Pour l'amour de l'histoire
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Pour l'amour de l'histoire

  1. 409 pages
  2. French
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Pour l'amour de l'histoire

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À propos de ce livre

En vingt ans, ' Les Rendez-vous de l'histoire ' sont devenus l'événement le plus important autour de l'Histoire en France. Historiens, chercheurs, universitaires et plus de 40 000 visiteurs se retrouvent chaque année à Blois, le temps d'un long week-end d'octobre, pour débattre et réfléchir. Les conférences et les débats en sont le temps fort.
Sélectionnées parmi plusieurs centaines de conférences, ces trente ' leçons d'histoire ' couvrent l'ensemble des périodes, de la Préhistoire à nos jours. En une vingtaine de pages par sujet, chaque historien délivre le meilleur de ses recherches dans un texte clair et accessible à tous.
Préface de Jean-Noël Jeanneney.

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Informations

Éditeur
Les Arènes
Année
2017
ISBN
9782352047261

JEAN-NOËL JEANNENEY

LA BATAILLE
DE L’ABSINTHE SOUS LA IIIE RÉPUBLIQUE

Connue depuis l’Antiquité, la « fée verte » bouleverse la France du XIXe siècle en devenant un véritable phénomène de mode. Difficile pour les autorités de concilier la lutte contre un alcoolisme galopant et le maintien de l’activité économique des bouilleurs de cru. Elles mettront plusieurs décennies à interdire cette eau-de-vie réputée rendre fou. Et avoir causé la défaite de 1870.
Ancien ministre (1991-1993), Jean-Noël Jeanneney est professeur émérite des universités à Sciences Po. Il a présidé Radio France et RFI, la Mission du Bicentenaire de la Révolution et la Bibliothèque nationale de France. Il préside le conseil scientifique des Rendez-vous de l’histoire de Blois, la Fondation du musée Clemenceau et le jury du Prix du livre d’Histoire du Sénat. Il produit l’émission hebdomadaire Concordance des temps sur France Culture. Il est l’auteur de nombreuses études, essais, documentaires et pièces de théâtre historiques.
Lorsque l’amitié de Jack Lang et de Francis Chevrier m’a demandé une conférence inaugurale pour ces journées consacrées aux « nourritures terrestres » en me laissant libre du sujet, presque aussitôt j’ai songé à traiter de l’absinthe. L’histoire de ce breuvage, qui a connu un formidable succès en France du XIXe siècle jusqu’à son interdiction pendant la Première Guerre mondiale, recoupe en effet toutes les dimensions du thème qui nous réunit à Blois : opposition et rencontre entre bonheur privé et pratique sociale, entre le corps et l’esprit, entre les réalités et les mythes, entre la puissance de l’argent et la liberté de la culture.
Rien de plus stimulant pour la curiosité historique que l’ambivalence qui marque la réputation de l’absinthe. Dans la mémoire collective se mêlent, à son égard, sévérité angoissée et attendrissement nostalgique, comme on le voit bien dans les précieux travaux de Marie-Claude Delahaye à qui je suis redevable : ses deux ouvrages, L’Absinthe, histoire de la fée verte (1983), et L’Absinthe, art et histoire (1990), sont riches en informations et en réflexions et son intérêt pour le sujet l’a conduite à créer en 1994 un musée de l’absinthe à Auvers-sur-Oise, que je vous engage à visiter.
C’est de cette ambivalence que je voudrais partir avant de décrire et d’interpréter l’offensive des « hygiénistes » contre cet alcool particulier puis d’analyser une bataille politique qui renseigne sur le fonctionnement même d’un régime et d’une société.
UNE AMERTUME CONNUE DÈS L’ANTIQUITÉ
L’absinthe est une plante aromatique vivace, du genre de l’armoise, qui pousse dans les régions montagneuses. Faste ou néfaste ? On en a débattu longtemps. L’Antiquité en affirmait les vertus médicinales. Hippocrate, Pline, Dioscoride, Galien l’ont, à des titres divers, évoquée et célébrée. On en faisait en leur temps des tisanes digestives au goût amer. Galien recommande l’absinthe contre la malaria, Hippocrate contre l’ictère. Quant à Pline, il disait : « Elle resserre l’estomac, fait sortir la bile, est diurétique, amollit le ventre, le guérit s’il est douloureux, chasse les vers et dissipe les faiblesses d’estomac et les flatuosités. Elle fait cesser le dégoût et aide à la digestion. »
Pourtant, dès cette époque lointaine, la notion d’amertume domine. Voyez l’étymologie du mot absinthion, qui signifie en grec « non buvable », ou « privée de douceur ». Pline rapporte d’ailleurs que pendant les courses de chars, on donnait au vainqueur une boisson mêlée d’absinthe pour lui rappeler que la gloire a toujours ses amertumes !
Significatif aussi ce proverbe de la Bible (Proverbes 5, 3-4) : « Les lèvres de la femme d’autrui distillent le miel et son palais est plus doux que l’huile ; mais à la fin, elle est amère comme l’absinthe, aiguë comme un glaive à deux tranchants. »
Sautons les siècles jusqu’au XVIe, pour relever que Tristan L’Hermite écrivait dans Panthée, en 1637 : « Dieux ! depuis que l’amour me tient à la torture, / Ils versent dans mon sein l’absinthe toute pure », et que Malherbe – j’emprunte cette citation au Littré – évoquait : « Tout le fiel et tout l’absinthe / Dont un amant fut jamais abreuvé ». (Observez que le genre du mot est encore, à l’époque, incertain : l’ambivalence est même grammaticale !) Voltaire, pour sa part, dit dans Zadig : « Le premier mois du mariage est la lune de miel, le second la lune de l’absinthe. »
Un pas de plus et surgit le thème du poison. Dans L’Apocalypse de Jean (8, 10-11), on lit : « Le troisième ange sonna de la trompette. Et il tomba du ciel une grande étoile ardente comme un flambeau, et elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources des eaux. Le nom de cette étoile est absinthe, et le tiers des eaux fut changé en absinthe et beaucoup d’hommes moururent par les eaux, parce qu’elles étaient devenues amères. »
Ingénieusement, Marie-Claude Delahaye rapproche cela de Tchernobyl en signalant que ce mot est le nom russe de l’armoise : « L’Ange a sonné de la trompette et les eaux sont devenues amères… »
C’est au XIXe siècle que le négatif s’estompe provisoirement, lorsqu’un élixir d’absinthe est mis au point par un médecin franc-comtois exilé en Suisse, Pierre Ordinaire : liqueur qui devient une boisson d’agrément fabriquée à partir de feuilles d’absinthe, mêlées d’anis et de fenouil pour qu’en soit tempérée l’amertume. Son succès commercial est porté par l’entregent d’un entrepreneur, Henri-Louis Pernod, qui crée une société à Pontarlier en 1805 et fonde une distillerie qui demeure prospère jusqu’à la Grande Guerre, même si elle est bientôt concurrencée en Haute-Saône, dans le Jura, puis à Paris et à Marseille. Les géographes seront intéressés de savoir que l’usine de Pernod brûla en août 1901, ce qui aboutit à faire déverser un million de litres dans le Doubs et fournit l’occasion de prouver que la Loue en était à coup sûr une résurgence.
La popularité de l’absinthe passe par le détour de la conquête de l’Algérie. Les soldats du corps expéditionnaire, qui ont de la peine à se procurer de l’eau potable, prennent l’habitude de rajouter à celle dont ils disposent, pour la purifier, pensent-ils, quelques gouttes d’absinthe. Ils y prennent goût et en rapportent ensuite la mode au pays où ils la diffusent dans les bistrots. Sous la IIIe République, la consommation de l’absinthe connaît une progression vertigineuse : 7 000 hectolitres en 1873, 10 000 en 1880, 105 000 en 1890, 238 000 en 1900, apogée de la consommation nationale, presque un litre annuel par habitant adulte. Ajoutez des exportations dans toute l’Europe – sauf en Angleterre qui résiste obstinément malgré Oscar Wilde affirmant : « Un verre d’absinthe, il n’y a rien de plus poétique au monde. »
LA MODE DE LA « FÉE VERTE »
Il est intéressant de s’interroger sur les origines d’un engouement, les ressorts d’une mode durable, les explications d’un triomphe. Triomphe français, au point que les étrangers considèrent à l’époque qu’il s’agit là de notre boisson nationale. Ce succès apparaît comme l’effet d’une alchimie mystérieuse où se mêlent les données économiques et psychologiques.
Le coût de l’absinthe est faible. Un litre d’absinthe à 60° d’alcool vaut de 2 à 4 francs, selon la qualité, le verre d’absinthe, au zinc, de 10 à 15 centimes (chiffres à rapprocher du salaire moyen d’un ouvrier qui est alors de 3 francs par jour). La production de masse permet cela : de l’ivresse à bon marché. De ce succès témoigne l’inventivité du parler populaire, affublant l’absinthe de toutes sortes de sobriquets : purée de pois, perroquet, pervenche, un petit père (Pernod), un sulfate de zinc, un vert-de-gris…
Au demeurant les bourgeois s’entichent aussi de l’absinthe par le détour des artistes. Chez ceux-ci, on parle de la « fée verte », de la « muse verte ». On disait déjà ironiquement d’Alfred de Musset, quand il manquait les séances du jeudi quai de Conti : « Il s’absinthe… de l’Académie française. » Verlaine en faisait sa drogue quotidienne, comme aussi Baudelaire, Maupassant, Apollinaire.
Voici un poème de Charles Cros, que j’emprunte encore à Marie-Claude Delahaye :
L’Heure verte
« Comme bercée en un hamac,
La pensée oscille et tournoie,
À cette heure où tout estomac
Dans un flot d’absinthe se noie.
Et l’absinthe pénètre l’air,
Car cette heure est toute émeraude.
L’appétit aiguise le flair
De plus d’un nez rose qui rôde.
Promenant le regard savant
De ses grands yeux d’aigues-marines,
Circé cherche d’où vient le vent
Qui lui caresse les narines,
Et, vers des dîners inconnus,
Elle court à travers l’opale
De la brume du soir. Vénus
S’allume dans le ciel vert-pâle. »
L’absinthe s’installe au cœur de la peinture de l’époque, en inspirant à la fois l’Art nouveau et l’impressionnisme. Le coup d’envoi est donné par Le Buveur d’absinthe de Manet (son modèle est le chiffonnier Collardet) qui est refusé au Salon de 1859 malgré le soutien de Delacroix et fait aujourd’hui la fierté du musée de Copenhague. Cette toile figure un personnage drapé dans une grande houppelande sous un haut-de-forme immense ; son verre est pos...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Présentation
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Avant-propos
  6. Les Rendez-vous de l’histoire
  7. Préface
  8. Yves Coppens - L’Afrique, berceau de l’humanité
  9. Marylène Patou-Mathis - Le mythe de la violence préhistorique
  10. Paul Veyne - L’Antiquité, ère de liberté religieuse
  11. Paulin Ismard - Socrate, un dissident radical
  12. Annie et Maurice Sartre - Zénobie, reine mythique et mystère géopolitique
  13. Bruno Dumézil - Quand commence l’histoire de France ?
  14. Claude Gauvard - L’opinion publique, le fait du prince
  15. Michel Pastoureau - Le cochon maléfique
  16. Patrick Boucheron - Les mondes de Marco Polo
  17. Serge Gruzinski - de l’histoire des empires à la mondialisation
  18. Romain Bertrand - Aux Philippines, l’envers de la Conquête
  19. Emmanuel Le Roy Ladurie - Le climat, un agent provocateur
  20. Daniel Roche - La révolution vestimentaire
  21. Georges Vigarello - Le corps, toute une histoire
  22. Jean-Clément Martin - En finir avec l’image sanguinaire de la Révolution
  23. Jean Tulard - Napoléon, un mythe plus grand encore que le conquérant
  24. Alain Corbin - La difficile quête de « l’état des esprits » au xixe siècle
  25. Jean-Noël Jeanneney - La bataille de l’absinthe sous la IIIe République
  26. Jenny Raflik - Comment devient-on terroriste ?
  27. Michelle Perrot - Les nourritures féminines
  28. Gérard Noiriel - Chocolat, écrire l’histoire d’un homme sans nom
  29. Michel Winock - Un apogée culturel avant la grande catastrophe
  30. Antoine Prost - La grande guerre face à ses commémorations
  31. Olivier Wieviorka - la Résistance, entre la légende et l’Histoire
  32. Jean-Pierre Azéma - Jean-Louis Crémieux-Brilhac, l’exemplarité d’un parcours
  33. Marc Ferro - Allemagne-URSS : le pouvoir est-il le seul responsable ?
  34. Jean-Pierre Chrétien - L’historien face au génocide du Rwanda
  35. Michèle Riot-Sarcey - Le féminisme, une utopie démocratique
  36. Jacques Le Goff - L’Europe unie, une fusion de strates historiques
  37. Pierre Nora - L’histoire au péril de la politique
  38. Remerciements