L'escalier d'or
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L'escalier d'or

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L'escalier d'or

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À propos de ce livre

L'escalier d'or was written in the year 1921 by Edmond Jaloux. This book is one of the most popular novels of Edmond Jaloux, and has been translated into several other languages around the world.

This book is published by Booklassic which brings young readers closer to classic literature globally.

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Informations

Éditeur
Booklassic
ISBN
9789635257072

Chapitre 1 Dans lequel le lecteur sera admis Ă  faire la connaissance des deux personnages les plus Ă©pisodiques de ce roman.

 
« La diffĂ©rence de peuple Ă  peuple n’est pas moins forte d’homme Ă  homme. »
Rivarol.
 
J’ai toujours Ă©tĂ© curieux. La curiositĂ© est, depuis mon plus jeune Ăąge, la passion dominante de ma vie. Je l’avoue ici, parce qu’il me faut bien expliquer comment j’ai Ă©tĂ© mĂȘlĂ© aux Ă©vĂ©nements dont j’ai rĂ©solu de faire le rĂ©cit ; mais je l’avoue sans honte, ni complaisance. Je ne peux voir dans ce trait essentiel de mon caractĂšre ni un travers, ni une qualitĂ©, et les moralistes perdraient leur temps avec moi, soit qu’ils eussent l’intention de me blĂąmer, soit de me donner en exemple Ă  autrui.
Je dois ajouter cependant, par Ă©gard pour certains esprits scrupuleux, que cette curiositĂ© est absolument dĂ©sintĂ©ressĂ©e. Mes amis goĂ»tent mon silence, et ce que je sais ne court pas les routes. Elle n’a pas non plus ce caractĂšre douteux ou Ă©quivoque qu’elle prend volontiers chez eux qui la pratiquent exclusivement. Aucune malveillance, aucune bassesse d’esprit ne se mĂȘlent Ă  elle. Je crois qu’elle provient uniquement du goĂ»t que j’ai pour la vie humaine. Une sorte de sympathie irrĂ©sistible n’a toujours entraĂźnĂ© vers tous ceux que le hasard des circonstances me faisait rencontrer. Chez la plupart des ĂȘtres, cette sympathie repose sur des affinitĂ©s intellectuelles ou morales, des parentĂ©s de goĂ»t ou de nature. Pour moi, rien de tout cela ne compte. Je me plais avec les gens que je rencontre parce qu’ils sont lĂ , en face de moi, eux-mĂȘmes et personne d’autre, et que ce qui me paraĂźt alors le plus passionnant, c’est justement ce qu’ils possĂšdent d’essentiel, d’unique, la forme spĂ©ciale de leur esprit, de leur caractĂšre et de leur destinĂ©e.
Au fond, c’est pour moi un vĂ©ritable plaisir que de m’introduire dans la vie d’autrui. Je le fais spontanĂ©ment et sans le vouloir. Il me serait agrĂ©able d’aider de mon expĂ©rience ou de mon appui ces inconnus qui deviennent si vite mes amis, de travailler Ă  leur bonheur. J’oublie mes soucis, mes chagrins, je partage leurs joies, leurs peines, je les aime en un mot, et je vis ainsi mille vies, toutes plus belles, plus variĂ©es, plus Ă©mouvantes les unes que les autres !
Cette Ă©trange passion m’a donnĂ© de curieuses relations, des amitiĂ©s prĂ©cieuses et bizarres, et j’aurais un fort gros volume Ă  Ă©crire si je voulais en faire un rĂ©cit complet ; mais mon ambition ne s’élĂšve pas si haut : il me suffira de relater ici aussi rapidement que possible ce que j’ai appris des mƓurs et du caractĂšre de M. ValĂšre Bouldouyr, afin d’aider les chroniqueurs, si jamais il s’en trouve un qui, Ă  l’exemple de Paul de Musset ou de Charles Monselet, veuille tracer une galerie de portraits d’aprĂšs les excentriques de notre temps.
À l’époque oĂč je fis sa connaissance, je venais de quitter l’appartement que j’habitais dans l’üle Saint-Louis pour me fixer au Palais-Royal.
Ce quartier me plaisait parce qu’il a Ă  la fois d’isolĂ© et de populaire. Les maisons qui encadrent le jardin ont belle apparence, avec leurs façades rĂ©guliĂšres, leurs pilastres, et ce balcon qui court sur trois cĂŽtĂ©s, exhaussant, Ă  intervalles Ă©gaux, un vase noirci par le temps ; mais tout autour, ce ne sont encore que rues Ă©troites et tournantes, places provinciales, passages vitrĂ©s aux boutiques vieillottes, recoins bizarres, boutiques inattendues. Les gens du quartier semblent y vivre, comme ils le feraient Ă  Castres ou Ă  Langres, sans rien savoir de l’énorme vie qui grouille Ă  deux pas d’eux, et Ă  laquelle ils ne s’intĂ©ressent guĂšre. Ils ont tous, plus ou moins, des choses de ce monde la mĂȘme opinion que mon coiffeur, M. Delavigne, qui, un matin oĂč un ministre de la Guerre, alors fameux, fut tuĂ© en assistant Ă  un dĂ©part d’aĂ©roplanes, se pencha vers moi et me dit, tout Ă©mu, tandis qu’il me barbouillait le menton de mousse :
– Quand on pense, monsieur, que cela aurait pu arriver à quelqu’un du quartier !
Delavigne fut le premier d’ailleurs Ă  me faire apprĂ©cier les charmes du mien. Il tenait boutique dans un de ces passages que j’ai citĂ©s tantĂŽt et que beaucoup de Parisiens ne connaissent mĂȘme pas. Sa devanture attirait les regards par une grande assemblĂ©e de ces tĂȘtes de cire au visage si inexpressif qu’on peut les coiffer de n’importe quelle perruque sans modifier en rien leur physionomie.
Quand on entrait dans le magasin, il Ă©tait gĂ©nĂ©ralement vide ; M. Delavigne se souciait peu d’attendre des heures entiĂšres des chalands incertains. Lorsqu’il sortait, il ne fermait mĂȘme pas sa porte, tant il avait confiance dans l’honnĂȘtetĂ© de ses voisins. D’ailleurs, qu’eĂ»t-on volĂ© Ă  M. Delavigne ?
Trois piĂšces, qui se suivaient et qui Ă©taient fort exiguĂ«s, composaient tout son domaine. La premiĂšre contenait les lavabos ; la seconde, des armoires oĂč j’appris plus tard qu’il enfermait ses postiches ; pour la troisiĂšme, je n’ai jamais su Ă  quoi elle pouvait servir.
Trouvait-on M. Delavigne ? Il vous recevait avec un sourire suave et vous priait de l’attendre, car il Ă©tait en gĂ©nĂ©ral fort occupĂ© Ă  de copieux bavardages. De curieuses personnes causaient avec lui dans l’arriĂšre-boutique, quelquefois, de bonnes gens qui venaient chercher perruque, mais aussi des marchandes Ă  la toilette, des courtiĂšres du Mont-de-PiĂ©tĂ©, de vieux beaux encore solennels. J’ai souvent soupçonnĂ© M. Delavigne de faire un peu tous les mĂ©tiers ; mais je dois avouer que je n’ai rien surpris de suspect dans ses actes, et je crois qu’il avait seulement l’amour immodĂ©rĂ© des dominos, passion Ă  laquelle il se livrait dans un cafĂ© voisin, qui s’appelait et s’appelle encore : À la Promenade de VĂ©nus. Je n’ais jamais pu passer devant cet endroit sans imaginer que j’allais dĂ©barquer Ă  Paphos ou Ă  Amathonte.
– Monsieur, me disait souvent M. Delavigne avec mĂ©lancolie, il n’y a vraiment qu’un emploi pour lequel je ne me sente aucune disposition : c’est celui que j’exerce ! Rien ne m’ennuie plus que de faire un « complet », ou mĂȘme une barbe, et Ă  la seule idĂ©e d’un shampoing, sauf votre respect, le cƓur me lĂšve de dĂ©goĂ»t !
– Aviez-vous une autre vocation, monsieur Delavigne ?
– Aucune, monsieur Salerne, mais j’aimerais assez ĂȘtre souffleur Ă  la ComĂ©die-Française, ou, sauf votre respect, greffier du tribunal. Je crois que, dans ce mĂ©tier-lĂ , on a un costume Ă©tonnant, avec de l’hermine qui pend quelque part. Il me plairait aussi beaucoup d’ĂȘtre poĂšte comme cet Ă©crivain dont je porte le nom, paraĂźt-il, et qui Ă©tait peut-ĂȘtre un de mes ancĂȘtres

– Poùte, monsieur Delavigne ? Peste ! Vous voici bien ambitieux !
– Monsieur Salerne croit-il que je suis insensible ? Non, non, on peut ĂȘtre coiffeur et avoir ses dĂ©ceptions, ses dĂ©sillusions, tout comme un autre. Nous habitons un monde, monsieur, oĂč le cƓur n’a pas sa rĂ©compense !
On le voit, je prenais plaisir aux propos de M. Delavigne. Sous cette fleur de bonne compagnie, qui leur donnait tant de charme, je retrouvais un type en quelque sorte national, sentencieux, aimant Ă  moraliser, vaniteux, au moment mĂȘme qu’il mĂ©prisait le plus son caractĂšre et son Ă©tat ; avec cela, sentimental et toujours déçu par quelque chose. Deux ou trois journaux traĂźnaient dans sa boutique, dont j’ai su depuis qu’il ne lisait que les renseignements mondains.
– Monsieur Salerne, me disait-il, voyez-vous, ce que j’aurais aimĂ© dans la vie, moi, c’est la sociĂ©tĂ© des gens du monde. Je n’étais pas nĂ© pour remplir un rĂŽle social aussi infime.
Et il rĂ©pĂ©tait comme un morceau poĂ©tique, comme le refrain d’une romance, un Ă©cho recueilli dans le Gaulois ou dans Excelsior : « Grand bal hier donnĂ© chez la princesse Lannes  »
Ses distractions Ă©taient honnĂȘtes il se plaisait Ă  passer la soirĂ©e au cinĂ©ma ou au cafĂ©-concert. Et souvent, en me faisant la barbe, me chantait-il quelque couplet tendre ou galant, d’une voix juste, mais un peu chevrotante. Le printemps venu, chaque dimanche, il courait la banlieue, sans doute avec d’aimables personnes, dont il n’osait pas me parler autrement que par des allusions mystĂ©rieuses ; et le lundi, je voyais sa boutique toute fleurie de ces grandes branches de lilas, que la poussiĂšre et les cahots du chemin de fer ont fripĂ©es et qui pendent.
– J’ai la superstition du lilas, me confiait-il alors, celle du muguet aussi. Quand j’en cueille, – et je sais ce que les dĂ©sillusions ont de plus amer, monsieur, – eh bien ! je ne peux pas croire que l’amour ne finira pas par me rendre heureux ! J’ai un ami Ă  La Promenade de VĂ©nus,qui me raille quand je parle ainsi, mais est-ce un mal que de garder sa pointe d’illusion ? Je peux vous avouer cela, n’est-ce pas ? Monsieur, car je vous connais bien, malgrĂ© votre rĂ©serve, vous ĂȘtes un dĂ©licat comme moi !
Avouez-le, comment n’eussĂ©-je pas Ă©tĂ© flattĂ© par une telle apprĂ©ciation ?
Le jour mĂȘme oĂč elle me fut faite, je rencontrai pour la premiĂšre fois M. ValĂšre Bouldouyr.

Chapitre 2 Portrait d’un homme inactuel.

« La mĂ©ditation a perdu toute sa dignitĂ© de forme ; on a tournĂ© en ridicule le cĂ©rĂ©monial et l’attitude solennelle de celui qui rĂ©flĂ©chit, et l’on ne tolĂ©rerait plus un homme sage du vieux style. »
Nietzsche.
J’étais, en effet, assis dans la boutique de M. Delavigne, ligotĂ© comme un prisonnier par les nƓuds d’une serviette si humide qu’elle risquait fort de me donner des rhumatismes, et mon geĂŽlier jouait Ă  faire pousser sur mes joues une mousse de plus en plus lĂ©gĂšre, quand la sonnette de l’établissement, qui avait, je ne sais pourquoi, un timbre rustique, tinta doucement. Mon regard plongeait dans la glace qui faisait face Ă  la porte. Je vis entrer un personnage qui me parut curieux, au premier abord, sans que je comprisse exactement pourquoi.
Il Ă©tait corpulent, de taille moyenne, d’aspect un peu lourd. Son front bombĂ©, ses petits yeux vifs, se joues rondes et creusĂ©es d’une fossette, son nez pointu aux narines vibrantes, une lĂšvre rasĂ©e, un collier de barbe qui grisonnait, me rappelĂšrent trĂšs vite un visage bien connu ; mais il y avait dans ses traits quelque chose d’amolli, de lĂąche, de dĂ©tendu. L’inconnu ressemblait certainement Ă  Stendhal, mais Ă  un Stendhal en dĂ©calcomanie. Il portait un vieux feutre sans fraĂźcheur et un gros pardessus bourru, de couleur marron, qui laissait voir un col mou et une cravate usĂ©e, mais dont les couleurs autrefois vives rĂ©vĂ©laient d’anciennes prĂ©tentions. Il s’assit dans un coin, aprĂšs avoir Ă©changĂ© avec M. Delavigne un salut cordial. Au bout d’un moment, le voyant dĂ©sƓuvrĂ©, le coiffeur lui offrit un journal.
Mais le client refusa majestueusement cette proposition :
– Vous savez bien, dit-il, que je ne lis jamais de journaux, jamais ! Pourquoi faire ? Je n’ignore pas grand’chose des turpitudes qui peuvent se passer dans ce bas-monde. En quoi pourraient-elles m’intĂ©resser ?
 Vous, monsieur Delavigne, voulez-vous me dire ce qui vous intĂ©resse dans un journal ?
– Mais les crimes, par exemple, dit M. Delavigne, dĂ©contenancĂ©.
– Les crimes ? Ils sont dĂ©jĂ  tous dans la Bible ! Ils ne varient que par le nom de la localitĂ© oĂč ils ont Ă©tĂ© commis.
– La politique

– La politique ? Parlez-vous sĂ©rieusement, monsieur Delavigne ? La politique ? Vous tenez sincĂšrement Ă  savoir par quel procĂ©dĂ© vous serez tracassĂ©, volĂ©, martyrisĂ© et rĂ©duit en esclavage ? Moi, ça m’est Ă©gal ! Les moutons ne seront jamais tondus que par les bergers. Maintenant, si vous prĂ©fĂ©rez un berger qui porte un nom de famille Ă  un berger qui porte un numĂ©ro, c’est votre affaire. Une affaire purement personnelle, monsieur Delavigne, ne l’oublions pas !
– Enfin, j’aime à savoir ce qui se passe !
– Moi aussi ! Ou plutît, j’aimerais à savoir ce qui se passe, s’il se passait quelque chose. Mais il ne se passe rien, vous entendez bien, rien !
Il s’enfonça de nouveau dans sa mĂ©ditation, et M. Delavigne me fit plusieurs petits signes du coin de l’Ɠil, pour me signaler qu’il avait affaire Ă  un original, un fameux original ! Je m’en apercevais, parbleu ! Bien.
Je clignai de la paupiùre à mon tour, afin d’engager M. Delavigne à reprendre sa conversation avec le faux Stendhal.
AprÚs quelques instants de silence, le coiffeur débuta ainsi :
– Si vous ne vous intĂ©ressez pas aux journaux, ni aux crimes, ni Ă  la politique, monsieur Bouldouyr, Ă  quoi donc vous intĂ©ressez-vous ?
Bouldouyr ne répondit pas tout de suite. Il nous regardait alternativement, le coiffeur et moi. Puis un sourire de mépris doucement apitoyé erra sur ses lÚvres gourmandes.
– Vous, monsieur Delavigne, vous aimez Ă  jouer aux dominos Ă  La Promenade de VĂ©nus, vous ne dĂ©daignez pas le cinĂ©ma et vous nourrissez, chaque printemps, une passion nouvelle pour quelque aimable nymphe du quartier. Si j’avais n’importe lequel de ces goĂ»ts charmants, vous pourriez apprĂ©cier ce qui m’intĂ©resse, mais la vĂ©ritĂ© me force Ă  confesser que tout cela m’est souverainement indiffĂ©rent. Presque tout d’ailleurs m’est indiffĂ©rent, et ce qui me passionne, moi, n’a de signification pour personne.
– J’ai connu un philatĂ©liste qui raisonnait Ă  peu prĂšs comme vous.
– Un philatĂ©liste ! S’écria M. Bouldouyr, qui devint soudain rouge de colĂšre, je vous prie, n’est-ce pas, de ne pas me confondre avec un imbĂ©cile de cette sorte ! Un philatĂ©liste ! Pourquoi pas un conchyliologue, puisque vous y ĂȘtes ?
– Je vous demande pardon, monsieur, je ne croyais pas vous fñcher

– C’est bon, c’est bon, dit M. Bouldouyr, en se levant. Je vais prendre l’air, je reviendrai tantît.
Et il sortit en faisant claquer la porte.
– Il est un petit peu piquĂ©, dit M. Delavigne, en souriant. Mais ce n’est pas un mĂ©chant homme. Il s’appelle ValĂšre Bouldouyr. Un drĂŽle de nom, n’est ce pas ? Et puis, vous savez quand il dit que rien ne l’intĂ©resse, il se moque de nous. Il se promĂšne souvent au Palais-Royal avec une jeunesse, qui a l’air joliment agrĂ©able. Et vous savez, ajouta indiscrĂštement M. Delavigne, en se penchant vers mon oreille, il est plus vieux qu’il n’en a l’air. C’est moi qui lui ai fourni son postiche et la lotion avec laquelle il noircit Ă  demi sa barbe, qui est toute blanche

Ces dĂ©tails me gĂȘnĂšrent un peu. Je demandai Ă  m. Delavigne Ă  quoi M. Bouldouyr Ă©tait occupĂ©.
– À rien, c’est un ancien employĂ© du ministĂšre de la Marine. Maintenant il est Ă  la retraite.
Je quittai la boutique de M. Delavigne. Je croisai M. Bouldouyr, qui s’acheminait de nouveau vers elle. Il marchait lourdement, et il me parut voĂ»tĂ©, mais peut-ĂȘtre Ă©tait-ce l’influence du coiffeur qui me le faisait voir ainsi.
Je gagnai le Palais-Royal et je traversai le jardin. C’était un jour de printemps. Le paulownia noir et tordu porta...

Table des matiĂšres

  1. Titre
  2. Préface
  3. Chapitre 1 - Dans lequel le lecteur sera admis Ă  faire la connaissance des deux personnages les plus Ă©pisodiques de ce roman.
  4. Chapitre 2 - Portrait d’un homme inactuel.
  5. Chapitre 3 - OĂč l’on passe rapidement de ce qui est Ă  ce qui n’est pas.
  6. Chapitre 4 - Dans lequel apparaĂźt l’insaisissable figure qui donnera de l’unitĂ© Ă  ce rĂ©cit.
  7. Chapitre 5 - Petit essai sur les mƓurs du Palais-Royal.
  8. Chapitre 6 - Qui traite de la prévision, de la prudence et de la modération.
  9. Chapitre 7 - Dans lequel l’invraisemblable devient quotidien.
  10. Chapitre 8 - OĂč le lecteur commencera de savoir oĂč mĂšne l’escalier d’or.
  11. Chapitre 9 - Origines de M. ValĂšre Bouldouyr.
  12. Chapitre 10 - Nouvel essai sur les mƓurs du Palais-Royal.
  13. Chapitre 11 - Coup d’Ɠil gĂ©nĂ©ral sur le passĂ©.
  14. Chapitre 12 - Les promenades de Lucien BĂ©chard.
  15. Chapitre 13 - Qui pose un point d’interrogation redoutable.
  16. Chapitre 14 - Dans lequel ValÚre Bouldouyr perd quelque peu de sa personnalité.
  17. Chapitre 15 - Ici M. ValĂšre Bouldouyr se peint au naturel.
  18. Chapitre 16 - La derniĂšre fĂȘte.
  19. Chapitre 17 - Le dĂ©part et l’adieu.
  20. Chapitre 18 - Aprùs lequel le pauvre lecteur n’aura plus grand’chose à apprendre.
  21. Chapitre 19 - Le testament de Françoise.
  22. Chapitre 20 - Qu’est devenu Pizzicato ?
  23. Chapitre 21 - Fragment d’une histoire Ă©ternelle.
  24. Chapitre 22 - La contagion.
  25. Chapitre 23 - Dans lequel M. Delavigne s’élĂšve aux plus hautes conceptions philosophiques et promĂšne un regard d’aigle sur le champ de la vie humaine.
  26. Chapitre 24 - OĂč le retour est plus mĂ©lancolique que l’adieu.
  27. Chapitre 25 - Que contient la leçon de ce livre ?
  28. À propos de cette Ă©dition Ă©lectronique