Persécutions et entraides dans la France occupée
eBook - ePub

Persécutions et entraides dans la France occupée

  1. 895 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Persécutions et entraides dans la France occupée

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Cette question était encore un ' point aveugle ' dans l'historiographie de la Shoah. Certains ont même parlé d'une ' énigme française '. Au terme d'une enquête de plusieurs années, riche de témoignages et d'archives, écrite d'une plume sensible et sereine, Jacques Semelin apporte une contribution décisive. Il brosse un tableau radicalement autre de la France occupée. Une société plurielle et changeante, où la délation coexiste avec l'entraide, où l'antisémitisme n'empêche pas la solidarité des petits gestes. Sans jamais minimiser l'horreur du crime, ce livre monumental ouvre une nouvelle période dans notre lecture des années d'Occupation. Il fera date. Directeur de recherche au CNRS (CERI) et professeur à Sciences Po, Jacques Semelin est spécialiste de la résistance civile et des crimes de masse. Son livre Sans armes face à Hitler (1989), désormais considéré comme un classique, vient d'être réédité. Il a aussi publié Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides (2005), ouvrage traduit aux États-Unis par la Columbia University Press.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Persécutions et entraides dans la France occupée par Jacques Sémelin en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Geschichte et Zweiter Weltkrieg. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Les Arènes
Année
2014
ISBN
9782352042587
9
« Ils savaient qu’on était juif mais ils n’ont rien dit »
Cette phrase, prononcée souvent comme une évidence par des témoins, nous l’avons entendue plusieurs fois durant notre enquête. Est-ce un effet de génération ? Une manière d’exprimer une nouvelle fois, au moment où ces témoins se savent arrivés au soir de leur vie, leur reconnaissance envers une population qui les a protégés ? Sans doute en partie. Elle souligne pourtant une réalité historique trop peu prise en compte par les historiens, une réalité qui ne fait pas de bruit : c’est le silence. Mais quelle signification lui attribuer ? Plusieurs types de silence sont à distinguer selon les contextes de la persécution et de la guerre.
Les historiens de la Shoah ont été parmi les premiers à souligner l’importance de la prise en compte de ce silence de l’opinion, mais dans le sens opposé : celui d’un silence de passivité, c’est-à-dire de consentement à la persécution. Ainsi, au tout début des années 1950, Léon Poliakov – devenu historien – souligne à juste titre comment le « resserrement du filet » sur les juifs a été directement dépendant de l’évolution de l’opinion. La méthode est progressivement mise au point en Allemagne à partir de l’observation attentive des réactions de la population aux mesures antisémites de plus en plus sévères. À chaque nouvelle étape, comme la population allemande ne semblait pas s’émouvoir, sa passivité constituait une sorte d’autorisation à poursuivre l’escalade de la persécution836.
De ce fait, le silence apparaît comme une forme d’adhésion tacite à la politique nazie, ainsi que le dit le proverbe : « Qui ne dit mot consent. » Cette approche a également été appliquée au cas de la France, au moins pour la période allant de l’automne 1940 à l’été 1942. Les historiens insistent entre autres sur les silences de l’Église catholique, à partir de la promulgation du statut des juifs. Dans cette France de Vichy, on admet l’existence d’un « problème juif », ce qui justifie que le nouveau régime prenne des mesures en conséquence. Comme ces dispositions légales ne suscitent guère de réactions, ce silence est perçu comme une forme d’approbation, à tout le moins d’indifférence générale. Encore faut-il s’interroger, comme on l’a vu, sur les raisons profondes de cette indifférence de l’opinion. N’est-elle pas liée avant tout au contexte particulier de ces premiers temps de l’Occupation ?
Des témoins soulignent parallèlement une autre forme de silence qui, à l’inverse, les a protégés. Certains historiens ont pressenti l’importance de prendre en compte leurs témoignages, tel Philippe Joutard qui, dès 1987, en conclusion d’un ouvrage pionnier sur les Cévennes, écrit : « Ces silences peuvent surprendre : ces actions ne font-elles pas honneur à ceux qui les ont faites ? On parle volontiers des maquis, pourquoi taire des comportements tout aussi efficaces qui concernent une population tout entière, femmes et personnes âgées comprises837. » Ce silence-là consiste à ne rien dire quand, par exemple, de nouveaux visages arrivent un jour dans un village. Ce sont des étrangers ? Des réfugiés ? Certains ont un accent ? Et alors ? C’est la guerre. Le silence crée ainsi un environnement favorable à la présence de ces gens dont on ne sait pas vraiment, dont on fait mine de ne pas connaître les origines.
Prudence ou complicité tacite
Cette attitude de la population ne doit pourtant pas être idéalisée. En sachant se taire, celle-ci ne fait pas nécessairement preuve de courage. Ne rien dire, c’est aussi parfois et tout simplement ne pas vouloir d’ennuis. De ce fait, il y a un silence de la prudence, surtout lorsqu’on vit dans une dictature et sous le regard de l’occupant. L’intérêt de celui qui se sait entouré de possibles mouchards est de se taire. Silence donc peu glorieux, mais souvent commun à ceux qui cherchent à continuer leur petit bonhomme de chemin, sans vouloir se trouver impliqués dans le conflit. Leur attitude « pas vu pas su » peut au final profiter à ceux qui craignent d’être dénoncés, que ce soit en raison de leurs activités politiques ou de leurs origines ethniques et religieuses. Ce silence reste fragile et peut à tout moment être brisé par un délateur.
Cependant, il existe une troisième forme de silence, plus empathique envers les parias du régime ou supposés tels : celui de la complicité. On pourrait penser que cette dernière est toujours de nature politique. Ce serait oublier la connivence discrète qui naît de la relation de travail au quotidien et qui peut faire dire à un patron particulièrement satisfait d’un employé : « Que m’importe ses origines du moment qu’il fait bien son travail. » Alors, la question de savoir s’il est juif ou non n’a guère d’importance. C’est ce qui arrive, semble-t-il, à Pierre Wormser qui, après avoir quitté Dijon en juin 1942, se retrouve à Thizay (Indre) comme ouvrier agricole dans le domaine de M. Louis Rabot. Pierre apprend à aimer le métier des champs et son patron se montre en effet très satisfait de son travail. Il y restera jusqu’à la fin de la guerre, devant partir à regret en novembre 1944 pour rejoindre sa famille. Pierre se souvient de cet instant où il prit congé de M. Rabot : « Il essaya de me retenir en me proposant de devenir son métayer. Au moment de le quitter, je lui ai dit que j’étais juif. Il m’a fait comprendre qu’il le savait. »
Quant au maire de Cognin (Savoie), dont Robert Badinter se rappelle qu’il ne manquait pas d’ôter son chapeau pour saluer sa maman, celui-ci ne pouvait ignorer que ces nouveaux venus étaient par définition étrangers à sa commune. Et cependant, le maire semble avoir toujours conservé une attitude bienveillante envers cette femme vivant seule avec ses deux garçons, qu’il ait su ou non l’histoire de la famille. On perçoit ici le rôle clé des personnages importants d’une localité : non seulement le maire, mais aussi le curé, l’instituteur ou le médecin.
Les uns ou les autres peuvent être dépositaires du secret des origines des nouveaux venus : eux seuls savent qu’ils sont juifs. Mais ils n’en diront rien. Ils leur procurent parfois eux-mêmes de faux papiers et inventent si nécessaire une histoire pour justifier leur présence dans la commune. Puis, à travers les liens de sociabilité que leur confère leur fonction, ils placent ces nouveaux venus, adultes ou enfants, dans telle ou telle famille, dans telle ou telle institution. Chacun à son tour fait alors mine de ne pas se poser la question de leurs origines. Ainsi, d’une personne à une autre, d’une famille à une autre, de lieu en lieu, il s’établit en réseau une conspiration du silence à l’échelle du village.
À cet égard, revenons sur la manière dont Stanley Hoffmann décrit l’absence de communication entre les occupants et les habitants de Lamalou-les-Bains (Languedoc) où sa mère et lui arrivent en décembre 1943 après avoir fui la région de Nice. Ils s’installent à proximité d’une garnison de jeunes militaires allemands. Mais, précise-t-il, « les deux groupes ne se parlaient pas ». On n’aurait pas pu mieux être à l’abri. Personne ne leur adressait la parole. C’était vraiment le « silence de la mer ». Stanley Hoffmann fait ici référence au célèbre livre de Vercors paru sous le manteau en février 1942 aux éditions de Minuit. Vercors est le pseudonyme de Jean Bruller, par ailleurs fondateur avec Pierre de Lescure de cette maison d’édition clandestine, dont Le silence de la mer est le premier volume. Initialement destiné à un public restreint, le texte parvient en Angleterre à l’automne 1942 et est repris en feuilleton dans le journal gaulliste La Marseillaise au début de l’année 1943. L’ouvrage connaît à partir de cette date un immense succès, sans commune mesure avec les autres titres de la littérature française clandestine. Les critiques anglo-saxons saluent un « chef-d’œuvre » et les 10 000 premiers exemplaires imprimés à Londres sont épuisés en quinze jours. La réédition se fait sous les auspices de la France combattante du général de Gaulle838.
Le Silence de la mer se présente comme un récit imaginaire mais dont la situation est aisément transposable à la France de l’époque. Un officier allemand, Werner von Ebrennac, épris de culture française, réquisitionne en 1941 la maison d’une famille où vivent un vieil homme et sa nièce. L’Allemand prône le rapprochement des cultures dans la nouvelle Europe. Mais il se heurte au mutisme quotidien de ses hôtes. Ce récit met donc en scène le silence intentionnel de deux Français, de génération différente, animés par un esprit patriotique. On imagine aisément que leur refus de...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Du même auteur
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Introduction
  7. Principaux témoins
  8. II. Face à la persécution : se débrouiller pour survivre
  9. III. Face aux arrestations : se fondre dans la population
  10. IV. La solidarité des petits gestes
  11. V. De l’entraide spontanée à la résistance civile
  12. Conclusion. Singularité de la France de Vichy dans l’Europe nazie
  13. Cahier des illustrations
  14. Remerciements
  15. Listes des sigles et abréviations les plus usités
  16. Bibliographie indicative
  17. Sources et documents
  18. Index des personnes citées
  19. Index des lieux
  20. Crédits