Préface
Quatre jeunes pour une génération
Juin 2016
Nous sommes quatre jeunes Ă signer cet Ă©ditorial.
Nous avons chacun un parcours différent.
Moi, Martin, j'ai 14 ans. Je suis au collÚge de Saint-Paul-sur-IsÚre en Savoie. Aujourd'hui tout se passe bien, alors qu'il y a deux ans j'avais totalement décroché de l'école. Ma passion, c'est ma formation de pompier volontaire.
Moi, Laura, j'ai 16 ans, j'ai changé plusieurs fois de maison d'enfants et maintenant je suis à Creil, dans l'Oise.
Moi, Moussa, je suis arrivé de Guinée-Conakry à 16 ans, seul, en France. Maintenant, j'ai 18 ans et je suis en CAP installations thermiques.
Moi aussi, je m'appelle Laura. J'ai 19 ans, j'habite Ă Schiltigheim en Alsace et j'essaie de mettre de l'ordre dans mon projet professionnel.
Bien sûr, à nous quatre, nous ne représentons pas tous les jeunes, mais nos paroles reflÚtent les espoirs et les inquiétudes de notre génération, et plus particuliÚrement des jeunes accompagnés par Apprentis d'Auteuil.
Nous venons de participer à une aventure qui rassemblait des jeunes comme nous, mais aussi des bénévoles et des personnes qui travaillent pour Apprentis d'Auteuil. Durant un an, une grande concertation a été organisée dans ses établissements et sur Internet ; elle s'est terminée par une rencontre nationale à Paris. Nous avons pu donner nos avis sur les sujets qui nous touchent particuliÚrement : le travail, la famille, la politique, l'école... Nous avons aussi beaucoup parlé, réfléchi ensemble, inventé des solutions. Ce livre restitue l'essentiel de ces échanges.
Tout au long de cette aventure, nous avons eu le sentiment d'ĂȘtre acteurs de notre prĂ©sent et de notre avenir. Nous avons eu le sentiment qu'on nous faisait confiance.
La confiance, c'est la base. Trop souvent, les adultes ne nous font pas confiance. Ils parlent à notre place, prévoient, planifient mais ne nous disent pas ce qu'ils font pour nous. Ils ne considÚrent pas nos choix ou nos avis.
Pourtant, lorsqu'un adulte montre qu'il nous fait confiance, on se sent encouragĂ©... mĂȘme si parfois on fait des erreurs.
Qui n'a pas fait d'erreur dans sa vie ? Qu'on soit jeune ou vieux, gardien d'immeuble, prof, prĂ©sident de la RĂ©publique ou dĂ©putĂ©, tout le monde peut se tromper dans son parcours, baisser les bras ou faire un mauvais choix. Ăa ne veut pas dire que notre vie est nulle. On peut parfois s'Ă©garer avant de trouver sa voie ! Dans ces moments, on a besoin d'ĂȘtre guidĂ© et accompagnĂ©, d'ĂȘtre aidĂ© Ă rebondir et Ă grandir en tirant des leçons positives de nos erreurs.
Dans le travail aussi, nous sentons bien que les adultes ont du mal à nous accorder leur confiance. Quand on cherche du boulot, il y a toujours un argument pour nous écarter : « On ne peut pas te prendre à cause de la crise », « parce que tu n'as pas assez d'expérience », « parce que tu as fait trop d'études (ou pas assez) », « parce que tu viens de tel quartier ».
Pourtant, nous savons que le travail est essentiel. C'est ce qui rythme une vie, ce qui apporte la maison, l'argent, la stabilité. Et comment accomplir nos devoirs de citoyen si nous ne sommes pas de bons travailleurs ? Le travail permet de gagner le respect.
MĂȘme si les perspectives d'emploi peuvent paraĂźtre sombres, nous savons que le travail est notre chance et notre avenir.
Bien sûr des choses sont faites, des aides existent pour les jeunes. Mais bien souvent elles ne touchent qu'une minorité. On ne porte pas une attention particuliÚre aux besoins de chacun. Résultat : les aides ne sont pas adaptées et ne nous donnent pas les moyens de devenir autonome. Par exemple, si à la fin de chaque mois, on reçoit 200 euros par-ci, 200 euros par-là , c'est bien, mais ça ne fait pas une vie.
Nous ne voulons pas qu'on nous donne du poisson, nous voulons apprendre Ă pĂȘcher !
Le problÚme, c'est que les femmes et les hommes politiques prennent des décisions pour nous, tout en restant dans leur monde à eux. Ils ne connaissent pas le vrai du vrai.
Venez nous voir, regardez ce que nous vivons et ce que nous traversons. Vous constaterez que nous avons des idées et du courage, vous verrez que nous avons véritablement besoin d'une politique pour la jeunesse !
Ensemble, nous pouvons mettre en place des projets utiles, à nous les jeunes. Des projets qui seront aussi positifs pour toute la société.
Ătes-vous prĂȘts Ă nous Ă©couter pour que nous travaillions ensemble Ă Ă©crire cette politique ?
Nous, nous sommes prĂȘts.
Avec ce livre, nous faisons le premier pas.
Maintenant, Ă votre tour.
Martin, Laura, Moussa et Laura
Avant-propos
Un « petit bouquin » dont les jeunes sont les héros
En 2011, Apprentis d'Auteuil publiait le Plaidoyer pour la jeunesse en difficulté. L'urgence d'agir, en s'appuyant sur son expérience et la parole de ses experts.
à l'occasion de son 150e anniversaire en 2016, Apprentis d'Auteuil a voulu donner la parole aux jeunes pour construire un nouvel ouvrage : dÚs la rentrée scolaire 2015, une démarche de concertation auprÚs des jeunes et des familles accompagnés dans les établissements de la fondation a été impulsée.
DerriÚre ce projet, une conviction profonde : chaque jeune, chaque parent a en lui une connaissance irremplaçable et des idées qui ne demandent qu'à émerger. Qui mieux que les intéressés pour imaginer des solutions aux dysfonctionnements et difficultés auxquels ils sont confrontés ?
Mais ne nous y trompons pas : une telle démarche ne confond pas les rÎles et les responsabilités des uns et des autres, des jeunes et des éducateurs, des jeunes et des parents par exemple. En revanche, elle montre qu'on a tout à gagner à confronter son point de vue et son savoir-faire à l'expérience et aux compétences propres de celui ou ceux à qui on s'adresse.
Porter la parole des jeunes
Des jeunes Apprentis d'Auteuil, ùgés de 10 à 19 ans, ont participé à des temps d'échange sous de multiples formes : discussions en petits groupes, débats, ateliers d'expression (lettres au président de la République, réalisation de dessins pour les plus jeunes, etc.). L'objectif était d'évoquer en toute liberté soit des thÚmes qui les concernent directement (la vie en maison d'enfant, la scolarité, la famille, l'autonomie, l'accÚs à l'emploi, etc.), soit des sujets de société qui les interpellent (le regard de la société sur la jeunesse, la politique, les relations intergénérationnelles et la solidarité, par exemple). Les thÚmes et préoccupations définis comme prioritaires par les jeunes ont naturellement dessiné le plan de ce livre. Si l'ensemble a été réécrit pour faciliter la lecture, les verbatim qui parcourent l'ouvrage restituent avec justesse les paroles des enfants et adolescents qui ont participé à cette démarche{1}.
La démarche de concertation a également été ouverte aux collaborateurs, aux bénévoles, aux familles, aux anciens et aux donateurs d'Apprentis d'Auteuil, par le biais de « focus groups » et d'une consultation en ligne à laquelle plus de 2 000 personnes ont répondu{2}.
L'Agence nouvelle des solidaritĂ©s actives (Ansa) a accompagnĂ© la construction et la mise en Ćuvre de cette dĂ©marche de concertation, en apportant son expertise dans la participation des personnes aux projets qui les concernent et sa compĂ©tence dans l'animation des groupes d'Ă©change.
Révéler les capacités et les talents
Les jeunes l'ont dit et redit : ils considÚrent que la société, les médias et, plus globalement, les adultes véhiculent une image négative et pessimiste de leur génération, qu'ils ne mettent pas suffisamment en avant ce qui fonctionne.
A contrario, ce livre, dont « ils sont les héros », veut contribuer à souligner leurs capacités, mais aussi celles des familles et de leur entourage.
Capacité, d'abord, à porter un regard lucide sur leurs réalités, tant sur les écueils que les avancées.
Un regard qui peut amener chacun d'entre nous, adultes, parents, professionnels, politiques à envisager différemment les problÚmes. Et donner envie de construire ensemble des solutions.
Capacité, bien sûr, à faire face aux difficultés, qu'elles soient sociales, familiales, scolaires, administratives.
à nous de lever les freins, d'aplanir les inégalités, pour permettre à ces jeunes de se lancer, de se construire, avec une charge moins lourde sur leurs épaules. à nous de découvrir leurs potentiels et de rendre à chacun sa place dans la définition de son parcours.
Capacité des jeunes, encore, à envisager l'avenir, avec réalisme et ...