Le néolibéralisme va-t-il mourir ?
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Le néolibéralisme va-t-il mourir ?

(Et comment faire pour que ça aille plus vite ?)

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(Et comment faire pour que ça aille plus vite ?)

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À propos de ce livre

Le néolibéralisme ne s'est jamais aussi bien porté. Dans une économie mondiale dérégulée, les inégalités explosent. Dans le même temps, les mouvements sociaux, éclatés sur plusieurs fronts, peinent à se réunir autour d'une lutte commune.Pourtant, les opposants à l'ordre néolibéral n'ont pas dit leur dernier mot. En silence, patiemment, ils ont façonné de nouveaux outils, pour mettre enfin un terme à l'impunité historique des multinationales.Parmi ces outils, le contentieux juridique: de grandes affaires judiciaires se sont multipliées au cours des dernières décennies, mettant en cause tour à tour Lafarge, Auchan, Vinci, BNP Paribas, Bolloré, Samsung, Total, Chevron... Et les premières condamnations ont été prononcées.Si discrètes qu'aient été ces victoires, elles constituent un renversement de perspective fondamental. Et si nous étions sur le point d'assister à une mise au pas des puissances économiques par la puissance du droit? Autrement dit, à la mort prochaine du néolibéralisme? Dès lors, comment faire pour ne pas manquer cette opportunité historique?

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Informations

ISBN
9782708254497
Sujet
Law

Introduction

« Déroute », « coma », « échec total », les qualificatifs ne manquaient pas dans la presse, au début de ce mois de décembre 1999, pour qualifier l’annulation du sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle suite aux manifestations monstres et à la résistance farouche, au sein même de l’enceinte, de certains pays du Sud. Le quotidien Libération, dans son édition du 6 décembre, va même jusqu’à parler de « moratoire de la mondialisation{1} ».
Vingt ans plus tard, alors que l’OMC peine toujours à se remettre des conséquences de ce sommet et de ses suites, peut-on pour autant considérer que la mondialisation a fait une pause ? Partout dans le monde, l’ordre néolibéral continue d’assurer son emprise. Rien n’est venu compenser les désastres économiques provoqués dans les pays en développement par les politiques dites d’« ajustement structurel » imposées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale dans les années 1990. Au contraire, la multiplication des accords de libre-échange continue de soumettre ces pays aux caprices d’une économie mondiale dérégulée.
Dans tous les domaines, les craintes exprimées par les manifestant·es de Seattle se confirment, les inégalités explosent : 26 personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre de l’humanité ; la biodiversité continue à s’éroder à un rythme effrayant, une espèce sur huit est menacée d’extinction ; dans l’atmosphère, la concentration de CO2 est passée en vingt ans de 368 parties par millions (ppm) à plus de 415, alors qu’il faudrait raisonnablement redescendre en dessous des 350 ; les organismes génétiquement modifiés (OGM) ont définitivement, et sans doute de manière irréversible, envahi des continents entiers, laissant des milliers d’agriculteurs et d’agricultrices à la merci des laboratoires détenteurs de brevets et les condamnant à un usage irraisonné de pesticides ; les hommes continuent de posséder 50 % de richesses en plus que ce que possède l’ensemble des femmes ; les populations du monde entier sont soumises depuis vingt ans à un accaparement des terres sauvages provoqué par l’extension non régulée de l’agriculture industrielle ; enfin, partout dans le monde, des régimes libéraux continuent de sacrifier à la sacro-sainte liberté du commerce les structures sociales collectives qui permettent un usage raisonné des ressources et un accès équitable aux besoins de base. En France même, le gouvernement d’Emmanuel Macron met en place depuis 2017 une politique de sape des services publics et de mise en concurrence généralisée de toutes les composantes de la société que n’auraient pas reniée une Margaret Thatcher ou un Ronald Reagan.
Dans le même temps, le grand mouvement de convergence des militant·es qui avait gagné ses lettres de noblesse à Seattle en même temps que le nom d’« altermondialiste » semble avoir progressivement disparu des radars, après quelques années d’effervescence au tournant du siècle. Éclaté sur différents fronts, de la lutte contre le changement climatique à celle contre la financiarisation, du soutien aux peuples en lutte à la défense des classes populaires, le mouvement social peine à trouver un nouveau souffle, et cela fait quelques années que les forums sociaux mondiaux ne font plus les gros titres de la presse. Pour autant, les composantes de ce mouvement sont toujours bien présentes et continuent de mener activement campagne pour défendre un monde plus juste, mobilisant des stratégies innovantes et ambitieuses qui continuent à contenir, pied à pied, les progrès de l’agenda libéral. Récemment, de nouvelles avancées ont notamment été obtenues sur le plan juridique qui permettent d’envisager à plus ou moins brève échéance la fin de l’historique impunité des multinationales, aujourd’hui soumises à aucune autre règle que la loi du marché. Si discrètes qu’aient été ces victoires, elles constituent un renversement de perspective fondamental par lequel l’économie cesse d’être considérée comme un ensemble de lois naturelles vouées à échapper à toute régulation sociale.
Alors que la mondialisation libérale s’appuie sur l’idée que c’est l’économie qui doit organiser les relations entre les individu·es et les groupes d’individu·es, les avancées juridiques qui visent à faire reconnaître la responsabilité des acteurs économiques, comme en France la loi sur le devoir de vigilance adoptée en 2017, rappellent que c’est bien à la société, en tant que corps politique constitué, qu’il revient de fixer les règles du vivre-ensemble, et que les acteurs économiques doivent, comme les autres, s’y soumettre.
Ce livre propose de revenir sur vingt années de bataille entre tenants de la mondialisation libérale et défenseurs d’une « autre » mondialisation. Il entend essayer de comprendre quels ont été les mouvements et stratégies des uns et des autres et, plutôt que de compter les points, d’évaluer la situation actuelle à l’aune des grandes affaires juridiques qui ont mis en cause des multinationales au cours des dernières décennies. Faut-il voir dans la capacité de ces puissances à échapper au bras de la justice un signe de plus de la victoire du néolibéralisme ? Ou au contraire, alors que sont prononcées les premières condamnations, sommes-nous sur le point d’assister à une mise au pas des puissances économiques par la puissance du droit ? C’est-à-dire rien moins qu’à la mort du néolibéralisme ? Une chose est sûre, la mobilisation de toutes les forces vives de la société civile est nécessaire pour faire pencher la balance, ainsi que l’adoption de stratégies rassembleuses et novatrices dont ce livre propose de premières ébauches.

Chapitre 1
La bataille de Seattle

Le 30 novembre 1999, des milliers de manifestant·es envahissent les rues de Seattle. Ils et elles sont là pour empêcher la tenue d’une réunion de l’OMC. En quelques jours, leur détermination, conjuguée aux tensions internes de l’organisation, conduisent à l’annulation de ce sommet crucial. Cette victoire marquera une étape importante du mouvement que l’on appelle alors « antimondialiste » et qui prendra quelques années plus tard le nom plus positif d’« altermondialiste ».
Mais avant de s’étendre sur les conséquences de cette annulation et son impact sur les deux décennies qui vont suivre, il faut revenir sur les enjeux même du sommet de 1999 à Seattle. L’OMC, créée en 1995 dans la continuité des accords du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade : Accord général sur les tarifs et le commerce), a pour ambition d’arbitrer les conflits entre États concernant les règles du commerce international, et particulièrement les règles relatives aux tarifs douaniers, dans l’optique de créer les conditions d’une concurrence supposée équitable entre les États producteurs. La logique qui préside à ses travaux consiste à libérer les forces du marché (entreprises et investisseurs) afin de faciliter un jeu commercial qui doit conduire « naturellement », selon les principes de l’économie libérale, à un équilibre planétaire qui permette à chacun de faire valoir ses avantages concurrentiels. Concrètement, il s’agit pour les États membres de s’accorder sur la suppression des obstacles à un marché « libre », c’est-à-dire de toutes les règles ou pratiques qui sont réputées créer des déséquilibres artificiels entre des agents économiques opérant sur un même marché globalisé. Ces principes théorisés depuis les années 1980 sont connus sous le nom de « consensus de Washington » et défendus par les principales institutions financières internationales comme le FMI, la Banque mondiale, le GATT et, à partir des années 1990, l’OMC.

L’offensive libérale

L’un des épisodes qui illustrent le mieux cette dynamique reste la « guerre de la banane », dans les années 1990, qui opposa au sein de l’OMC les États-Unis et les pays d’Amérique latine d’un côté, et l’Union européenne de l’autre. En 1993, afin de préserver les intérêts des entreprises européennes impliquées dans le commerce de la banane (principalement entre les anciennes colonies européennes d’Afrique et des Antilles et l’Europe), l’Union européenne adopte des règles spécifiques pour son importation. Il s’agit essentiellement de baisser les taxes à l’importation des bananes en provenance d’Afrique et des Antilles et d’accorder une préférence sous forme de quotas aux bananes importées par des entreprises européennes. Les entreprises états-uniennes qui produisent leurs bananes essentiellement en Amérique latine sont, elles, soumises à des droits de douane normaux et doivent céder le pas aux importateurs auxquels on a accordé des quotas d’importation.
Considérant que ces règles tarifaires sont contraires aux principes d’une libre concurrence, les États-Unis contestent la légitimité des règles européennes. Mais plutôt que de porter plainte directement, ils choisissent de soutenir une plainte déposée par les principaux pays producteurs d’Amérique latine contre l’Union européenne dans le cadre des accords du GATT, devenu l’OMC en 1995. L’Organe de règlement des conflits de l’OMC donnera raison aux États-Unis et mettra l’Union européenne en demeure de conformer sa réglementation douanière aux principes de l’OMC. Il faudra encore des années de négociations pour que les parties s’estiment satisfaites du compromis trouvé, qui consistera principalement à supprimer les quotas préférentiels accordés aux importateurs européens.
Au fond, ce qui se joue dans cette guerre de la banane, ce n’est pas tant une question de principes qu’une question d’accès au marché. Ce que recherchent les États-Unis, c’est bien l’accès au marché européen pour leurs compagnies qui commercialisent de la banane, et en retour ce que souhaitent les Européens, c’est protéger les parts de marché de leurs propres compagnies. Ce conflit illustre le passage d’une organisation compartimentée du marché, avec des flux historiques de denrées agricoles d’une part entre l’Amérique latine, les États Unis et le Canada, et d’autre part entre l’Afrique et l’Union européenne, à un marché unique globalisé. Désormais, les acteurs de chacun de ces marchés entendent investir l’ensemble du marché global et entrent donc en concurrence les uns avec les autres. Or ce qui inquiète les Européens, c’est que les exportateurs de banane états-uniens bénéficient du dynamisme du dollar par rapport à leurs propres monnaies, et qu’en conséquence ces « bananes dollar » se retrouvent substantiellement plus concurrentielles que les fruits d’origine ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). De plus, les trois grandes compagnies qui dominent le marché nord-américain ont atteint une taille telle qu’elles réalisent des économies d’échelles importantes par rapport aux exportateurs européens dont la taille reste modeste en comparaison.
Cet exemple est typique des contradictions inhérentes à la mission que s’est fixée l’OMC. En prétendant arbitrer entre les États au nom de la concurrence, et en demandant à l’Union européenne d’abaisser les « barrières » tarifaires imposées aux bananes latino-américaines, l’institution néglige la réalité d’autres inégalités de marché créées par d’autres mécanismes financiers, en l’occurrence le cours des changes de la monnaie. Mais elle ignore aussi que la concurrence pure et parfaite n’existe pas, et que la diversité de taille des acteurs est déjà un facteur d’inégalités face au marché. Plus encore, elle oublie que le marché n’est pas qu’affaire de chiffres. Il est aussi affaire de pouvoir, de lutte pour l’hégémonie, de rapports humains et politiques qui, le plus souvent, échappent aux lois mathématiques. La construction même des deux marchés Sud-Nord – de l’Amérique du Sud à celle du Nord et de l’Afrique à l’Europe – est l’héritage d’une histoire géopolitique complexe. Une histoire de colonisation et de pillage, une histoire d’influences occultes et de coups de force. L’avantage compétitif de la banane sud-américaine sous capital américain s’est constitué au prix d’une politique d’interventionnisme extrême de la part des États-Unis dans les États producteurs. Dès le début et tout au long du xixe siècle, le gouvernement états-unien, main dans la main avec les entreprises nationales, a modelé à son avantage le contexte des pays de production, n’hésitant pas à remplacer un gouvernement par un autre comme au Panama, voire à occuper militairement un État comme en Haïti pour y faciliter, entre autres, l’installation de compagnies fruitières ou sucrières états-uniennes.
Dans les années 1870, un petit pays d’Amérique centrale, indépendant de l’Espagne depuis 1821, voit se développer de manière significative son économie grâce à l’exportation de bananes depuis sa côte nord. Le gouvernement du Honduras passe un accord avec les principales entreprises exportatrices, dont la compagnie états-unienne United Fruit Company : en échange de vastes concessions de terres pour développer leurs plantations, celles-ci s’engagent à développer le nord du pays, économiquement, mais également en termes d’infrastructure. Au cours des décennies qui suivent, ces compagnies vont effectivement développer des villes, des routes, des infrastructures portuaires, et en 1888 une ligne ferroviaire de la côte à la future capitale : Tegucigalpa. Mais l’ensemble de ces développements se font sur les terres privées concédées aux compagnies, et donc en dehors des règles fixées par l’État : police, lignes ferroviaires et routes privées. Ce sont les règles de la compagnie qui s’appliquent partout, y compris, bien sûr, à l’ensemble des activités économiques annexes : commerce, logement, éducation... Des milliers de travailleurs et de travailleuses affluent vers le nord pour s’installer dans cet « État dans l’État » où, bien sûr, toute activité est exemptée de taxes...
Pour protéger les intérêts de ces compagnies et maintenir en place des gouvernements favorables aux accords passés, les États-Unis n’hésiteront pas à intervenir militairement au Honduras pas moins de sept fois en vingt-trois ans{2} ! L’étrange situation de ce pays inspire à l’écrivain américain O. Henry une formule qui connaît un succès fulgurant et durable, celle de « république bananière{3} ».
C’est dans ce contexte de domination économique, politique et militaire d’une poignée d’États que l’OMC prétend mettre en place les règles d’une concurrence idéalisée. Il n’est bien entendu pas question de se pencher sur la complexité des relations de pouvoir dans un contexte post-colonial, la mission de l’OMC consiste essentiellement à lever les « barrières » qui entravent le commerce. Jusqu’à la fin des années 1990, elle va se concentrer sur les barrières tarifaires, c’est-à-dire essentiellement les droits de douane. L’idée est que les règles en matière de droits de douane qui s’appliquent aux frontières d’un pays ne favorisent pas les produits en provenance de certains pays par rapport à d’autres. L’exemple de la banane, encore une fois, illustre parfaitement la situation.

Vers une nouvelle phase de la libéralisation

La réunion qui s’ouvre à Seattle le 30 novembre 1999 a pour but de passer à une deuxième phase de l’offensive libérale de l’OMC. Il s’agit désormais de s’attaquer aux barrières dites « non tarifaires » qui continuent d’entraver le marché. Ces barrières sont de différents ordres. Il peut s’agir de normes de sécurité, ou de normes environnementales. On pense par exemple aux normes sanitaires dans le secteur de l’élevage, ou aux restrictions de commercialisation des OGM. Comme l’Europe a ses propres normes, il pourrait sembler logique que des producteurs de bœuf états-uniens qui souhaitent vendre sur le marché européen se plient aux normes européennes de production. Mais ce type de disposition est jugé contraire aux règles de la concurrence puisqu’il ferme le marché européen aux États qui appliquent des règles moins strictes. Mais il peut aussi s’agir de règles régissant l’établissement d’entreprises étrangères sur certains territoires ou de dispositions réservant certains secteurs du marché à des entreprises publiques ou nationales. Par ailleurs, les négociations qui s’ouvrent doivent également concerner l’application des règles dites de libre concurrence au secteur des services, la notion de service incluant les secteurs de l’éducation, de la santé, de la culture ou encore de la distribution d’eau et d’énergie.
On comprend que ces intentions inquiètent. En effet, leur conséquence directe est l’abaissement des règles environnementales et sanitaires, l’ouverture à la concurrence de tous les secteurs, mais aussi la reconnaissance de pratiques fortement critiquées comme le brevetage des molécules naturelles par des compagnies privées. Pour toutes ces raisons, le sommet de Seattle cristallise l’ensemble des craintes liées à la « mondialisation », et notamment la crainte qu’elle entraîne un nivellement « par le bas » des règles qui régissent non seulement l’économie, mais l’organisation tout entière des sociétés. En ne considérant par exemple les règles environnementales que comme un obstacle au commerce, les partisans de la libéralisation proposent un modèle dans lequel le respect de l’environnement devient une simple mesure d’ajustement qui permet de rendre un système économique plus ou moins compétitif par rapport aux autres. Dans un tel système, que reste-t-il pour protéger l’environnement contre la prédation des appétits économiques ?
Le sommet va donc concentrer les critiques de toutes celles et tous ceux que préoccupe l’état du monde à la fin du xxe siècle. Plus de 1 600 organisations se sont donné rendez-vous à Seattle, et 60 000 personnes sont attendues pour la manifestation principale. Parmi les opposant·es, on trouve, pêle-mêle, des militant·es écologistes, des associations de défense des peuples autochtones, des opposant·es au capitalisme, des organisations « tiers-mondistes » et des opposant·es aux politiques libérales qui se déploient depuis vingt ans aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France, entre autres.
L’inquiétude est telle, et la conviction que rien de bon ne peut sortir de ce sommet si bien établie, que les mouvements d’opposition se sont fixés un objectif simple et unique : empêcher la tenue du sommet. Il ne s’agit pas d’obtenir des modifications substantielles ou marginales des accords négociés, comme c’est le cas encore aujourd’hui lors des mobilisations autour des sommets climatiques ou financiers, mais tout simplement d’empêcher l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations sur l’abaissement des barrières non tarifaires. Ce n’est pas le contenu, ou l’organisation des négociations qui est en cause. C’est le principe même de la discussion qui est contesté à travers le mot d’ordre du contre-sommet : « No new Round : Turn Around » (Pas de nouveau cycle : faites demi-tour). D’où le nom d’« antimondialiste » qui sera accolé au mouvement, pour signifier qu...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Introduction
  4. Chapitre 1 La bataille de Seattle