Seconde partie
Regards croisés sur la sécularisation
AprĂšs un bref parcours historique, la sĂ©cularisation, au sens propre, apparaĂźt comme un fait nouveau, liĂ© aux conditions culturelles et sociales de la modernitĂ©. La percevoir plus haut dans lâhistoire est excessif Ă cause de la forte prĂ©sence du sacrĂ© et dâune organisation sociale collective voire unanimiste. Le monde sĂ©cularisĂ© nâest pas uniforme. Dâabord, la sĂ©cularisation y revĂȘt trois formes diffĂ©rentes, la sĂ©cularisation installĂ©e, triomphante et involutĂ©e, qui peuvent coexister et se mĂȘler. Ensuite, la perception de la sĂ©cularisation varie beaucoup selon les approches qui en sont faites.
En effet, les analyses vont depuis lâacceptation de cette rĂ©alitĂ© jusquâĂ son dĂ©ni. Il arrive que des croyants la perçoivent simplement suivant les vieux schĂ©mas de lâincroyance ou de lâindiffĂ©rence religieuse, câest-Ă -dire selon une absence de foi plus ou moins hostile, ou un dĂ©sintĂ©rĂȘt pour une religion spĂ©cifique. Au xixe siĂšcle, lâindiffĂ©rence caractĂ©risait non pas lâabsence de toute curiositĂ© religieuse et de toute attention Ă la question du divin, mais lâattitude qui estimait indiffĂ©rente lâappartenance Ă telle ou telle religion, puisquâelles Ă©taient tenues pour Ă©quivalentes.
Les stratĂ©gies pastorales face Ă la sĂ©cularisation dĂ©pendent donc de lâanalyse de la situation actuelle. Pour ceux qui ne voient aujourdâhui que la continuation ou la rĂ©pĂ©tition de combats anciens, lâattitude pastorale consiste Ă reprendre, sous une forme juste modernisĂ©e, les arguments et les pratiques qui, aprĂšs la RĂ©volution française, avaient pour objectif de restaurer le christianisme. Câest oublier que les temps ont profondĂ©ment changĂ©. Câest, en outre, se faire illusion sur les rĂ©elles transformations des cĆurs que peuvent entraĂźner de spectaculaires manifestations. Car â autre fait nouveau â dâautres religions, Ă commencer par lâislam, remplissent, dit-on, leurs temples et dĂ©bordent sur les voies publiques. Mesure-t-on alors quâen rĂ©agissant comme les autres cultes, le christianisme se banalise Ă se comporter comme eux ? Ce qui fut valable jusquâĂ lâapparition de la sĂ©cularisation dĂ©cline en pertinence quand elle est prĂ©sente. Un exemple pris au loin illustrera ce dĂ©calage. Il date dâavant la sĂ©cularisation, mais son Ă©clairage rĂ©side en ce que, face Ă une question posĂ©e Ă la foi, aucune rĂ©ponse appropriĂ©e nâest apportĂ©e. Câest ce mĂȘme dĂ©calage qui se rĂ©pĂšte aujourdâhui.
Un auteur canadien, Michel Langlois, dĂ©crit lâhistoire dâune famille de QuĂ©bec, entre 1888 et 1940. Dans la ville, lâĂglise rĂšgne en maĂźtresse incontestable. Elle y gĂšre des Ćuvres de charitĂ© efficaces. Elle sâoppose Ă la libertĂ© dâexpression, Ă la culture moderne et Ă la promotion fĂ©minine, tout cela au nom de la « morale ». Dans le chapitre 1918-1924, lâauteur rapporte quâune des premiĂšres femmes mĂ©decins cherche Ă ouvrir un dispensaire pour les enfants des familles les plus pauvres. Pendant ce temps, un incendie criminel consume la basilique de QuĂ©bec qui est rapidement rebĂątie grĂące Ă la gĂ©nĂ©rositĂ© publique. Le chroniqueur conclut ainsi :
On se prĂ©occupe du bien-ĂȘtre de Dieu, quâon ne voit pas et qui, en tant que pur esprit, nâa certainement pas besoin de chauffage, et on ne se soucie pas dâune foule de gens qui nous entourent. Je dĂ©plore que nos prĂȘtres ne semblent mĂȘme pas sâinquiĂ©ter Ă ce sujet. Dire que si jâosais parler de cela dans le journal, on me prendrait en grippe et je risquerais mĂȘme de perdre ma place. Il y a des situations dĂ©plorables et honteuses quâil faut malheureusement taire et je me demande bien pourquoi{43}.
Lâargument est ancien, trĂšs ancien mĂȘme. Le prĂȘtre de la famille trouve que « câest la volontĂ© de Dieu » : premier dĂ©calage entre la question sociale aiguĂ« et un prĂȘtre ligotĂ© au culte et Ă son propre statut. Ensuite, le chroniqueur-journaliste risque sa place sâil pose cette question : deuxiĂšme dĂ©calage avec la libertĂ© dâexpression. La basilique est reconstruite encore plus belle, quand, sur un fond dâinĂ©galitĂ©s sociales, se dĂ©veloppent les trains, les avions, les automobiles, le tĂ©lĂ©phone ; Ă ces progrĂšs rĂ©pond lâimmobilisme de clercs qui font de leur mieux ce quâils ont toujours fait : troisiĂšme dĂ©calage.
Ă distance de dĂ©cennies, il est Ă©videmment plus facile de montrer ces Ă©carts entre une sociĂ©tĂ© qui avance et un clergĂ© qui se crispe sur ses positions dominantes. On allait vers la rupture. Il convient de se demander si, devant la sĂ©cularisation, lâĂglise nâest pas en train de crĂ©er un dĂ©calage analogue, en cherchant Ă remĂ©dier aux problĂšmes nouveaux par des solutions obsolĂštes, faute de percevoir et dâaccepter la nouveautĂ© de ce qui se passe. Une rĂ©action dangereuse consiste Ă ramener le prĂ©sent Ă une problĂ©matique dâhier. Il est vrai que les ministres de lâĂglise sont submergĂ©s par les demandes rituelles dâoffices, au point de sây extĂ©nuer et de ne plus avoir le recul indispensable. Il serait judicieux que les pratiquants sâinterrogent sur la pression quâils imposent Ă nos prĂȘtres. Un curĂ© du Jura suisse avouait : « Parce quâils paient lâimpĂŽt [religieux] cantonal, les chrĂ©tiens disent avoir droit aux sacrements quand ils le veulent. » On arrive Ă une exigence identique, mĂȘme sans impĂŽt...
Câest donc lâĂglise entiĂšre qui est interrogĂ©e par la sĂ©cularisation, de son type de prĂ©sence Ă ses activitĂ©s, de lâannonce de lâĂvangile jusquâĂ sa foi elle-mĂȘme. De temps Ă autre, je reçois, sous enveloppe kraft, des lettres de vingt Ă trente pages, posant Ă peu prĂšs les mĂȘmes questions : la toute-puissance de Dieu, la virginitĂ© de Marie, la descente aux enfers... bref, les Ă©noncĂ©s de la foi dans le Credo. Les auteurs de ces missives appartiennent presque tous Ă la catĂ©gorie des retraitĂ©s, souvent de formation scientifique, interrogatifs devant lâabsence de pratique religieuse de leurs enfants et petits-enfants. Ils sont mal Ă lâaise devant le vocabulaire de la foi. Mais il y a une foi. Elle bute sur les mots et le manque de connaissance de lâhistoire qui a choisi ces termes.
Ce nâest plus la situation des plus jeunes. De lâĂ©ducation transmise, ils ont retenu des « valeurs », comme on dit : altruisme, honnĂȘtetĂ©, primat de lâamour... Donc une morale. Ce serait trop vite parler que de conclure « quâils nâont pas la foi ». Ils adhĂšrent Ă ces vertus et sont capables de les mettre en action. Mais ils croient â câest-Ă -dire font confiance â Ă autre chose. Leur foi sâest dĂ©portĂ©e vers les relations rĂ©ciproques. Elle cherche une alliance. Si le mot « Dieu » est absent de leur vocabulaire, cela ne signifie pas que le dĂ©sir dâinfini et le goĂ»t de sortir de soi les aient abandonnĂ©s{44}. Ils vivent dans la sĂ©cularisation.
Ă cette situation, il nâexiste pas de solution unique et gĂ©nĂ©rale. Seulement des approches, des attitudes nouvelles, une posture diffĂ©rente. Il faut donc inventer. Câest pourquoi cette seconde partie ne se prĂ©sente pas sous forme dâune thĂ©orie pastorale complĂšte. Elle propose des dĂ©buts de dĂ©frichages avant de tracer des pistes sĂ»res, des tentatives de-ci de-lĂ avant de bĂątir une synthĂšse encore impossible. Dâailleurs, les conclusions assurĂ©es ne sâesquissent quâaprĂšs un long parcours, le plus souvent quand les problĂšmes sâextĂ©nuent et disparaissent !
Chapitre 4
Y a-t-il un lieu pour dire Dieu ?
« Les mots, pour circonscrire lâĂ©lĂ©ment inconnu, manquent de sens â ou, plutĂŽt, ils ont Ă©tĂ© si souvent utilisĂ©s quâils ont perdu une partie de leur force de conviction. Les mots sont usĂ©s par le temps, comme les galets de la riviĂšre Tescou qui coulait au bas de la maison de mon enfance, polis par le flot de la littĂ©rature, la philosophie, la religion. Leur usure fait leur qualitĂ©, elle trace leur limite. »
Philippe Labro, Le Flûtiste invisible,
Paris, Gallimard, 2013, p. 84.
Avec les galets de la riviĂšre, les habitants tapissaient les ruelles et les porches des villages, ou ils les incrustaient dans le crĂ©pi de leurs maisons. Des ornements. Ce quâon appelle « la langue de bois » nâindique pas tant la complexitĂ© des propos que cette vaine ornementation goĂ»tĂ©e seulement par ceux qui la plaquent sur la nuditĂ© de leur sol ou de leurs murs.
Câest ainsi que la sĂ©cularisation traite de Dieu, en sâavançant en deux directions. PremiĂšrement, sur le terrain oĂč elle progresse, sol livrĂ© aux analyses ou bĂ©tonnĂ© de technique, elle se passe de Dieu, nâen voit pas lâintĂ©rĂȘt, ne redoute plus les Ă©clats de ses sectateurs. Ces agitations la laissent indiffĂ©rente. Comme ornements, ensuite, elle y prend un certain plaisir, celui des Ă©motions et de lâhistoire. Elle apprĂ©cie les « prĂȘtres Ă lâancienne » (comme la moutarde !) qui font revivre sous ses yeux les beautĂ©s fanĂ©es que goĂ»tĂšrent les Ăąges passĂ©s.
Dieu ne dit rien. Ce quâon pourrait en dire doit se fier aux antiques canons dâun hier imaginĂ©. Tout est donc en place et doit le rester. Ceux qui souhaiteraient annoncer lâĂvangile ne trouvent devant eux quâun silence dâoĂč ne pointe nulle prise, ou un discours convenu quâavec raison ils refusent. On revient aux druides, parce que la tribu ressent le besoin de festivitĂ©s et â sait-on jamais ? â de protection : ça ne peut pas faire de mal... Dans les choses sĂ©rieuses, on ne tient pas Ă croiser une divinitĂ© qui, dâailleurs, nâa rien Ă y faire. Progressivement, les efforts religieux pour contrer le cours public des choses ont perdu leurs combats successifs : la limitation des naissances, le catĂ©chisme du mercredi, le mariage homosexuel... et maintenant la famille prĂ©sente le dernier tournoi. Non point que ces causes nâaient eu des raisons, et parfois simplement elles ont eu raison, mais leur maniĂšre juridique, traditionnelle et pĂ©remptoire apparaissait comme une surcharge apprĂȘtĂ©e et excessive de lâornementation sur la simplicitĂ© de lâarchitecture. Qui, par exemple, sâest avisĂ© quâen cent cinquante ans, lâamour familial est passĂ© du devoir dâhonorer Ă lâaffection, parce que la famille avait effectuĂ© une mue considĂ©rable ?
De cet Ă©cart, ici Ă propos de Dieu, tĂ©moigne lâincident suivant. Pendant une soirĂ©e-dĂ©bat sur « Dieu dans la bande dessinĂ©e », alors que lâauditoire majoritairement composĂ© de jeunes visiblement peu « Ă©glisiers » (comme on dit en Berry) lançait ses objections et ses refus, un chrĂ©tien, pourtant Ă©clairĂ©, sâexclama : « Pour nous, Dieu est Amour. » La dĂ©claration est admirable et elle constitue sans nul doute ce quâun homme peut avancer de plus beau sur Dieu. HĂ©las ! lâintervention est tombĂ©e Ă plat. « Dieu », le mot Ă©tait inconnu. Quant Ă lâamour, ce sentiment volatil et subit, il nâĂ©tait pas plus clair. CâĂ©tait donc chercher Ă expliquer lâinconnu par lâincertain : une langue de bois.
Sommes-nous dĂšs lors condamnĂ©s au mutisme ? Ou faut-il se rabattre sur le seul tĂ©moignage et lâengagement ? Nâest-ce pas Ă lâamour que se reconnaissent les disciples du Christ ? Alors, il suffit dâaimer... Ce nâest probablement pas aussi simple. Quâon se rappelle ici le cas de ces nombreux militants chez qui la foi fut la raison de leurs engagements et de leur dĂ©vouement. Leur gĂ©nĂ©rositĂ© a poursuivi sa course, mais sans la foi qui nâavait donc servi que de fusĂ©e porteuse dont les Ă©tages Ă©puisĂ©s retombaient dans la mer. La limite de tout tĂ©moignage rĂ©side dans la fidĂ©litĂ© explicite de son parcours aux motifs initiaux. On en reçoit encore lâĂ©clat quand la source sâest tarie, ainsi que pour ces trĂšs lointaines Ă©toiles mortes dont la lumiĂšre nous parvient encore. Il nâest pas possible de ne jamais plus interroger lâorigine et la validitĂ© de la raison premiĂšre.
Une parole du Christ
Avant de scruter les nappes souterraines de la sĂ©cularisation, un dĂ©tour peut sâavĂ©rer nĂ©cessaire par lâĂ©vangile de Matthieu, en un passage cĂ©lĂšbre qui paraĂźtra Ă premiĂšre vue aller trop vite en besogne. Parmi les rudes controverses qui, Ă JĂ©rusalem, opposent le Christ aux responsables de son peuple, il y a celle qui concerne le plus grand commandement. DiffĂ©rentes Ă©coles en discutaient Ăąprement. Le piĂšge cherche Ă pousser JĂ©sus vers telle ou telle tendance, donc Ă le banaliser en le rĂ©duisant Ă un maĂźtre parmi les autres. Chez Matthieu (22, 34-40), le Christ relĂšve le dĂ©fi et rĂ©pond directement : le premier commandement consiste Ă aimer Dieu de tout son cĆur ; un second lui est semblable : aimer son prochain comme soi-mĂȘme. Une abondante littĂ©rature commente ces quelques versets. Deux mots mĂ©ritent attention : il sâagit de commandements et le second est semblable au premier.
Un commandement : en français, ce terme Ă©quivaut Ă ordre, prescription, injonction. Lâusage sâest imposĂ©. Mais Ă©tymologiquement, ce nâest pas exact. Un ordre vient de lâextĂ©rieur et sâimpose sans la participation active de lâautoritĂ© qui lâĂ©met : elle fait faire sans avoir Ă se salir les mains. Le commandement vient du verbe « mander » qui signifie en premier : confier quelque chose Ă quelquâun (dâoĂč : demander). Sây ajoute le prĂ©fixe « com » (de cum, avec). Par consĂ©quent, dans le commandement, celui qui le donne est partie prenante de son effectuation. Les deux partenaires agissent ensemble, chacun Ă sa place, dans une solidaritĂ©. Par leur mutuelle implication, les deux agents se comportent selon une mĂȘme logique interne qui les rĂ©unit : ce quâils sont coopĂšre pour un but commun. Ni extĂ©rioritĂ© ni confusion nâinterviennent ici.
Le mot grec de lâĂ©vangile, entolĂš, traduit par commandement, se montre tout aussi surprenant. Le verbe dont il provient indique un mouvement, une tension en vue de produire un effet, dâoĂč accomplir et finalement, au passif, ĂȘtre, au sens de rĂ©sulter dâune opĂ©ration. En grec comme en français, câest donc une maniĂšre dâexister qui est en cause, un dynamisme crĂ©ateur. Cette conclusion nâest pas sans incidence sur la maniĂšre de parler de Dieu Ă un monde sĂ©cularisĂ©.
Ensuite, le second commandement est semblable au premier. La similitude est de lâordre de la qualitĂ© et non de la quantitĂ©. Semblable nâa rien Ă voir avec les notions de plus grand ou de plus petit. Autre chose est en cause. Puisque semblable souligne ce qui nâest pas identique, ce mot indique que Dieu nâest pas identique au prochain. On objectera que le Christ a dit : « Ce que vous faites au plus petit des miens, câest Ă moi que vous le faites » (Mt 25, 40). Câest oublier que le fait de proclamer cette phrase pose celui qui la dit de maniĂšre particuliĂšre, diffĂ©renciĂ©e. Câest Lui qui lâaffirme. Autrement dit, le Christ ne se perd pas dans lâautre. Sa relation Ă nous diffĂšre de notre relation aux autres. Toute confusion serait nĂ©faste Ă chaque personne concernĂ©e. La phrase du Christ dĂ©signe donc les petits qui sont les siens comme frĂšres : il se place au fondement de la fraternitĂ©. Il en est la source et le terme. Câest en ceux qui Ă©coutent sa voix et mettent sa parole en actes que se vĂ©rifient sa pertinence et sa fĂ©conditĂ©. Dieu ne veut donc pas agir sans nous. En Marc 6, 7, JĂ©sus envoie ses apĂŽtres pour guĂ©rir. Ce sont eux qui, Ă leur retour, parlent de conversion (v. 12).
OĂč Dieu se dit-il ?
Ces remarques Ă partir de deux mots, commandement et semblable, conduisent Ă rĂ©flĂ©chir au fait suivant : avec le Christ, le mot Dieu change de sens. Ou plutĂŽt, Dieu Ă©tant indĂ©finissable, la gĂ©ographie oĂč aligner les termes, le climat de la prise de parole et lâenvironnement des propos sont considĂ©rablement modifiĂ©s. Le vocabulaire devient poĂ©tique, une crĂ©ation symbolique qui Ă©voque lâindicible au-delĂ des mots. Pour autant, ce nâest pas pure inventivitĂ© ni errance, car un point fixe cloue le langage dans lâhumanitĂ© : la figure du CrucifiĂ©.
Sans composer ici une brĂšve thĂ©ologie de la croix, il suffit de rappeler un seul aspect. Les systĂšmes religieux et politiques Ă©tablis et sĂ»rs dâeux, dont la sĂ©cularisation se tient soigneusement Ă distance, ce sont eux qui ont tuĂ© JĂ©sus de Nazareth. LâĂ©vangile de Jean ira jusquâĂ Ă©crire : « Lâheure vient oĂč quiconque vous fera mourir croira rendre un culte Ă Dieu » (16, 2 â HĂ©las, câest toujours vrai !). Pourquoi ? « Parce quâils nâont connu ni le PĂšre ni moi » (16, 3). Le propre de tout systĂšme religieux, du seul fait dâĂȘtre un systĂšme qui fonctionne indĂ©pendamment des individus, est de donner des ordres et de sâimposer. Il ne se prĂ©occupe pas de commander au sein dâun mutuel objectif. Comme lâĂ©crivait le pape LĂ©on X dans sa lettre condamnant Luther, « lâobĂ©issance est la mĂšre de toutes les vertus » â et non plus la charitĂ©. Les personnes ne sont alors perçues quâĂ travers leur fonction (ordonner ou obĂ©ir) et non plus par leurs relations rĂ©ciproques. La sĂ©cularisation refuse un tel systĂšme : puisque les personnes souffrent du poids de trop de structures, elles nâentendent pas se soumettre Ă une organisation qui sâingĂ©rerait dans leur vie privĂ©e. Jusquâici, le sentiment partagĂ© du sacrĂ© reliait les structures et les personnes. Il tenait lieu de ciment social. Sur lui pouvait mĂȘme sâappuyer un discours sur Dieu : une base commune servait dâassise, Ă lâencontre de saint Paul qui place le Christ au fondement (1 Co 3, 10-11).
Rendre crédibles des propos sur Dieu oblige à partir de la ...