C'était pas mieux avant, ce sera mieux après
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C'était pas mieux avant, ce sera mieux après

  1. 241 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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C'était pas mieux avant, ce sera mieux après

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Citations

À propos de ce livre

A l'heure où les populismes montent, où la planète se réchauffe, où les réseaux sociaux nous enferment dans des bulles, Aurélie Charon décide de faire tomber les cloisons et de miser sur le collectif plutôt que sur l'individualisme. Robin de Marseille, Gal à Tel-Aviv, Ines depuis Sarajevo...
Autour d'elle, ils sont des dizaines. Ils ne se satisfont pas du monde tel qu'il est. Alors ils se retrouvent, échangent, rêvent, malgré la géographie, leurs différences, leurs opinions. Ensemble, ils recomposent le puzzle du présent et inventent une autre histoire de l'avenir. Pour eux. Pour nous.

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Informations

Éditeur
Iconoclaste
Année
2019
ISBN
9782378800918

Ailleurs

UN SENTIMENT A DISPARU

Descente d’avion, Paris, 2014
Un sentiment a disparu : la fierté de vivre dans ce pays. Où et à quel moment l’a-t-on perdue de vue ? J’ai ressenti la fierté en étant à l’étranger. Je l’ai vue dans les yeux de ceux qui avaient lu la France. Quand on la lit, on est fier, on enfile ses valeurs comme des perles. Chaque fois que je rentre, j’ai le sentiment que nous ne sommes pas à la hauteur. Je pense aux jeunes que j’ai rencontrés. Ils me parlent de la « France d’avant ». La France d’avant, c’est celle qu’on lit et que les vivants oublient souvent de réactiver. Celle que les étrangers imaginent et que les Français ne voient plus.
Fin mai, un dimanche soir d’élections européennes, je rentre de Gaza : quarante kilomètres sur sept à l’intérieur desquels certains doivent faire rentrer leur vie. Là-bas des gens aiment notre pays : ils ont lu « Liberté Égalité Fraternité » sur le mur de l’Institut français. C’est le seul pays présent sur le sol gazaoui, les autres sont partis. Je me suis vue commencer à leur dire : « Non, non, ce n’est pas ça, pas ce que vous pensez », je me suis vue leur reprocher d’aimer, leur reprocher leur naïveté. Je me suis arrêtée à temps et me suis tu. Comme si, secrètement, j’espérais : si ça existe dans l’esprit de quelques-uns, alors ça doit être vrai. Comme à une grand-mère à qui on cache que son petit-fils est loin d’être la personne qu’elle pense connaître. C’était entre mon pays et moi : on ne leur dira pas.
Je me suis tue et j’ai pensé : s’ils savaient. J’ai eu honte de nous. J’avais envie de dire : on ne va pas pouvoir leur faire croire plus longtemps, je ne vais plus pouvoir, ça va se savoir. Ici on vote pour l’extrême droite. Ceux qui sont bloqués envient nos va-et-vient, mais on vote pour le repli, le surplace, les frontières étanches. On n’est pas à la hauteur de ce que l’on a. Ce dimanche soir, je me suis effondrée, comme si j’avais cru à l’histoire que j’avais eu envie de préserver. Une fiction qui a duré un vol d’avion. Je m’étais prise au jeu, depuis Gaza City, de penser que nous tenions debout sur nos valeurs, fierté éphémère que je payais une fois rentrée.
S’ils savaient. On a la paix, on vote la guerre. J’ai pensé que je ne m’étais jamais demandé en me levant le matin si mes parents étaient en vie, si ma maison était debout, comme Ayman, Mariam et les autres rencontrés à Gaza. On dirait que la paix a peur de sa durée. Elle ne s’est jamais autant étirée : ma vie tient dessus en entier, elle ne déborde sur aucun de ces noms de code. 1914-1918, 1939-1945, 1954-1962. On a grandi avec l’idée que « plus jamais ça », en étudiant l’Holocauste, photos en noir et blanc d’un autre temps. Je me souviens du Concours national de la résistance et de la déportation. Je suis en troisième. Je « gagne » trois jours à Oradour-sur-Glane, nous sommes une vingtaine de toutes les régions de France, accompagnée par d’anciens résistants.
Je me souviens de notre perplexité dans le car qui nous conduisait à Oradour – un air de colonie de vacances, une vieille dame qui entonnait pourtant les chants du maquis au premier rang. On n’osait pas se dissiper ou même parler. On avait 12 ou 13 ans, on sentait des souvenirs de guerre à quelques sièges de nos vies tranquilles et préadolescentes du centre de la France. Le livre d’histoire en chair et en os, trois jours de « sortie », sortie du quotidien, du tout-ira-toujours-bien, une trouée dans l’enfer, un aperçu de ce que ça peut être : du temps volé et perdu dans une vie.
Je rentre de Gaza, je n’ai pas encore rencontré les jeunes Français. Mais à ce moment-là, je ne suis pas fière de nous.

LE FUTUR
EST DANS LES VOIX

New York, 2005
Cette impression ressentie à Oradour-sur-Glane, je la retrouve à New York à 20 ans. C’est l’âge où on trafique sa carte d’identité pour rentrer dans les bars le soir. Officieusement, je suis plus âgée, j’ai découpé le 5 de 1985 sur ma carte d’identité. C’est ma deuxième année ici, je suis à la fac. Assise devant mon ordinateur au huitième étage face à de grandes baies vitrées, avec vue sur les arbres de Washington Square, c’est le contraire de la guerre. En entrant dans la bibliothèque au rez-de-chaussée de l’université, il faut passer son badge violet. Le geste est rapide, ça va et ça vient. Je descends souvent au sous-sol prendre une pomme dans la machine. Ici, il fait frais, même pendant l’été. C’est lisse et tranquille, on peut réfléchir à son devoir du lendemain sans ruptures et sans horaires, la nuit est longue. On étudie, on est maîtres du temps, droits dans notre époque : elle nous attend. N’importe quel livre peut être appelé à n’importe quelle heure. On dit « Hi ! » à chaque visage souriant. Rien ne peut nous arrêter, nous sommes invincibles. L’étude new-yorkaise te fait penser que ta parole a un poids, une importance, même lorsque tu n’émets pas une idée révolutionnaire. Il n’y a pas de poussière, pas de boue, pas de fatigue sinon celle des yeux qui lisent. C’est le côté fluide et surfant de la vie d’étudiant.
Jusqu’à cette phrase qui revient en boomerang dans le visage de l’étudiant sage : « Il rentre d’Irak. » C’est pas grand-chose, c’est vite prononcé. Le nouvel arrivant reprendra les cours comme si de rien n’était, il est discret. Je n’avais pas réalisé que nous vivions dans un pays en guerre. Qu’il y avait des blessés. Cet étudiant pas invincible, fatigué par autre chose que les livres, indifférent à l’exposé du lendemain, a le même âge que moi. Il ouvre une série de questions auxquelles je veux répondre.
Je prends le ferry. Impression d’un voyage, je pars de l’autre côté, à Staten Island, au centre d’accueil des vétérans, les anciens combattants. J’allais entrer dans le cabinet du psychologue Tom McGoldrick avec lequel j’avais rendez-vous, mais lui m’a tout de suite arrêtée. « C’est ici, dans la salle d’attente, que tout se passe. Attendez. Regardez. » J’avais l’impression de rester à la porte du problème, mais petit à petit, j’ai repéré deux types de patients, pas égaux devant l’attente. Les plus vieux ont dû se battre à leur retour du Vietnam pour qu’on considère leurs symptômes. Trente ans plus tard, ils se retrouvent face à ceux qui rentrent d’Irak ou d’Afghanistan. Des adolescences coupées net. Des visages tristes qui ne sont qu’au début de ce que les plus vieux savent être une longue remontée vers une vie sans violence.
Je suis repartie de cette salle d’attente gris et bleu. J’ai repris le bateau et j’ai pensé : comment ne pas répéter les mêmes conflits à chaque génération ? Nous ne sommes pas le premier homme, c’est douloureux quand on le comprend. On arrive après lui, elle, elle et lui aussi. Mais est-ce que tout ce que nos aînés ont pensé et élaboré coïncide avec ce que l’on est ?
À Manhattan, je monte dans le métro F puis L. De retour à la lumière, je téléphone à un jeune homme. Deux jours après, je le retrouve dans un salon de thé du New Jersey. Il revient d’Irak et m’explique à quel point la violence est plantée dans son corps. Son regard ne tient pas en place. Cette vie « normale » qui est la nôtre lui semble étrangère. À la moindre contrariété, il a envie de nous étrangler.
J’enregistre sa voix, je viens d’acheter un appareil chez B&H. Je rentre chez moi dans le quartier portoricain de Williamsburg, je mets mon casque. J’entends dans la voix de l’ancien soldat tout ce que je n’avais pas vu de cette ville, alors que je pensais qu’il n’y avait aucune distance entre New York et moi. Dans la voix, il y a le futur : ce qui est en train de se tramer. Il faut donc l’entendre. Il y a de la poussière et des armes. Le conflit. Je ne veux plus lâcher les voix, pour ne plus perdre ces superpositions dans le paysage. Pour agir avant qu’il ne soit trop tard. Au micro je demande toujours de décrire ce qui nous entoure et je réalise que c’est un rapport au temps plus qu’à l’espace. Les gens ne voient pas le panorama, ils voient leur vie défiler sous leurs yeux. À ce moment-là s’ajoute à ma vision de New York un paysage dévasté.
Plus tard je lis cette phrase de la poète Nelly Sachs : « Faites-nous entendre les choses à venir. » Je me la répète. Je vais aller chercher les voix.

NOS ENFANCES ONT
DES AIRS D’ÂGE D’OR

Châteauroux, 1985-2000
Ma vie commence au centre du pays. À Châteauroux. Je suis au collège à Déols, je vis dans le hameau de Brelay. Du plus grand au plus petit. Chaque jour s’étire et se replie, de la chambre à la ville, aller et retour. À l’époque, on ne sait pas très bien ce que veut dire le mot « ZEP » qui qualifie notre collège, on le vit bien. Chaque année, on observe les nouveaux sports études qui arrivent. On s’approche avec prudence des élèves en Segpa. Le soir j’attends la voiture des parents ; le bus scolaire n’a jamais été jusqu’à chez moi. Ce qui m’oblige, quand je tombe amoureuse en troisième, à prendre le vélo pour faire cinq kilomètres et le rejoindre. Immédiat test de l’amour. Nous sommes « la France des villages », comme dira Robin que je rencontrerai au nord de Marseille.
Quand par miracle un prof est absent et qu’on sort plus tôt de Romain-Rolland, on marche jusqu’à la boulangerie – ses dix pains au chocolat en promo –, puis au Carré d’as, acheter un magazine et se poser dans l’herbe. À l’époque, on est encouragés à faire latin et classe européenne pour avoir plus de chances, c’est-à-dire plus de chances d’être entre nous, avec ceux qui ont aussi décidé d’avoir plus de chance et de miser sur l’avenir. (Ce que je fais.) C’est une enfance heureuse du centre géographique du pays, ville de Gérard Depardieu, du routard L’Escale et de l’ancienne base militaire américaine.
Le vendredi soir, je vais à l’entraînement de foot à Ardentes. Le dimanche, c’est match, je suis numéro 7, avant droit, comme David Beckham – j’ai tous les maillots de Manchester United. Je ne suis pas douée mais enthousiaste. L’équipe est bonne, nous gagnons la première place départementale. Je me mets à adorer ces moments collectifs où on est tristes ou heureux ensemble, en même temps, pour des raisons très claires ; tout est simple. Des émotions collectives implacables, incontestables. Je me mets à aimer ces liens décidés par une licence prise au même club de football, autre chose que l’amitié, un lien évident, rapide, fort, avec un but précis.
Le samedi soir, on va au cinéma CGR. Les dimanches, on visite la maison de George Sand, à Nohant. Quand je suis en sixième, M. Vallade, le professeur de français, dit : « Aujourd’hui il n’y a plus que les journalistes qui peuvent donner leur avis. » Je ne sais plus ce qui précédait cette réflexion, pourquoi elle était arrivée là et pourquoi soudain je voulais donner mon avis, mais cette phrase a été décisive. Jusque-là je mettais dans la case « plus tard » éthologue et psychanalyste.
On a des rêves. Il y a un building au centre de Châteauroux qu’on appelle « le building ». Nous rêvons d’Amérique. Un jour, j’irai habiter à New York. En troisième, une professeure de français nous dit que, dans la vie, il faut la littérature et la beauté. Un esprit sain dans un corps sain. Je prends cette phrase comme une vérité absolue.
Mes parents sont profs et je suis fière lorsque je lis les mots de leurs élèves, à la fin de...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Présentation
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Exergue
  6. L’importance
  7. Ailleurs
  8. En France
  9. Repartir
  10. Remerciements
  11. Achevé