Pour quoi nous travaillons ?
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À propos de ce livre

Pour quoi nous travaillons? Dans quel but passons-nous des milliers d'heures à faire en sorte que le produit que nous fabriquons, le service que nous rendons soient bien faits? Pourquoi, malgré tout ce qui l'entrave, sommes-nous si attachés à notre travail? Pourquoi en tirons-nous à la fois du plaisir, de la souffrance et de la fierté?C'est à partir de ces questions qu'est construit ce livre. La réalité vivante du travail a tendance à se dérober. Les mutations technologiques, les nouvelles techniques de management modifient son contenu. La précarités'est installée, la rentabilité financière à court terme a imprégné les manières de s'organiser. Mais la résistance des salariés soucieux de bien faire leur travail a mis en évidence les dysfonctionnements générés pardes stratégies incapables de répondre à leurs exigences d'être écoutés et reconnus. De nouveaux leviers d'action apparaissent: valorisation des métiers, prévention des accidents du travail et des maladies qu'ilgénère, création de solidarités avec des salariés précaires et isolés, démonstration de l'utilité de postes qu'une direction veut supprimer afin d'empêcher des licenciements... Autant de perspectives pour un mouvement syndical qui peut ainsi accompagner et amplifier les initiatives des salariés afin de les rendre efficaces.Cet ouvrage, fruit d'une démarche de recherche de la CGT sur le thème « Transformation du travail et émancipation », a été coordonné par Catherine Guaspare, sociologue, ingénieure d'études au CNRS, et Jacques Léger, ancien secrétaire général de l'Union départementale CGT de l'Essonne, coordinateur du comité de pilotage de cette recherche. Les auteurs: Yves Bongiorno est conseiller confédéral de la CGT. Il a été secrétaire général du syndicat CGT de Peugeot-Poissy et membre de la commission exécutive de la fédération CGT des travailleurs de la Métallurgie.Jean-Christophe Le Duigou a été secrétaire confédéral de la CGT de 1999 à 2009. Jean-François Naton, conseiller confédéral de la CGT, responsable du secteur Travail-Santé, est président de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles et vice-président de la branche Accident du travail-Maladies professionnelles de la Caisse nationale d'assurance maladie. Nasser Mansouri-Guilani est responsable des études économiques de la CGT et membre du Conseil économique, social et environnemental. Catherine Nédélec a été secrétaire générale de l'Union fédérale des ingénieurs cadres et techniciens (UFICT) Mines-Énergie et administratrice d'EDF.

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Informations

ISBN
9782708244238

Chapitre 1
Pour quoi nous travaillons ?

par Yves Bongiorno{4}
Le travail est tellement habituel et ancré dans la vie que l’on ne prend pas le temps de comprendre ce qui s’y passe. Pourtant, le regard sur lui, l’écoute des salariés sont source d’innombrables surprises. Ce premier chapitre est une invitation à voyager au cœur des secrets que renferme le travail.

Le travail, une valeur émancipatrice

« Quand on s’apprête à interroger les gens sur leur travail, on s’attend à ce qu’ils nous répondent qu’ils ne sont pas heureux. On se dit qu’en dix minutes, on aura fait le tour. C’est tout le contraire. Quand ils décrivent leur travail, ils sont intarissables. Ils racontent leur vie, le plaisir qu’ils ont et les difficultés, tous les travers [initiatives parfois interdites] qu’ils prennent pour faire un travail de qualité. Majoritairement, les gens aiment leur travail{5}. »
Voilà ce que les militants CGT de Renault-Le Mans ont découvert en se penchant sur la réalité du travail. Comme d’autres militants de plusieurs sites du groupe, patiemment, durant trois ans, ils ont décortiqué avec les travailleurs plusieurs de leurs postes{6}. Fabien Gache, délégué central, en exprime ainsi la motivation :
« Il y avait d’un côté la CGT qui dénonçait à juste titre les dégâts (conditions de vie et de travail, salaires, bordel organisationnel) de la stratégie de Renault et la direction qui, à renfort de médias, d’experts et tableurs Excel, expliquait la rationalité et l’efficacité de ses décisions (meilleure qualité, réduction des coûts...). Le quotidien des salariés, le réel de leur travail restait absent ou seulement évoqué sous la forme de “victimisation”. »
Les sondages confirment que, dans toute situation, les salariés tentent de trouver des satisfactions dans le travail. Selon Gérard Vallery{7}, professeur au Centre de recherches en psychologie, 91 % des Français marquent un intérêt pour le travail (ils sont 98 % chez les jeunes), 65 % ont des attentes très fortes en matière de réalisation et d’expression de soi et des souhaits de relations sociales{8}. « Je travaille dans une équipe où cela se passe bien, de manière conviviale », reconnaissent les uns. « Je dois avoir un travail intéressant et en être fier », affirment les autres.
D’où vient ce paradoxe qui fait que des salariés expriment un mal-vivre au travail tout en faisant leur possible pour aimer ce travail ?
Préalablement à son embauche, un travailleur a des motivations, des mobiles, des centres d’intérêt qui lui sont propres, ainsi qu’une histoire personnelle. Au moment où il accepte son contrat de travail, il semblerait qu’il accepte de se plier à une prescription, qu’il ne soit plus maître de la totalité de ses actes, comme si la finalité de son travail lui échappait.
S’il est vrai que cette dépendance du salarié à l’égard de l’employeur est bien réelle, il serait réducteur de considérer le travail comme l’exécution machinale d’ordres provenant du management ou des propriétaires de l’entreprise.
Avant d’y regarder de près, il ne faut pas oublier que le travailleur n’est ni un robot ni un animal, mais un être doué de conscience. Comme le constatent les anthropologues, l’homme a toujours eu la volonté de maîtriser son environnement pour maîtriser sa vie. Il tire parti de la nature qui l’environne quand il chasse, pêche ou pratique la cueillette ; il découvre qu’il peut semer, récolter et élever des animaux en inventant l’agriculture ; il fabrique des objets, domestique l’énergie.
Cette singularité est toujours vraie pour l’homme moderne. Voilà pourquoi, très vite, le travailleur se faufile dans des espaces de liberté qu’il s’aménage, qu’il agrandit, pour que son humanité puisse s’exprimer. Ces espaces proviennent pour la plupart d’une différence entre ce qu’on lui demande de faire (la prescription) et la réalité du travail qu’il doit réaliser pour que « cela marche » (effectuer un travail de qualité). Cette différence entre le prescrit et le réel existera toujours dans n’importe quel type de société, quelles que soient la précision et la qualité du travail prescrit.
Il y a des variables quotidiennes dans tous les domaines. Un jour, il fait chaud, le lendemain froid, ce type d’événement seul suffit à modifier les paramètres de production. Des imprévus de tous genres surviennent en permanence. Le travail humain ne se résume donc pas à l’exécution de tâches prescrites, il comprend toujours cette gestion des variables, des imprévus. Le salarié fait face à cette variabilité non programmable sans jamais perdre de vue la notion de travail bien fait. Si cette multitude de variables n’existait pas, l’homme serait facilement remplacé par une machine. C’est pourquoi on appelle « travail vivant » la part qui est due à l’initiative du travailleur, par opposition au travail « cristallisé » dans la machine ou dans le logiciel.
Tout travail nécessite l’implication intelligente du salarié. Sans elle, rien ne fonctionnerait : pas de train qui roulerait, pas de courant dans les prises. Un film récent, Cheminots{9}, montre les initiatives souvent contraires aux règles que les travailleurs prennent pour que les trains puissent partir. Un exemple : la direction de la SNCF a divisé l’entreprise en unités concurrentes, leur interdisant de se prêter du matériel ou de s’entraider gratuitement. Pour ne pas laisser les usagers sur le quai de Marseille, suite à une panne, des cheminots s’affranchissent de ces interdits. C’est ce que rapporte le film, lorsqu’un cheminot prend sans hésiter la décision de désobéir : « Il n’y a pas de correspondance autorisée, on se la fait à la sauvage. »
Bien d’autres expériences concrètes permettent de prendre conscience de ce que l’on appelle le « travail vivant ».
Une secrétaire de mairie raconte qu’elle avait remarqué que les formulaires administratifs commençaient toujours par « nom, prénom, pays de naissance » et que la xénophobie ambiante bloquait les personnes d’origine étrangère. Par conséquent, elle a pris l’initiative de remplir les formulaires dans un ordre qui les mette à l’aise, en finissant par le pays de naissance.
Même dans les cas extrêmes où l’objectif est de réduire ses initiatives à néant, le salarié va toujours faire intervenir son intelligence. Dans un entrepôt composé de nombreux casiers, une organisation du travail la plus inhumaine qui soit a été mise en place. Le salarié a des écouteurs aux oreilles et un micro. Un ordinateur lui commande de mettre tel produit à tel endroit et le salarié doit lui répondre au micro quand l’opération est exécutée. Au bout de quelque temps, on découvre que le salarié amoncelle les pièces dans ses bras en répondant oui à l’ordinateur et qu’il les range dans un ordre qu’il a décidé. Ainsi, il gagne du temps et s’aménage des espaces de liberté où il redevient un être humain et non le bras de la machine.
L’émancipation
« Le travail comporte toujours une dimension de contrainte, de dépossession de soi, d’aliénation : il faut laisser de côté ses préoccupations personnelles et se soumettre à des consignes et des normes de comportement fixées par la hiérarchie. Mais l’engagement dans le travail amorce aussi une dynamique d’émancipation. Et pas seulement parce qu’il permet d’accéder au statut d’adulte. Rapidement, le travailleur réalise qu’il ne peut pas s’en tenir à ce qui lui a été commandé. Plus son expérience augmente, plus il s’aperçoit que les consignes qu’il reçoit sont à la fois trop générales et trop étroites. Trop générales parce qu’elles témoignent d’une vision lointaine, théorique, de la production ; trop étroites parce que, centrées sur la production, elles ignorent tout ce qu’implique la préservation des relations sociales, des dispositifs techniques, de l’environnement. Pour pallier ces lacunes, le travailleur mobilise sa sensibilité, sa personnalité, son histoire – en somme tout ce qu’il était censé laisser derrière lui en prenant son poste de travail. Il se trouve alors engagé dans un processus de réappropriation qui lui permet de donner à son travail une forme dans laquelle il puisse se reconnaître. Insensiblement, ce mouvement le porte au-delà de lui-même : il avait laissé de côté ses soucis personnels, il les retrouve, mais élargis, sous la forme d’un intérêt pour le monde commun. Il découvre aussi ce que les autres travailleurs mettent d’eux-mêmes dans leur travail et cette rencontre est l’occasion pour chacun d’affiner et d’étendre son champ de perception et d’action.
Ce développement est la dynamique même de la santé. Mais il ne se déploie pas sans heurts. La pression exercée au nom des exigences de rentabilité tend à ramener le travail à ses formes abstraites, répétitives, dépersonnalisées. Affronter seul ce type de défi, c’est prendre le risque de basculer dans la maladie. Prolonger le mouvement d’émancipation impose de passer à un niveau supérieur. Il ne suffit plus d’investir ses propres valeurs dans les interstices de l’organisation. Il faut mettre en discussion la façon dont chacun s’efforce de colorer le monde, et construire ainsi la capacité à opposer collectivement les soucis et les normes, issues de l’expérience du travail, à la vision abstraite, financière, mise en avant par la gestion. Alors, la conscience collective de tout ce qu’ils font pour que la production sorte et que le travail garde forme humaine confère aux travailleurs l’autorité, la compétence et la force de se poser publiquement comme des acteurs ayant, autant que les directions, vocation à agir sur le monde. »
Philippe Davezies, 27 juin 2012.
C’est dans ces espaces de liberté que le travailleur met en cohérence ses motivations et mobiles d’avant-embauche et sa vie au travail. Ce rapport que l’on peut qualifier d’émancipateur persiste la plupart du temps, même s’il arrive qu’il s’émousse, notamment avec les années. En revanche, lorsqu’il est fortement mis à mal, cela peut devenir une catastrophe pour le fonctionnement des entreprises. Ce phénomène de lassitude des salariés que les patrons nomment « désengagement » commence à se développer. Pour eux, l’« engagement » concerne l’acceptation de la finalité de l’entreprise, mais couvre aussi la prise d’initiative des travailleurs. On comprend, par là, la multitude de recherches que les directions mènent pour améliorer la qualité de vie au travail, jusqu’à l’ouverture de négociations abordant ce thème.
Ce « désengagement » peut se déclencher quand la dignité des salariés est piétinée. Ils ont la possibilité de se contenter de respecter les consignes données par la hiérarchie, de s’abstenir de toute intervention intelligente sur les imprévus quotidiens et de paralyser ainsi le fonctionnement d’une entreprise. C’est ce qui est arrivé à Peugeot-Poissy en juin 1991. Un militant raconte :
« Lorsque la direction de Peugeot a tenté d’imposer les 4 fois 10 heures avec une journée flottante, nous avions organisé un vote au cours duquel 90 % des 4 000 salariés consultés, sur les 5 000 concernés, s’étaient prononcé contre cet horaire. Malgré cela, avec la complicité du syndicat maison CSL [Confédération des syndicats libres], la direction a imposé les 4 × 10. Dès le premier jour, l’usine ne tournait pas, il y avait des milliers de retouches{10}.
À la sortie, j’ai interrogé un salarié que je connaissais. Celui-ci montait des portes. Son travail consistait à prendre la porte qui se présentait dans un conteneur pour la poser sur la voiture qui passait devant lui. Il me dit : “La direction nous a pris pour des cons, on a travaillé comme des cons.” Il m’a expliqué qu’il y avait des couleurs de voitures différentes, avec des intérieurs différents suivant les options. En théorie, la bonne porte devait toujours arriver sur la voiture pour laquelle elle était destinée. Mais, de temps à autre, il y avait des erreurs [des variables imprévues]. Bien qu’on ne le lui ait jamais demandé, il avait l’habitude de surveiller en permanence si les portes qui allaient arriver dans la demi-heure étaient les bonnes. Et s’il voyait un problème, il le signalait au chef pour que celui-ci le corrige à temps. Quand la direction a imposé les 4 × 10, il a mis en sommeil cette intervention intelligente, il attendait le dernier moment (que la porte rouge, par exemple, arrive par erreur sur la voiture bleue) pour appeler le chef, et il était évidemment trop tard pour corriger l’erreur. Du coup, la voiture partait sans porte pour ne pas arrêter la chaîne. Multipliez ces dysfonctionnements par plusieurs milliers, et c’est la paralysie. »
Exemple type de réaction contraire à la nature des travailleurs qui habituellement font tout pour que l’activité marche. Mais, dans ce cas de figure, leur avis avait tellement été piétiné qu’ils ont figé la production. On pourrait nommer cet acte « désengagement actif ».
On a vu, dans différentes situations, la capacité des travailleurs à s’aménager des espaces d’intervention et de liberté allant parfois jusqu’à d...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Préface
  4. Introduction
  5. Chapitre 1 Pour quoi nous travaillons ?
  6. Chapitre 2 La santé au travail : pour une démarche préventive
  7. Chapitre 3 Surmonter l’obstacle de la finance
  8. Chapitre 4 Les évolutions du travail
  9. Chapitre 5 Des leviers pour transformer le travail
  10. Chapitre 6 Pour une politique du travail à l’échelle européenne
  11. Mode d’emploi