Agir près de chez soi
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À propos de ce livre

Développer le pouvoir d'agir des citoyens à l'échelle d'un quartier, d'une ville ou d'un village, c'est l'un des axes majeurs de l'action des 2 000 centres sociaux présents dans toute la France. À rebours de l'idée reçue selon laquelle « pour résoudre les problèmes, il faut faire confiance aux experts », les équipes de salariés et de bénévoles de ces structures de proximité parient sur la capacité des habitants à imaginer des actions porteuses de transformations individuelles et collectives et à les mettre en oeuvre.Ce livre, qui recense plus de 25 initiatives portées par les citoyens eux-mêmes, nous emmène à la découverte d'un jardin partagé, d'une commission laïcité, d'une table de quartier, d'un journal, d'une laverie solidaire... L'occasion de rencontrer des jeunes et des moins jeunes, des pauvres et des moins pauvres, des urbains et des moins urbains qui chacun à leur façon réinventent le « vivre ensemble » et redynamisent les fondements de notre démocratie.Initié par la Fédération nationale des Centres sociaux et Socioculturels de France (FCSF), ce livre a été écrit par Anne Dhoquois, auteure et journaliste indépendante, ancienne rédactrice en chef des sites internet Place Publique et Banlieues Créatives.Il a été réalisé en collaboration avec François Vercoutère, délégué général de la FCSF, et Julien Bastide, délégué à la FCSF.

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Informations

Année
2017
ISBN
9782708250888
Partie II

S'organiser localement

« Jardiner, bricoler, ça ne change pas un quartier »

« Le purin d'ortie, c'est un engrais et un désherbant très puissant. Avec ça, même le chiendent tourne de l'œil », dit Roger avec son joli accent du Sud-Ouest. En retraite depuis belle lurette, le monsieur a fait carrière dans le commerce. Rien à voir avec le jardinage, à ranger dans la catégorie « histoire de famille ». Son grand-père lui en a en effet transmis la passion et la connaissance. Roger n'a pas eu envie de briser la chaîne du savoir. Depuis trois ans, c'est l'un des piliers du jardin partagé de la Règue Verte, un quartier de la commune de La Teste-de-Buch (33), l'une des plus étendues de France (180 km2), qui jouxte Arcachon. Du coin on connaît surtout le bassin éponyme et la dune du Pyla à côté de laquelle de jolis pavillons s'égrainent entre les pins. À la Règue Verte, « c'est le vertical qui domine », décrit Alain Villechenoux, référent pour le quartier du centre social de La Teste. Un vertical, tendance minéral, qui a pourtant pris le goût du végétal. À tel point que le jardinage a changé la physionomie du quartier et la vie de ses habitants.

Pédagogie et entraide

Alain est en poste depuis 2005, année de naissance de cette structure municipale. Les gens du coin – le quartier compte 300 logements sociaux et 500 habitants environ, dont une très grande majorité d'inactifs –, il les connaît tous. Et ça se voit. À peine entré dans la petite maison en bas des tours qui sert de local, il multiplie les bises et les serrages de main accompagnés de « Bonjour ma belle » ou de « Comment vas-tu mon Daniel ? ».
En ce lundi d'avril, le temps est au beau fixe, l'action se passe tout autant à l'intérieur – quelques seniors jouent aux cartes – qu'à l'extérieur où s'épanouit ledit jardin. D'un côté, une serre où s'empilent les semis amoureusement préparés par Roger aidé par quelques habitants pour ne pas avoir à acheter des plants ou des graines. « On a posé des planches à un niveau bas pour permettre aux enfants et aux seniors d'apprendre à faire des semis », commente Alain dont le leitmotiv est de n'exclure personne. De l'autre côté, dix parcelles de 6 m2 sont alignées. Dix parcelles pour dix familles qui entretiennent chacune leur bout de terre sous la houlette de Roger, jamais avare de conseils. Son regret : « Parfois, on a beau expliquer, les gens font des bêtises quand même, ils plantent trop ou mal. » Ce n'est pas le cas de Delphine, une de ses bonnes élèves, qui vit dans le quartier depuis quatre ans et jardine depuis deux. À 40 ans, cette femme en recherche d'emploi a d'abord planté haricots, salades et autres radis pour nourrir sa famille. « C'est satisfaisant de manger ce qu'on a fait pousser ; j'étais nulle en jardinage et voir que ça marche me donne confiance en moi », dit-elle. Ça, c'est pour la partie développement personnel. Mais, pour Delphine, les bienfaits du jardin vont bien plus loin. « Quand on a emménagé, le quartier me faisait peur. Aujourd'hui, c'est différent, le jardin crée du lien social, de l'entraide. L'an dernier, ça a tellement poussé que j'ai donné des légumes à mes voisins. » Roger, qui habite La Teste mais pas à la Règue Verte, abonde : « Avant c'était un quartier triste, chacun était reclus chez soi et personne ne se disait bonjour. Maintenant, avec le jardin, ce n'est plus pareil. » Un hommage collatéral qui semble une évidence pour tout le monde. Et pourtant, l'histoire de ce jardin extraordinaire ne fut pas un long fleuve tranquille.

Un collectif, ça se construit

Celui qui en parle le mieux, c'est Alain, qui à peine nommé à son poste de référent commence par organiser des réunions publiques et mène une enquête auprès des habitants pour recueillir leurs envies et leurs attentes. Le jardin étant plébiscité, il décide d'accompagner le lancement de cette activité avec les personnes les plus motivées. Un « collectif jardin », composé d'une dizaine de seniors, voit alors le jour. Mais, il ne faut pas attendre bien longtemps pour que le premier couac ait lieu. Alain raconte : « On venait de commencer l'activité et un framboisier a été volé. Ça m'a mis tellement en colère que j'ai dit : si c'est comme ça, on arrête tout. Le soir même le framboisier a été redéposé et depuis lors nous n'avons plus jamais eu de problèmes. »
Une clôture est quand même installée et le jardin devient peu à peu un lieu de partage. Les enfants de l'école d'à côté y suivent des ateliers pédagogiques, les animatrices du centre y organisent des cours de cuisine pour les adhérents et utilisent les récoltes du potager, etc. « Ma mission consiste à dynamiser », relate Alain. Une dynamique peu à peu freinée par le collectif, qui s'accapare le jardin. « Plus aucun nouveau ne pouvait s'y investir, se souvient-il. Ils avaient pris le pouvoir et ça, pour un centre social, c'est inacceptable. En 2008, j'ai pris la décision de casser le groupe et malgré les pleurs et les cris – une délégation a même été voir le maire –, j'ai tenu bon. Dès que les pionniers sont partis, il y a eu une réelle effervescence. Les gens motivés ont afflué de tous côtés. »

Autonomie et émulation

Reparti sur de bonnes bases, le jardin, qui bénéficie de l'aide des services techniques de la mairie, peut alors prendre toute sa dimension sociale et évoluer au gré des envies de ceux qui l'animent. Ainsi, en 2014, les parcelles ont été mises en place. Les familles qui en bénéficient durant un an signent un contrat (renouvelable) avec le centre social qui comprend à la fois des règles de vie (entraide, échange de produits, etc.), des contraintes en termes d'engagement (il faut venir s'occuper de son jardin au moins une fois par quinzaine) et des modes de jardinage respectueux de l'environnement. Ce règlement intérieur, ce sont les familles qui l'ont voulu et rédigé. « Les gens ont compris la démarche : tendre vers l'autogestion et l'autonomie des projets. L'important, ce n'est pas que le jardin soit joli, c'est qu'un maximum de gens participent ; c'est cela qui crée de l'émulation et du partage. Ainsi, certains produits issus des parcelles sont mis dans des ballots que des jeunes apportent au domicile de nos adhérents les plus âgés », commente Alain.
La clôture n'étant jamais fermée, même le week-end, le jardin ne désemplit pas. On y plante, on y cause, on y pique-nique. Une façon aussi de pousser la porte du centre social. Viviane, 60 ans, habite le quartier avec son fils de 15 ans. Si elle ne sous-estime pas les vertus du jardin en termes de sérénité et de convivialité, elle préfère souligner un autre de ses avantages : « Le jardin, ça a été le moyen d'intégrer le centre social. C'était plus simple pour moi de passer par ce biais-là. Depuis, je viens ici pour prendre l'air, rencontrer mes voisins, mais aussi pour parler et être écoutée. » Alain enchaîne : « Tout ça s'est fait sans réflexion, mais avec une bonne dose de pragmatisme ; un jardin, c'est un outil pour créer du lien social. Mais pas seulement : il y a eu un changement de comportement dans le quartier, les gens ne jettent plus leurs mégots par la fenêtre, ils tardent moins à payer leur loyer... Ils ne se sentent plus étrangers les uns aux autres, ce qui entraîne de la bonne humeur, du dialogue, un sentiment de sécurité mais aussi du respect. »

Une transformation qui en appelle d'autres

Car le jardin partagé s'étend désormais au-delà du centre social. Juste à côté, un petit terrain est en cours de préparation pour accueillir de nouvelles parcelles et satisfaire les attentes des habitants de plus en plus nombreux à vouloir s'essayer à cette activité. Aux manettes, on retrouve « notre » Roger mais aussi quatre services civiques, chapeautés par l'association Unis-Cité qui depuis 1994 propose à des jeunes de s'engager pour la collectivité. Camille, Charles-Eli, Benjamin et Rémy, qui ont dessiné le futur jardin, évoquent tous l'importance du travail en équipe, du partage de savoirs, de l'acquisition de compétences... sans oublier la fierté de contribuer à embellir le quartier, dont certains sont issus. Et ce n'est pas fini. L'un des principaux bailleurs de la Règue Verte, Gironde Habitat, intéressé par la démarche du jardin partagé, auréolé d'un Prix spécial des jardins solidaires décerné en 2015 par le jury régional du label Villes et villages fleuris, a décidé de dédier 100 m2 de terrain à une nouvelle expérience. Des jardinières de fleurs et des arbres vont prochainement y être installés selon un design imaginé par 150 habitants, qui fabriquent également bancs et tables pour rendre l'endroit convivial. « Ils sont devenus source de propositions. Et les projets fusent : à côté du local, on a monté un city stade, à la demande des jeunes du quartier. Avant, beaucoup d'entre eux étaient un peu voyous, aujourd'hui ils sont avec nous. On a de la force tous ensemble », s'enthousiasme Alain.

Le vélo convivial et solidaire

Cette phrase aurait tout aussi bien pu être prononcée à l'ombre des immeubles de la Noue, à Bagnolet (93). Le centre social Guy Toffoletti qui y officie a l'idée un jour de récupérer un container sans trop savoir quoi en faire. L'appel à bonnes idées est alors lancé. Très vite, une envie émerge de la part des habitants, le transformer en atelier de réparation de vélos. Dans la foulée, les jeunes lui trouvent un petit nom, le Cyclow est né, en tout cas dans les esprits. Reste à penser l'action de façon professionnelle, une démarche qui va prendre un an. Le centre social va alors faire appel à l'association Tous pour le vélo, dont l'un des objectifs est de promouvoir la circulation douce en ville et de développer des ateliers de réparation de deux-roues en recyclant les pièces détachées. Des séances de formation pour les animateurs du centre social et les habitants intéressés sont alors organisées aussi bien sur le plan pratique – de quels outils a-t-on besoin pour réparer un vélo ? – que social – comment laisser la place à chacun ? Car pour Alhassane Diallo, le directeur du centre social, « le Cyclow, c'est à la fois très opportun pour le quartier – beaucoup de vélos sont parqués sur les balcons juste parce qu'une roue est crevée ou que les freins sont mal réglés – et un prétexte pour générer des rencontres intergénérationnelles, du lien social, des échanges de savoirs... et donc de la solidarité ». C'est aussi un formidable vecteur de sensibilisation au développement durable, les réparations étant réalisées à partir de pièces récupérées sur d'anciens vélos. Un appel aux dons (de pièces détachées, de vélos cassés, etc.) et aux savoir-faire est lancé et, le 12 mars 2016, le premier Cyclow ouvre ses portes sur une esplanade au cœur du quartier. Ce jour-là, une quarantaine de vélos retrouvent une seconde vie, sans échange d'argent. Mais, ce n'est pas le seul avantage de l'action. Des adolescents du quartier, qui ont constitué un groupe autonome, ont installé un stand où ils assurent la vente de nourriture pour financer des séjours découvertes en France ou à l'étranger. Une ludothèque en plein air permet également d'occuper les plus petits. La formule est renouvelée une fois par mois. Alhassane Diallo dresse un premier bilan : « L'activité fonctionne bien, en termes de fréquentation mais aussi d'investissement des Bagnoletais. Pour nous, le Cyclow, c'est un outil de réappropriation de l'espace public par les gens et les acteurs locaux. » Autre bienfait de l'action : la diffusion de messages sur la prévention routière. Des balades à vélo sont ainsi organisées dans la communauté d'agglomération Est Ensemble, un excellent moyen d'expérimenter la place laissée aux deux-roues dans la ville.

Quand jardiner devient politique

Espace public, recyclage (permettant de ne pas dépenser le moindre centime), pédagogie... Même son de cloche au jardin partagé de la Règue Verte qui est également un vecteur de sensibilisation au développement durable et à la protection de la planète. 150 familles ont accepté de mettre leurs déchets dans des bio-seaux et de les déposer dans des aires de compostage. Pour plus d'efficacité encore, des formations au compost commencent à être organisées et des référents ont été nommés – deux par immeuble – pour diffuser l'information. Daniel, lui, est responsable de l'une des aires de compostage. Habitant du quartier depuis vingt-cinq ans, sans travail, il a été formé par le CCAS (centre communal d'action sociale). Une première étape qui le mènera peut-être vers un emploi de maître composteur. En attendant, Daniel prend ses fonctions très à cœur et souligne lui aussi les bienfaits des actions menées : « Le centre social a changé les mentalités et apporté le calme dans le quartier. Les jeunes sont encadrés, les avis des locataires sont pris en compte et pour ma part ça me permet de sortir de chez moi et de me sentir utile. »
Au moment de notre échange avec Daniel, « une petite mamie », comme l'appelle Alain, vient jeter ses déchets dans l'un des composteurs. Elle en profite pour boire un café avec « son Roger ». Pas loin, Viviane et les autres apprennent à faire des semis. Et tout à côté, des jeunes jouent au basket dans le city stade. Des scènes devenues banales à la Règue Verte mais qui, pour Alain, sont le signe d'une réelle réussite. Comment l'explique-t-il ? « C'est une question de méthodologie et de personnes car, sans les professionnels, ça ne pourrait pas marcher. Ceci dit, c'est un travail de longue haleine qui nécessite de la confiance, de la légitimité, de la crédibilité... et la carte blanche du maire. On a fait nos preuves, on a démontré qu'au centre tout le monde avait sa place et que notre objectif c'était de voir les résidents travailler ensemble. » Un discours qui rejoint celui de Patricia Wehrlé, la directrice du centre social de La Teste : « Les gens ne passent pas la porte de nos structures en disant “Bonjour, j'aimerais développer mon pouvoir d'agir”. D'abord, ils viennent pour être écoutés puis ils peuvent progressivement avoir envie de participer à des activités jusqu'à devenir force de propositions. La première étape, c'est la considération, ensuite on construit l'histoire. »

« La précarité engendre le repli sur soi »

« C'est trop bien ici, on s'rhabille pour rien », dit une dame de passage au vestiaire. Aujourd'hui, elle n'a rien pris. Mais elle repassera, c'est le principe. D'autant que ledit vestiaire est ouvert quatre fois dans la semaine au centre social du Vermandois, situé dans le quartier éponyme, le plus pauvre de la commune de Saint-Quentin (02). 9 000 habitants et une très grande précarité. La plupart vivent des minimas sociaux. Le travail, lui, est aux abonnés absents. « Y avait quatre usines avant. Trois ont fermé, explique Jean-Marc, bénévole. C'est pas pour moi que ça m'inquiète, je suis proche de la retraite. Mais nos jeunes, qu'est-ce qu'ils vont devenir ? » Et les jeunes, ils sont nombreux ce jour-là à cavaler dans le centre social dont les portes sont grandes ouvertes aux habitants du quartier. Surtout qu'aujourd'hui, il y a vestiaire mais aussi épicerie solidaire. Deux activités, regroupées sous le nom de « Solidacité » et coordonnées par Catherine Hombert, référente famille du centre social depuis 2006. Le nom du vestiaire, c'est elle qui l'a trouvé : « Au bonheur des échanges », allusion directe au livre de Zola. Le reste de l'histoire est collective.

Échanges et dignité

L'idée du vestiaire naît en 2012 d'un constat. Des gens de passage au centre social évoquent du linge qui encombre leurs armoires mais qu'ils ne veulent pas donner. Catherine écoute et approuve : « La gratuité, ça peut être humiliant. Ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on n'a pas d'estime de soi et de fierté », dit-elle. Le principe de base est posé : il y a une offre et une demande, les vêtements coûtent cher, surtout pour les parents bien obligés de s'adapter aux tailles changeantes de leurs bambins. Pantalons, chaussures, layette, etc. seront donc vendus 50 centimes l'unité. Sauf que quand la famille est nombreuse, ce prix symbolique ne l'est plus tout à fait. Catherine et son équipe de bénévoles trouvent un autre mode de fonctionnement : on prend des vêtements et, en contrepartie, on en donne ou on consacre du temps bénévolement à l'animation du vestiaire. Et ça marche. L'activité, irrégulière au démarrage, s'installe durablement dans la vie du centre.
Aujourd'hui, le vestiaire a pris place à l'accueil du secteur famille et il est ouvert quatre après-midi par semaine. Et ce grâce à l'implication d'une dizaine d'habitants du quartier qui trient les vêtements apportés, les repassent, les lavent parfois, les raccommodent si besoin et les rangent. Brigitte a été repérée par Catherine dans le cadre d'un atelier « alphabétisation ». Elle lui a proposé de s'investir dans le vestiaire et elle y a trouvé sa place et sa fonction : Brigitte s'occupe de l'accueil, propose un café et, à l'occasion, repasse les vêtements apportés. Cette femme d'une soixantaine d'années est timide et parle peu. Mais un grand sourire éclaire son visage. Isabelle, elle, est bénévole au vestiaire depuis le début du projet. Pour trier les vêtements, elle a le coup d'œil et montre aux nouveaux comment faire. Une occupation qui lui tient à cœur : « On lutte contre le gaspillage ; grâce au principe de l'échange, les vêtements circulent », explique-t-elle. Puis elle ajoute : « Venir ici, ça nous donne aussi l'occasion de parler de nos problèmes. Marie-José, une autre bénévole, et moi, on rencontre les mêmes difficultés avec nos enfants. Et puis, on n'a plus d'activités professionnelles ; c'est pas bon pour le moral de rester enfermés chez soi. Vaut mieux sortir et se rendre utiles. »
Un planning a été mis en place ainsi qu'une charte : le vestiaire ne s'adresse qu'aux adhérents, les vêtements apportés doivent être en bon état et propres, les habits à réparer sont acceptés, etc. Catherine ajoute : « Les vêtements sont exclusivement pour les gens du quartier, pas question qu'ils soient revendus ailleurs. » Un cadrage qui fonctionne : « le contrat moral est respecté », constate Isabelle, jamais à court d'idées pour améliorer l'aménagement du vestiaire. Elle a ainsi pris l'initiative de coller au mur des fiches avec les correspondances entre les centimètres parfois indiqués sur les vêtements pour enfants et les âges. « Ça facilite la recherche, explique-t-elle. C'est toujours comme ça, chacun apporte ses idées ; même un petit truc peut faciliter l'organisation. » De fait, le vestiaire est bien rangé, vêtements d'hiver d'un côté, vêtements d'été de l'autre, pantalons adultes sur les étagères, chemisiers et robes suspendus...

L'union des bénévoles fait la force

Une fois par mois, une épicerie ouvre également ses portes à côté du vestiaire. Catherine lui a aussi donné un petit nom, L'Essentiel, car on y trouve uniquement les produits de première nécessité. L'initiative avait été lancée par une autre salariée puis abandonnée car trop lourde à gérer. Quand le directeur du centre social demande à Catherine de relancer l'activité, elle accepte à certaines conditions : ouverture mensuelle et vente uniquement de produits secs (pâtes, riz, etc.) et d'hygiène – liste établie après avoir fait circuler un questionnaire dans le quartier sur les besoins des habitants. En mars 2015, L'Essentiel ouvre ses portes a...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Introduction
  4. Partie I. – S'approprier la réalité
  5. Partie II. – S'organiser localement
  6. Partie III. – Négocier avec ceux qui prennent les décisions
  7. Conclusion
  8. Contacts des centres sociaux
  9. Présentation du collectif Pouvoir d'agir
  10. Pouvoir d'agir : partenariat avec le Caf Lab de la Cnaf