Le comité d'entreprise de demain
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Le comité d'entreprise de demain

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Soixante-dix ans après leur création, quel est l'avenir des comités d'entreprise (CE)? Cette institution familière, qui concerne des dizaines de millions de salariés, est-elle en train de se banaliser en centrale d'achats de spectacles et de voyages aux meilleurs prix? À quelles conditions cette conquête sociale permettant l'accès de tous à la culture et l'implication des salariés dans la vie économique de l'entreprise peut-elle être un outil qui renforce leur pouvoir? Comment remédier aux inégalités criantes de moyens entre les CE des très grandes entreprises et ceux des PME? Fruit d'une longue enquête menée notamment dans le secteur des industries électriques et gazières, puis étendue sur un vaste réseau de CE en France, cet ouvrage repère les acquis des comités d'entreprise en matière d'information économique et d'expression collective des salariés, d'action culturelle et de tourisme populaire. Il met également le doigt sur les fragilités actuelles: carence d'intervention sur les orientations stratégiques de l'entreprise, difficulté à se mettre à l'écoute des aspirations individuelles des salariés, gestion coûteuse d'équipements et repli sur le seul horizon de l'entreprise. Michel Vakaloulis s'appuie sur ce diagnostic pour esquisser le CE de demain. Au lieu de formater la demande des salariés en laissant croire qu'ils ont tous les mêmes besoins, il pourrait devenir un lieu d'écoute de leurs aspirations singulières. Il élaborerait ainsi des réponses adéquates dans le domaine social, culturel et en matière économique. Cette démarche suppose des transformations importantes, notamment la mutualisation d'équipements et de services afin qu'ils bénéficient à des salariés d'autres entreprises des mêmes territoires. Alors que les critères financiers priment sur le travail humain, le CE peut devenir pour les salariés un précieux levier d'émancipation. Michel Vakaloulis, économiste de formation, docteur en philosophie, est maître de conférences en sciences politiques à l'université Paris-VIII. Spécialiste de la sociologie de l'action collective et de l'analyse des relations professionnelles, il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Précarisés, pas démotivés! (Les Éditions de l'Atelier, 2013) et Le capitalisme post-moderne (PUF, 2001).

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Informations

Année
2015
ISBN
9782708244641
Deuxième partie

UNE HISTOIRE D'AVENIR

Chapitre 3
La fabrique du collectif

Un virage historique

Dans le monde des industries électriques et gazières, un grand virage a été amorcé il y a deux décennies. Un vent de dérégulation souffle fort dans ce secteur « atypique », constitué de deux « opérateurs historiques » (EDF et GDF) autour desquels gravitent plus de cent cinquante sociétés anonymes ou des sociétés d'économie mixte de taille bien plus modeste. Engagée dès 1996 avec l'adoption d'une première directive européenne, suivie en 1998 d'une directive sur le gaz, l'ouverture à la concurrence des marchés de l'énergie remet en cause le modèle fondateur{18}.
La mise en œuvre de la « libéralisation » s'en prend, pour utiliser une métaphore d'informaticiens, aux « codes sources » de ce modèle. Le monopole public, l'identification à la Nation, le service public universel, la péréquation tarifaire (le KWh au même prix en tous lieux du territoire) se trouvent désormais dans le collimateur{19}. Comme l'a remarqué Marcel Boiteux, ancien président d'EDF (de 1967 à 1987) et l'un des artisans du développement du programme nucléaire civil en France, « il ne s'agit pas plus d'ouvrir la concurrence pour faire baisser les prix, mais d'élever les prix pour permettre la concurrence{20} ».
Le changement de statut{21}, la privatisation entamée des deux grandes entreprises publiques de ce secteur{22}, puis la fusion de Gaz de France et de Suez{23} créent une véritable onde de choc. La constitution de l'Union française de l'électricité (UFE) et de l'Union nationale des employeurs des industries gazières (UNEMIG) dans le sillage de la loi du 10 février 2000 déplace le centre de gravité de la régulation sociale des deux principaux opérateurs, EDF et GDF, vers la branche des industries électriques gazières{24}. Le statut des IEG reste en vigueur, mais ses conditions d'application évoluent désormais non pas par voie réglementaire mais par négociation collective. Les dispositions des instances représentatives du personnel de la branche des IEG s'alignent sur le droit commun des sociétés anonymes avec la mise en place des comités d'entreprise et des délégués du personnel. L'ouverture du marché entraîne une « normalisation » progressive du dialogue social. En parallèle, la gestion indépendante des activités sociales par des représentants du personnel dans le cadre de la CCAS est maintenue. Enfin, un décret du 30 mars 2007 donne naissance à la CAMIEG, organisme de sécurité sociale dont la mission est de prendre en charge la gestion du régime spécial d'assurance maladie des IEG. Les droits et les obligations des caisses mutuelles complémentaires et d'action sociale (CMCAS) dans ce domaine sont transférés à la CAMIEG.
Les déstabilisations en chaîne qui en résultent marquent intensément, et durablement, les représentations collectives des salariés. Ces derniers peinent à discerner dans la « transition » actuelle des éléments d'optimisme permettant de construire une vision d'avenir. La situation réglementaire est beaucoup plus incertaine que dans le passé. Avec la dérégulation des marchés de l'énergie en France et en Europe, les paradoxes se multiplient. En l'absence de vision d'ensemble, d'objectifs clairs, de concertation et de coopération basée sur l'identification d'intérêts communs, le marché « libéré » n'incite guère à l'enthousiasme.
À cela s'ajoute une série de transformations structurelles du salariat des IEG. On peut succinctement évoquer l'élévation des niveaux de formation, les changements de l'organisation du travail, la massification des catégories intermédiaires et de l'encadrement aux dépens des agents d'exécution, la féminisation de l'emploi, le recours accru à la sous-traitance, et surtout, le renouvellement considérable des générations qui se poursuivra dans les prochaines années. La conjonction de ces éléments modifie significativement les besoins et les attentes des populations de la branche. C'est dans ce contexte que s'engage le débat sur les missions, l'organisation et l'avenir des activités sociales des électriciens et gaziers.

Élargir l'horizon du possible

Quel est l'intérêt concret pour le syndicalisme d'intervenir directement dans les activités sociales, au lieu de s'investir prioritairement, sinon exclusivement, dans le champ économique de l'entreprise ? Les syndicalistes interrogés évoquent deux types de motifs qui se complètent largement. D'une part, l'implication dans les activités sociales permet de renforcer les liens humains dans l'entreprise et d'activer des leviers de valorisation des salariés saisis dans leur dimension extraprofessionnelle. Ces ressources relationnelles dépassent les clivages catégoriels et tendent à réhabiliter la dimension collective de la vie sur le lieu de travail et hors de celui-ci.
Les activités sociales sont, précisément, une opportunité institutionnelle de réarticuler une problématique liée au rapport de travail et une problématique sociale qui renvoie à la satisfaction de besoins vitaux des salariés dans les domaines de la culture, des loisirs ou des vacances. L'effet retour de cette mobilisation ne peut que valoriser l'image du syndicalisme. Il démontre sa capacité d'esquisser des pistes d'action pour améliorer la qualité de vie au travail, voire son utilité pratique pour rassembler les salariés à travers des activités de création, de culture et de découverte. C'est en ce sens qu'il faut comprendre la représentation des activités sociales comme « vitrine » d'un engagement qui relie le travail et la culture, au lieu de les séparer.
D'autre part, les activités sociales sont une véritable école de formation et de socialisation politique des militants. Elles facilitent l'expérimentation et l'approche « pragmatique » en articulant la dimension sociale, la visée solidaire et la responsabilité de la gestion économique. Elles favorisent l'acquisition de capacités d'analyse et d'anticipation, d'organisation et de projection, de prise de décision et d'innovation. « On est loin de la posture du syndicaliste idéologue qui se contente de proclamer : ``le patron peut et doit payer'' », remarque un dirigeant syndical Force ouvrière.
En somme, les activités sociales sont des pratiques syndicales à part entière. Il s'agit de considérer que le sport, les loisirs, la valorisation du temps libre des salariés constituent des enjeux trop importants pour rester en dehors du champ revendicatif du syndicalisme. Même s'il est insuffisamment reconnu, exploré et encouragé, l'engagement dans les activités sociales contribue à la formation de militants « aguerris », habiles, alertes, disposant d'une marque syndicale identifiable et exigeante.

Réinventer la solidarité

L'esprit de solidarité est une dimension constitutive des activités sociales des industries électriques gazières. C'est une manière de poser la question du sens à la fois dans et en dehors des frontières de l'entreprise. Comment entendre, pourtant, ce référent fertile en miroitements ? Comment l'assumer au moment où le débat sur l'individualisme bat son plein ? Comment réactualiser la solidarité sans réhabiliter le collectivisme d'antan ni entériner le retour déguisé du corporatisme ?

Une dimension identitaire

Les activités sociales font partie de la culture identitaire des IEG. Élément central du paysage social de cette branche industrielle, elles gardent entièrement intacte leur pertinence. Elles sont adossées au statut des industries électriques et gazières comme un outil moderne et solidaire, capable de répondre aux besoins des bénéficiaires. Aux côtés du salaire direct et de la sécurité de l'emploi, elles représentent un facteur d'attractivité pour les entreprises de ce secteur.
Il est caractéristique que les nouveaux embauchés des IEG dont les motivations d'entrée sont assez réalistes incluent spontanément ces activités dans la rémunération globale. Les prestations de ce qu'ils appellent « notre CE » sont considérées comme une « bonne récompense » pour le travail accompli, un « super avantage » qu'il faut conserver, un « lien humain » entre salariés qui n'est pas encombré par le fardeau des objectifs{25}. Même ceux qui ne participent pas immédiatement aux activités proposées, ou qui expriment des réserves sur ces propositions au regard de leurs demandes, savent que l'opportunité d'y recourir un jour existe. « Les jeunes viennent aussi pour le package social, cela fait partie du contrat social de l'entreprise », observe un représentant des employeurs.
En tant que composante du contrat salarial, les activités sociales des IEG participent aussi à la régulation interne des entreprises de la branche. Loin d'être « honteuses », comme s'efforcent de le faire croire leurs détracteurs, elles remplissent des fonctions « vertueuses » et contribuent à la consolidation des relations professionnelles. Elles renforcent à leur manière l'attachement des salariés à leur entreprise, y compris pour les entreprises locales de distribution de gaz et d'électricité. La possibilité des petites et des moyennes entreprises de la branche de garantir à leurs salariés l'accès aux activités sociales de la CCAS peut ainsi fonctionner comme un facteur de « fidélisation » des personnels concernés.

Des liens en partage

Les activités sociales participent à la construction du lien social dans le secteur des IEG. Elles sont synonymes de rencontre, d'interconnaissance, de mise en commun. Elles contribuent à humaniser et à personnaliser les rapports de travail contre les effets délétères de l'individualisme concurrentiel. L'évolution actuelle du monde du travail où l'on voit s'effriter la solidarité et grandir les sentiments d'isolement et de souffrance fait ressortir davantage la nécessité de retisser des liens et de bâtir des projets collectifs. Cet apport est reconnu au-delà du cercle des syndicalistes{26}.
Il existe certainement des catégories d'agents qui sont réfractaires à l'encadrement collectif des activités sociales. Attachés à un mode de consommation des loisirs « autonome » ou « à la carte », ils ne souhaitent pas partager du temps hors travail « entre collègues ». L'assimilation des activités sociales, par endroits, à un processus d'uniformisation contribue à entretenir cette posture de distanciation. L'image d'un « corporatisme » impulsé par des militants syndicaux aux discours « clivants » est assurément tenace.
En parallèle, les nouvelles organisations managériales suscitent des arbitrages individuels bien plus tranchés que jadis pour rééquilibrer les temps de vie entre le travail et la sphère privée. S'évader des soucis et des pressions de la vie professionnelle peut alors conduire à une radicalisation du droit à la déconnexion, jusqu'au point de refouler, le temps d'une parenthèse insouciante ou d'un congé bien mérité, tout ce qui rappelle l'existence de l'entreprise.
Mais ces aspects n'effacent pas l'image dynamique et valorisante des activités sociales. Il est sans doute indispensable d'articuler l'engagement solidaire et les aspirations au bien-être des salariés en dehors de toute considération philosophique et idéologique. Il n'empêche que dans un contexte marqué par la restructuration perpétuelle des collectifs de travail, les activités sociales sont souvent l'occasion de renouer des contacts personnels, de mener des apprentissages et des explorations, de se découvrir « ailleurs et autrement ».

Du côté des employeurs

Les représentants d'employeurs des IEG ont un regard extérieur sur les activités sociales de leur branche. À entendre leurs témoignages, cette institution n'est pas pour eux un monde familier. Ils ne se sentent pas directement concernés par le fonctionnement des activités sociales et ne souhaitent pas s'immiscer dans leur gestion. Ils admettent explicitement l'existence de champs de responsabilités séparés entre les directions d'entreprise et les représentants élus des salariés, sans contester dans son principe le mode de gouvernance de la CCAS ni vouloir entrer en « combat antinomique » avec les gestionnaires des activités sociales. « Les employeurs n'ont pas l'intention de liquider ce mode d'organisation », affirme un représentant des employeurs.
À défaut d'une vision intégrée et d'éléments d'objectivation pour étayer leurs appréciations, les acteurs dirigeants des IEG focalisent leur attention sur la rationalisation gestionnaire des activités sociales et le mode d'utilisation du fonds du 1 %. Certains enquêtés insistent sur le besoin de transformer cette institution largement « méconnue », « opaque », « sous-optimimisée » compte tenu des moyens considérables dont elle dispose pour la mettre en conformité avec les réalités économiques des IEG. Les défauts de communication de l'organisme sur ses propres qualités et avancées entravent également sa démarche de modernisation.
Toutefois, les employeurs ne demandent pas à s'impliquer dans la gouvernance et le contrôle des organismes qui gèrent les activités sociales en s'instituant comme « garde-fou » d'un système sur lequel, du reste, la loi leur dénie tout pouvoir de contrôle. Leurs préconisations portent sur la nécessité de responsabiliser davantage les gestionnaires des activités soc...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Introduction
  4. Première partie Comités d'entreprise et stratégies syndicales
  5. Deuxième partie UNE HISTOIRE D'AVENIR
  6. Troisième partie ASPECTS ET ENJEUX D'UNE REFONDATION
  7. En guise de conclusion
  8. Annexes