Immunité
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Immunité

  1. 214 pages
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À propos de ce livre

Faut-il faire vacciner ses enfants? Quels sont les risques et les bénéfices? À l'heure où l'on prévoit, en France, d'élargir l'obligation vaccinale, plus aucun parent n'échappe à ce questionnement. Ni aux réponses contradictoires des médias, des amis ou des médecins. Ce livre salutaire clarifie et approfondit le débat. Une jeune mère, Eula Biss, mène l'enquête, remet à plat les données
scientifiques pour se forger une opinion sur les additifs, les vaccins multidose, le lien entre vaccination et autisme... Au-delà, pour mieux comprendre nos peurs, elle revisite les mythes qui entourent les vaccins, convoquant au passage l'histoire de la médecine, les romans de vampire ou les contes de fée. Comme la grossesse ou le don d'organes, la
vaccination interroge les frontières de notre corps, toujours relié à celui des autres, à un corps social et politique plus vaste. À rebours de la méfiance ambiante, Eula Biss plaide, d'une plume alerte et engagée, pour une parentalité responsable, garante de l'intérêt collectif.

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Informations

Éditeur
Les Arènes
Année
2018
ISBN
9782352048879
Mon père, qui était médecin, m’a raconté quand j’étais petite ma toute première histoire d’immunité. Il s’agissait du mythe d’Achille, et des tentatives de sa mère pour le rendre immortel. Dans une première version, elle l’exposait au feu pour épuiser sa part mortelle. Achille s’en trouvait immunisé contre toute blessure, sauf au niveau du talon, où une flèche empoisonnée finissait par le blesser et le tuer. Dans une autre version de la légende, Achille encore bébé était immergé dans le Styx, ce fleuve qui sépare le monde des vivants de celui des morts. Sa mère le plongeait dans l’eau en le tenant par le talon, laissant, là encore, une zone vulnérable qui lui serait fatale.
Lorsque Rubens entreprit de peindre la vie d’Achille, il commença par l’épisode du Styx. Dans ce tableau, des chauves-souris traversent le ciel et, au loin, les morts se pressent sur des barques. Achille, dont la mère retient d’une main la jambe potelée, a la tête et les épaules entièrement immergées. De toute évidence, il ne s’agit pas là d’un bain ordinaire. Le chien à trois têtes qui garde les enfers repose, enroulé sur lui-même, au bas de la peinture. Comme le corps du bébé atteint la rivière à cet endroit précis, il donne l’impression d’être plongé au sein même de la bête. Conférer l’immunité, suggère le tableau, est une tâche périlleuse.
Pour préparer ses enfants aux dangers de la vie, ma mère, elle, nous lisait des contes de Grimm à voix haute, le soir, dans notre lit. J’ai été moins marquée par la cruauté légendaire de ces contes que par leur univers magique – les pommes d’or dans le jardin du château, le petit garçon pas plus haut qu’un pouce, les six frères transformés en cygnes. Une chose, toutefois, n’a pas échappé à la fillette que j’étais : dans ces histoires, les parents avaient une fâcheuse tendance à se laisser manipuler, jusqu’à jouer dangereusement avec la vie de leurs enfants.
Il y a, par exemple, cet homme qui accepte de troquer avec le diable tout ce qui se trouve au-delà de son moulin. Il croit céder son pommier, avant de découvrir, à son grand désarroi, que sa fille se trouve juste derrière l’édifice. Ou encore l’histoire de cette femme qui, enfin enceinte après avoir ardemment désiré un enfant, est prise d’une envie irrésistible de goûter à la raiponce, une plante qui pousse dans le jardin d’une méchante sorcière. Elle envoie son mari voler la plante ; il est capturé. Pour s’en sortir, l’homme promet de livrer leur futur enfant à la sorcière, qui enferme la petite fille dans une haute tour sans porte. Mais dans ce genre d’histoires, c’est bien connu, les jeunes filles s’en sortent en déroulant leurs cheveux le long des murailles.
Il en allait de même dans les mythes grecs que ma mère me lut plus tard. Un roi auquel on a fait une sinistre prophétie veut empêcher sa fille de devenir mère et l’enferme dans une tour. Mais Zeus parvient à l’approcher sous la forme d’une pluie d’or. De cette union naît un fils, qui, plus tard, tuera le roi. Lorsque Œdipe, abandonné à la naissance sur le flanc d’une montagne et voué à une mort certaine, est sauvé par un berger, il n’échappe pas pour autant à la prophétie selon laquelle il doit tuer son père et épouser sa mère. Thétis, la mère d’Achille, ne réussit à rendre son fils immortel ni par le feu ni par les eaux.
Un enfant ne peut être soustrait à son destin ; mais cela n’a pas empêché les dieux eux-mêmes d’essayer. La mère d’Achille, une déesse qui avait épousé un mortel, s’était entendu prédire que son fils mourrait jeune. Elle fit tout ce qui était en son pouvoir pour faire mentir la prophétie, allant jusqu’à déguiser Achille en fille pendant la guerre de Troie. Le subterfuge fut découvert le jour où il se saisit d’une épée : alors, Thétis demanda au dieu du Feu de forger un bouclier pour son fils. Sur cette arme étaient gravés le soleil et la lune, la terre et l’océan, des villes en guerre et des villes en paix, des labours et des moissons : l’univers entier, avec toutes ses contradictions, était le bouclier d’Achille.
Mon père, toutefois, vient de me le rappeler : l’histoire qu’il me racontait quand j’étais petite n’était pas le mythe d’Achille mais une autre vieille légende. À mesure qu’il m’en remémore l’intrigue, je comprends pourquoi j’ai confondu les deux. Le héros de cette histoire s’immunise contre les blessures en se baignant dans le sang d’un dragon. Mais, durant ce bain, une feuille d’arbre reste collée sur lui, laissant un petit point vulnérable dans son dos. S’il sort vainqueur de nombreuses batailles, il finit par succomber d’un coup porté à cet endroit précis.
L’immunité est un mythe, suggèrent ces histoires ; aucun mortel ne saurait devenir invulnérable. Cette idée m’était à peu près acceptable avant que je devienne mère. Mais la naissance de mon fils m’a donné une conscience exacerbée de ce qui était ou non en mon pouvoir. Je me suis si souvent retrouvée à négocier avec le destin que mon mari et moi avons fini par en faire un jeu : quelle maladie accepterions-nous de donner à notre enfant pour le protéger d’une autre, nous demandions-nous, en une parodie de ces décisions impossibles qui incombent aux parents.
Quand mon fils était bébé, j’entendais toutes sortes de variations sur le thème : « L’essentiel, c’est qu’il soit en bonne santé. » Je me demandais souvent si c’était vraiment là l’essentiel, et si, du reste, cela dépendait de moi. J’avais bien conscience de ne pouvoir le soustraire à son destin, quel qu’il soit. Je n’en étais pas moins déterminée à éviter de jouer avec sa vie comme le faisaient les parents des contes de Grimm. Je ne laisserais ni ma négligence ni ma convoitise condamner mon enfant. Je ne dirais pas incidemment au diable « Tout ce qui se trouve derrière mon moulin est à toi » pour découvrir ensuite que, derrière le moulin, se tient mon enfant.
La veille de la naissance de mon fils fut le premier jour chaud du printemps. Le travail avait déjà commencé quand j’allai me promener sur la jetée, tout au bout, là où le soleil du matin commençait à briser la glace sur le lac Michigan. Mon mari, équipé de sa caméra, me demanda de dire quelques mots pour immortaliser ce jour. Mais la prise de son ne fonctionna pas ; ce que j’ai pu dire est perdu pour toujours. Mon visage, en revanche, montre parfaitement que je n’avais pas peur. Pendant le long travail qui suivit cet instant lumineux, je m’imaginai nageant dans le lac, qui, malgré moi, devint successivement un lac de ténèbres, puis un lac de feu, puis un lac sans horizon. Quand mon fils naquit, tard le lendemain, il tombait une pluie froide ; j’avais achevé ma traversée et atteint un nouveau royaume où je devrais désormais côtoyer la peur.
Ce printemps-là, une nouvelle souche de grippe commença à se propager du Mexique vers les États-Unis, puis vers le reste du monde. Je n’ai pas prêté attention aux premiers cas signalés, trop absorbée que j’étais à écouter mon fils respirer la nuit. Le jour, j’étais entièrement occupée à mesurer la quantité de lait qu’il buvait ou ne buvait pas et le temps qu’il dormait – ou ne dormait pas. Je n’arrive même plus aujourd’hui à déchiffrer les données que je relevais alors sur un carnet – une litanie d’horaires, parfois séparés les uns des autres de seulement quelques minutes. D’obscures notations à côté indiquent, je crois : « lever », « endormissement », « tétée » et « pleurs ». Je cherchais à identifier, chez mon fils, quelque mode de fonctionnement régulier. J’essayais de comprendre pourquoi il pleurait sans cesse, inconsolable. En fait, comme je le découvrirais plus tard, il était tout simplement intolérant au lait de vache. Les protéines du lait que je buvais, et qui passaient dans le lait maternel que je lui donnais, étaient la cause de ses larmes – une hypothèse qui ne m’avait jamais traversé l’esprit.
À la fin de l’été, on commença à voir au journal télévisé des voyageurs portant des masques chirurgicaux dans les aéroports. Le nouveau virus grippal était officiellement devenu une pandémie. À l’église, on donnait la communion au bout d’un cure-dents ; les compagnies aériennes supprimaient oreillers et couvertures de leurs vols. Je m’étonne aujourd’hui d’avoir, à l’époque, aussi peu réagi à ces images. Ces événements s’intégraient dans le paysage nouveau de la maternité, dans lequel des objets du quotidien comme des oreillers ou des couvertures avaient le pouvoir de tuer un nouveau-né. Les universités stérilisaient chaque jour toutes les surfaces « fréquemment touchées », tout comme chaque nuit je faisais bouillir les objets que mon enfant avait portés à sa bouche. C’était comme si le pays entier m’avait rejointe dans la paranoïa du jeune parent.
Comme beaucoup d’autres mères, j’avais entendu parler de ce syndrome propre aux nourrissons qui, sans aucun signe avant-coureur, provoquait une mort subite. C’est peut-être pour cela, en réalité, que je ne me souviens pas d’avoir eu particulièrement peur de la grippe : ce n’était qu’un souci parmi tant d’autres. Il y avait sur mes murs de la peinture au plomb ; dans l’eau que je buvais, du chrome hexavalent ; et les livres que je lisais recommandaient l’utilisation d’un ventilateur pendant le sommeil du bébé car, dans certaines conditions, un air stagnant pouvait l’amener à s’étouffer.
Quand je cherche aujourd’hui un synonyme au verbe « protéger », mon dictionnaire me suggère, après « défendre », « abriter » et « sécuriser », un dernier terme : « inoculer1 ». La question s’est en effet posée à la naissance de mon fils : allais-je le vacciner ? Il ne s’agissait pas, me semblait-il alors, de savoir si je devais le protéger, mais si le risque de la vaccination méritait d’être couru. Ferais-je moi aussi ce pari, telle Thétis plongeant le petit Achille dans le Styx ?
Les autres mères2 de mon entourage commencèrent à se demander s’il fallait ou non vacciner leurs enfants contre le nouveau virus de grippe avant même qu’un vaccin soit disponible sur le marché. Cette souche grippale, nous expliquait-on, était particulièrement dangereuse du fait de son caractère inédit pour l’homme, à l’instar du virus responsable de l’épidémie de grippe espagnole de 1918, qui avait causé plus de cinquante millions de morts. Mais nous entendions dire, par ailleurs, que le vaccin avait été produit à la hâte et qu’il n’avait peut-être pas été suffisamment testé.
Une mère expliqua qu’elle avait fait une fausse couche à cause d’une grippe ordinaire, et que, se méfiant à présent de toute sorte de grippe, elle prévoyait de se faire vacciner. Une autre nous raconta comment son enfant avait hurlé à la mort pendant toute une nuit après son premier vaccin, et comment, ne voulant plus revivre une telle scène, elle refusait de prendre le risque d’une quelconque vaccination. Nos discussions sur le vaccin contre la nouvelle grippe venaient ainsi prolonger un débat plus ancien sur la vaccination en général, où ce que nous savons d’une maladie est mis en balance avec ce que nous ignorons des vaccins.
Tandis que le virus se répandait, une amie, qui vivait en Floride, dédramatisa en racontant que sa famille tout entière avait eu la grippe H1N1 et qu’au final, cela n’était pas pire qu’un mauvais rhume. Une autre mère de Chicago me rapporta que le fils d’une de ses amies, âgé de 19 ans et en bonne santé, avait souffert d’une attaque cérébrale après avoir été hospitalisé pour une grippe. Je trouvai les deux histoires crédibles, mais elles ne m’apprenaient rien d’autre que ce que les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention, CDC) semblaient déjà indiquer : que la grippe pouvait être bénigne dans certains cas, grave dans d’autres. Dans ces circonstances, la vaccination commença à me paraître une solution prudente. Mon bébé avait un peu plus de six mois et je venais de reprendre mon travail dans une grande université, où les étudiants, pour la plupart, risquaient bien de tousser jusqu’à la dernière semaine de cours.
Cet automne-là, le New Yorker publia un article du journaliste scientifique Michael Specter, qui rappelait que la grippe figurait régulièrement parmi les dix premières causes de mortalité aux États-Unis, et que même des épidémies de grippe relativement peu virulentes avaient tué des millions de personnes3. « Et, bien que ce virus H1N1 soit nouveau, écrivait l’auteur, le vaccin ne l’est pas. Il a été mis au point et testé de la même façon que tous les vaccins contre la grippe. » Certaines des mères que je fréquentais n’apprécièrent pas le ton de l’article. Elles le trouvèrent insultant pour la même raison que je le trouvais rassurant : il n’admettait aucune bonne raison de douter.
Dans mes conversations avec les autres mères, certains thèmes revenaient comme un refrain : le manque de fiabilité de la presse, l’incompétence du gouvernement ou encore la corruption de la médecine par les grands laboratoires pharmaceutiques. Je partageais leurs inquiétudes, mais j’étais gênée par la vision du monde sous-jacente à leurs propos : on ne pouvait faire confiance à personne.
L’heure n’était pas à la confiance, effectivement. Les États-Unis étaient embourbés dans deux guerres qui ne semblaient bénéficier à personne d’autre qu’aux industriels de l’armement. Les gens perdaient leur maison et leur travail, tandis que le gouvernement renflouait des institutions financières jugées trop importantes pour qu’on les laisse faire faillite, et utilisait l’argent des contribuables pour recapitaliser les banques. Il était permis de croire que nos dirigeants préféraient les intérêts des grandes entreprises au bien-être des citoyens.
Dans les premiers temps de la crise économique, on parla de « restaurer la confiance publique » (trust), bien que déjà, l’accent fût plutôt mis sur la confiance du consommateur (confidence). Je n’aimais pas l’idée de « confiance du consommateur » et je détestais qu’on m’exhorte à « me faire confiance » en tant que mère. J’avais peu confiance en moi, que ce soit comme consommatrice ou dans d’autres domaines ; et surtout, j’avais tendance à croire que cette forme d’assurance personnel...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Présentation
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Dédicace
  6. Texte
  7. Remerciements
  8. Notes
  9. Achevé