Féministes du monde arabe
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Féministes du monde arabe

  1. 230 pages
  2. French
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Féministes du monde arabe

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Citations

À propos de ce livre

Ce livre porte la voix de jeunes femmes du monde arabe. Prenant la parole de Tunisie, du Maroc, d'Algérie et d'Égypte, des villes et des campagnes, elles confient leurs luttes pour le droit à la liberté sexuelle, à l'indépendance, au respect, à l'égalité juridique, économique et sociale. 'La meilleure façon de changer les choses, c'est de réussir sa vie, d'arracher sa liberté et d'assumer son indépendance jusqu'au bout. '
Étudiantes, ouvrières, architectes, journalistes, poétesses, agricultrices, etc., elles confient leurs évolutions intimes, sans tabous, avec une énergie époustouflante. 'Sans révolution sexuelle,
il ne peut pas y avoir de révolution. '
Résistantes au quotidien plutôt que leaders de grands mouvements, elles s'engagent, parfois seules, via les réseaux sociaux et les blogs. Facebook et Twitter sont leurs alliés, outils incontrôlables par le patriarcat. 'Ici, la rue appartient aux hommes, sauf si tu décides de l'investir. '
Toutes prônent le droit à de nouveaux féminismes, dont certains varient des codes occidentaux. Toutes se battent pour l'égalité des sexes, indispensable à l'instauration de réelles démocraties. 'Je veux que mon pays accepte que la femme soit l'égale de l'homme. Les Égyptiennes sont le secret de la révolution. '
Un livre plein d'espoir, d'énergie, et qui nous concerne tous. CHARLOTTE BIENAIMÉ, 32 ans, est documentariste radio. Cet ouvrage fait suiteà la diffusion sur France Culture, en 2014, de la série Nasawiyat!, portraitsde ces jeunes féministes du monde arabe.

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Informations

Éditeur
Les Arènes
Année
2015
ISBN
9782352045175
« La meilleure façon de changer les choses, c’est de réussir sa vie, d’arracher sa liberté et de la vivre d’une façon saine, d’assumer son indépendance jusqu’au bout. »
Amal, Tunisie
1
Se libérer
Faire sa révolution
L e féminisme pour moi c’est une révolte qui commence par soi. Ça commence par la famille. Tu ne peux pas être féministe sans avoir eu cette expérience de tuer le père, et puis toutes les traditions, les jugements préconçus de la société. Ensuite, tu passes par ton entourage, par les idoles que la société t’a données à aimer : religieuses, politiques, littéraires, historiques, tout en fait. Et après, tu commences petit à petit à t’attaquer à la problématique existentielle. »
Henda, trente ans, ne manque ni de souffle ni d’ambition. Dans les rues tunisiennes, on la repère de loin à sa magnifique tignasse de cheveux bouclés. Ses mèches, parfois teintes en rouge, amusent les enfants des petits villages du Sud où elle se rend régulièrement : « Pourquoi tes cheveux sont comme ça ? Pourquoi tu les laisses détachés ? » Beaucoup veulent même toucher ses boucles. Henda laisse faire, et en rit. Mais de retour chez elle dans le quartier populaire de l’Ariana à Tunis, au moment de passer la porte, elle rassemble toujours sa chevelure et, d’un geste rapide, l’enserre d’un élastique. Dans sa petite chambre, peu d’effets personnels hormis quelques souvenirs et un tas de vêtements en vrac dans son armoire. Il est vrai que la pièce, qui donne sur la salle à manger, est traversée par toute la famille. Henda garde donc son intimité pour son ordinateur et sa page Facebook. Et pour travailler, militer, faire la fête ou rêver elle se réfugie dans les cafés branchés, occupés par la jeunesse révolutionnaire de Tunis. Blogueuse, journaliste, la jeune femme se veut avant tout révolutionnaire, militante des droits de l’homme et féministe. Il y a quelques années, peu de temps avant la révolution, elle a décidé d’imposer son mode de vie et ses choix à ses parents. « J’ai fait comprendre à ma famille que rien ne serait plus pareil, que ce n’était pas parce que j’étais une fille que je ne pourrais pas vivre comme je l’entends. Malheureusement, ça s’est passé assez violemment. C’était une vraie confrontation physique, morale et puis ils ont fini par comprendre. Je me suis rendu compte que même si on n’est jamais libre à cent pour cent, il est possible d’arracher plus d’espace de liberté. Et après, j’ai aussi appris à assumer. »
Comme Henda, beaucoup de jeunes féministes ont d’abord vécu une révolte personnelle les menant à dire « non », à refuser l’injustice qui leur était faite, avant de pouvoir agir avec les autres. Shahinaz, une jeune ingénieure égyptienne de trente-six ans, a entamé sa propre révolution par une lettre adressée à l’imam de son quartier d’Alexandrie. Elle n’a rien oublié de ce premier acte de rébellion. « Ma chambre donnait sur la mosquée, juste en dessous du haut-parleur à travers lequel l’imam, chaque vendredi, diffusait ses discours. Et la plupart du temps, c’était contre les femmes. Une fois, c’était tellement dur que j’en ai pleuré. Il disait que les femmes iraient toutes en enfer. Et que celles qui ne portent pas le voile seraient suspendues par les cheveux, que celles qui ne couvrent pas leur corps seraient suspendues par la poitrine, et qu’on couperait la langue à celles qui parlent mal à leurs maris… C’était une image horrible pour une jeune fille de quatorze ans. Ça m’a fait peur. Et donc là j’ai pris un papier, et j’ai commencé à écrire moi-même ce que je pensais. J’ai écrit à l’imam que je trouvais que c’était pas juste. Que je ne croyais pas que Dieu m’avait créée pour me mettre en enfer. J’ai dit à l’imam : “S’il vous plaît, essayez d’être un peu plus doux, un peu de miséricorde.” Et je suis partie à la mosquée pour déposer la lettre, dans le dos de mes parents. »
Malgré la dureté du souvenir, Shahinaz rit encore de son audace. Il émane d’elle une force, une sérénité joyeuse. Activiste de longue date, elle fut de ceux qui préparèrent la révolution et manifestèrent dans les rues du Caire bien avant 2011 au prix de risques immenses, qui l’ont jetée dans les geôles de la sécurité de l’État. Au fil du temps, Shahinaz est devenue une blogueuse reconnue en Égypte, et depuis la chute d’Hosni Moubarak, en février 2011, elle milite activement pour la poursuite de la révolution et les droits de l’homme. Mais avant d’en arriver là, Shahinaz a dû mener un autre combat.
« Je suis née dans une famille conservatrice d’Alexandrie, qui, sans être des Frères musulmans, reste très attachée à la religion. Comme la plupart des Égyptiens, ils sont comme tout le monde : la prière, le voile, le ramadan, tout ça c’est très important, avec aussi un mélange de traditions. Tu ne dis pas ce que tu penses, tu dis toujours “oui”, c’est la politesse. Il ne faut pas dire “non” à tes parents ou aux profs. Même s’ils se trompent ou s’ils disent des choses auxquelles tu n’adhères pas, il faut être polie. J’ai vécu dans ça. Et je me suis révoltée contre ça. Parce que je n’aimais pas ça. Pour moi c’était un combat naturel, parce que c’était ma vie, ma liberté. »
En dépit des pressions familiales répétées, Shahinaz se refuse d’abord à porter le voile avant de lutter contre le mariage arrangé, contrat entre deux familles et question d’honneur. Dans la société égyptienne, une femme accomplie se doit d’être mariée. Peu importe l’époux, l’important étant de sauver la réputation et d’écarter le danger majeur : la perte de la virginité avant le mariage. Dès la puberté, les parents se mettent donc en quête d’un bon parti pour leur fille.
« On appelle ça le gawaz salonat, le “mariage du salon”, parce que l’homme vient dans le salon de tes parents pour demander ta main, sans même t’avoir vue avant. Ensuite tu fais ta vie avec cet homme-là. Je ne voulais pas. Ma famille faisait fortement pression sur moi. Celui que j’ai refusé est revenu trois fois, c’était un voisin. À la fin j’ai dû accepter, je me suis mariée. Mais c’était surtout pour échapper aux pressions familiales. Après, je ne pensais qu’à une seule chose : me débarrasser du “problème”. Donc, j’ai lutté pour sortir de ce mariage. »
Shahinaz rassembla ses forces, son courage et sa persévérance pour rompre cette union. En Égypte, le divorce revient, de droit, à l’homme. Il lui suffit de dire par trois fois « je vous répudie » (talaq) et d’enregistrer l’annonce chez un notaire religieux au cours des trente jours suivants. « Ça marche aussi par SMS, précise Shahinaz en riant, je me demande même si on ne peut pas le faire par Facebook, mais je ne sais pas si les muftis ont fait une fatwa [avis juridique] pour valider la méthode ! » Pour la femme, il n’est possible de divorcer qu’en apportant la preuve de l’un de ces motifs : maladie mentale ou impuissance du mari, absence d’entretien ou d’aide financière, abandon du domicile, peine d’emprisonnement ou comportements préjudiciables comme l’abus mental ou physique. Depuis 2000, la femme peut aussi demander le divorce sans faute dans le cadre de la procédure kholé, à la condition qu’elle restitue la dot et renonce à tout soutien financier 1. Toutes ces procédures sont très longues et coûteuses. Pourtant, en Égypte, le nombre de divorces ne cesse d’augmenter. « Il y a un divorce toutes les six minutes, et quatre Égyptiens [hommes et femmes] de moins de trente ans sur dix sont passés par cette épreuve. » 2 Shahinaz se heurta durant huit mois au double refus de son mari et de sa famille et n’obtiendrait son divorce qu’après avoir quitté le domicile conjugal. « À force, mon mari a accepté de me répudier. Je me fichais de tout le monde, ce mariage c’était la mort et j’ai choisi la vie. J’ai divorcé et je suis partie vivre seule au Caire où j’ai trouvé un travail. J’étais très heureuse, c’était une renaissance. Ce mariage désastreux a finalement été le prix à payer pour gagner ma liberté. »
Assumer son indépendance
Sa longue bataille fait écho à celle d’Amal, Tunisienne de vingt-sept ans, qui finit, elle aussi, par imposer son choix à sa famille : vivre seule, travailler et s’assumer loin d’eux et de Sfax, sa ville natale. Au sortir de brillantes études de commerce à Tunis, ses parents lui ont posé un ultimatum. Se marier ou revenir vivre avec eux. Mais en aucun cas rester seule à Tunis.
« Alors, je me suis mise, en bonne gestionnaire, à chercher l’élu idéal pour mes parents. Il m’a fallu trois mois pour trouver la perle rare : ingénieur, vingt-huit ans, un bon salaire, une belle voiture, une situation confortable et hop, deux mois après, j’étais fiancée. » Fiancée mais pas certaine d’être amoureuse. « À vingt-deux ans, c’est difficile de savoir, surtout pour une jeune fille comme moi sans expérience sexuelle ni sentimentale approfondie. Quand un mec t’embrasse, ton cœur bat naturellement, tu te dis, voilà, je suis amoureuse, c’est le coup de foudre, et tu vis à la Cendrillon. Donc, c’était aussi simple que ça : un échange mutuel, donnant donnant. Lui en avait marre de vivre seul, moi je voulais légaliser ma situation, on s’entendait bien, on a fait un contrat de mariage. » Impeccable en théorie, la conquête du mari parfait révéla bientôt ses failles, notamment dans ses aspects les plus intimes. « Ça s’est vite dégradé surtout parce que je n’avais pas encore vraiment envisagé d’avoir une relation sexuelle avec ce mec, ce qu’il n’a pourtant pas tardé à exiger une fois que nous étions fiancés. Dans ma tête je me disais : “Mais qu’est-ce que c’est que ça ?” En fait, à l’époque, je vivais ça comme un harcèlement sexuel. Parce qu’il n’arrêtait pas de me répéter mille fois par jour qu’il avait envie de moi, que si on ne faisait pas l’amour, on n’allait pas se marier, et moi, je pleurais à cette idée parce qu’il fallait vraiment qu’on puisse se marier, parce qu’il fallait absolument que je puisse rester à Tunis, parce qu’il fallait absolument que je puisse travailler. À chaque fois qu’il me disait “j’ai envie de toi, il faut qu’on fasse l’amour parce que sinon, on va pas se marier”, j’éclatais en pleurs. Et il a fini par me forcer à faire des choses alors que je n’en avais pas envie, que je n’avais pas l’expérience. J’ai vécu ça comme un viol. À plusieurs reprises. C’était pas doux, c’était pas tendre, j’étais pas prête, je n’avais pas envie. Je ne savais pas ce que je faisais, ce n’était pas un consentement. Je n’en pouvais plus de ce chantage. En même temps, ma famille me harcelait pour des histoires à la con : rentrer à dix-neuf heures, c’était trop tard, prendre la main de mon fiancé devant tout le monde, c’était perçu comme un manque de respect par mon frère aîné et le mari de ma tante… Je travaillais huit heures par jour, ensuite je le retrouvais, qui me harcelait : “J’ai envie de toi, tu es frigide, ce n’est pas possible, on ne va pas se marier.” Je me co...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Présentation
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Dédicace
  6. Introduction
  7. NASAWIYAT - Féministes
  8. 1. Se libérer
  9. 2. Le souffle des révolutions
  10. 3. Reprendre la rue
  11. 4. Porter sa voix
  12. 5. Renaître
  13. 6. Pour une révolution sexuelle
  14. 7. Provoquer ? Le corps pour étendard
  15. 8. Un féminisme populaire
  16. 9. Avec ou sans le voile
  17. Depuis mes rencontres avec ces jeunes femmes…
  18. Remerciements
  19. Bibliographie sélective
  20. Achevé de numériser