Le théâtre
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Le théâtre

Analyses littéraires et scéniques.

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Analyses littéraires et scéniques.

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À propos de ce livre

L'approche du genre théâtral résiste souvent à l'analyse: genre complexe par son caractère bitensif, on réduit trop souvent son étude à un simple texte, négligeant toute sa perspective scénique pourtant essentielle. Proposant une double approche de dix-sept pièces d'un répertoire allant de l'Antiquité à nos jours, choisies à la fois pour leur importance dans l'histoire et à la fois parce qu'elles ont été captées, cet ouvrage se propose justement d'analyser ces deux temps de la création théâtrale.

Confrontant une approche textuelle et scénique, cette étude permet de faire émaner des sens et des approches pluriels. Agrémentée par des encarts historiques, critiques, ou esthétiques, elle cherche aussi à rendre accessibles les œuvres présentées à un public large, allant des classes de lycées à l'enseignement supérieur, proposant un enrichissement à la fois pour des étudiants en lettres ou en arts du spectacle, que pour des amoureux de la littérature ou de la scène.

Romain Berry est professeur agrégé. Il enseigne les Lettres en CPGE au Lycée Fauriel (Saint-Etienne).

Laurent Russo est professeur agrégé. Il enseigne les Lettres et le Théâtre en CPGE au Lycée Mistral (Avignon).

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Informations

Année
2022
ISBN
9782340068049

Chapitre 1

Les Bacchantes,

Euripide (405 avant J.-C.)

PARTIE 1 : ANALYSE LITTÉRAIRE

Qui est Euripide (vers 480 avant J.-C.-406 avant J.-C.) ?
Très grand poète de l’antiquité grecque, Euripide arrive tardivement au théâtre (vers ses quarante ans). Il est réputé pour être le spécialiste du deus ex machina. Il se réclame d’un théâtre résolument moderne et propose une autre version de la tragédie, différente de celle d’Eschyle ou Sophocle. Tout d’abord, il diminue grandement le rôle du chœur qui devient un simple ornement lyrique à la pièce et qui commente ce qui se passe sur le proskenion avec poésie et pittoresque. Résolument moderne, Euripide souhaite ôter le statisme du théâtre grec en travaillant la variété de la tension dramatique et en affinant la profondeur des personnages. Tiraillés par des angoisses, les héros apparaissent plus humains, y compris les femmes qui acquièrent, sous la plume d’Euripide, une importance de premier ordre.
Le théâtre d’Euripide est, à l’image de Dionysos, éclectique. Si certains critiques littéraires pensent qu’il s’agit d’un théâtre d’idées où abondent sentences, débats philosophiques, discours moralisateurs, il est difficile de le réduire à cette seule voie. En effet, le sacré, la folie, et la puissance de l’irrationnel ont exercé, sur le dramaturge, un pouvoir plus grand que les considérations rationalistes. Dans Oreste, Héraclès furieux ou bien Les Bacchantes, Euripide décrit avec précision les manifestations de la folie et, plus encore, le lent retour des égarés à la conscience qui découvrent avec effroi, à l’instar d’Agavé, l’atrocité des crimes accomplis.
1. À la fois « étranger » (vers 233)1, « mage » (vers 233), « enchanteur venu de Lydie » (vers 234) et « prophète » (vers 299)… Portrait de l’insaisissable Dionysos
« [Dieu] le plus terrible mais aux humains le plus doux » (vers 860-861), Dionysos aux deux visages
Tel un Janus bifrons, Dionysos est amphibolique. L’identifier comme dieu est déjà problématique, puisqu’il est le seul dieu à être né dieu et pourtant porté dans le ventre de la mortelle Sémélé. À l’instar de Persée, fils de Zeus et la mortelle Danaé ou bien d’Heraklès, lui aussi fils de Zeus et d’Alcmène, Dionysos aurait dû être un demi-dieu. En vain. C’est pourquoi il ne cesse de revendiquer sa généalogie et de faire état de son pouvoir immense (« j’ai déployé mes chœurs, institué mes rites, pour me manifester aux hommes comme un Dieu » (vers 22 et 23)), lui qui « sortit du sein avant l’heure » (vers 91) d’une mortelle, et qui naquit une seconde fois dans la cuisse de Zeus qui « le dissimule et l’enferme, au moyen d’agrafes d’or, et le cache ainsi d’Hera… » (vers 97 et 98). Il est donc l’homme de l’entre-deux : dieu, conservant toutefois une part d’humanité, il est adulé des ménades et, en même temps, perçu comme un intrus dans la cité de Penthée. Il est un barbare, un xenos « moins [éclairé] que les Grecs » (vers 482) qui arrive à Thèbes. Fraîchement arrivé de Lydie, il incarne, tout comme les bacchantes, l’ailleurs, inconnu et effrayant.
Cette dualité est approfondie dans toute la pièce car le fils de Zeus échappe à toute catégorisation. Face au viril Penthée, contempteur des dieux, débordant d’hybris, rempli de colère et d’outrance, Dionysos intrigue car sa féminité l’excède dans une sorte d’indifférenciation sexuelle. Il arrive à Thèbes « les cheveux parfumés épars en boucles blondes, le teint vermeille et les yeux tout remplis du charme d’Aphrodite » (vers 234 à 236). D’ailleurs, Penthée, quelque peu séduit, reconnaît : « Tu n’es pas mal fait, étranger, au goût des femmes » (vers 453-454), ajoutant même quelques précisions qui l’éloignent du cliché archaïque du dieu barbu et guerrier : « Tes longs cheveux bouclés ondoyant sur ta joue ne sont point d’un lutteur mais respirent l’amour » (vers 455-456). Non sans raillerie, Penthée pointe le passe-temps féminin de l’étranger à faire en sorte que sa peau soit la plus blanche possible au lieu de « l’exposer au plein soleil » (vers 459) lors des combats. Ce dieu féminin, et faible en apparence, intrigue le roi de Thèbes autant qu’il l’effraie. Il lui révèle non pas sa féminité, lorsqu’il le transforme en bacchante, mais son voyeurisme, son empressement à « voir les choses défendues » (vers 912), sa volonté de percer les secrets de la gent féminine. Le viril Penthée hésite d’ailleurs : « ou bien je vais prendre la tête de mon armée, ou bien je suivrai tes conseils » (vers 845 et 846).
En somme, Dionysos est moins ingénu qu’il le laisse paraître tant il défie les catégories très rigides qui structurent la vie des Grecs et tant il fait planer sur Thèbes, par sa présence, une forme d’androgynie gênante.
Parole à Jackie Pigeaud
Dans son « Introduction » aux Bacchantes, Belles Lettres, « Classiques en poches », no 32, Jackie Pigeaud établit une similitude entre le voyeurisme révélé de Penthée et celui du poète lui-même qui traque les faux-semblants de la société grecque pour les révéler au grand jour. Le philologue et latiniste écrit d’ailleurs : « Le regard d’Euripide, kataskopos (espion) lui aussi, cherche à travers les ombres des feuillages à discerner ce qui est derrière l’apparence. »
Polytropos Dionysos !
Dans la pièce, le dieu met le masque du voyageur de Lydie, converti à la puissance de Dionysos, se jouant de Penthée qu’il déguise en femme pour pénétrer le chœur des bacchantes, lui qui, pourtant, « au doux piège d’amour » (vers 958) les croit « captives » (vers 958). Voici le subterfuge inventé par Dionysos pour donner une leçon à « celui qui se raille » (vers 1080) de lui et de ses rites. Alors qu’il prétend aider le roi à « arranger tout cela » (vers 802), autrement dit à rétablir l’ordre dans la cité, il l’offre aux bacchantes en sacrifice sans qu’il le sache. Avec ironie, il avoue : « Tu peux les prendre… à moins d’être pris le premier » (vers 960), qui annonce le meurtre sanglant qui va avoir lieu. Certes Dionysos est un dieu trompeur mais il est aussi cruel car, pour pousser le roi à sa perte, il s’amuse avec ce qui le caractérise. Autrement dit, il joue avec sa misogynie – et se joue d’elle – pour le ridiculiser, tout en affaiblissant sa virilité en le féminisant.
En outre, Dionysos est hypocrite, au sens grec d’hypokritès, de celui qui met le masque. Mortel, taureau, lion ou même dragon à plusieurs têtes, il façonne un être pour dissimuler son identité en faisant croire qu’il est un voyageur, alors qu’il arrive pour se venger de Penthée qui l’écarte des libations. Moqueur et facétieux, il se joue du roi à plusieurs reprises. Quand Penthée le fait arrêter et le jeter en prison, Dionysos parvient à se libérer en rusant. Car croyant l’enchaîner, il a en réalité attaché un taureau que le Thébain a pris pour son prisonnier avant de le transpercer avec son épée. Ainsi Dionysos se caractérise-t-il par son naturel, sa spontanéité primitive et fertile, à l’image de « la Lydie aux champs féconds d’or » (vers 13) d’où il vient, alors que Penthée, lui, est l’homme du pouvoir et du commerce. Loin de la nature domestiquée et policée, il est le chasseur des montagnes de Phrygie et des espaces forestiers, laissant parfois aller sa sauvagerie aux pires exactions. Décrit comme « habile chasseur » (vers 1190), son thyrse est composé d’une touffe de lierre ou d’un bouquet de vignes, autant de feuilles torsadées métaphoriques des mille et un tours qu’il est capable de fomenter.
Un pouvoir considérable
La toute-puissance de Dionysos est flagrante dans la pièce. Dieu de mort et dieu de vie en même temps, il mène Penthée et Agavé à la mort et au crime, et rend la jeunesse à Kadmos et Tirésias. Car, par le vin, il libère les hommes et « leur donne l’oubli de leurs maux journaliers, par le sommeil, le seul remède à nos souffrances » (vers 281-282). Plus tard dans la pièce, le Messager, qui reconnaît à quel point le dieu « est grand à tous égards » (vers 770), avoue à Penthée que la vigne est « endormeuse de [leurs] chagrins » (vers 773), comme si le vin permettait d’alléger l’existence et de le délester des ennuis domestiques. D’ailleurs, sa bienfaisance est universelle et touche tout le monde ; il ne fait pas de discrimination et souhaite « être honoré en commun » (vers 207), preuve que Dionysos traite les hommes avec égalité, sans discrimination. Inversement, il est aussi celui qui excite les femmes et les pousse au crime par ses ordres répétés.
Tout aussi puissant sur le plan matériel, il peut détruire le palais de Penthée, donner aux femmes la force de déchirer du bétail à mains nues, faire pousser la vigne, le lierre et les fruits, changer l’eau en vin, pacifier les serpents et les fauves. Ainsi, Dionysos est-il un dieu capable de tout, y compris de guerre et de paix : « [il] participe d’Arès en quelque sorte » (vers 302), capable de manier la lance et l’épée avec dextérité, de mobiliser une armée en vue d’une bataille et de se déplacer très rapidement. Paradoxalement, il est aussi celui qui apporte la paix, comme en témoigne le chœur des bacchantes, au vers 420 : « [il] aime la dispensatrice d’opulence, la Paix, déesse nourricière, qui fait prospérer la jeunesse ». C’est pourquoi il est tour à tour nommé Bromios, « le Grondant », similaire au tonnerre et à la tempête, ou bien Evhios auquel répondent les cris d’allégresse (les évohés) des femmes.
2. Politique vs religieux : l’affrontement des pouvoirs
Dislocation, perversion et dégradation : Thèbes, la cité du désordre
L’arrivée de Dionysos dans la cité peut l’assimiler à un pharmakon, c’est-à-dire à un poison pour certains (Penthée, les femmes, même si elles ne s’en rendent pas compte) et à un remède pour d’autres (Tirésias...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Page de copyright
  4. Avant-propos
  5. Chapitre 1
  6. Chapitre 2
  7. Chapitre 3
  8. Chapitre 4
  9. Chapitre 5
  10. CHAPITRE 6
  11. Chapitre 7
  12. Chapitre 8
  13. Chapitre 9
  14. Chapitre 10
  15. Chapitre 11
  16. Chapitre 12
  17. Chapitre 13
  18. Chapitre 14
  19. Chapitre 15
  20. Chapitre 16
  21. Chapitre 17
  22. Table des matières