L'étonnement de croire
eBook - ePub

L'étonnement de croire

  1. French
  2. ePUB (adapté aux mobiles)
  3. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

L'étonnement de croire

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

« Ceux qui s'étonnent de croire comprennent ceux qui se montrent indifférents à la foi. Car l'indifférence pose à la foi la plus redoutable question: non pas l'opposition qui reconnaît toujours son adversaire et, par là, l'honore, mais celle du désintérêt. Le Christ s'est intéressé à l'homme, s'exposant à la mort publique et déshonorante. Et il ne force personne. Il est là, silencieux, sans reproche ni amertume. Disponible. Ce don total et muet attire ceux dont la totalité de la vie plonge dans un silence auquel nul autre ne fait attention. La percevoir, c'est prendre la route et faire son chemin. Non pas un système religieux, mais une conduite. Et une conduite accompagnée. » Albert Rouet Après avoir confié ses raisons de croire dans son livre J'aimerais vous dire (Bayard Éditions, 2009) vendu à plus de 30 000 exemplaires, Albert Rouet, archevêque émérite de Poitiers, met en évidence un fait souvent oublié, l'indifférence massive d'un nombre croissant de contemporains à l'égard de la foi chrétienne. Un tel constat remet en cause la posture du croyant bardé de certitudes. Si, en revanche, croire est un étonnement, un chemin peut s'ouvrir.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à L'étonnement de croire par Albert Rouet en format PDF et/ou ePUB. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

ISBN
9782708244078

Chapitre 1

Dialoguer selon le Concile

Dès avant le concile Vatican II, mais surtout après lui, toute pastorale tient au dialogue. Cependant, tout dialogue suppose un minimum d'accord, un socle commun afin que les interlocuteurs puissent se parler. Les divergences arrivent ensuite, comme des orientations vers d'autres horizons, mais à partir d'un même point de départ. Ainsi les variétés de roses procèdent des modulations, des évolutions – naturelles ou provoquées – d'un même églantier sauvage. Les rosiers divergent et parfois se ressemblent peu, mais ils proviennent tous d'une même souche lointaine. L'ancêtre du rosier déploie ainsi ses potentialités dans ses descendants, à la condition qu'ils ne lui restent pas identiques, par des influences extérieures de climat ou par des mariages inattendus de greffes et de sélections.
Ainsi en est-il du dialogue. Sans fondement accepté, pas d'échange possible. C'est pourquoi le dialogue n'avance réellement vers des découvertes qu'à la condition de creuser avec perspicacité les bases qui lui permettent de commencer. Le dialogue est un rappel de l'origine, une mémoire. Sinon, « On n'a rien à se dire » ou « C'est parler pour ne rien dire ».
Plus exactement encore, le cheminement vers une origine partagée – une même langue, une même culture, une même histoire –, qui favorise l'échange de paroles, fait apparaître aussi que la relation entretenue par les interlocuteurs avec cette origine objectivement commune diffère grandement de l'un à l'autre. Tel événement heureux pour l'un accable l'autre. Un mot neutre pour l'un déclenche des réactions fortement affectives chez l'autre. La relation à l'origine varie ainsi selon les personnes et tout dialogue relit ces interprétations spontanées. En cela, il est œuvre d'appauvrissement et de dépassement des charges émotionnelles, autant qu'élucidation des motifs inavoués qui attachent à ce dont on parle.
Faute de se livrer à cette ascèse de la rencontre, le dialogue est menacé d'un durcissement ou d'une évaporation. Durcissement des positions par crainte d'avoir à clarifier les relations affectives que l'on entretient avec l'objet dont on parle ; évaporation dans des généralités satisfaisantes, consensuelles et inopérantes, tels l'« humanité », l'« accueil de tous » et le « respect de chacun ». Tant d'efforts ne cherchent qu'à circonscrire et protéger l'intouchable : le jardin secret. Alors le dialogue conduit surtout à éviter de dialoguer. Chacun dessine à l'avance la cité interdite et le périmètre sanctuarisé. Le reste est zone franche : affranchi de droits.
Ce préambule paraîtra peut-être abstrait. Il n'est pourtant pas étranger à notre propos. Le dialogue avec l'islam porte ainsi lourdement le poids et les cicatrices de siècles de guerres et de colonisation. Hier, le dialogue avec les incroyants se divisait nettement entre ceux qui adhéraient au marxisme et ceux qui le rejetaient. Les incroyances n'avaient pas le même socle, les dialogues non plus. Aujourd'hui, l'autre, le vis-à-vis, l'interlocuteur, se définit comme scientifique, artiste ou technicien, etc. Souvent, mais pas toujours, des croyants qui partagent le même milieu de recherche et de travail, et sont reconnus dans leur compétence professionnelle, sont les derniers à pouvoir échanger. Paradoxalement, il arrive aussi que des personnes d'une qualification complètement distincte cultivent des relations étroites et fraternelles. Le dialogue n'obéit donc pas toujours à des critères prédéterminés qui conduiraient à la reproduction d'un « entre-soi » catégoriel.

Deux constatations

De si grandes variations sur un thème juste ébauché conduisent cependant à deux constatations. La première est que chaque partie est amenée à se positionner, « plutôt croyante » ou « plutôt incroyante », selon les expressions des sondages. On sait bien qu'un croyant est habité d'une part d'incroyance, de mal-croyance, sinon la foi coïnciderait avec une vision claire et définitive ; également, que chez l'incroyant brûle une recherche, une passion, un engagement professionnel ou familial, politique ou culturel, auquel il se donne, donc un élan généreux que certains, à la suite de Karl Jaspers{5} n'hésitent pas à nommer une « foi philosophique ». Sur ces bases, chaque partie connaît ou pressent ce qu'admet et tient pour vrai l'interlocuteur. Le mot est bien choisi : l'acte de parler, la « locution », s'édifie sur un entre-deux (inter-) qui favorise la rencontre. Au sens mineur du mot, une égale culture relie les personnes en présence : solidarité dans un engagement, amitié vécue dans une dynamique identique, partage d'une même histoire.
C'est avec ces interlocuteurs identifiés – « incroyants », « femmes et hommes de bonne volonté », athées militants, mais aussi croyants d'autres confessions chrétiennes ou d'autres religions – que l'Église de Vatican II s'est lancée dans l'aventure de « se faire conversation{6} ». Elle y a acquis une expérience certaine, d'autant plus nette et forte que ses correspondants se présentaient eux-mêmes avec des convictions repérables. La clarté dans les rencontres était manifeste, là où ne voyaient que piège, brouillard et séduction ceux qui se refusaient à entrer en dialogue. Il y eut des hauts et des bas, des reculs, des raideurs, mais la ténacité à conserver l'attitude d'écoute et d'accueil, de proposition et d'explication, traçait un chemin sur lequel les participants acceptaient de s'engager. Le dialogue naît d'une donation de soi qui se risque à l'inconnu de l'altérité !
Seconde constatation : si le dialogue requiert, à titre personnel, une telle présence à l'autre, faut-il pour autant aller jusqu'à l'institutionnaliser ? Cela existe dans le dialogue œcuménique, entre délégués de confessions diverses dotés d'un certain degré de représentation officielle. Selon l'adage, ce que ces confessions chrétiennes ont en commun est plus grand que ce qui les sépare. Autant ce fait se comprend entre émissaires de communautés chrétiennes, peut-il être élargi au dialogue avec les incroyants ? Les avantages sautent aux yeux : volonté d'ouverture, image positive des institutions, reconnaissance mutuelle d'un droit de l'autre à l'existence. Les inconvénients ne sont pas moindres... Quel type d'incroyant sera reconnu apte et légitime pour dialoguer ? N'est-ce pas créer une catégorie d'incroyants qui enferme dans un modèle protocolaire, transformant l'engagement relationnel en fonction de représentation quasi officielle ? Quel bénéfice en attendre qui ne soit une récupération subreptice ? Un face-à-face d'individus qui ne représentent qu'eux-mêmes et qui n'acceptent souvent le dialogue public avec une institution établie que pour complaire à des amis reste trop disproportionné pour que ces rencontres, dont l'intérêt n'est pas nul, méritent le titre de dialogue. En effet, les rencontres officielles poussent chacun à tenir une place, donc l'enferment dans sa position. Dans les échanges publics entre croyants et incroyants, si l'athée se convertit, que devient le dialogue ? Le médecin perd ses malades ! La pièce exige que les acteurs jouent leur rôle, sinon elle tombe. Après discussion sur le parvis, l'un rentre chez lui, l'autre dans la cathédrale, tous deux satisfaits de leur prestation, preuve de leur largeur d'esprit. Mais ces échanges constituent une reconnaissance réciproque, ils ouvrent à appréhender d'autres espaces culturels – ce qui n'est pas rien.
Loin de ces démonstrations, de nombreux dialogues entre deux personnes ou au sein de petits groupes, justement appelés « groupes de paroles », s'appuient sur d'autres fondements, en particulier sur la durée, sur le temps de s'apprivoiser (aurait dit Antoine de Saint-Exupéry !). Cette lente découverte apprend, au-delà même du sens des mots, leur poids, c'est-à-dire ce qu'ils pèsent dans l'histoire des partenaires, ce qu'ils ont coûté à une vie. La patience dans les relations fait germer des graines enfouies ; elle débride des plaies inavouées et laisse percevoir des espoirs secrets. La singularité se dévoile peu à peu, en aube de la rencontre et du partage.

Nommer l'autre

Ces remarques sur le dialogue, en particulier avec les incroyants, suffisent ici pour dégager une relative clarté sur ce qui est en cause. Une rapide étude de l'évolution du vocabulaire permettra d'éclairer notre propos. Le terme d'« incroyant » est globalement négatif : il désigne un homme qui ne croit pas face à l'aspect positif de celui qui croit. Il « manque ». Ainsi l'incroyant est-il tenu de légitimer le fait de ne pas croire, ce qui sous-entend que le croyant serait dispensé d'expliquer pourquoi, lui, croit, par une sorte d'accord majoritaire ou social. Trois fois dans l'histoire, l'évidence de la foi a été remise en cause par l'apparition de nouveaux vocables ou par une modification du sens des termes déjà existants. Chaque fois le fait correspond à une crise de la société.
Au cours du XIIe siècle, face à la trilogie des multiples hérésies locales, des juifs et de la « secte des Sarrasins », apparaît le terme de « mécréant », qui désigne celui qui croit mal et professe une « mauvaise foi » (dans les deux sens : erronée et hypocrite). C'est aussi une époque marquée par deux phénomènes : « D'une part l'invention de l'hérésie dans l'Occident médiéval aux XIe, XIIe et XIIIe siècles, d'autre part le “procès de rationalisation” que connaît le monde savant à la même époque{7}. »
Face à ces mutations culturelles et à l'émergence d'autres religions sur son territoire, la foi officielle manque de souplesse.
La Renaissance apporte de profondes turbulences : la mise à l'honneur des sources gréco-latines, l'invention de l'imprimerie, les guerres de religion, le goût pour de nouvelles expériences, la découverte de nouveaux mondes, etc. Autant de facteurs de crises pour faire naître un autre état de la culture et produire une autre façon de penser le monde. C'est alors qu'un vieil adjectif, « impie », se répand pour désigner les attitudes de mépris envers la religion. Celle-ci ne bénéficie plus en effet du pouvoir absolu des idées, des savoirs et des arts. Dans un livre déjà ancien et célèbre, bâti autour de Rabelais, Lucien Febvre note l'illogisme de l'auteur du Tiers Livre qui garde Dieu comme principe et fin et, entre ces deux bornes, souhaite « toutes choses et tous esprits rigoureusement ordonnés » – mais si peu avec Dieu. Parmi les causes de cet état d'esprit, il avance celle-ci : « [...] la philosophie, alors, ce ne sont que des opinions. Un chaos d'opinions, contradictoires et flottantes. Flottantes, parce qu'il leur manque encore une base stable et solide. La base assurée qui les consolidera. La Science{8}. »
Cela viendra vite, dès que tombera la rigueur scolastique.
On arrive ainsi à la fin du XIXe siècle, au milieu de l'ardente querelle entre la science et la foi. Les sciences se sont diversifiées, le vocabulaire s'est élargi. Le mot « libertin », affranchi, a perdu sa référence religieuse de sectaire opposé à tout système religieux qu'il avait encore au début du XVIIe siècle, pour ne désigner que les audaces scabreuses en morale ou en littérature. Mais deux mots nouveaux surgissent alors. Le premier n'a pas fait fortune : « aporétique » (1886) désigne la personne embarrassée dans une voie sans issue. Elle ne trouve aucun chemin (a-poros : « sans chemin ») pour sortir d'une contradiction portant sur l'existence ou l'inexistence de Dieu. Le second mot, « agnostique », venu d'Angleterre (1884), est promis à une longue carrière. Il définit ce qui est inconnu, en référence à la mention du « dieu inconnu » que Paul lit à Athènes (Ac 17, 23). De l'inconnu, le sens est passé à l'inconnaissable. L'agnostique suspend son jugement, estimant qu'il est impossible à l'homme de se prononcer. Il est au fond un fidéiste qui conduit sa position jusqu'à sa limite. Le fidéisme est une théorie selon laquelle, aucune preuve décisive ne s'imposant, l'homme décide volontairement de croire{9}. Quant à décider par soi-même, sur un tel sujet, autant décider de ne pas décider...
Ce rapide parcours historique illustre simplement que l'incroyance est une réalité qui accompagne l'histoire humaine. Mais les formes qu'elle prend, les représentations que s'en font les croyants dépendent de l'environnement culturel dans lequel vivent ces hommes. Par conséquent, lorsque les croyants s'estiment largement majoritaires, ils ont tendance à renvoyer les incroyants hors du monde et à en faire des exclus{10}.
L'exclusion n'est pas qu'une relégation, elle s'accompagne, au-delà des seuls mobiles rationnels, de décors émotifs et de représentations destinées à susciter l'effroi ou, à tout le moins, la mise à l'écart de la communauté. Car l'incroyant n'est pas seulement un homme non fréquentable, il ne doit pas être aimable. Pour renforcer cette volonté de se protéger de l'impie, on cultive les plus noires images (l'incroyant est « sans foi ni loi »), on use d'insultes. Dans la société du XXe siècle où la culture s'attache aux valeurs intellectuelles ou scientifiques, une première réaction cherche des personnes soucieuses de démontrer que foi et science ne s'excluent pas, des témoins à la fois savants et croyants : outre sa présence au laboratoire, Pasteur allait à la messe le dimanche. La foi se reconnaissait à la pratique cultuelle, selon l'antinomie entre spirituel et matériel héritée du siècle des Lumières. Même chose pour Branly. On sait combien il fut reproché au père Teilhard de Chardin de franchir la frontière entre ces deux domaines. La foi n'avait pas à faire de contrebande dans le pays du profane, attitude qui se retrouve dans les motifs qui conduisirent à la condamnation des prêtres-ouvriers en 1954.

Sortir du face-à-face : se convertir

De mécréant, l'incroyant devient impie puis libertin puis encore agnostique, avant d'être relégué dans un monde de la science et des évolutions sociales qui n'a, dit-on, plus rien à voir avec la sphère spirituelle administrée par l'Église. Un tel constat demeure cependant frustrant et décevant par sa passivité car il se contente de mettre en évidence les reflets d'une culture sur les expressions de la foi. C'est bien ainsi que, souvent, des historiens de l'art et des responsables des monuments historiques interprètent des œuvres religieuses : les matériaux, les techniques, l'état de la société, etc., étant ce qu'ils sont, leurs traductions en terrain religieux donnent ce qu'on voit, une œuvre religieuse produit de son temps. En ce cas, la foi comme telle ne prend aucune initiative, ne manifeste pas de créativité. Elle n'ouvre aucune nouveauté mais « commande des œuvres », ainsi que le faisait Nicolas Ier Joseph Esterházy, dit le Magnifique, auprès de Joseph Haydn.
Cette action en miroir anesthésie la capacité de la foi à modifier la conception et le cours du monde. On pourrait faire le même constat s'agissant d'...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Remerciements
  4. Partir sans carte
  5. Chapitre 1 Dialoguer selon le Concile
  6. Chapitre 2 Percevoir l'indifférence
  7. Chapitre 3 Libérer le désir
  8. Chapitre 4 Accepter le trouble
  9. Chapitre 5 Goûter l'existence
  10. Chapitre 6 Inventer une Église de la tendresse
  11. Chapitre 7 Pour vivre, entrer en relation
  12. Chapitre 8 Croire, c'est faire