent en cause les normes sociales binaires en matière de genre. Si d’autres personnages, comme celui de Jeanne (Ève Landry), apparaissent exclusivement interpellés par les femmes, rares sont les mentions faites à une identité explicitement lesbienne ou bisexuelle. Ce sont là différentes manifestations queer du désir, qui ne s’arrête pas aux frontières corporelles binaires176.
Dans la série jeunesse Jérémie (VRAK, 2015-2019), le personnage de Raphaëlle (Claudia Bouvette) exprime une attirance envers son amie Alexia (Marianne Fortier), une histoire éphémère qu’elle écourtera en raison de son incertitude. Célébration d’une fluidité sexuelle accueillie avec enthousiasme par son entourage? Démonstration hétéronormative d’une attirance lesbienne rapidement résorbée dans l’hétérosexualité? Le narratif reconduit en tous les cas le système normatif qui fait de l’exploration sexuelle le privilège des corps blancs, jeunes et féminins.
La populaire télésérie Fugueuse, la suite (TVA, 2018- ) pose autrement une critique de la nature stabilisante des étiquettes — la critique queer de la stabilisation de l’identité présentant celles-ci comme un «projet disciplinaire» qui restreint les modes d’être177. Dans sa fugue, le personnage de Yohan (Pascale Drevillon) entame un processus de transition (se renommant Alexandra). Dans le quatrième épisode de la deuxième saison, alors qu’elle est questionnée sur son orientation sexuelle, elle répond:
— Bi, lesbienne, pan, trans, non binaire, créative… Nomme ça comme tu veux, ça t’appartient. Les étiquettes, c’est pour les straights qui n’ont pas d’imagination178.
Quand elle développe une relation avec Daisy (Jemmy Echaquan-Dubé), une jeune fille autochtone qui fait référence à la bispiritualité, Alexandra lui révèle qu’elle est une fille...

Table des matières

  1. Introduction1
  2. American Horror Story: récit et temporalités queer
  3. 13 Reasons Why: trois personnages et trois perspectives queer sur le récit d’apprentissage télévisuel
  4. The Ellen DeGeneres Show: la figure lesbienne comme dispositif comique hétérosexiste
  5. Las chicas del cable et La otra mirada: représentations queer et imaginaires historiques dans les séries télévisées espagnoles
  6. ICI Radio-Canada Télé et la CBC: une télévision publique, généraliste et… queer?
  7. La télévision québécoise: représentation et autoreprésentation lesbienne, bisexuelle et queer
  8. Féminin/Féminin et Mixed Messages: queering du féminin? Visibilité lesbienne dans des webséries québécoise et berlinoise
  9. La télévision dans l’œuvre de Gregg Araki: deux stratégies de visibilité queer
  10. Brujos: agentivité magique, filiations queer et utopie décoloniale
  11. Notes biographiques
  12. Remerciements