Un printemps pour la République
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Un printemps pour la République

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Un printemps pour la République

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Invoquée pour conjurer les attentats djihadistes, convoquée pour justifier le basculement dans une régression sécuritaire, embaumée pour masquer la nature monarchique de sa Constitution, statufiée pour dissiper sa confiscation par une caste oligarchique, la République est épuisée d'être ainsi manipulée. Pour renaître, il lui faut un printemps, une sève démocratique qui fasse éclore la promesse d'égalité, de liberté et de fraternité qu'elle porte. Mais comment faire quand, de scrutin en scrutin, la confiance des citoyens dans les institutions et les partis de la République s'érode, quand les promesses d'égalité ne sont pas tenues et que la fraternité reste un voeu pieux? Comment sortir par le haut d'une crise politique où l'issue proposée est autoritaire ou technocratique?Dans cet essai incisif, Pierre Dharréville invite la République à se ressourcer dans les eaux vives d'une indispensable démocratisation et à se renouveler par la salutaire création de biens communs échappant à l'empire de la rentabilité financière.

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Informations

Chapitre 1
L'invention de la République

Il s'en trouvera pour dire que l'idée de République n'en est pas une, que l'idée de République n'existe pas. Que l'on aura beau parcourir l'histoire de l'Antiquité à nos jours, aller et retour, on ne parviendra pas à en reconstituer un portrait cohérent. Qu'elle relève, en fin de compte, de mythes et de mythologie. Or, il faut bien confesser que la palette est large des incarnations de l'idée républicaine dans l'histoire : elle est vieille comme le monde ! C'est pourquoi invoquer la République mérite qu'on précise de quoi l'on parle et quelle est la charge de sens que l'on reprend à son compte.
Depuis que le monde est monde, depuis que les humains se regroupent, qu'ils travaillent, qu'ils échangent, la question de l'organisation sociale et politique des communautés qu'ils forment est posée. La loi du plus fort a longtemps et souvent fait office de loi naturelle et, partant, de matrice. Mais à mesure que s'affirmaient des logiques de domination s'amorçaient également des velléités d'émancipation. Au cœur de ces contradictions, il fallait que s'édifient des institutions permettant de gérer les relations, le bien commun, les conflits, les problèmes, les projets...

Quel est le meilleur des régimes ?

Au fond, même si l'entreprise peut prêter à sourire, Platon n'avait peut-être pas tort de faire correspondre les régimes au caractère des individus. Car, pour le dire autrement, la nature d'un régime politique en dit long sur la façon dont on considère les humains et la nature humaine. « Si les espèces de cités sont au nombre de cinq, les dispositions de l'âme des individus seraient cinq elles aussi{18} », explique sous sa plume le redoutable Socrate. Ainsi, « l'homme qui est semblable à l'aristocratie » « est bon autant que juste ». « Celui qui a le goût de la victoire et des honneurs » est l'homme de la timocratie. L'homme de l'oligarchie, « ce sont les richesses qu'il estime le plus ». La démocratie est le régime de l'homme « dont la loi est l'égalité » et pour lequel il n'est « ni ligne directrice ni contrainte qui s'imposent à sa vie ». Quant à la tyrannie, elle correspondrait à l'homme qui « ne s'abstient plus de goûter au sang de sa propre tribu ». Le régime politique traduit donc une certaine conception de l'humain. C'est pourquoi il faut que l'humain fasse un régime à sa mesure !
Car Aristote ne proclamait-il pas que « l'homme est un animal politique », c'est-à-dire que « même quand ils n'ont pas besoin de l'aide des autres, les humains n'en désirent pas moins vivre ensemble{19} » ? Certes, ils y trouvent un « avantage commun », « mais ils se rassemblent et ils perpétuent la communauté politique aussi dans le seul but de vivre ».
Ainsi, dès l'Antiquité, la domination d'un seul sur tous, quelle que soit la légitimité qu'il se donne, est discutée en tant que norme. On peut considérer que les différents types de régimes évoqués seraient autant de déclinaisons possibles de l'organisation de la cité, supposés s'emboîter dans un cycle au fil des dégradations de chacun. Sont-ce tous des régimes républicains ? Platon délimite plus le champ de la politique que de la république. Dans les cinq formes qu'il distingue, la décision est plus ou moins privatisée, et inversement, plus ou moins socialisée, selon les déterminants. Suffit-il qu'elle soit tant soit peu socialisée pour entrer en république ? Voire.
Si Platon estime que les hommes ne sont pas tous égaux, puisqu'il en existe d'excellents, Aristote pense que, s'ils peuvent être égaux en certaines choses, en d'autres ils ne le sont pas. Avec les paradigmes de leur époque, comme ils s'adonnent à la science politique en s'essayant à classer les différents régimes connus, et à expliquer par quels mécanismes de dégénérescence ils se succèdent, il apparaît que, pour eux, le meilleur des régimes, c'est le régime des meilleurs, l'aristocratie{20}. Qui sont les meilleurs ? Les sachants – ce qui nous écarte un peu des plus forts, quand même...
En écho, pour Platon, dans une cité, les vertus cardinales sont au nombre de quatre : sagesse, courage, tempérance et justice. Et toutes ces qualités recoupent celles qui devraient être celles des philosophes, n'est-ce pas ? Les meilleurs seraient donc les philosophes, à condition qu'ils ne soient pas trop misanthropes à force de mesurer ce qui les sépare du commun des mortels et de leur médiocrité... On résume à grands traits.
Cette conception renvoie à l'idée d'une République des experts, à une forme de scientisme qui voudrait que la politique ne consiste pas à construire du commun en dépassant des contradictions mais à mettre en œuvre des solutions établies ex cathedra par l'imposition de la raison triomphante, en dehors de toute délibération commune. La politique comme pratique de la vérité plutôt que du choix. On a connu ça dans l'histoire.

De la chose publique à la république

Politique et république, les deux termes s'enlacent et s'entrelacent des siècles durant – ce qui a trait à la cité, ce qui relève de la chose publique –, avant que les deux mots ne se distinguent au fil du temps. On entend par le mot « politique », de façon générale, la direction imprimée au cours des choses par ceux-là qui décident, souvent habitée d'une dimension particulière, celle de la science des rapports de force et des comportements – individuels comme collectifs – qui accompagne l'exercice du pouvoir. Ainsi, nombre d'écrits politiques, prenant souvent la forme de conseils au Prince comme ceux de Nicolas Machiavel, explorent la politique sous cet angle et participent de sa définition empirique.
Qu'entend-on dans le mot « république » ? Il y a d'abord le sens large : la chose publique, les affaires publiques. Le bien commun, peut-être – et la chose a de l'importance. Ce qui ne relève pas d'un individu isolé mais se rapporte à l'intérêt de tous (périmètre à définir, enjeu de conflits et de débats). Par extension, la république s'est ainsi mise à désigner l'organisation conçue pour administrer les affaires de la cité, c'est-à-dire l'État. L'organisation publique comme extension intégrée au bien commun. Ainsi la définissait le juriste Jean Bodin{21}, quatre ans après les massacres de la Saint-Barthélemy : « République est un droit gouvernement de plusieurs ménages, et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine. » Et de préciser que « l'État souverain est plus fort que les lois civiles et doit être uniquement soumis aux lois naturelles et divines ». Premier stade. L'État fait ainsi la loi selon l'ordre qui s'impose : il s'auto-légitime.
Aussi, à la station suivante, la république a fini par désigner un État de droit, où le pouvoir n'est pas renvoyé au bon vouloir fluctuant d'un seul, ou à la loi supposée naturelle de la force, mais où il existe des règles établies et reconnues et, pour les individus, des droits qui réduisent d'autant le champ de l'arbitraire. Deuxième stade.
« J'appelle donc république un État régi par des lois. Sous quelque forme d'administration que ce puisse être ; car alors seulement l'intérêt public gouverne, et la chose publique est quelque chose », écrivait Jean-Jacques Rousseau dans Du contrat social{22}. Mais son approche va au-delà ; elle ouvre sur un troisième stade de définition de la république, dès lors qu'il précise entendre la loi comme étant nécessairement l'expression de la « volonté générale » et déclare que « tout gouvernement légitime est républicain ». Il est donc question de fonder la souveraineté, d'établir sa légitimité. Dans le même ordre d'idées, en 1765 dans l'Encyclopédie, Louis de Jaucourt décrit la république comme « forme de gouvernement dans lequel le peuple en corps ou seulement une partie du peuple a la souveraine puissance ». À ce stade, la république ne paraît pas incompatible avec l'existence d'un monarque, dont le pouvoir peut tout à fait être tempéré ou circonscrit par une Constitution.
Pourtant, lorsqu'en 509 avant Jésus-Christ le roi de Rome Tarquin le Superbe fut chassé par les patriciens, ceux-ci instaurèrent un nouveau gouvernement sans roi, entretenant le rejet de ce régime et des penchants tyranniques qui lui étaient reprochés. Et ils lui donnèrent le nom de République. Après bien des évolutions institutionnelles, en 29 avant Jésus-Christ, lorsque la République romaine expira alors qu'elle était de fait devenue un empire s'étendant bien au-delà des murs de la Ville éternelle, ce fut parce que Auguste avait remporté la partie engagée contre les grandes familles patriciennes qui se disputaient les titres, les honneurs et les charges. Au-delà des luttes intestines, la mort de César, précédant la prise de pouvoir d'Auguste, fut imputée par Plutarque au « désir qu'il eut de se faire déclarer roi{23} », ce qui témoigne encore de la sensibilité de la question et de l'antinomie établie entre un pouvoir monarchique et un pouvoir républicain. Qu'on s'appelle roi, empereur, césar ou tyran, l'exercice solitaire du pouvoir et les tentatives héréditaires qui s'y adjoignent relèvent d'une logique dont la république ne peut s'accommoder.

La république porte la marque de la Révolution

Ce fut la Révolution française qui permit de renouer avec l'opposition classique entre république et monarchie. Cette affirmation pourrait paraître un peu présomptueuse, semblant perpétuer un universalisme ethnocentré et conquérant un peu surdimensionné. Mais l'historien britannique Éric Hobsbawm{24} ne relit-il pas l'histoire du siècle à l'aune de deux révolutions concomitantes : la révolution industrielle et la Révolution française ? D'elle, il dit qu'elle est « la révolution de son époque », « comme une borne dans l'histoire de toutes les nations », dont des répercussions se font sentir jusqu'en Amérique latine ou au Bengale et servant « de modèle à tous les mouvements révolutionnaires qui l'ont suivie ». Sans doute la raison en réside-t-elle justement dans la façon dont elle est venue augmenter, transcender, subvertir, ou peut-être révéler – si l'on se laisse un peu aller – le sens du mot « république ».
Dès 1789, alors que l'absolutisme n'est plus mais que le monarque demeure, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen établit que « la source de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation ». Les révolutionnaires n'en tirent pas immédiatement toutes les conclusions. Ce sont, d'une part l'attitude du roi qui s'est dévoilé sous un jour peu loyal le 21 juin 1791 en prenant la fuite, avant d'être arrêté à Varennes, et d'autre part la réaction des têtes couronnées d'Europe qui ne veulent pas voir leur domination si radicalement mise en cause, qui amènent la clarification et la fondation de la République française. La Constitution établie le 11 septembre 1791 est celle d'une monarchie constitutionnelle qui voit sa fin lors de la journée révolutionnaire du 10 août 1792, avec la prise des Tuileries par le peuple de Paris.
Après avoir aboli la royauté le 21 septembre 1792, premier geste de la Convention, l'an I de la République française est décrété dès le lendemain, et celle-ci est qualifiée trois jours plus tard par les mots « une et indivisible ». Prisonnier, Louis XVI est jugé, condamné, puis exécuté le 21 janvier 1793. Le roi est mort, vive la République. C'est là qu'est l'acte de naissance. Car ce régime sans roi, sans autorité illégitime, est forcément... une république. Quoi d'autre ?
Mais l'événement va bien au-delà pour l'idée qui nous occupe : avec la Révolution française, république et démocratie se confondent désormais. Faut-il rappeler qu'en 1791 le suffrage est censitaire (créant deux catégories de citoyens, les passifs et les actifs) et qu'il ne cesse de l'être – sans pour autant s'ouvrir aux femmes – qu'à la faveur du changement de régime, avec l'élection de la Convention ? Mais cela n'empêche pas toute une partie des forces qui ont fait 1789 de résister à l'irruption populaire et à ce qu'elles estiment être son penchant naturel pour les excès – parmi lesquels on trouvera sans coup férir la revendication sociale. Lutte sempiternelle de ceux qui veulent préserver leur position dominante et leurs intérêts contre ceux qui « n'ont à perdre que leurs chaînes et un monde à gagner{25} », si l'on peut déjà dire. Alors, où arrêter la révolution en marche ? Jusqu'où appliquer la démocratie ? « Une monarchie constitutionnelle, fondée sur une oligarchie de propriétaires s'exprimant à travers une assemblée représentative convenait mieux à la plupart des bourgeois libéraux qu'une république démocratique qu'on aurait pu croire l'expression plus logique de leurs aspirations de principe{26} », selon Éric Hobsbawm. Mais « le peuple est bien grandi, à la fin de 1792, en puissance politique et en puissance sociale{27} », comme l'écrit Jean Jaurès. Un peuple urbain d'ouvriers et d'artisans, qui n'est pas encore passé par la révolution industrielle. L'aspiration démocratique est là, dans les cahiers de doléances, dans le foisonnement des journaux, dans les assemblées et les clubs, dans la marche des fédérés marseillais, dans les journées révolutionnaires, dans la soif d'intervention populaire qui jaillit. Le refus de l'absolutisme ne suffit plus. Le refus de la monarchie est dépassé. S'ouvre un rêve si neuf... qui voit la Constitution de 1793 – jamais appliquée – pousser les feux d'un régime de type radicalement nouveau. Dans la foulée de la proclamation de la République, la Constitution élaborée établit des droits économiques et sociaux, renforce la souveraineté populaire en organisant l'élaboration de la loi depuis des assemblées locales et en prévoyant qu'une loi puisse être contestée, s'élève contre l'esclavage... Hélas, « les circonstances ont imposé momentanément une autre démarche, pour la défense du Salut public{28} », explique Michel Vovelle. Et l'on n'y reviendra pas. Une fois l'épisode terminé, c'est une autre Constitution, aux accents beaucoup moins démocratiques, qui verra le jour. Une République au petit pied.
La parenthèse s'est refermée. Le Directoire va poser les verrous et les scellés. Le peuple est entré dans l'histoire, en politique, par effraction. On l'a remis à sa place. La démocratie serait-elle affaire de gens raisonnables ? De notables ? L'affaire des « meilleurs » d'entre nous ? Et qui peut les désigner, ces êtres supérieurs ? Sur quels critères ? C'est la mécanique sociale qui les génère, au fond, sur la base de la propriété.

La République malmenée

Nicolas Machiavel, dans Le Prince, avait déjà remarqué que la société se séparait en deux, « les grands » et « le peuple », « car en toute société on trouve ces deux humeurs différentes ; et cela vient de ce que le peuple désire ne pas être commandé ni opprimé par les grands ; et de ce que les grands désirent commander et opprimer le peuple{29} ». Pour lui, « on ne peut honnêtement et sans faire tort à autrui satisfaire les grands ». En effet, « le désir du peuple est plus honnête que celui des grands », mais « les grands ont meilleure vue et plus d'astuce que le peuple ». On lui préférera Marx...
S'interrogeant sur la République, Machiavel vante les querelles entre le Sénat et la plèbe : « Dans toute République, il y a deux partis : celui des grands et celui du peuple ; et toutes les lois favorables à la liberté ne naissent que de l...

Table des matières

  1. Sommaire
  2. Introduction
  3. Chapitre 1 L'invention de la République
  4. Chapitre 2 La République, une idée de gauche ?
  5. Chapitre 3 Il faut qu'une République soit laïque
  6. Chapitre 4 Pas de République sans démocratie
  7. Chapitre 5 La politique en pleine asphyxie
  8. Chapitre 6 Refonder la République
  9. Chapitre 7 La res communa au secours de la res publica
  10. Conclusion
  11. Remerciements