Mishenka
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Mishenka

  1. 178 pages
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Mishenka

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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Moscou, mars 1960.
En Union soviétique, les échecs sont un sport national et
le champion du monde, Maxim Koroguine, est le héros du
régime. Avec lui, le jeu d'échecs est devenu une science de
la logique.
Surgit alors un jeune prodige de 23 ans, Mikhail Gelb,
surnommé Mishenka, romantique et imprévisible. Pour
Mishenka, les échecs sont un langage, une forme de poésie.
On dit de lui qu'' il pense avec ses mains '.
En compétition pour le titre mondial, le champion et son
challenger s'affrontent, durant deux mois. Leur match est
suivi par des millions de passionnés.
Inspiré d'une histoire vraie, ce roman met en scène deux
hommes, deux visions de la vie, la lutte entre la pensée et les
émotions, l'art et la science, à un moment clé de l'histoire de
l'URSS.

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
Les Arènes
Année
2016
ISBN
9782352045281
Chapitre 1
Moscou, 15 mars 1960.
Un cri. Si l’on pouvait l’appeler ainsi – un sifflement de bouilloire. De ma place, au bar, on entendait à peu près « ssséluiiii ». Quelques secondes plus tard, le cri, lancé par une femme, s’éleva de nouveau : « Lui, c’est lui ! » En un instant, le mot d’ordre improvisé se répercuta aux quatre coins de la salle, vibrant de toutes les émotions accumulées ces dernières heures, évinçant fourchettes de viande ou cigarettes papirosi.
« C’est lui, c’est lui ! », murmurai-je à mon tour, sans bien saisir le sens des mots que je prononçais. Je n’imitai pas les convives, hommes et femmes, qui se levèrent d’un bond et quittèrent leurs tables pour converger bruyamment vers l’entrée du restaurant. L’aisance avec laquelle ils rejetèrent leurs serviettes pour entonner les vivats me stupéfia. Mes réflexes étaient plus lents. Mais je sentais tout de même l’excitation accélérer mon pouls.
La porte du restaurant hésita, laissant passer un souffle d’air glacé qui embaumait ce soir de mars. Imperturbable, la foule bruyante entoura le nouveau venu, comme pour mieux l’envelopper de sa chair attiédie. Un tumulte d’acclamations retentit lorsque les battants se refermèrent enfin derrière lui. « Vic-toire ! Vic-toire ! », cria la femme.
Mais pour une raison quelconque, ce nouveau slogan ne prit pas. Une voix grave, plus jeune et plus ivre que la première, la supplanta rapidement, scandant un chaleureux : « Gelb ! Gelb ! », auquel Mikhail Nekhemievich Gelb, prétendant au titre de champion du monde d’échecs, ne put répondre que par un hochement de tête et un sourire.
De tous côtés, dîneurs et buveurs se pressaient autour de lui. Les plus éloignés de la porte, pour mieux le voir, avaient escaladé des chaises ; le plus léger s’était même risqué sur une table. Une assiette contenant quelque chose de liquide se fracassa sans bruit sur le sol. Les clameurs se firent alors plus variées : « C’est notre petit Misha ! », cria une voix rauque et masculine qui semblait venir de la cuisine. « Fais-en baver au vieux ! », grogna une autre voix dans la direction opposée. « Il est plus petit que je ne le pensais », murmura la serveuse à une femme aux cheveux gris, tout en redescendant péniblement de l’une des chaises collées au bar. Elle lissa son tablier de la main gauche. Sa main droite tenait encore la bouteille de rouge qu’elle était en train de verser quand l’excitation avait gagné la salle. « Mais il a de beaux yeux. » Lentement, Gelb fendit la nuée humaine en direction du bar ; des rangées de chaussures exhibaient leurs semelles – gauche, droite, gauche, droite – à mesure que leurs propriétaires reculaient sans se retourner. Une avalanche de dos. Elle se refermait sur moi, l’étoffe des chemises et des corsages blancs étirée par des mains impatientes de serrer celle du grand maître ou de lui tapoter la tête.
Un autographe ! Vite ! Les sacs s’ouvraient, on se passait des stylos à bille. Mon crayon de reporter, accroché au carnet dans lequel j’avais noté mes réflexions sur la première partie, disparut en un éclair.
***
Le début du match tant attendu avait été programmé le 15 mars : depuis des mois, tout le pays bruissait des noms et des chances des deux joueurs. D’interminables conversations – qui pouvaient se prolonger des heures durant dans les bus, les rues, à la maison ou au bureau –, une pluie de séquences radio et télé et un déluge d’articles de presse se livraient aux mêmes spéculations, généreusement illustrées, dans les journaux, par de grands portraits des protagonistes. À Moscou, seuls les analphabètes, les snobs ou les endeuillés restaient insensibles à la prolifération des échiquiers placardés sur les murs de la ville.
La semaine précédant cette première partie, reporters et grands maîtres venus de toutes les républiques de l’Union, comme de l’étranger, avaient convergé vers la capitale. Quand mon rédacteur en chef m’avait demandé de me joindre à eux, j’avais renâclé : que pourrait bien ajouter ma plume aux commentaires des plus prestigieux spécialistes des échecs ? J’avais sondé ses intentions. Il s’était rabattu sur la flagornerie. Le journal avait besoin de comptes rendus capables de susciter et de retenir l’intérêt de son vaste lectorat. Journalistes d’échecs et pousseurs de bois, dit-il, étaient aussi communs que les moineaux. Le récit d’un écrivain – voilà qui donnerait un autre impact à ce sujet. J’avais fini par accepter bien sûr.
À la cérémonie d’ouverture, le 12 mars, à la Maison de la Radio de Moscou, je prenais déjà quelques notes. Les festivités, comme il convenait à un championnat du monde, étaient des plus élaborées. Les meilleurs des grands maîtres avaient fait le déplacement – les anciens prétendants au titre Mirslov et Bronstein, l’ex-champion Euwe. Chargé de commenter et d’analyser les parties pour la presse, le grand maître Ragojine fronçait les sourcils sous la mitraille des flashes. Les premières mesures d’un prélude spécialement composé pour l’occasion retentirent sur un piano à queue. Au centre de la salle, flanqué de son épouse potelée et des deux arbitres du match, indifférent à leurs timides tentatives d’aparté, se dressait Koroguine, le champion du monde.
« C’est un honneur », fit le compositeur quand on le présenta au champion. « Puisse la compétition répondre aux grands espoirs auxquels votre belle carrière nous a depuis longtemps habitués. » En guise de réponse, Koroguine découvrit ses dents grises et serra la main tendue.
Des politiciens, éternels moulins à paroles, étaient venus eux aussi rendre hommage à « l’invincible maître ». Ils caquetèrent abondamment sans susciter en retour le moindre mot. Après plusieurs minutes de monologue, Madame Koroguine leur coupa la parole pour les remercier : « Mon mari est extrêmement sensible à votre soutien. »
« Où est Gelb ? », demanda l’un des journalistes. Le challenger était en retard. Le programme, si soigneusement chronométré par les organisateurs, semblait en péril. Les bruits qui perçaient la vitre du studio trahissaient une fébrilité croissante : des millions d’auditeurs attendaient le moment d’allumer leur poste. « Où est Gelb ? » semblaient dire chaque coup d’œil à la montre, chaque fenêtre qu’on ouvrait, chaque combiné téléphonique décroché.
Hors d’haleine, Koblents, l’entraîneur de Gelb, arriva le premier, multipliant les excuses. Quelque chose à propos d’une confusion sur les heures. « Mon Mishka, vous savez bien, il oublierait son nez s’il n’était pas sur son visage. »
Mais les ragots, feutrés et discrets, s’étaient déjà substitués à l’impatience des hommes qui attendaient. Quelqu’un évoqua les « horaires irréguliers » du challenger : le jeune homme de vingt-trois ans n’avait pas de vie de famille à proprement parler. Son échiquier de poche et lui étaient, disait-on, inséparables. Sa passion pour le jeu ne connaissait pas de limites. Nourriture, argent, beau sexe – rien de tout cela n’avait la moindre prise sur son esprit. Et il n’avait, à en croire les chuchotements, pas encore connu la tendresse d’une femme ; sa chambre à coucher restait vouée à d’austères réflexions. Parmi les grands maîtres – ses anciens rivaux privés du droit d’affronter le champion – le blâme était sans nuance, unanime. Très charmeur, ils en convenaient… Mais si fanfaron ! Seule la chance avait pu le conduire jusqu’ici. Son inexpérience allait tôt ou tard le trahir et ce long match révélerait fatalement ses failles.
Je me demandai s’il n’y avait là que jalousie. Et tandis que je traversais la salle, passant silencieusement d’un échange à l’autre, tout ouïe, sourd aux jugements les plus sévères, guettant d’éventuelles révélations, ce me fut un soulagement d’entendre des commentaires plus cléments. Le match représentait une occasion d’excitation. Or le jeu du challenger était excitant. Quelle importance si ses initiatives trahissaient parfois son imprudence ? Ses meilleures parties, déjà nombreuses, illustraient parfaitement l’impétuosité de la jeunesse.
Le champion ne desserrait pas les lèvres. Son masque renfrogné signalait autant de dépit que d’agitation. Quand il arriva enfin, vingt minutes après son entraîneur, Gelb était tout sourire. « Maxim Ivanovitch », dit-il en s’adressant à Koroguine, « Maxim Ivanovitch, je suis désolé » – il n’avait pas du tout l’air désolé. Sa rougeur en s’estompant révéla une peau fraîche et laiteuse, aux pores fins. Comme on le débarrassait de son manteau à col de fourrure, il se pencha en avant, laissant ses cheveux noirs ébouriffés par le chapeau retomber sur son front jusqu’à ses yeux bruns. Que n’avait-on écrit sur ces yeux ! Si grands, si brillants… Ses adversaires avaient même tenté de conjurer leur éclat en arborant des lunettes noires. En vain.
Son costume cintré et déboutonné était devenu informe à force d’avoir été porté. Contre la blancheur de son col, le regard intense du challenger se détachait plus encore. Cela dit, son allure générale frisait le burlesque : la chemise de coton semblait trop grande, le tissu gondolait sur sa poitrine. Quant au col, fermé, il était orphelin : il y manquait la cravate. Comme surgi de nulle part, Koblents – l’indispensable Koblents – fit apparaître, en magicien rompu à l’exercice, une longue cravate noire qu’il enroula et noua prestement sous le menton de son protégé. Le sourire patient de Gelb, sa posture docile sous les doigts agiles et empressés de Koblents, suggéraient une familiarité forgée par de nombreux nouages de cravate antérieurs.
Une voix lança : « Cinq minutes. Camarades de la presse, vos questions aux joueurs. S’il vous plaît, une question par journaliste. » Mais avant que nous ayons eu le temps de prononcer ne fût-ce qu’un début de phrase, un jeune homme en sueur chaussé de lunettes à verres carrés empoigna Gelb par le bras et le bombarda de questions :
« Vos impressions ? »
« Nerveux ? »
« Comment est l’hôtel ? »
Il continua au même rythme, proférant ses interrogations courtes et incolores dans un russe approximatif. Le sourire patient de Gelb, ses yeux perçants et lumineux, se tournèrent vers le correspondant américain. Il ouvrit la bouche et la referma sans un mot, l’enchaînement des questions excluant toute réponse. Amusé, réprimant difficilement son hilarité, Gelb actionna ses sourcils et ses épaules, les haussant et les abaissant à tour de rôle.
« Préparation – beaucoup ? »
À mesure que l’Américain parlait, la page de son calepin se couvrait de signes – spirales, points et lignes – qui traduisaient en quelque sorte chaque geste de Gelb.
« Régime spécial ? »
Ce fut sa dernière question. Ayant dit tout ce qu’il avait à dire et sans attendre de réponse, l’Américain referma son carnet, tourna les talons et disparut.
L’interrogatoire reprit aussitôt. « Maxim Ivanovitch, mardi votre adversaire ouvrira la première partie avec les Blancs. Selon vous, cela constitue-t-il un avantage ? » C’était Papov, de Sovetsky Sport. Le champion secoua sa grosse tête.
Gelb, prompt à saisir le véritable sens de la question, intervint : « Je vais ouvrir avec le pion du Roi. C’est ce que j’ai dit au journaliste qui m’a interrogé il y a six mois et je ne suis pas homme à revenir sur ma p...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Présentation
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Dédicace
  6. Chapitre 1
  7. Chapitre 2
  8. Chapitre 3
  9. Chapitre 4
  10. Chapitre 5
  11. Chapitre 6
  12. Chapitre 7
  13. Chapitre 8
  14. Chapitre 9
  15. Chapitre 10
  16. Chapitre 11
  17. Chapitre 12
  18. Chapitre 13
  19. Chapitre 14
  20. Chapitre 15
  21. Chapitre 16
  22. Remerciements
  23. Achevé de numériser