Survie ou métamorphose ?
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Survie ou métamorphose ?

L'avenir du catholicisme en France

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Survie ou métamorphose ?

L'avenir du catholicisme en France

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Des manifestations contre le « mariage pour tous », en 2012-2013, à l'attentat terroriste du 7 janvier 2015, les religions sont sur la place publique.Dans ce livre-entretien décapant, Mgr Claude Dagens revient sur cette actualité. Il dit non seulement ce qu'il pense, mais surtout ce qu'il espère pour le présent et l'avenir du catholicisme en France. L'espérance est possible au milieu même des violences du monde. Ce n'est pas de l'angélisme. C'est l'appel à faire une autre lecture de l'histoire humaine, qui, sans rien ignorer des rapports de force qui la marquent, ne se résigne jamais à l'inacceptable. Le combat pour l'espérance a lui aussi ses droits et son efficacité, dans la mesure où l'on se donne les moyens de capter les métamorphoses en cours.Mgr Claude Dagens est évêque d'Angoulême et membre de l'Académie française. Il est l'auteur du rapport Proposer la foi dans la société actuelle. Lettre aux catholiques de France (1996). Ses derniers ouvrages sont À l'ami qui s'est brisé. Lettres de Jésus à Judas (Bayard, 2014) et Saint Grégoire le Grand. Culture et expérience chrétiennes (Cerf, 2014). Il est également l'auteur d'une préface au livre de Madeleine Delbrêl, Ville marxiste, terre de mission (Nouvelle Cité, 2014).Benoît Guillou est journaliste et sociologue, auteur de Le Pardon est-il durable? Une enquête au Rwanda (Éditions François Bourin, 2014).

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Informations

ISBN
9782708244610

Chapitre 1
Les catholiques au milieu de la tempête

Benoît Guillou : Dans ce premier chapitre, je vous propose de revenir sur la mobilisation en France contre le « mariage pour tous ». En 2012-2013, des catholiques, au nom de leur foi, ont en effet investi massivement l'espace public. Comment avez-vous vécu ces événements ?
Mgr Claude Dagens : L'histoire est porteuse d'événements, parfois aussi de bouleversements ou d'évolutions par rapport auxquels nous avons à exercer un travail de discernement. Je voudrais répondre à votre question en accomplissant ce travail exigeant de discernement, auquel Jésus appelle ses disciples dans l'Évangile, lorsqu'il évoque les signes des temps, en avertissant : « Quand vous voyez un nuage se lever au couchant, aussitôt vous dites que la pluie vient, et ainsi arrive-t-il. Et quand souffle le vent du Midi, vous dites qu'il va faire chaud, et c'est ce qui arrive. Hypocrites, vous comprenez le visage de la terre et du ciel, et ce temps-ci, alors, comment ne le comprenez-vous pas ? » (Luc 12, 56). Je voudrais répondre à cet appel de Jésus en essayant de déchiffrer ces temps récents qui, dans notre société française, ont été marqués par ces manifestations contre la loi Taubira. En faisant ce travail de discernement, je réponds aussi à l'appel de notre pape François qui a recours lui aussi à ce vocabulaire des signes des temps, qui était le vocabulaire du pape Jean XXIII, au début du concile, et du concile Vatican II lui-même, notamment dans la Constitution sur l'Église dans le monde de ce temps, Gaudium et spes. Essayons de lire aussi paisiblement que possible ces signes des temps qu'ont constitué, de 2012 à 2013 et au-delà, ces réactions et ces manifestations publiques, concernant ce que l'on a appelé le « mariage pour tous », c'est-à-dire l'ouverture du mariage et de la filiation aux couples homosexuels.
Que s'est-il passé et quelles sont les personnes qui ont manifesté leurs convictions et leurs réactions d'une manière publique ? Il y a d'abord une réaction contre une loi que l'on estime contraire aux éléments fondamentaux de notre humanité commune, et en particulier du mariage entre l'homme et la femme. Peut-on établir une équivalence entre le mariage entre un homme et une femme et ce que l'on appelle « mariage » entre des personnes de même sexe, hommes ou femmes ? La loi, votée en juin 2013, reconnaît cette équivalence. Les défenseurs de la loi ont eu recours comme argument principal à l'égalité des droits mais derrière cet argument, on s'appuyait, pour justifier cette loi, sur des demandes individuelles. Or il me semble que dans la société où nous sommes et qui manque terriblement de repères, les demandes individuelles ne peuvent pas suffire, même si elles sont tout à fait réelles. Il fallait sans doute améliorer les conditions législatives pour les personnes homosexuelles mais on ne peut pas justifier une loi républicaine seulement par des demandes individuelles. Il faut pouvoir faire appel à des valeurs communes.
Mais il faut en venir à un deuxième élément que vous avez évoqué vous-même : quelles sont les personnes qui ont manifesté, en reconnaissant que parmi ces personnes, toutes n'étaient pas membres de l'Église catholique mais que beaucoup l'étaient ou le sont ? Que s'est-il donc passé pour ces personnes, souvent jeunes, notamment des jeunes couples avec des enfants ? Voici des générations relativement nouvelles qui viennent après une grande rupture de tradition, intervenue autour des années 1970 et qui a ébranlé la tradition catholique. On sait bien qu'il ne suffit pas d'appartenir à une famille catholique pour être catholique et pour devenir chrétien. Il y a donc rupture de tradition. Ces personnes qui ont entre 20 et 40 ans éprouvent de la difficulté à être reconnues comme chrétiennes et catholiques, dans notre société qui n'est plus chrétienne et pour laquelle la tradition catholique est, soit mise à l'écart, soit discréditée. Il y a donc une difficulté réelle à se situer comme croyants, chrétiens, catholiques, dans notre société sécularisée. Je crois que le point de départ fondamental est là : comment est-il possible de manifester personnellement et socialement que la réalité catholique, même si elle est devenue beaucoup moins nombreuse – je ne dirai pas minoritaire – est toujours réelle et présente dans notre société pluraliste ? Comment le manifester ? Un certain nombre de ces personnes ont estimé qu'il ne suffisait pas de manifester cette identité catholique à l'intérieur des cadres catholiques, et notamment des paroisses, mais qu'il fallait la manifester sur la place publique. Il y a donc eu des prises de position très fermes, quelquefois très virulentes, contre la loi Taubira, et le projet de manifester sur la place publique cette position, ce qui a eu lieu pendant les premiers mois de l'année 2013, du mois de janvier au mois d'avril.
Je n'oublie pas quelles ont été mes réactions, dès le mois de septembre. J'ai publié alors dans La Croix un article intitulé : « L'homosexualité, le mariage homosexuel et l'Église catholique ». J'y critiquais les motivations de la loi Taubira. À partir du mois de janvier, j'ai manifesté ma perplexité, voire mon inquiétude, au sujet de l'excès des manifestations, qui risquait de réveiller ce que des historiens comme Émile Poulat, spécialiste du catholicisme intransigeant, ont appelé « la guerre des deux France ». Cette guerre a ses lettres de noblesse dans l'histoire française, elle date du XIXe siècle, des lendemains de la Révolution au cours de laquelle, sous la Convention montagnarde et la Convention thermidorienne, ont été prises des mesures antichrétiennes, anticatholiques, jusqu'à la persécution. Il y a eu alors une réaction de défense de la part des catholiques, et cette réaction va être relancée avec l'avènement de la IIIe République et la mise en œuvre du projet laïc, notamment avec les lois de Jules Ferry en 1881-1882 et avec la loi de séparation des Églises et de l'État en 1905. Le catholicisme intransigeant est donc enraciné dans une longue histoire. En 2013, cette opposition des catholiques à une loi du gouvernement français se rattache à cette longue mémoire.
Elle correspond aussi à la difficulté éprouvée par des jeunes, et notamment des jeunes couples, pour affirmer leur identité catholique, alors qu'ils sentent bien, quelquefois dans leur propre famille, que cette identité catholique n'est plus du tout une évidence. La stratégie qui s'est déployée à partir de janvier 2013, d'abord sous la conduite de Frigide Barjot, d'une manière qui se voulait allègre, puis avec Ludovine de La Rochère, à partir du mois de mars, d'une manière beaucoup plus dure, voulait exprimer un rapport de force par rapport au gouvernement socialiste. Mais il me semble que ces manifestations, en se multipliant, ont pu donner l'illusion que pour reconquérir une place politique dans la société française, il suffisait pour les catholiques de manifester dans la rue, et spécialement à Paris. Il me semble que cela est une illusion. Pourquoi ? Parce qu'on enferme alors les catholiques, et d'une certaine manière l'Église catholique tout entière, dans un rapport de force : Église - État laïc et gouvernement socialiste. On oublie un élément constitutif de notre histoire : ces rapports de force et même ces conflits réels ne concernent pas seulement l'Église et l'État et leurs relations tantôt conflictuelles et tantôt apaisées, mais ils comportent trois termes : l'Église catholique, l'État laïc et la société, et une société qui est pluraliste et qui est devenue à la fois très fragile et très dure. Ces fragilités se manifestent notamment dans le domaine de la vie familiale, avec la multiplication des divorces, les incertitudes concernant un amour durable entre les hommes et les femmes, aggravées par les situations économiques de précarité qui pèsent également sur les familles. Cette société est devenue en même temps très dure, avec des phénomènes multipliés de pauvreté, notamment de pauvreté muette aussi bien dans les périphéries urbaines que dans des zones rurales. Beaucoup de personnes sont condamnées à l'isolement, victimes du surendettement, de l'abandon familial, des liens sociaux qui se défont. Je constate qu'il y a beaucoup de personnes en détresse, avec des suicides nombreux, notamment chez des agriculteurs qui ne voient plus d'avenir pour leur exploitation et qui ne vont pas manifester, eux, sur la place publique.
Nous vivons dans cette société qui est devenue incertaine et inquiète. C'est dans cette société que se sont manifestés des rapports de force entre l'Église et l'État. Mais la mission de l'Église n'est pas d'aggraver les durcissements et de dresser des murs, mais d'établir des ponts et de soutenir des chrétiens et des chrétiennes qui croient à la valeur du mariage, à l'engagement durable, à l'amour durable, mais qui ne doivent pas se présenter, comme le dit le pape François, comme des contrôleurs ou des douaniers, mais qui doivent éviter de mettre de l'huile sur le feu, en donnant des raisons d'espérer, dans des situations souvent très dures. Voilà les réalités à la fois religieuses et sociales qui sont à l'horizon de ces manifestations.
BG : Contrairement à l'image souvent monolithique qu'en donnent les médias, le catholicisme français est un monde pluriel. Cependant, lors des récentes manifestations, il a souvent été question des catholiques « tradis » ou « ultras » que vous évoquez. Que faut-il en penser ? Comment sont-ils parvenus à se fédérer ?
Mgr CD : Il faut faire un peu d'histoire. La tradition « ultra » vient de la Révolution française et des rapports de force à l'intérieur du monde catholique, tout au long du XIXe et du XXe siècle. On pouvait penser que tout cela s'était calmé mais ce n'est pas vrai. Revenons à ce que l'on a pu percevoir à travers ces manifestations nombreuses : même si tous les participants n'étaient pas catholiques, beaucoup se réclamaient de la tradition catholique. Un certain nombre de paroisses catholiques, notamment à Paris et dans la région parisienne et ailleurs dans certaines provinces françaises, se sont fortement et clairement engagées en faveur des manifestations, jusqu'à les annoncer au cours des offices religieux. Cela dit – mais je n'ai peut-être pas assez d'éléments pour faire une analyse fine – les participants étaient certainement d'une réelle diversité. Ce qui les fédérait, c'était l'opposition à la loi et l'opposition au gouvernement socialiste. Cette orientation politique était évidente. Certaines manifestations sont parties, quand la nuit tombait, de l'esplanade des Invalides jusqu'au rond-point des Champs-Élysées et jusque vers l'Élysée. Parmi les manifestants, il y avait beaucoup de jeunes couples avec des enfants, qu'ils emmenaient parfois à la manifestation, et aussi des gens qui étaient motivés non pas exactement par leur foi catholique mais par un usage politique de leur foi catholique. On peut même parler d'idéologie, au sens d'un système qui englobe tout, qui fournit des motivations pour tous les problèmes de l'existence. Le marxisme a été et demeure, mais d'une façon extrêmement réduite, une idéologie, c'est-à-dire un système de pensée qui se suffit à lui-même, qui est globalisant, totalisant, pour ne pas dire totalitaire. Il y avait chez un certain nombre de personnes, même si elles étaient animées par de bons sentiments, cette tendance à utiliser le catholicisme comme un système totalisant. Cela renvoie à la tradition maurrassienne.
Charles Maurras, au début du XXe siècle, a pensé de manière fort intelligente le catholicisme comme une idéologie, c'est-à-dire comme un système d'ordre qui s'était imposé sous la monarchie, qui connaissait une moindre extension sous la République – nous sommes au lendemain de la séparation de l'Église et de l'État –, mais qui pouvait reprendre consistance après la Séparation, en se redonnant les couleurs d'une idéologie s'imposant à l'ensemble de la société. Maurras percevait le catholicisme avant tout comme un système organique avec le pape, les évêques, un système façonné par la liturgie et qui pense l'identité catholique par opposition à la société moderne, démocratique. La tradition maurrassienne est antidémocratique. Elle considère que la démocratie est un mauvais système. Le catholicisme, selon Maurras, est appelé non pas à la rescousse, mais comme l'inspirateur d'un ordre qui doit s'imposer à toute la société. Il faut rappeler que Maurras a été condamné vigoureusement par le pape Pie XI, en 1926. Dans ces années-là, les personnes qui lisaient le journal et les œuvres de Maurras étaient condamnées par l'Église catholique à ne pas avoir d'obsèques religieuses. Ceci peut laisser des souvenirs terribles dans des familles qui ont beaucoup souffert de ces mesures. Dans les manifestations des années récentes, a certainement existé cette idée selon laquelle le catholicisme doit de nouveau se présenter comme un système d'ordre dans une société où la démocratie serait devenue un principe de désordre.
BG : Ce courant d'inspiration maurrassienne est par conséquent encore présent dans notre société.
Mgr CD : Ce courant, rarement de manière consciente, et souvent de manière inconsciente, est présent chez un certain nombre de Français et notamment de familles de tradition fortement catholique. Ces personnes estiment que les principes de l'ordre catholique valent spécialement dans le domaine familial. Cela vaut aussi pour l'attitude à l'égard des homosexuels car les homosexuels sont considérés comme des causes de désordre dans une société où la famille doit demeurer un principe d'ordre. Il arrive même – je l'ai entendu – que les homosexuels soient regardés comme des manifestations du diable.
BG : Encore aujourd'hui ?
Mgr CD : Oui, je peux l'attester, hélas ! Dès qu'il y a des allusions à la réalité homosexuelle, ces personnes voient rouge, c'est-à-dire elles voient le diable, elles perçoivent une réalité diabolique. C'est comme si on avait besoin, pour raisonner, d'un principe d'antagonisme, un principe manichéen, du nom de cet hérétique, probablement d'origine chrétienne, au IIIe siècle, Mani, qui conçoit la réalité du monde comme une opposition insurmontable, non seulement entre un camp du bien et un camp du mal, mais entre un dieu du bien et un dieu du mal, l'issue consistant à sortir de ce monde mauvais, en recueillant les particules de lumière dont nous sommes porteurs. Le manichéisme est une idéologie dont le principe est le dualisme, c'est-à-dire un face-à-face entre le camp du bien et le camp du mal, le dieu du bien et le dieu du mal. On ne peut se libérer qu'en faisant la guerre au camp du mal et en sortant de ce monde dominé par le mal.
BG : Finalement, le combat de ces catholiques dits « ultras » était avant tout un combat contre le mal ?
Mgr CD : Cette idéologie souvent inconsciente a joué certainement un rôle à l'intérieur de ces manifestations. Mais cette idée selon laquelle le mal aurait le dernier mot est courante dans notre société où le spectacle du mal déferle mais où la réalité du mal reste un mystère. En mars 2013, au moment de l'élection du pape François, j'avais acheté Paris Match, que je n'avais pas lu depuis longtemps. C'était pour l'élection du pape François, mais le même numéro évoquait aussi les meurtres accomplis par Mohammed Merah à Toulouse, un an plus tôt, et le suicide de cet avocat illustre et redouté qui s'appelait Maître Olivier Metzner. Je pense à l'article consacré au suicide de Maître Metzner, dans sa propriété de Bretagne. À la fin de ce récit, on racontait que Maître Metzner avait été interrogé il y a quelques années par un journaliste qui lui demandait : « Quelle est votre vision du monde ? » Maître Metzner, avocat illustre et ardent, avait répondu : « Le bien n'existe pas. » Je crois qu'il disait tout haut ce que beaucoup, y compris des catholiques, pensent parfois tout bas. Le bien n'existerait pas, le mal aurait le dernier mot.
La question qui est en jeu chez ces catholiques, dits « ultras », ce n'est pas la question de la liturgie, ce n'est même pas la question de la loi Taubira, c'est la question du mal et de la relation à Dieu face à l'expérience du mal. On peut alors se poser la question : avons-nous réellement le même Dieu ? C'est-à-dire, en quel Dieu croyons-nous ? Est-ce que nous croyons que Dieu se définit exclusivement comme l'Anti-Mal, le principe supérieur d'un ordre implacable, ou bien est-ce que nous croyons au Dieu qui envoie son Fils pour sauver le monde ? Non pas pour le détruire, mais pour le sauver, c'est-à-dire pour l'assumer de l'intérieur puisque Jésus, le Verbe fait chair, en s'incarnant, en prenant chair de notre chair, prend tout sur lui de notre condition humaine pour la transformer. La question fondamentale, pas seulement ultime, est là ! Quelle compréhension de Dieu, de la relation de Dieu au monde et de notre relation à Dieu ? Est-il le principe supérieur d'un ordre immuable ou est-Il le Père de Jésus, dont le Fils devient l'un d'entre nous, pour transformer de l'intérieur notre humanité, en l'assumant, comme le disait un Père de l'Église, Grégoire de Nysse : « N'est sauvé que ce qui est assumé. » En Jésus Christ, Dieu assume tout de notre condition humaine, tout ! C'est-à-dire aussi la mort, le mal, la lâcheté, la trahison, le péché. Il prend tout sur lui pour tout sauver ! « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font » (Luc 23, 34). La réalité à la fois primordiale et ultime du mystère de Dieu est là, c'est l'Alliance (berit en hébreu) avec notre humanité et l'« assomption » de notre humanité.
BG : Ce traditionalisme catholique ne vient-il pas de loin ?
Mgr CD : Vous avez raison. Mgr Lefebvre a été formé dans les années 1925 au Séminaire français de Rome, dont le supérieur, le père Le Floch, était un des plus ardents défenseurs de Maurras. En 1926 ou 1927, après la condamnation officielle et publique de Maurras, le père Le Floch a été ...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Introduction
  4. Chapitre 1 Les catholiques au milieu de la tempête
  5. Chapitre 2 L'élection et l'action du pape François
  6. Chapitre 3 Expériences et convictions d'un évêque heureux
  7. Chapitre 4 La Lettre des évêques aux catholiques de France, d'hier à aujourd'hui