La Guerre invisible
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La Guerre invisible

  1. 249 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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La Guerre invisible

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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

La fin du service militaire en 1997 a bouleversé son recrutement. Mais on ne change pas les mentalités du jour au lendemain. Dans ce monde clos et viril, des soldates endurent en silence des violences sexuelles, verbales ou physiques. Une enquête inédite au sein de l'armée de Terre, de l'armée de l'Air et de la Marine, dans la Gendarmerie et jusqu'en opération extérieure au Mali.

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Informations

Éditeur
Les Arènes
Année
2014
ISBN
9782352043386
Partie II
LES GRANDES MUETTES
1
Le cas Isabelle D.
Dissuader, muter, tenter de faire oublier
L’armée ne déteste rien tant que le bruit, le désordre et tout ce qui peut ternir son image. La Royale se montre particulièrement pointilleuse sur ce qui peut écorner sa réputation distinguée. C’est pourquoi toute affaire sensible a tendance à dresser son état-major vent debout. En ce mois de mai 2012, la tempête souffle depuis Metz où surgit au grand jour, via la presse régionale, le dossier de la jeune recrue Isabelle D.178, qui dénonce le harcèlement sexuel de son supérieur hiérarchique. À lui seul, le titre du Républicain lorrain sonne l’alarme : « Harcèlement sexuel à l’armée ». L’article donne la parole au jeune matelot féminin qui a osé dénoncer. « “P’tit chat” par-ci, “Little Minou” par-là. Des tapes sur les fesses, lors des footings matinaux imposés avant les heures de travail où le petit chef suivait toujours de près sa victime “pour mieux admirer le spectacle […] d’une tenue de sport moulante ”. Il avait toujours une raison de l’approcher, de la toucher, pour lui remettre ses galons ou “la chemise dans la jupe”, car dans le bureau de ce premier maître d’un service de recrutement de l’armée à Metz, Isabelle, 25 ans, “sa secrétaire”, avait interdiction de porter des pantalons. Il y avait également les blagues salaces, les commentaires incessants sur ces femmes “physiquement intelligentes […] qu’il retournerait bien” ou les allusions sexuelles permanentes. “Il prenait un malin plaisir dès que je devais aller sur son PC à me redemander son mot de passe qui était “Bi.. de port”, raconte la victime, bouleversée, aujourd’hui en arrêt maladie179. » En écho, la presse nationale reprend l’information d’autant que le Conseil constitutionnel est sur le point d’abroger la loi sur le harcèlement sexuel au motif que son énoncé est trop vague. L’infamie finit par s’afficher dans le journal favori des militaires, Le Figaro. Sud-Ouest, La Dépêche du Midi, France Soir, Marianne, LCI, France Inter, reprennent aussi l’information180.
Ces articles rompent un silence entretenu depuis la fin de l’année 2011, époque à laquelle la jeune secrétaire du CIRFA de Metz se résout à briser son isolement. Dans un premier temps, Isabelle, conseillée par le Pôle Emploi, cherche à obtenir de l’aide auprès de l’inspection du travail. Mal lui en a pris. Quand elle se rend à l’antenne locale181, Isabelle tombe par le plus grand des hasards sur un contrôleur du travail, ancien recruteur de l’armée. Le fonctionnaire, qui a des relations au CIRFA de Metz, lui indique qu’il n’est pas compétent pour les militaires, mais l’interroge sur ses intentions. Selon Me Maumont, l’avocate d’Isabelle, il concluait l’entretien par ce conseil avisé : « À l’armée, il faut obéir, un point c’est tout182. » Les mots d’ordre : obéissance et loyauté. Joignant la parole à la pratique, l’ex-militaire alerte immédiatement ses anciens collègues des velléités de la jeune engagée183. Isabelle est convoquée dès le lendemain dans le bureau de son supérieur pour s’entendre dire : « J’ai reçu un appel de la Marine à Paris, ton contrat se termine, tu vas signer ta résiliation. » La jeune secrétaire, à qui il reste six mois d’engagement, fait le rapprochement avec l’entrevue de la veille à l’inspection du travail. L’officier élude sa question. « Tu vas prendre ta journée. Ce qui se passe à Vegas, reste à Vegas. » En clair, elle n’aurait pas dû dénoncer, ce qui se passe au sein de la Marine ne peut en sortir. La phrase est un électrochoc. Elle se décide à solliciter l’Adef­dromil, l’association de défense des droits des militaires qui a déjà épaulé plusieurs femmes soldats dans des situations similaires. Sans attendre, son président alerte par courrier les ministères de la Défense, du Travail (pour dénoncer la faute professionnelle du contrôleur du travail) et le directeur du personnel de la Marine nationale. Au même moment, Isabelle, en arrêt maladie depuis l’incitation de son chef « à prendre (sa) journée », se décide à déposer plainte pour harcèlement sexuel contre l’officier. Dans le même temps, la Marine nationale la convoque à Paris. Le capitaine de corvette qui la reçoit ignore visiblement tout de sa plainte, selon l’avocate, il essaye d’expédier la question : « Il a été très sec avec elle et il n’avait pas très envie d’écouter. Il lui répondait “c’est bon, c’est bon”, ça n’est que de la taquinerie, pas du harcèlement sexuel184. » Pour solde de tout compte, conseil lui est donné de rencontrer un psychologue du service de recrutement de la Marine, lequel, selon Me Maumont, allait lui expliquer qu’une plainte ne mènerait à rien. Plus tard, dans un courrier à son avocate, la Marine donnera une autre version de ce rendez-vous chez le psychologue : Isabelle D. « a été reçue à titre officieux et avec son accord par ce spécialiste pour mesurer sa souffrance. En aucun cas, lors de l’entretien, il lui a déconseillé de porter plainte, mais simplement exposé son sentiment subjectif quant à ses doutes sur une qualification des faits au titre du harcèlement moral, en prenant bien évidemment toutes les précautions d’usage. Néanmoins, le psychologue lui a expliqué que les faits rapportés suggéraient un comportement totalement déplacé de son supérieur. Enfin, ce psychologue lui a proposé une aide de “psychothérapie de soutien” à sa demande185 ».
Malgré cette incitation à se rétracter186, Isabelle D. poursuit son action au pénal. Une enquête de commandement187 interne est diligentée à l’encontre du supérieur de la secrétaire. Elle est clôturée le 16 mars 2012 et aboutit à la mise en cause toute relative du supérieur : « Aucun élément de l’enquête ne permet de qualifier les faits de la sorte [en harcèlement sexuel, nda]. Les faits qui ont été retenus font état de comportements inadaptés et de propos déplacés en présence d’une jeune recrue féminine188. » Pendant ce temps-là, la jeune femme, toujours en arrêt maladie, s’enfonce dans la dépression, perdant l’appétit, le sommeil et croyant voir son agresseur dans toutes les rues de Metz. Elle n’est pas au bout de ses peines. Le coup de grâce lui parvient le 29 mars 2012 avec une « note non signée et non motivée189 », lui signifiant, sans autre forme, sa mutation au Centre de commandement de la Marine nationale de Paris, soit à 333 kilomètres de chez elle. Quelques semaines plus tard, le quotidien régional Le Républicain lorrain avait vent de l’affaire et interrogeait le procureur sur les suites données à la plainte. Ô surprise, le dossier semblait littéralement évaporé. Le procureur avouait au journaliste Alain Morvan190, « on l’a égaré »… Cependant, l’appel du journaliste ne restait pas sans effet puisque, quelques jours plus tard, l’avocate d’Isabelle D. était informée coup sur coup qu’une enquête préliminaire courait depuis deux mois et que sa cliente était convoquée toutes affaires cessantes à la gendarmerie. Du vendredi pour le samedi matin. Cette fois, Me Maumont hausse le ton, Isabelle ne se présentera pas devant les enquêteurs et se constitue partie civile auprès du doyen des juges du tribunal de Metz. L’état-major, confronté à la médiatisation galopante, se devait, quant à lui, d’arrêter une stratégie pare-feu, reposant d’abord sur la communication. C’est tout l’enjeu des manœuvres engagées par les officiers supérieurs du SIRPA Marine et des ressources humaines, entre la fin du mois d’avril et le début du mois de juin 2012.
Un premier document, intitulé « Éléments de langage » relatifs à cette affaire, exprime « les positions de la Marine nationale » et délivre six messages forts que les militaires-communicants doivent dispenser à la presse. Tout d’abord, le ministère de la Défense condamne « tous types de comportements inadaptés de la part de ses ressortissants » et annonce en cas de faits avérés « après enquête » des « sanctions […] prononcées à la hauteur des faits reprochés ». Deuxièmement, le ministère a déclenché « une enquête de commandement ». Troisièmement, l’armée « a assuré le suivi et le soutien de la matelot volontaire (entretiens particuliers et mesures de protection) ». Quatrièmement, l’...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Copyright
  3. Titre
  4. Avertissement
  5. Note
  6. Exergues
  7. Dédicace
  8. Partie I. LE LIT DE LA VIOLENCE
  9. Partie II. LES GRANDES MUETTES
  10. Partie III. LE BAL DES HYPOCRITES
  11. Remerciements
  12. Bibliographie