Je n'ai plus peur
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Je n'ai plus peur

  1. 133 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Je n'ai plus peur

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Citations

À propos de ce livre

Jamais encore Jean-Claude Guillebaud ne s'Ă©tait livrĂ© avec tant de confiance. Il touche au plus profond. Ses questions, ses peurs et ses blessures sont les nĂŽtres. Alternant l'aveu intime et la rĂ©flexion, son itinĂ©raire nous Ă©claire sur nous-mĂȘmes. PortĂ© par la joie, ce livre en appelle, page aprĂšs page, Ă  'l'enchantement d'ĂȘtre vivant'.

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
Iconoclaste
Année
2014
ISBN
9782913366664
1
Pourquoi passer aux aveux ?
J’ai choisi d’appeler ce livre « Je n’ai plus peur ». C’est surtout l’adverbe plus qu’il faut entendre. À lui seul il indique que des peurs m’ont longtemps habitĂ©. De loin en loin, elles me narguent encore, comme des ennemies repoussĂ©es, mais jamais complĂštement vaincues. Pourquoi le nierais-je ? L’optimisme tĂȘtu qui Ă©claire ma vie n’est pas une donnĂ©e naturelle, un privilĂšge physiologique dont le sort m’aurait pourvu Ă  la naissance. Mon ADN n’en porte pas la trace. Il n’est pas congĂ©nital. Il est le produit d’une histoire, avec ses dĂ©tours, ses larmes et ses impasses. Il a connu des batailles, quelques dĂ©faites et des ressaisissements. Quant Ă  la nappe d’espĂ©rance oĂč s’abreuve mon optimisme, elle n’est pas un cadeau religieusement reçu et engrangĂ© pour toujours avec la foi chrĂ©tienne qui viendrait garantir Ă  vie cette vertu thĂ©ologale. L’alchimie qui a permis son existence est plus fragilement humaine qu’on ne l’imagine. Il y a lĂ -dessous quelque chose qui participe de l’enfantement, douleurs comprises.
Oui une joie m’habite aujourd’hui et me fait tenir debout. Elle nourrit ce que Jean-Paul Kauffmann, dans sa geĂŽle de Beyrouth, appelait « l’enchantement d’ĂȘtre vivant ». Du fin fond de son enfermement, Kauffmann se rĂ©citait Ă  l’époque un vers de Jules Supervielle : « C’était le temps inoubliable oĂč nous Ă©tions sur la terre2 ». Cet Ă©blouissant rĂ©flexe de survie s’accompagnait d’une mĂ©ditation obstinĂ©e et modeste. Si j’évoque dans ces pages mes peurs et mes blessures, ce n’est pas pour exhiber ce qu’AndrĂ© Malraux appelait « un misĂ©rable petit tas de secrets ». Il s’agit plus simplement de dire comment je suis venu Ă  bout de ces peurs, et de quelle façon on arrive toujours Ă  vaincre ce qui nous terrorisait.
Ces peurs surmontĂ©es ont fait naĂźtre une espĂ©rance que tout m’invite Ă  partager. Regardons les choses en face : l’espĂ©rance devient une denrĂ©e rare en Europe. Pire : ce viatique s’amenuise plus vite que le travail, les emplois disponibles, la puissance industrielle ou les anciennes sĂ©curitĂ©s dĂ©mocratiques. Et ce n’est pas peu dire. La peur du lendemain et celle du manque, voire du dĂ©clin, viennent dĂ©jĂ  gĂącher nos rĂ©veils et assombrir nos journĂ©es. Mois aprĂšs mois, les statistiques nous accablent et le chĂŽmage gagne. Peut-ĂȘtre devrons-nous un jour partager — pour de bon — le travail et les emplois ? On en discute depuis longtemps. C’est affaire d’experts et d’économistes.
Une chose me paraĂźt beaucoup plus urgente : il faut partager ce qu’il nous reste d’espĂ©rance. Faute de cela, aucune survie collective ne sera jamais possible. Sur ce terrain, comme on le sait, l’injustice est flagrante. Certains ont encore en eux une flamme assez forte pour Ă©clairer la grisaille de ce temps, d’autres n’ont plus la force d’imaginer ne serait-ce que le surlendemain. En Ă©voquant cet impĂ©ratif de partage, je ne joue pas au boy-scout, et encore moins Ă  cette « belle Ăąme » que l’ironie d’Hegel assimilait Ă  un « souffle inconsistant ». Je ne fais pas l’un de ces vƓux pieux qui n’engagent Ă  presque rien.
Je songe Ă  des choses beaucoup plus concrĂštes, physiques, j’allais Ă©crire charnelles. J’imagine par exemple ce que font des assiĂ©gĂ©s — ou des naufragĂ©s — quand, au bord du dĂ©sastre, ils rĂ©partissent entre eux les derniĂšres gorgĂ©es d’eau potable. Les lĂšvres sont sĂšches. Les poumons sont en feu. Il s’agit tout bonnement de ne pas mourir de soif. Une telle nĂ©cessitĂ© a vite raison des Ă©gotismes ordinaires et des coquetteries courantes.
Nous en sommes lĂ  !
Un dĂ©senchantement mortifĂšre s’étend comme un brasier sur le vieux continent europĂ©en. Rien ne semble pouvoir l’arrĂȘter. Jusqu’oĂč ira-t-il ? Que ferons-nous quand il aura tout brĂ»lĂ©, dĂ©gageant la voie aux barbaries politiques qui, embusquĂ©es, comptent bien tirer profit du dĂ©sastre. Que ferons-nous ensemble quand personne ne croira plus en rien ? VoilĂ  des annĂ©es que j’écris des livres pour conjurer ce sombre futur, toujours possible et, vaille que vaille, pour Ă©voquer l’espĂ©rance, obstinĂ©e, aguerrie, qui habite toujours quelques-uns d’entre nous. C’est elle qu’il nous faut maintenant partager en toute hĂąte, comme on prĂ©pare un contre-feu pour stopper l’incendie.
*
* *
Dans les pages qui suivent, ce sont bien mes paniques, mes faiblesses, mes blessures que je passerai en revue. Il ne s’agit pas de glorifier un mĂ©rite mais d’évoquer quelques leçons apprises. Qu’est-ce que ces frayeurs m’ont enseignĂ© sur moi-mĂȘme, et sur le monde ? De quelle alchimie particuliĂšre — et communicable — mon espĂ©rance est-elle nĂ©e, et vit encore ?
Le plus ancien souvenir que je garde de cette alchimie est lointain. J’avais dix-neuf ans, et je ne m’explique toujours pas ce qui s’est produit en moi. Ce soir-lĂ , je m’étais effondrĂ© sur mon lit en apprenant une nouvelle qui risquait de briser ma vie, et m’arrachait dĂ©jĂ  Ă  la jeunesse. La chose est trop intime, trop essentielle, pour que j’en dise davantage. Subitement, l’avenir m’apparaissait barrĂ© par un mur de larmes. Il l’était pour de bon. Je n’avais pas rĂ©ussi Ă  en parler immĂ©diatement Ă  ma mĂšre. Elle devait d’abord « terminer son bridge », m’avait-elle soufflĂ© en m’ouvrant la porte et en me voyant pleurer. Je me souviens encore des bouffĂ©es de son parfum Noah Noah, et du cliquetis de ses colliers. Cette « distraction » maternelle ajouta Ă  mon dĂ©sespoir.
J’étais anĂ©anti, au point que je sanglotais, ce qui ne m’était pas arrivĂ© depuis la petite enfance. Dans ma tĂȘte, je passais en revue les issues possibles Ă  la catastrophe. Je n’en trouvais aucune. Comme souvent, j’avais glissĂ© mon transistor sous l’oreiller et collĂ© mon oreille. La musique m’arrivait avec cette proximitĂ© spĂ©cifique qu’affectionnaient Ă  l’époque les adolescents qui fourraient volontiers leur transistor sous les draps. Surtout quand ils Ă©taient meurtris. Ce jour-lĂ , je n’étais pas meurtri mais Ă©crasĂ©. Je me souviens que la radio diffusait une suite pour clavecin en la mineur de Jean-Philippe Rameau.
À dix-neuf ans, pas mĂ©lomane pour un sou, et encore moins familier des piĂšces pour clavecin, j’aurais Ă©tĂ© incapable de parler de Jean-Philippe Rameau plus d’une minute. Et pourtant ! Que s’est-il passĂ© Ă  cet instant ? Je n’en sais toujours rien. J’ai « reçu » chaque note de cette musique avec une intensitĂ© indicible. J’entendais jusqu’aux doigts du claveciniste qui glissaient sur les touches. J’avais l’impression physique que chaque mouvement de cette Suite pĂ©nĂ©trait littĂ©ralement Ă  l’intĂ©rieur de moi. Je sentais monter des larmes.
J’ignore encore s’il faut mettre au compte de ma candeur la pensĂ©e qui subitement m’envahissait. Elle se ramenait Ă  une conviction trĂšs simple : puisque des choses comme celles-lĂ  existent dans le monde, alors les malheurs qui nous arrivent n’ont aucune importance. C’était sans aucun doute un peu niais, mais mon chagrin se dissipa d’un coup. Je dis bien mon chagrin, car le problĂšme trĂšs tangible qui l’occasionnait Ă©tait toujours lĂ , irrĂ©solu et mĂȘme insoluble. C’est bien d’une alchimie qu’il faut parler. Rien ne l’avait prĂ©parĂ©e. Je me sentais soudainement envahi par une onde de calme — j’allais Ă©crire de joie — qui relativisait tout le reste. Je me rĂ©pĂ©tais mentalement : ces choses existent, elles me suffisent. On verra bien pour le reste

Curieusement, tout cela resta d’abord sur le registre de la sensation. À aucun moment je n’ai pris la peine de thĂ©oriser cette occurrence imprĂ©vue qui me ramenait physiquement Ă  la joie. Pas un instant je n’ai songĂ© Ă  m’interroger sur la nature de ce que j’avais « artistiquement » vĂ©cu. La dĂ©tresse qui m’habitait avait-elle exacerbĂ© ma sensibilitĂ© auditive jusqu’à me rendre un moment plus rĂ©ceptif Ă  la musique qu’auparavant ? Ces notes Ă©grenĂ©es avec le vibrato propre au clavecin avaient-elles activĂ© des zones particuliĂšres de mon oreille interne ? En d’autres termes, des « variations fantaisistes sur un processus biologique » — pour reprendre une expression de Nietzsche — avaient-elles titillĂ© mes neurones et redoublĂ© mon Ă©motion ? Je ne me suis posĂ© aucune de ces questions, ni sur le moment, ni plus tard. J’ai vu simplement cet Ă©pisode comme une preuve de notre indĂ©racinable capacitĂ© d’espĂ©rance.
L’interprĂ©tation Ă©tait-elle abusive ? Je n’en sais rien. Une chose est sĂ»re : j’ai intĂ©riorisĂ© ce souvenir comme si j’y voyais la manifestation inaugurale de quelque chose qui, Ă  coup sĂ»r, se reproduirait. (Et qui s’est effectivement reproduit.) Quelques annĂ©es plus tard, lisant L’Idiot de DostoĂŻevski en « Livre de poche », je suis tombĂ© sur la fameuse phrase du prince Michtine : « La beautĂ© sauvera le monde. » Je l’ai comprise Ă  ma façon. N’avais-je pas Ă©tĂ© moi-mĂȘme « sauvĂ© » Ă  dix-neuf ans par la beautĂ©, celle qu’avait crĂ©Ă©e un compositeur taciturne originaire de Dijon, contemporain de Jean-SĂ©bastien Bach et figure notoire du classicisme musical français ? Une simple Suite pour clavecin composĂ©e en 1706, et parvenue accidentellement jusqu’à mon oreille, m’avait vraiment arrachĂ© au dĂ©sespoir.
Sur le moment, je n’ai pas cherchĂ© Ă  approfondir l’interprĂ©tation que nombre d’érudits feront de cette exclamation mise par DostoĂŻevski dans la bouche du prince Michtine, qu’il s’agisse des auteurs russes comme MikhaĂŻl Boulgakov, Vladimir Soloviev ou Nicolas Berdiaev, mais aussi une philosophe française comme Simone Weil, pour qui, si la beautĂ© nous permet d’oublier la douleur pour reposer dans la joie, c’est qu’« elle est l’éternitĂ© ici-bas3 ».
Je m’en suis tenu à cette premiùre leçon : on peut — toujours ! — traverser la blessure. Le plus urgent est de communiquer aux autres, san...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Copyright
  3. Titre
  4. Exergue
  5. 1. Pourquoi passer aux aveux ?
  6. 2. J’avais une « vĂ©rité » en trop
  7. 3. J’ai vu le monde se dĂ©faire
  8. 4. Rassurant comme une maison
  9. 5. Nous sommes capables de tout
  10. 6. J’ai dĂ©couvert la force des faibles
  11. 7. Le Roi des aulnes
  12. 8. Que faire de nos échecs ?
  13. 9. Les riches m’ennuient
  14. 10. Ma derniĂšre peur
  15. Du mĂȘme auteur