Je suis athée, croyez-moi
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Je suis athée, croyez-moi

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A propos de Dieu, le monde serait partagé en deux camps irréconciliables: d'un côté, ceux qui y croient; de l'autre, ceux qui nient son existence.Qu'a-t-il bien pu arriver à Victor Grezes, étudiant athée, pour qu'il s'embarque à vingt ans dans un tour du monde des initiatives interreligieuses en compagnie de quatre amis, respectivement juif, chrétien, musulman et agnostique? Pourquoi donc un athée convaincu a-t-il souhaité rencontrer le pape François, des rabbins, un cardinal, des imams, des prêtres shintos?Intrigué par la foi de ses amis croyants, Victor Grezes raconte son voyage dans l'univers des religions. Découvrant, parfois perplexe, le mur des Lamentations, les mosquées, les églises, les pagodes, Victor Grezes intrigue certains de ses interlocuteurs: « My God! Comment peut-onvivre sans Dieu? » Il questionne à son tour le sens des rites, de la prière et redécouvre les origines religieuses de sa famille... sans renoncer à son athéisme.Une conviction émerge de cet itinéraire atypique: la foi et la fraternité ne sont pas le monopole des religions. Ensemble, les hommes de bonne volonté, qu'ils soient croyants ou non, peuvent avancer dans un même élan: construire un présent et un avenir commun, à condition de laisser place aux idées de chacun.

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Informations

ISBN
9782708246454

Chapitre 1
Naissance d'un athée

J'ai 15 ans et je ne porte pas de croix ou d'étoile autour du cou. Je ne suis pas non plus circoncis et ne présente sur moi aucun signe pouvant attester d'une quelconque volonté de mes parents de me ranger dans la case d'une religion. Né en Auvergne, en plein cœur de la France au début des années 1990, fils d'un instituteur et d'une professeure de musique, je n'ai pas encore eu l'occasion de me poser de questions existentielles sur ma présence dans ce monde. Je ne vois par ailleurs aucune raison de m'inquiéter de ce que je pourrais devenir après ma mort.
Je suis pourtant confronté à une diversité de convictions religieuses depuis mon enfance. Quelques situations restent gravées dans ma mémoire, peut-être les premiers signes de l'ouverture à l'autre mais aussi sûrement les premières briques de la construction de mon identité d'athée. On pourrait croire qu'avoir grandi au cœur de la campagne auvergnate ne m'a pas mis en contact étroit avec la diversité, et pourtant, si on se donne la peine de chercher, on peut facilement se rendre compte que cette dernière est partout, parfois même là où on l'attend le moins, souvent dissimulée de peur de ne pas être comprise.
Si je me fie à ma mémoire, il me semble que c'est ma nourrice qui pour la première fois me fait entrer en contact avec la religion. C'est une vieille femme aimante qui a donné sa vie pour élever les enfants des autres. Elle s'appelle Marie, et son fils se prénomme Noël, aussi est-il relativement aisé de deviner ses racines chrétiennes. Jusqu'à mes 10 ans, avant de déménager de ma campagne vers la plus grande ville de Vichy, je passe ma préadolescence dans la Montagne bourbonnaise. Nous vivons dans un lieu-dit, une seule maison, ancienne fermette entourée de champs, de moutons et de maisons d'agriculteurs. Marie, qui réside dans le bourg voisin, me garde le soir en attendant que mes parents rentrent du travail.
Dans les villages de campagne, l'église côtoie l'école, la mairie et le cimetière. De modestes maisons entourent ces symboles de l'histoire de France, elles-mêmes bordées par les champs et autres petites routes sinueuses de montagne. Bâtie entre l'école et la boucherie du village, la maison de Marie, ancienne station-service abandonnée, offre chaleur et bienveillance. J'ai le souvenir d'avoir passé des heures à jouer devant chez elle sur une terrasse bordant la route déserte et faisant face à l'imposante église du village, rarement ouverte, un peu mystérieuse, mais qui, maîtresse du temps, continuait inlassablement à sonner toutes les heures.
Un jour, cherchant peut-être à me soustraire à la chaleur d'une fin de mois de juin, Marie m'emmène assister à une messe à l'intérieur de l'église, sage dame de pierre à l'odeur surannée. Je m'assieds sur un banc trop haut pour moi, sans trop écouter le prêche en cours, fasciné par la mystérieuse chaire de bois sombre qui me surplombe. Je n'ai jamais vu cela auparavant. D'ordinaire curieux, je ne pose pourtant pas de questions. Une première porte sur le monde de la foi s'est ouverte, sans pour autant se refermer sur moi, ne m'obligeant pas à avancer sur sa voie.
Régulièrement avec Marie nous partons en balade dans le village, faisant une halte par le passage obligé de la visite au cimetière. Elle fleurit quelques tombes, toutes jonchées de vieilles croix rouillées, la plupart en ruine. Elle m'explique qu'elle entretient le souvenir de ses proches, qu'ils sont maintenant dans un autre monde, auprès des anges, et qu'ils veillent sur elle. Me souvenant de ces discrètes allusions, je remercie Marie d'avoir tenu à mon innocence et de ne pas m'avoir imposé outre mesure sa foi chrétienne alors que j'étais si petit.
Un autre lieu sacré berce mon enfance. La partie maternelle de ma famille étant de tradition juive, je participe régulièrement à des fêtes religieuses avec mes grands-parents. La synagogue qui m'est la plus familière est celle de Vichy, un lieu de culte dissimulé au fond d'une ruelle au cœur de la ville, et dont la conception m'a toujours intrigué. J'y prends place régulièrement à l'occasion de cérémonies importantes. Contrairement aux églises, cet édifice religieux sépare les hommes, qui prient dans la pièce principale, des femmes réunies sur un balcon surplombant la salle de prières.
Dans mes premiers souvenirs, je ne suis pas avec les hommes, mais avec les femmes et les autres enfants, puisqu'il est admis que les plus jeunes soient aux côtés de leur mère à l'étage. Puis, ayant sans doute atteint l'âge nécessaire, je suis un jour invité à rejoindre les hommes, kippa sur la tête. Les visages sont familiers et le rabbin se balance d'avant en arrière en prononçant des mots incompréhensibles. Je me glisse dans les bras de mon grand-père sous un talith{1} tandis que résonne le son du shofar, cette corne de bélier au son si singulier dans laquelle on souffle pour annoncer la fin du jeûne.
Ces festivités ne revêtent alors pas à mon sens un caractère spirituel mais constituent plutôt un moment partagé avec mes proches qui eux-mêmes perpétuent une tradition familiale, en souvenir d'une histoire qui les a meurtris, mais qui pour moi n'est à ce moment-là rien d'autre qu'une célébration suivie de fêtes. Ma grand-mère passe des jours à confectionner de somptueux repas en s'attachant à perpétuer les traditions, et nous prononçons quelques mots dans une langue inconnue mais qui chante plusieurs fois par an à mon oreille d'enfant. C'est en participant à la bar-mitsva d'un cousin que je commence à entrevoir plus précisément l'attachement d'une partie de ma famille au judaïsme. Malgré les explications répétées d'année en année, au début de chaque fête religieuse, je ne comprendrai que plus tard ce à quoi tout ceci faisait référence. Une chose est sûre en tout cas : ces réjouissances ne constituent pas une invitation impérative à embrasser la religion juive.
Dans un autre contexte, ma rencontre avec le frère adoptif d'une de mes amies à l'école primaire reste l'une de mes plus marquantes. Je connais Marine depuis la petite section, ce qui n'est pas difficile dans les écoles de campagne où tout le monde se suit de classe en classe. Mon père étant l'unique professeur à enseigner aux élèves de CP de mon école, je suis fier d'être dans sa classe. Un jour, Marine nous explique que ses parents ont adopté un petit frère originaire de Madagascar et qu'il vient d'entrer en petite section de maternelle, à l'étage en dessous du nôtre. Nous jouons souvent avec Nicolas mais il est semble-t-il un peu gêné d'être le seul enfant noir dans cet environnement si différent de sa terre natale.
Si je considère l'arrivée de Nicolas comme particulièrement marquante, ce n'est pas tant par la nouveauté de sa couleur de peau, qui ne me pose aucun problème, mais plutôt du fait de la réaction de certains de mes camarades. Nous avons l'habitude de jouer dans la cour de l'école, un espace parsemé des vestiges du passé. Les toilettes extérieures désaffectées servent de rangement pour les quelques accessoires du bac à sable, un grand préau arborant des peintures d'anciens élèves sépare l'espace en deux parties, et partout le sol est parsemé de vieux pneus usés par le temps et qui, je dois bien l'avouer, sont nos jouets favoris. Les faire rouler dans des courses effrénées peut nous occuper des jours entiers.
Tout est fait pour nous permettre de jouer ensemble sans conflits. Pourtant un vendredi après-midi d'hiver, suite à une bousculade dans la cour de récréation pendant une bataille de boules de neige, une de mes camarades traite Nicolas de « caca noir ». Je n'ai jamais vu mon père se mettre dans une pareille colère. Toutefois, avec la bienveillance de ceux qui savent que crier ne résout pas les problèmes, il prend le temps nécessaire pour faire comprendre à cette petite fille la gravité de ses paroles ainsi que la douleur provoquée par celles-ci chez Nicolas et l'ensemble de mes camarades.
Je me souviens d'une longue discussion avec mes parents à ce propos. D'ordinaire si calmes, ils sont visiblement très heurtés par cette phrase et insistent pour que nous en parlions en famille. Ensemble, nous nous demandons surtout quelle peut être l'origine de telles idées. C'est ma première discussion politique d'adulte.
La vie continue, avec notre déménagement à Vichy, mon entrée au collège, l'arrivée au lycée dans la cour des grands, l'heure de se questionner sur la monotonie des cours, la finalité de l'école et de l'autorité... en somme, la crise d'adolescence.
Alors que je suis au collège, mon frère aîné bluffe toute la famille en s'inscrivant à un programme d'échange de jeunes du Rotary Club de Vichy afin de partir un an à l'étranger découvrir de nouvelles cultures, en l'occurrence en Afrique du Sud. Lui qui est si discret me fait vivre son voyage à travers de nombreuses photos et quelques récits, une invitation à découvrir le monde que je garde soigneusement dans un coin de ma mémoire.
Pendant son absence, nous recevons des jeunes dans notre maison puisque le programme d'échange implique que les familles françaises accueillent des étudiants venus d'ailleurs. Quelle n'est pas ma chance de recevoir à notre table tour à tour une sœur sud-africaine, une autre australienne, et enfin une Finlandaise. Si tout voyage est une rencontre, je découvre pour ma part que toute rencontre est un voyage. Pour la première fois je peux confronter ma culture à celle des autres, pleinement, sereinement, dans ma propre maison, au quotidien. Cette richesse culturelle à domicile vaut tout l'or du monde et c'est tout naturellement que, cinq ans plus tard, en juillet 2007, je m'envole à mon tour pour la même grande aventure.
Je profite de l'opportunité offerte par mon lycée d'effectuer une année de césure entre la fin de ma seconde et le début de ma première pour partir en Afrique du Sud. Je ne le fais pas par mimétisme, mais surtout parce que je sais que c'est un pays anglophone, multiculturel, très différent du modèle européen, et qui malgré les drames de l'histoire travaille à retrouver l'unité, riche de ses onze langues officielles. Bien que scolarisé sur place à Durban, je n'ai pas d'obligation de réussite vis-à-vis du système éducatif français et vais donc pouvoir, du haut de mes 15 ans, m'aventurer sur les routes de l'Afrique du Sud, du Mozambique et du Lesotho.
Arrivé sur place, je me trouve quelque peu irresponsable d'être parti seul, même si le Rotary Club nous accompagne et garantit les bonnes conditions de l'échange. Pourtant, je constate rapidement que s'il m'arrive de me retrouver parfois dans des situations dangereuses, je n'ai pas de crainte particulière et je me répète que la peur n'évite pas le danger. Je me sens un peu l'âme d'un aventurier, conscient de ma chance, et sans savoir alors que le voyage faisait partie de mon histoire familiale depuis plusieurs générations. L'Afrique du Sud est un pays qui regorge de beautés mais qui compte aussi parmi les plus dangereux du monde. Pendant une année entière, je suis immergé dans de nouvelles cultures, tour à tour accueilli dans des familles blanches, noires ou indiennes ; je porte l'uniforme pour aller à l'école ; j'apprends de nouvelles langues ; témoin privilégié de la reconstruction sociale d'un pays meurtri mais plus fort que jamais.
Me considérant moi-même comme athée, ou en tout cas sans pratique religieuse, je suis un peu gêné lorsque ma mère d'accueil, au moment de l'inscription dans mon lycée, me conseille très vivement de cocher la case « chrétien » afin de ne pas être stigmatisé. Comprenant qu'il est alors plus simple de rentrer dans le moule, j'accepte un peu machinalement. La Constitution de l'Afrique du Sud garantit la liberté de culte et la séparation de l'Église et de l'État, mais l'appartenance à telle ou telle religion est un très fort marqueur social, culturel et racial. Finalement, le fait que je ne sois pas « chrétien » n'est pas un problème en soi puisque la diversité des courants spirituels est très importante en Afrique du Sud. En revanche, la tolérance s'arrête aux frontières de la croyance, et l'athéisme n'est pas encore très bien accepté. Lorsque je me présente comme athée, je vois bien que mes interlocuteurs sont d'abord surpris, et ne savent pas vraiment comment réagir.
L'hymne national est d'ailleurs très empreint de spiritualité puisque ses premiers mots « Nkosi Sikelel'iAfrika » signifient « Que Dieu bénisse l'Afrique ». Puis vient alors : « Puisse son esprit s'élever vers les cieux. Que Dieu entende nos prières et nous bénisse, nous ses enfants d'Afrique. Que Dieu bénisse notre nation et qu'il supprime toute guerre et toute souffrance [...] »
La suite de l'hymne est un appel à l'unité, symbolisée par la composition même du chant qui alterne les cinq langues les plus parlées du pays : xhosa, zulu, sotho, afrikaans et anglais. Cette unité, sous la bénédiction de Dieu, est un enjeu essentiel de la reconstruction du pays, et il n'est d'ailleurs par rare de voir certains jeunes Afrikaners refuser de chanter les parties en dialectes africains, et inversement.
Mon lycée est semi-privé, comme la majorité des établissements, mais n'est aucunement l'un des plus cotés de la ville. Les Blancs et les Noirs y sont bien évidemment mélangés, et garçons et filles sont accueillis dans la même enceinte, ce qui est encore très peu répandu.
Le système scolaire sud-africain est calqué sur le modèle anglais et nous avons tous à l'école un petit livret de prières dans la poche gauche de nos blazers, que nous ouvrons deux fois par semaine afin de réciter des psaumes lors des « assemblées » regroupant l'ensemble des élèves. C'est aussi l'occasion d'écouter les informations importantes données par le proviseur et de chanter l'hymne national, puis celui de l'école intitulé Optima Semper (« Toujours le meilleur »). C'est d'ailleurs dans cet esprit que sont ensuite cités et félicités les élèves les plus méritants ou nos équipes sportives pour leurs résultats contre les autres lycées de la région.
Je ne récite pas les prières collectives mais je suis fasciné par le mouvement général, par la puissance et la beauté de tous ces jeunes qui expriment ensemble les mêmes paroles. Je suis là avec eux, tout en restant en retrait, tel un observateur. Je ne sais pas si cette communauté est faite pour moi, mais je sais que ma présence à leurs côtés témoigne de ma volonté d'avancer dans un même élan citoyen, quelle que soit ma religion, ma croyance ou ma foi.
Parmi les nombreuses activités de mes amis sud-africains, outre le rugby et le surf, les youth comities, sortes de rassemblements de jeunes croyants à l'église du quartier, sont une occasion pour jouer de la musique ensemble, parler un peu de Dieu et passer un bon moment. Rien à voir alors avec l'église intimidante et silencieuse de ma nourrice Marie. J'y vais quelques fois par curiosité, un peu encouragé par mes parents d'accueil qui m'enjoignent à découvrir de nouveaux cercles de socialisation. Ma mère m'ayant enseigné le piano, mon intégration a été très rapide et ma participation plutôt appréciée.
C'est l'occasion de revoir mes camarades de lycée et d'en rencontrer de nouveaux. Arriver dans un pays aussi lointain où personne ne parle votre langue requiert de forcer le destin pour élargir son réseau d'amis. J'ai l'habitude de m'asseoir en cercle avec une dizaine de jeunes pour discuter de nos vies, et évoquer ensemble leur religion. Souvent, nous prenons des Bibles pour les feuilleter et étudions des psaumes entre nous. Je n'exprime jamais clairement mon appartenance ou non à une religion mais ce n'est un problème ni pour eux ni pour moi, et personne ne semble avoir d'appréhension à ce sujet, contrairement aux adultes.
Un jour, lors d'une de leurs séances de lecture biblique, je propose une interprétation philosophiquement différente de la leur, ce qui leur plaît beaucoup, et nous continuons à en discuter pendant près d'une heure. Ils se mettent alors à me questionner sur ma foi et je leur réponds que je n'en ai pas. Étonnamment, cela soulève chez eux un intérêt bienveillant et tous souhaitent échanger plus longuement avec moi. Cette discussion me fait découvrir mon âme de tribun et mes capacités à développer des idées dans le domaine de la spiritualité.
Naïvement, j'explique que mes parents sont athées, que je ne suis pas baptisé, que je ne prie pas, que je ne crois pas en Dieu, et que pour moi la mort n'est pas le commencement de quelque chose d'autre. Nous nous amusons à chercher ensemble dans les Bibles que nous avons entre les mains tous les passages qui font écho en moi en tant qu'athée, ce qui nous fait beaucoup rire.
Je réalise ce jour-là que j'ai pris tellement de recul sur moi-même et sur les croyances des autres que je ne suis même pas chamboulé par ces discussions autour de la foi. Découvrir la croyance des autres et participer à certains de leurs cultes ne signifie pas que je doive obligatoirement y adhérer, d'ailleurs personne ne m'oblige à le faire. Finalement, nous ne sommes pas si différents sur le plan de nos valeurs. Suite à cette discussion, nous reprenons joyeusement la musique et les chants.

Chapitre 2
Sur les bancs de l'UNL

J'ai 17 ans et j'ai envie de nouveaux engagements. Après une année en immersion en Afrique du Sud et dans ses pays limitrophes, où j'ai vécu des expériences toutes plus intenses les unes que les autres, allant du plus haut saut à l'élastique du monde à la plongée sous-marine avec des requins en passant par l'apprentissage des rudiments de zulu pour communiquer avec mes nouveaux amis, il me faut maintenant revenir en France. Je dois reprendre mes études et essayer de mettre à profit ces nouvelles richesses emmagasinées pendant un an.
Le retour au lycée n'est pas facile car cette année de césure m'oblige à reprendre mon cursus en classe de première alors que tous mes amis entrent en terminale. Je ne m'y attendais pas, mais côtoyer de nouveaux camarades français s'avère finalement plus difficile que d'arriver seul dans une école sud-africaine. Les premiers mois sont une épreuve car je peine à partager mon expérience avec les autres, lesquels me semblent trop éloignés de mes nouvelles préoccupations. Heureusement, mes anciens amis sont encore présents pour me soutenir dans ces moments de solitude, même si nous ne sommes plus dans les mêmes cours.
La vie au lycée me semble bien ordinaire et ma difficulté à me replonger dans le bain de l'enseignement français en première scientifique, après une année à ne plus penser aux mathématiques ni aux dissertations, manque parfois d'entraîner chez moi le désir d'abandonner purement et simplement mes études. La monotonie du lycée me déprime...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Avant-propos
  4. Chapitre 1 Naissance d'un athée
  5. Chapitre 2 Sur les bancs de l'UNL
  6. Chapitre 3 Coexister
  7. Chapitre 4 Une vie sans Dieu
  8. Chapitre 5 Israël et Palestine : des murs et des ponts
  9. Chapitre 6 Europe : le pape me dit « tu es mon nouvel ami »
  10. Chapitre 7 Turquie et Liban : « On a prié pour toi »
  11. Chapitre 8 Afrique et Oman : « Je n'avais jamais discuté avec un athée »
  12. Chapitre 9 Inde : « C'est le mot “Dieu” qui crée les problèmes »
  13. Chapitre 10 Asie : l'esquisse d'une certitude
  14. Chapitre 11 L'heure du bilan
  15. Chapitre 12 Je suis diversité