Isabelle d'Égypte
eBook - ePub

Isabelle d'Égypte

  1. French
  2. ePUB (adapté aux mobiles)
  3. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Isabelle d'Égypte

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Isabelle d'Égypte was written in the year 1812 by Achim von Arnim. This book is one of the most popular novels of Achim von Arnim, and has been translated into several other languages around the world.

This book is published by Booklassic which brings young readers closer to classic literature globally.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Isabelle d'Égypte par Achim von Arnim en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Literatura et Literatura general. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Booklassic
ISBN
9789635226719
Braka, la vieille bohémienne, enveloppée dans la guenille rouge qui lui servait de manteau, marmottait son troisième pater devant la fenêtre, et depuis longtemps déjà Bella, répondant au signal, montrait sa tête charmante et nuageuse ; ses yeux noirs brillaient à la clarté de la pleine lune qui, rouge comme un fer à demi éteint, sortait des vapeurs de l’Escaut, pour s’élever de plus en plus claire dans l’espace.
– Tiens, dit Bella, vois donc l’ange, comme il me sourit.
– Enfant, dit la vieille, que vois-tu donc ?
– C’est la lune, dit Bella, elle est de retour, elle ; mais mon père n’est pas revenu ; cette fois il reste trop longtemps dehors ; j’ai pourtant fait de beaux rêves de lui la nuit dernière. Je le voyais assis sur un trône élevé, en Égypte, et les oiseaux volaient autour de lui ; cela m’a consolée.
– Pauvre enfant, dit la vieille, si cela était vrai ! Mais as-tu apporté quelque chose pour dîner ?
– Oh ! oui, répondit Bella ; le voisin a secoué son pommier, et beaucoup de pommes sont tombées dans le petit ruisseau ; je les ai recueillies là-bas, au détour, les racines d’un vieil arbre les avaient arrêtées ; et puis mon père, avant de partir, m’avait laissé un gros pain.
– Il a bien fait, dit sourdement la vieille, il n’a plus besoin de pain, ils lui en ont fait passer le goût.
– Ma bonne vieille, dit Bella, parle, je t’en prie ; dis-moi, mon père ne se serait-il pas blessé en faisant ses tours de force ? Conduis-moi auprès de lui ; où est mon père, où est mon duc ?
Bella tremblait en disant cela, et ses larmes tombaient sur le sol humide, à travers les rayons de la lune.
Si j’eusse été un oiseau, et que j’eusse passé alors, je serais descendu, j’y aurais trempé mon bec, et je les aurais rapportées au ciel ces larmes de Bella, tant elles étaient tristes et pénétrantes.
– Regarde là-bas, murmura la vieille ; sur cette montagne, il y a une potence ; Dieu n’y vient jamais voir, et cela s'appelle le tribunal de Dieu ; celui qu’on amène devant ce tribunal n’a pas longtemps à vivre ; la viande que le soleil y fait cuire, on ne la sert sur aucun plat ; elle reste là jusqu’à ce que nous venions la chercher. Ne crie pas, pauvre enfant, c’est ton père qui est pendu là-bas. Mais, calme-toi, reste tranquille : nous allons le chercher cette nuit, et nous le jetterons dans la rivière avec tous les honneurs dus à son rang, pour qu’il aille rejoindre ses frères en Égypte, car il est mort en pieux pèlerinage. Prends ce vin et ce plat de viande, et va, pauvre orpheline, célébrer en son honneur le repas funèbre.
Bella était si effrayée qu'elle pouvait à peine tenir ce que lui donnait la vieille.
– Tiens donc, continua la vieille, cela va tomber, et ne pleure pas ; ainsi pense que maintenant tu es notre seul espoir, que c’est toi qui dois nous reconduire, lorsque notre vœu sera accompli ; pense aussi que tu es maintenant maîtresse de tout ce que possédait ton père ; va voir dans sa chambre, dont voici la clé, tu y trouveras bien des choses. Ah ! j’oubliais : lorsqu’il m’a donné la clé, il m’a chargé de te dire de ne plus avoir peur de son chien noir Simson, que l’animal savait déjà qu’il devait t’obéir et ne plus te mordre ; il a dit aussi qu’il ne fallait pas que tu fusses triste ; qu’il avait eu longtemps le mal du pays, et que maintenant il en était guéri, car il est retourné dans sa patrie. Voilà tout ce qu’il a dit. Tu as là un pot de lait que j’ai trait en cachette dans le pâturage. Cela fait partie du repas funèbre. Bonne nuit, mon enfant, bonne nuit !
La vieille sortit, et Bella consternée la suivit des yeux comme on regarde une lettre qui vous annoncerait un grand malheur : on la rejette loin de soi, et cependant on voudrait savoir tout ce qu’elle contient. Elle eût volontiers suivi la vieille, mais elle craignait autant qu’elle l’aimait la rude peuplade dont faisait partie Braka.
Les bohémiens étaient alors sous le coup de la persécution que les Juifs, chassés de tous côtés, avaient attirée sur eux en empruntant leur nom. Bien souvent leur duc Michel s’en était plaint ; bien souvent il avait employé tous les moyens pour réunir les siens et les ramener dans leur patrie ; car ils avaient accompli leur vœu de marcher aussi longtemps qu’ils trouveraient des chrétiens. Ils revenaient d’Espagne par l’Océan, mais la puissance toujours croissante des Turcs, la persécution, le manque d’argent rendaient leur retour impossible. Déjà le duc avait essayé de les faire vivre de leurs jeux nationaux, – c’est-à-dire porter des tables en équilibre sur les dents, marcher sur les mains, faire des culbutes, et tout ce qu'ils montraient sous le nom de tours de force et d’adresse ; mais, chassés sans cesse d’un pays à l’autre, leurs forces mêmes s’épuisaient, et ils se voyaient réduits, pour soutenir leur pauvre existence, à manger des taupes et des hérissons. Ils comprirent bien qu’ils étaient punis d’avoir repoussé la sainte Mère avec l’enfant Jésus et le vieux Joseph, lorsqu’ils fuyaient en Égypte ; car dans leur grossière indifférence ils avaient pris ces divins personnages pour des Juifs ; or ces derniers, depuis les temps les plus reculés, n’étaient plus revus en Égypte, parce que, dans leur fuite, ils avaient emporté les vases d’or et d’argent qu’on leur avait prêtés. Mais lorsque plus tard, à sa mort, ils reconnurent ce Sauveur, qu’ils avaient méconnu pendant sa vie, une partie du peuple voulut expier cette dureté par un pèlerinage. Ils firent vœu de marcher tant qu’ils trouveraient des chrétiens. Ils passèrent en Europe par l’Asie Mineure, et emportèrent toutes leurs richesses avec eux ; tant qu’elles durèrent, ils furent partout les bienvenus ; mais ensuite… malheur aux pauvres sur la terre étrangère !
Après cette digression nécessaire à l’intelligence de ce qui va suivre, revenons à notre histoire.
Une nouvelle troupe, dans laquelle se trouvaient deux individus nommés Happy et Emler, était arrivée de France depuis huit jours, sans argent ni ressources. Le duc résolut de se montrer encore une fois en public pour leur procurer de quoi manger ; il alla avec eux dans une auberge. Pendant qu’il émerveillait les assistants en portant une douzaine d’hommes sur ses bras et sur ses épaules, il entendit répéter de tous côtés qu’Happy avait été pris à voler des coqs dans la cour, et que les cris de ces animaux l’avaient trahi ; tandis que lui, le duc, était resté dans la chambre pour occuper la foule et faire diversion.
Les bourgeois de Gand ne pardonnent jamais un vol ; en vain le duc feignit-il de vouloir punir Happy, il fut arrêté lui-même ainsi qu’Emler, et on les condamna à être pendus comme voleurs ; on avait le droit, à cette époque, de faire périr les bohémiens toutes les fois qu’ils se laissaient prendre. En vain Michel voulut-il protester de son innocence et de celle d’Emler.
« On fait avec nous comme on fait avec les souris ; une souris a-t-elle entamé un fromage, on dit aussitôt : les souris sont là ; on sème du poison, on tend des pièges pour les tuer toutes ; pour nous, de même, pauvres bohémiens, nous ne sommes tranquilles qu'une fois pendus. »
Il fut condamné en effet à être pendu ; il versa des larmes amères, en pensant que lui, le dernier héritier mâle de sa noble maison, allait être mis à mort d’une manière si déshonorante. Bientôt sa bouche fut fermée jusqu’au jour du jugement, où il élèvera ses plaintes contre la dureté des riches, pour qui la vie d’un homme est peu de chose à côté de leurs vains trésors, et ces riches n’iront point dans le royaume du ciel où Bella retrouvera son père.
Lorsque Bella fut revenue de sa stupeur, elle s’écria :
– Mon rêve voulait donc dire que mon père serait élevé bien haut. Ah ! oui, maintenant il est élevé dans le ciel, où il pense à nous.
Le chien noir quitta alors, contre son habitude, la porte de la chambre, s’étendit aux pieds de la jeune fille, et poussa un hurlement plaintif.
– Toi aussi, tu le sais donc, Simson ? lui dit-elle.
Le chien secoua la tête.
– Veux-tu me servir fidèlement ?
Le chien secoua de nouveau la tête, courut vers la fenêtre, et se mit à gratter ; Bella leva les yeux, le battant était resté ouvert : elle vit à travers l’obscurité de la nuit le cadavre de son père se balancer, puis tout d’un coup tomber.
– Maintenant, dit-elle, ils l’ont enlevé, ils lui donnent un festin d'honneur ; moi aussi, je vais lui donner son repas funèbre.
Munie de son pain et de sa cruche de vin, et suivie du chien noir, elle entra dans le jardin. La maison était abandonnée depuis dix ans par peur des revenants ; pendant tout ce temps, les bohémiens en avaient fait leur résidence, et avaient eu soin d’en éloigner le propriétaire, riche marchand de la ville, qui l’avait achetée pour y venir passer l’été.
À la suite d’une banqueroute, il avait été mis en prison, et ses biens étaient administrés par ses créanciers ; on pense de quelle manière.
Quoique la crainte des revenants fit respecter cette retraite, les bohémiens n’osaient cependant pas s’y montrer pendant le jour, mais la nuit, les voyageurs se détournaient de leur route pour ne pas passer près de la maison. La belle et pâle enfant se dirigea vers la porte du jardin. Elle ressemblait à un spectre ; et le gardien, effrayé, courut se réfugier dans une chapelle éloignée pour implorer la protection de la foi. La pauvre Bella ! elle ne se doutait pas qu’elle fût si terrible !…
La douleur causée par la perte de son seul espoir, de son père, l’avait tellement ébranlée, qu'elle n’avait plus qu’une seule idée, celle d’exécuter les ordres de la vieille Braka ; c’était sa plus douce consolation, de pouvoir rendre encore un dernier honneur à son père.
Selon l’usage établi chez les siens pour les repas funèbres, elle étendit son voile sur une pierre ; elle mit deux verres, deux assiettes, partagea le pain en deux, puis elle versa du vin dans les deux gobelets et les choqua ; elle vida le sien et versa celui du mort dans le ruisseau, qui, à quelque distance de la maison, se perdait dans l’Escaut. Comme elle répandait dans l’eau cette première offrande, les flots, tout d’un coup, mugirent et se soulevèrent, comme si un gros poisson, qui n'aurait pas eu de place dans ce lit étroit, était remonté à la surface ; en ce moment, la lune s’éleva au-dessus de la maison, derrière laquelle elle était restée cachée jusque-là, et Bella vit l’image pâle de son père ; sur sa tête était la couronne qu’y avaient placée les bohémiens avant de le lancer dans le fleuve ; et comme les flots tourbillonnaient avec leur précieux fardeau, la tête tourna à la pauvre enfant ; elle crut que son père vivait encore, et qu’il cherchait à sortir de l’eau ; elle s’y jeta pour le saisir ; mais le chien noir la retint par sa robe, et s’arc-boutant sur le bord, l’empêcha de ramener le cadavre et en même temps d’être emportée avec lui dans la mer.
Enfin Braka revint ; ayant trouvé la porte de la maison fermée, elle était entrée dans le jardin. Elle resta comme pétrifiée à ce spectacle étrange : le puissant Michel dans son linceul, avec sa brillante couronne d’argent ; au-dessus de lui la blanche jeune fille, entourée de ses vêtements de deuil, et retenue, grâce à sa robe, par le chien noir dont les yeux lançaient des flammes. La vieille se mit à rire, comme c’était son habitude quand il arrivait quelque chose d’extraordinaire ; puis elle s’élança, ramena avec peine la jeune fille sur le bord, et lui dit :
– Laisse-le aller, il sait mieux son chemin que toi.
À ces mots, les flots reprirent tranquillement leur course, la lune disparut derrière les nuages, et Bella tomba dans les bras de la vieille.
Un mois s’était déjà écoulé dans l’affliction et la douleur ; la vieille, dans l’intérêt de leur propre sûreté, ne pouvait venir tous les jours, et Bella passait son temps avec le chien qui dormait toujours. Lorsqu’il avait mangé, il remuait la queue, se léchait et se grattait ; c’était là toute son occupation. Elle finit enfin par se décider à ce que les héritiers font d’habitude tout d’abord ; elle voulut voir ce qu’avait laissé le défunt…
Elle ouvrit la chambre secrète avec une crainte mêlée de respect ; mais son attente fut trompée ; il n’y avait ni brillants vêtements, ni trésors, mais seulement quelques paquets d’herbes, des sacs pleins de racines, des pierres et différents objets dont elle ne connaissait pas l’usage, car son père ne lui avait jamais fait connaître cette chambre mystérieuse. Enfin elle trouva dans une cachette quelques écrits qu’elle parcourut ; plusieurs, ornés de riches cachets, étaient écrits sur très beau papier dans une langue étrangère qu’elle ne connaissait pas. Mais d’autres étaient en allemand des Pays-Bas, langue qu’elle savait très bien lire et écrire, parce que sa mère, descendante d’une ancienne maison des comtes de Hogstraaten, et qui s’était fait enlever par le duc Michel, avait appris cette langue qu’elle aimait à son mari et à sa fille. Elle prit les livres et lut toute la nuit, car elle dormait le jour pour éviter de faire aucun bruit. Au matin, Braka lui envoya sa chouette apprivoisée pour lui faire savoir qu’elle désirait entrer ; Bella quitta son livre avec dépit, et lorsque la vieille se présenta, elle resta silencieuse devant elle ; alors Braka, appliquant ses deux mains sur les pages du livre, lui dit :
– Maintenant, plus d’amitiés, plus de baisers ! Lorsque les enfants sont petits, ils ne croient jamais être assez reconnaissants du moindre service ; mais aussitôt qu’ils commencent à grandir, ils n’ont plus d’oreille pour tout le bien qu’on leur fait. Tu n’auras pas de gâteau aujourd’hui si tu ne me le demandes pas comme il faut ; j’ai passé une demi-heure chez le boulanger pour l’avoir ; il devait aller chez le prince, et a fait attendre toutes ses pratiques.
– Même quand je ne t’en demande point, tu n’as pas de repos que je n’aie mangé de ton gâteau : donne-le donc et ne sois plus méchante comme cela. J’ai examiné aujourd’hui les livres de mon père, et j’y ai trouvé de si belles histoires, si belles et si merveilleuses, que cela me donnerait envie d’être revenant.
La vieille regarda dans le livre.
– C’est étonnant, dit-elle, que moi qui suis si vieille je ne sache pas lire, et toi qui n’as pas encore vécu, tu lises si bien et si couramment. Maintenant écoute-moi ; puisque tu as si envie d’être revenant, tu peux te satisfaire ; c’est une idée qui me vient, et nous pouvons en profiter.
– Qu’est-ce donc, dit Bella, tu as l’air d’hésiter ?
– Voici ce que c’est ; il n’y a pas à plaisanter dans ce que je vais te dire. Le prince Charles passait à cheval, hier, devant cette maison, avec son précepteur Cenrio ; il demanda d’où venait que cette maison fût ainsi fermée et abandonnée. Cenrio lui raconta comme quoi les revenants avaient écarté tous les acheteurs et tous les locataires ; mais le prince, au lieu de s’en effrayer, jura qu’il voulait passer tout seul une nuit dans cette maison, et qu’il saurait bien en chasser les esprits. Tu comprends qu’il peut à tout moment venir ici, et ses gens garderont si bien les issues, qu’aucun de nous ne pourra entrer ni sortir.
– Quoi, Braka, dit la jeune fille, je pourrais donc voir le prince ; j’ai si souvent entendu parler de lui, on dit qu’il est si beau, si noble, qu’il monte si bien à cheval !
– Tu penses beaucoup au prince et pas à notre salut, continua la vieille ; es-tu capable de jouer le revenant ? Cela nous sauvera.
– Pourquoi pas, dit Bella ; mais comment faire ?
Et elle continua sa lecture.
– Écoute, mon enfant ; il ne peut passer la nuit que dans la grande chambre noire, sur laquelle donne le cabinet secret de ton père, car toutes les autres ont plusieurs entrées, ce qui serait moins sûr pour lui, et de plus c’est la seule où il y ait un lit. Maintenant, suppose-le bien tranquille et bien endormi ; tu te glisses hors du cabinet, et tu te places à côté de lui dans le lit ; je te jure qu’il se sauvera bien vite de frayeur, et qu’il ne reviendra plus. Mais si par hasard il ne s’effrayait pas, et qu’il te retint, il ne t’en coûtera qu’un mensonge ; tu diras que c’est l’amour qui t’a poussée à te glisser ainsi auprès de lui, et qu’il peut faire ton bonheur.
– Oui, dit Bella en continuant de lire, tu as une bonne idée.
– Mais dis-moi donc où tu as trouvé ce maudit livre ; lorsque je te parle des choses les plus importantes, tu ne penses qu’à ton livre.
– Je l’ai trouvé dans la chambre de mon père, dit Bella ; il y en a encore plusieurs, prends-en un aussi.
– Puisque tu le permets, répondit la vieille, je vais y entrer ; je n’ai jamais osé y aller du vivant de ton père.
– Va, dit Bella, tu ne trouveras pas grand-chose.
La vieille se dirigea vers le cabinet avec une curiosité mêlée de crainte ; lorsqu’elle ouvrit la porte, elle pria Bella de rappeler le chien noir qui se tenait toujours couché en travers, et qui ne laissait entrer personne que Bella.
Bella appela le chien, et la vieille pénétra aussitôt dans la chambre. Lorsqu’elle y fut entrée, Bella, voulut se divertir, rappela le chien, le fit coucher de nouveau devant la porte, et se cacha pour jouir à son aise de la frayeur de la vieille ; c’était une plaisanterie de noble fille.
Quelques minutes après, la vieille reparut avec un sac et un gros paquet d’herbes, mais le chien lui faisait une paire d’yeux flamboyants, et lui montrait les dents ; elle resta clouée sur le seuil, et appela Bella en tremblant ; en ce moment, elles entendirent devant la porte un bruit inaccoutumé de chevaux, des hommes armés marchaient dans la cour. Bella, effrayée, se réfugia avec la lumière et le chien dans le cabinet où se trouvait déjà la vieille ; elles fermèrent la porte, et attendirent en silence pour voir si c’était par hasard le prince qui venait pour combattre les esprits.
Elles ne s’étaient pas trompées ; c’était Charles, le brillant et puissant héritier d’un empire où le soleil ne se couchait pas. Il entra dans la chambre abandonnée comme l’avait prévu la vieille. Bella pouvait le regarder à son aise par une fente de la porte ; elle n’avait jamais rien vu de pareil ; elle ne s’était encore trouvée qu’en face de ...

Table des matières

  1. Titre
  2. Isabelle d'Égypte
  3. Notes de bas de page