La Guerre des Gaules
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La Guerre des Gaules

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La Guerre des Gaules

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À propos de ce livre

Un ouvrage unique en son genre, relation écrite par l'acteur principal du drame qu'elle fait revivre, et publiée pendant cette guerre de huit ans, a des fins de propagande personnelle: un tour de force, qui ne fut jamais répété. Cette histoire d'un conflit prolongé est un livre de combat, en meme temps que le témoignage le plus ancien et le plus important sur les origines de la France, la Belgique, la Suisse, l'Allemagne rhénane et la Grande-Bretagne. C'est bien un grand peuple celtique en pleine évolution que César a gagné a la civilisation latine, ce fut aussi une culture dont nous commençons a entrevoir l'originalité et le raffinement.

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Informations

Éditeur
Booklassic
ISBN
9789635259397

LIVRE SEPTIÈME

52 av. J.-C.
1. Voyant la Gaule tranquille, César, ainsi qu'il l'avait décidé, part pour l'Italie afin d'y tenir ses assises. Là, il apprend le meurtre de Publius Clodius et, ayant eu connaissance du sénatus-consulte qui ordonnait l'enrôlement en masse de la jeunesse d'Italie, il entreprend une levée dans toute sa province. La nouvelle de ces événements parvient vite en Transalpine. Les Gaulois y ajoutent de leur propre chef, inventent et répandent une nouvelle qui leur paraissait être le complément naturel de la première : César était retenu par les troubles de Rome, et il ne lui était pas possible de se rendre à l'armée quand la lutte des partis était si vive. L'occasion excite ces hommes qui déjà ne supportaient qu'avec impatience d'être soumis au peuple Romain : ils commencent à faire des projets de guerre avec plus de liberté et de hardiesse. Les chefs gaulois s'entendent pour tenir des conciliabules dans des lieux écartés, au milieu des bois là, ils se plaignent de la mort d'Acco ; ils montrent que ce sort peut devenir le leur ; ils déplorent le malheur commun des Gaulois ; en promettant toutes sortes de récompenses, ils demandent instamment qu'on entre en guerre et qu'on joue sa vie pour rendre à la Gaule sa liberté. « La première chose, disent-ils, à laquelle on doit aviser, c'est de couper César de son armée avant que leurs projets clandestins ne soient divulgués. C'est chose facile, car les légions n'osent pas, en l'absence du chef, sortir de leurs quartiers d'hiver et, de son côté, le chef, sans escorte, ne peut rejoindre ses légions ; et puis mieux vaut mourir en combattant que de ne pas recouvrer l'antique honneur militaire et la liberté que les aïeux ont légués. »
2. Après mainte discussion sur ces projets, les Carnutes déclarent que pour le salut de la patrie il n'est pas de danger qu'ils n'acceptent, et ils promettent d'être au premier rang des révoltés. « Puisque pour le moment on ne peut se garantir mutuellement par un échange d'otages, car cela risquerait d'ébruiter leur projet, que du moins, disent-ils, on s'engage par des serments solennels, autour des étendards réunis en faisceau – cérémonie qui noue, chez eux, le plus sacré des liens – à ne pas les abandonner une fois les hostilités commencées. » On félicite à l'envi les Carnutes ; le serment est prêté par toute l'assistance, et on se sépare après avoir fixé la date du soulèvement.
3. Quand arrive le jour convenu, les Carnutes, entraînés par Cotuatos et Conconnétodumnos, hommes dont on ne pouvait rien attendre que des folies, se jettent, à un signal donné, dans Cénabum, massacrent les citoyens romains qui s'y étaient établis pour faire du commerce, mettent leurs biens au pillage ; parmi eux était Caïus Fufius Cita, honorable chevalier romain, que César avait chargé de l'intendance des vivres. La nouvelle parvient vite à toutes les cités de la Gaule. En effet, quand il arrive quelque chose d'important, quand un grand événement se produit, les Gaulois en clament la nouvelle à travers la campagne dans les différentes directions ; de proche en proche, on la recueille et on la transmet. Ainsi firent-ils alors ; et ce qui s'était passé à Cénabum au lever du jour fut connu avant la fin de la première veille chez les Arvernes, à une distance d'environ cent soixante milles.
4. L'exemple y fut suivi : Vercingétorix, fils de Celtillos, Arverne, jeune homme qui était parmi les plus puissants du pays, dont le père avait eu l'empire de la Gaule et avait été tué par ses compatriotes parce qu'il aspirait à la royautés, convoqua ses clients et n'eut pas de peine à les enflammer. Quand on connaît son dessein, on court aux armes. Gobannitio, son oncle, et les autres chefs, qui n'étaient pas d'avis de tenter la chance de cette entreprise, l'empêchent d'agir ; on le chasse de la ville forte de Gergovie. Pourtant, il ne renonce point, et il enrôle dans la campagne des miséreux et des gens sans aveu. Après avoir réuni cette troupe, il convertit à sa cause tous ceux de ses compatriotes qu'il rencontre ; il les exhorte à prendre les armes pour la liberté de la Gaule ; il rassemble de grandes forces et chasse ses adversaires qui, peu de jours auparavant, l'avaient chassé lui-même. Ses partisans le proclament roi. Il envoie des ambassades à tous les peuples : il les supplie de rester fidèles à la parole jurée. Il ne lui faut pas longtemps pour avoir à ses côtés les Sénons, les Parisii, les Pictons, les Cadurques, les Turons, les Aulerques, les Lémovices, les Andes et tous les autres peuples qui touchent à l'océan. A l'unanimité, on lui confère le commandement suprême. Investi de ces pouvoirs, il exige de tous ces peuples des otages, il ordonne qu'un nombre déterminé de soldats lui soit amené sans délai, il fixe quelle quantité d'armes chaque cité doit fabriquer, et avant quelle date ; il donne un soin particulier à la cavalerie. A la plus grande activité il joint une sévérité extrême dans l'exercice du commandement ; la rigueur des châtiments rallie ceux qui hésitent. Pour une faute grave, c'est la mort par le feu et par toutes sortes de supplices ; pour une faute légère, il fait couper les oreilles au coupable ou lui crever un œil, et il le renvoie chez lui, afin qu'il serve d'exemple et que la sévérité du châtiment subi frappe les autres de terreur.
5. Ayant, par de telles cruautés, rassemblé en peu de temps une armée, il envoie chez les Rutènes, avec une partie des troupes, le Cadurque Luctériosi, homme d'une rare intrépidité, et part lui-même chez les Bituriges. Ceux-ci, à son arrivée, envoient une ambassade aux Héduens, dont ils étaient les clients, pour leur demander de les aider à soutenir l'attaque des ennemis. Les Héduens, sur l'avis des légats que César avait laissés à l'armée, envoient au secours des Bituriges des cavaliers et des fantassins. Quand ceux-ci eurent atteint la Loire, qui sépare les deux peuples, ils s'arrêtèrent, et, au bout de peu de jours, ils s'en retournent sans avoir osé franchir le fleuve ; ils rapportent à nos légats que s'ils ont fait demi-tour, c'est qu'ils craignaient la perfidie des Bituriges, car ils ont appris que leur intention était de les envelopper, eux d'un côté, les Arvernes de l'autre, au cas où ils auraient passé le fleuve. Agirent-ils ainsi pour le motif qu'ils déclarèrent aux légats, ou obéissaient-ils à des pensées de trahison ? N'ayant là-dessus aucune certitude, nous ne croyons pas devoir rien affirmer. Les voyant s'en aller, les Bituriges s'empressent de se joindre aux Arvernes.
6. Quand la nouvelle de ces événements parvint en Italie à César, celui-ci, voyant que désormais la situation intérieure, grâce à la fermeté de Pompée, s'était améliorée, partit pour la Gaule transalpines. Une fois arrivé, il se trouva dans un grand embarras comment parviendrait-il à rejoindre son armée ? Si, en effet, il appelait les légions dans la Province, il voyait qu'elles devraient en chemin livrer bataille sans lui ; s'il allait vers elles, il se rendait compte que, dans les circonstances présentes, il ne pouvait sans imprudence confier sa vie à ceux-là même qui paraissaient tranquilles.
7. Cependant Luctérios le Cadurque, qui avait été envoyé chez les Rutènes, les gagne aux Arvernes. Il pousse chez les Nitiobroges et chez les Gabales, reçoit de chaque peuple des otages, et, ayant réuni une forte troupe, entreprend d'envahir la Province, en direction de Narbonne. A cette nouvelle, César pensa qu'il devait, de préférence à tout autre plan, partir pour Narbonne. Il arrive, il rassure les courages ébranlés, place des détachements chez les Rutènes de la province, chez les Volques Arécomiques, chez les Tolosates et autour de Narbonne, toutes régions qui confinaient au territoire ennemi ; il ordonne qu'une partie des troupes de la province et les renforts qu'il a amenés d'Italie se concentrent chez les Helviens, qui touchent aux Arvernes.
8. Après avoir pris ces dispositions, comme déjà Luctérios arrêtait son mouvement et même reculait, parce qu'il trouvait dangereux de s'aventurer au milieu de nos détachements, César part chez les Helviens. Les Cévennes, qui forment barrière entre les Helviens et les Arvernes, étaient en cette saison, à l'époque la plus rude de l'année, couvertes d'une neige très haute qui interdisait le passage, néanmoins, les soldats fendent et écartent la neige sur une profondeur de six pieds, et, le chemin ainsi frayé au prix des plus grandes fatigues pour les hommes, on débouche dans le pays des Arvernes. Cette arrivée inattendue les frappe de stupeur, car ils se croyaient protégés par les Cévennes comme par un rempart et jamais, à cette époque de l'année, on n'avait vu personne, fût-ce un voyageur isolé, pouvoir en pratiquer les sentiers ; alors César ordonne à ses cavaliers de rayonner le plus loin possible en terrorisant l'ennemi le plus qu'ils peuvent. Rapidement, par la rumeur publique, par des messagers, Vercingétorix apprend ce qui se passe ; tous les Arvernes, au comble de l'émotion, l'entourent, le pressent qu'il pense à défendre leurs biens, qu'il ne laisse pas l'ennemi les piller entièrement, surtout quand – il le voyait bien – tout le poids de la guerre était pour eux. Cédant à leurs prières, il lève le camp et quitte le pays des Bituriges pour se rendre chez les Arvernes.
9. Mais César ne resta que deux jours sur place : il avait prévu que Vercingétorix agirait effectivement de la sorte ; sous prétexte d'aller chercher du renfort et de la cavalerie, il quitte l'armée, laissant le commandement des troupes au jeune Brutus : il lui recommande de faire des incursions de cavalerie de tous côtés, et de les pousser le plus loin possible ; quant à lui, il tâchera de n'être pas absent plus de trois jours. Les choses ainsi réglées, il se dirige à marches forcées vers Vienne, au grand étonnement de son escorte. Il y trouve de la cavalerie fraîche, qu'il y avait envoyée un certain temps auparavant, et, ne cessant de marcher ni jour ni nuit, se dirige, à travers le pays des Héduens, vers celui des Lingons, où deux légions hivernaient : il voulait, au cas où les Héduens iraient jusqu'à tramer quelque plan contre sa vie, en prévenir, par sa rapidité, l'exécution. Une fois arrivé, il envoie des ordres aux autres légions et les concentre toutes sur un seul point avant que les Arvernes aient pu apprendre qu'il était là. Quand il connaît la situation, Vercingétorix, à nouveau, ramène son armée chez les Bituriges, puis quitte leur territoire et se dispose à assiéger Gorgobina, ville des Boïens : César les y avait établis après les avoir vaincus dans la bataille contre les Helvètes, et il les avait placés sous l'autorité des Héduens.
10. Cette manœuvre mettait César dans un grand embarras : s'il gardait ses légions dans leurs quartiers pendant le reste de l'hiver, il devait craindre que, ayant laissé écraser un peuple qui était tributaire des Héduens, la Gaule entière n'entrât en dissidence, puisqu'on verrait que ses amis ne trouvaient en lui aucune protection ; s'il les faisait sortir prématurément, il devait craindre d'avoir à souffrir du côté du ravitaillement, par suite de la difficulté des transports. Il crut qu'il valait mieux néanmoins tout supporter, plutôt que de s'aliéner, en acceptant un tel affront, l'unanimité de ses partisans. Il invite donc les Héduens à lui fournir des vivres, et se fait précéder chez les Boïens d'une ambassade qui annoncera sa venue et les exhortera à rester fidèles, à supporter vaillamment le choc de l'ennemi. Laissant à Agédincum deux légions et les bagages de toute l'armée, il se met en route pour le pays des Boïens.
11. Le second jour, il arriva devant Vellaunodunum, ville des Sénons voulant ne pas laisser d'ennemi derrière lui pour n'être pas gêné dans son ravitaillement, il entreprit d'en faire le siège, et en deux jours, il l'eut entourée d'un retranchement ; le troisième jour, la place envoya des parlementaires pour traiter de la reddition : il ordonne qu'on livre les armes, qu'on amène les chevaux, qu'on fournisse six cents otages. Il laisse Caïus Trébonius, son légat, pour terminer le règlement de cette affaire, et part – car il désirait achever sa route au plus vite – se dirigeant vers Cénabum, ville des Carnutes. Ceux-ci, qui venaient à peine d'apprendre que Vellaunodunum était assiégé, pensant que l'affaire traînerait quelque temps, s'occupaient de rassembler des troupes pour la défense de Cénabum, et se disposaient à les y envoyer. Mais en deux jours César y fut. Il campe devant la ville, et, l'heure avancée lui interdisant de commencer l'attaque, il la remet au lendemain ; il ordonne à ses troupes de faire les préparatifs ordinaires en pareil cas, et, comme il y avait sous les murs de la place un pont qui franchissait la Loire, craignant que les habitants ne prissent la fuite à la faveur de la nuit, il fait veiller deux légions sous les armes. Les gens de Cénabum, peu avant minuit, sortirent en silence de la ville et commencèrent de passer le fleuve. César, averti par ses éclaireurs, introduit, après avoir fait incendier les portes, les deux légions qu'il tenait prêtes, et se rend maître de la place : il s'en fallut d'un bien petit nombre que tous les ennemis ne fussent faits prisonniers, car l'étroitesse du pont et des chemins qui y conduisaient avait bloqué cette multitude en fuite. César pille et brûle la ville, fait don du butin aux soldats, passe la Loire et arrive dans le pays des Bituriges.
12. Dès que Vercingétorix est informé de l'approche de César, il lève le siège de Gorgobina et se porte à sa rencontre. Celui-ci avait entrepris d'assiéger une ville des Bituriges, Noviodunum, qui se trouvait sur sa route. La place lui ayant envoyé des députés pour le supplier de pardonner et d'épargner la vie des habitants, César, soucieux d'achever sa tâche en allant vite, méthode qui lui avait valu la plupart de ses précédents succès, ordonne qu'on livre les armes, qu'on amène les chevaux, qu'on fournisse des otages. Déjà une partie des otages avait été livrée et on procédait à l'exécution des autres clauses – des centurions et quelques soldats avaient été introduits dans la place pour rassembler les armes et les chevaux – quand on aperçut au loin la cavalerie ennemie, qui précédait l'armée de Vercingétorix. A peine les assiégés l'eurent-ils vue et eurent-ils conçu l'espoir d'être secourus qu'une clameur s'éleva et qu'on se mit à courir aux armes, à fermer les portes, à garnir les murailles. Les centurions qui étaient dans la ville, comprenant à l'attitude des Gaulois qu'il y avait quelque chose de changé dans leurs dispositions, mirent l'épée à la main, s'emparèrent des portes et ramenèrent leurs soldats au complet et sans blessures.
13. César fait sortir du camp sa cavalerie et engage la bataille ; puis, les siens étant en difficulté, il envoie à leur secours environ quatre cents Germains qu'il avait coutume, depuis le début de la guerre, d'avoir avec lui. Les Gaulois ne purent supporter leur charge : ils furent mis en déroute et se replièrent sur le gros, non sans avoir subi de lourdes pertes. Ce revers ramena les assiégés à leurs premiers sentiments : pris de peur, ils arrêtèrent ceux qu'ils considéraient comme responsables du mouvement populaire, les amenèrent à César et firent leur soumission. Ayant terminé cette affaire, César partit pour Avaricum, qui était la ville la plus grande et la plus forte du pays des Bituriges, et située dans une région très fertile : il pensait que la prise de cette place lui soumettrait toute la nation des Bituriges.
14. Vercingétorix, après cette suite ininterrompue de revers essuyés à Vellaunodunum, à Cénabum, à Noviodunum, convoque un conseil de guerre. Il démontre qu'il faut conduire les opérations tout autrement qu'on ne l'a fait jusqu'ici : « Par tous les moyens on devra viser à ce but interdire aux Romains le fourrage et les approvisionnements. C'est chose facile, car la cavalerie des Gaulois est très nombreuse, et la saison est leur auxiliaire. Il n'y a pas d'herbe à couper : les ennemis devront donc se disperser pour chercher du foin dans les granges ; chaque jour, les cavaliers peuvent anéantir tous ces fourrageurs. Il y a plus quand on joue son existence, les biens de fortune deviennent chose négligeable ; il faut incendier les villages et les fermes dans toute la zone que les Romains, autour de la route qu'ils suivent, paraissent pouvoir parcourir pour fourrager. Pour eux, ils ont tout en abondance, car les peuples sur le territoire desquels se fait la guerre les ravitaillent ; les Romains, au contraire, ou bien devront céder à la disette, ou bien s'exposeront à de graves dangers en s'avançant à une certaine distance de leur camp ; que d'ailleurs on les tue ou qu'on leur enlève leurs bagages, cela reviendra au même, car sans ses bagages une armée ne peut faire campagne. Ce n'est pas tout : il faut encore incendier les villes que leurs murailles et leur position ne mettent pas à l'abri de tout danger, afin qu'elles ne servent pas d'asile aux déserteurs et qu'elles n'offrent pas aux Romains l'occasion de se procurer des quantités de vivres et de faire du butin. Trouvent-ils ces mesures dures, cruelles ? Ils doivent trouver bien plus dur encore que leurs enfants et leurs femmes soient emmenés en esclavage ; et qu'eux-mêmes soient égorgés car c'est là le sort qui attend fatalement les vaincus. »
15. D'un accord unanime, on approuve cet avis : en un seul jour, plus de vingt villes des Bituriges sont incendiées. On fait de même chez les autres peuples d'alentour ; de tous côtés, on aperçoit des incendies. C'était pour tous une grande douleur ; mais ils se consolaient par cette pensée que, la victoire étant presque une chose assurée, ils recouvreraient avant longtemps ce qu'ils avaient perdu. On délibère en conseil de guerre sur Avaricum : veut-on brûler la ville ou la défendre ? Les Bituriges se jettent aux pieds des chefs des diverses nations, suppliant qu'on ne les force point de mettre le feu de leurs mains à une ville qui est, ou peu s'en faut, la plus belle de toute la Gaule, qui est la force et l'ornement de leur pays ; il leur sera facile, vu sa position, de la défendre, car presque de tous côtés elle est entourée par l'eau courante et le marais, et n'offre qu'un accès, qui est d'une extrême étroitesse. On cède à leurs prières Vercingétorix s'y était d'abord opposé, puis s'était laissé fléchir, ému par les supplications des chefs bituriges, et par la commisération générale. On choisit pour la défense de la place les hommes qu'il faut.
16. Vercingétorix suit César à petites étapes et choisit pour son camp une position couverte par des marécages et des bois, à seize mille pas d'Avaricum. Là, un service régulier de liaison lui permettait de connaître heure par heure les péripéties du siège et de transmettre ses ordres. Il guettait nos détachements qui allaient chercher du fourrage et du blé, et si, poussés par la nécessité, ils s'avançaient un peu trop loin, il les attaquait et leur causait des pertes sérieuses, bien qu'il prissent toutes les précautions possibles, ne sortant pas à intervalles réguliers ni par les mêmes chemins.
17. César campa devant la ville du côté où les cours d'eau et les marais laissaient, comme nous l'avons dit, un étroit passage, et il entreprit de construire une terrasse, de faire avancer des mantelets, d'élever deux tours ; car la nature du terrain interdisait la circonvallation. Pour le blé, il harcèle de demandes les Boïens et les Héduens ; ceux ci, manquant de zèle, n'apportaient qu'une aide médiocre ; ceux-là manquaient de moyens, car ils ne formaient qu'un petit État de faibles ressources et ils eurent tôt fait d'épuiser ce qu'ils possédaient. L'armée souffrait d'une grande disette, à cause de la pauvreté des Boïens, de la mauvaise volonté des Héduens, et parce qu'on avait mis le feu aux granges : ce fut au point que pendant de longs jours les soldats manquèrent de pain, et n'échappèrent aux horreurs de la famine que grâce à quelque bétail qu'on amena de lointains villages ; pourtant, dans cette situation, on ne leur entendit pas proférer une parole qui fût indigne de la majesté du peuple Romain et de leurs précédentes victoires. Bien plus, comme César, visitant les travaux, adressait la parole à chaque légion et disait que si les privations leur étaient trop pénibles, il renoncerait au siège, ce fut un cri unanime pour le prier de n'en rien faire : « Ils avaient pendant de longues années servi sous ses ordres sans subir aucun affront, sans jamais s'en aller en laissant inachevé ce qu'ils avaient entrepris : ils considéreraient comme un déshonneur d'abandonner le siège commencé ; ils aimaient mieux tout souffrir plutôt que de ne pas venger les citoyens romains qui, à Cénabum, avaient été victimes de la perfidie des Gaulois. » Ils exprimaient aux centurions et aux tribuns les mêmes sentiments, afin que César en fût informé par eux.
18. Déjà les tours étaient proches du rempart, quand César apprit par des prisonniers que Vercingétorix, n'ayant plus de fourrage, avait rapproché son camp d'Avaricum, qu'il avait pris en personne, le commandement de la cavalerie et de l'infanterie légère exercée à combattre parmi les cavaliers, et était parti pour dresser une embuscade à l'endroit où il pensait que les nôtres viendraient fourrager le lendemain. A cette nouvelle, César partit au milieu de la nuit en silence et parvint le matin au camp des ennemis. Mais leurs éclaireurs les avaient rapidement avertis de son approche : ils cachèrent leurs chariots et leurs bagages dans l'épaisseur des forêts, et rangèrent toutes leurs troupes sur un lieu élevé et découverte. Quand César l'apprit, il fit promptement rassembler les bagages et prendre la tenue de combat.
19. La position de l'ennemi était une colline qui s'élevait en pente douce. Elle était entourée presque de toutes parts d'un marais difficile à traverser et plein d'obstacles, dont la largeur n'excédait pas cinquante pieds. Les Gaulois avaient coupé les passages et, confiants dans la force de leur position, ne bougeaient pas de leur colline ; rangés par cités, ils occupaient solidement tous les gués et tous les fourrés de ce marais, prêts, au cas où les Romains essaieraient de le franchir, à profiter de leur embarras pour fondre sur eux du haut de leur colline : qui ne voyait que la proximité des deux armées croyait les Gaulois disposés à engager le combat à armes à peu près égales ; mais pour qui se rendait compte de l'inégalité des positions, leur contenance apparaissait comme une vaine parade. Les soldats s'indignaient que l'ennemi pût, à une si courte distance, soutenir leur vue, et ils réclamaient le signal du combat ; mais César leur explique ce que coûtera, nécessairement, la victoire, combien de braves il y faudra sacrifier ; devant tant de résolution, quand ils acceptent tous les dangers pour sa gloire, il mériterait d'être taxé de monstrueux égoïsme, si leur vie ne lui était plus précieuse que la sienne propre. Ayant calmé les soldats par ces paroles, il les ramène au camp le jour même, et prend les dernières mesures pour l'assaut de la place.
20. Vercingétorix, de retour auprès des siens, se vit accuser de trahison : « Il avait porté son camp plus près des Romains, il était parti avec toute la cavalerie, il avait laissé des forces si importantes sans leur donner de commandant en chef, enfin les Romains, après son départ, étaient arrivés bien a propos et bien vite ; tout cela n'avait pu se produire par l'effet du hasard et sans être voulu ; il aimait mieux régner sur la Gaule par concession de César que de leur en être redevable. » A de telles accusations, il répondit en ces termes : « Il avait déplacé le camp : c'était parce que le fourrage manquait, et eux-mêmes y avaient poussé. Il s'était rapproché des Romains : il y avait été déterminé par les avantages de la position, qui se défendait d'elle-même, sans qu'on eût à la fortifier. La cavalerie, il n'y avait pas eu lieu, sur un terrain marécageux, d'en regretter les services, et elle avait été utile là où il l'avait menée. Le commandement en chef, c'était à dessein qu'il ne l'avait confié à personne, par crainte que le chef désigné, cédant aux désirs de la multitude, ne livrât bataille, ce qui, il le voyait bien, était le vœu de tous, à cause de leur manque d'énergie, parce qu'ils étaient incapables d'endurer la fatigue un peu longtemps. Si l'intervention des Romains est due au hasard, il faut en remercier la Fortune ; si elle est due à quelque indicateur, c'est à lui qu'il faut rendre grâce car ils ont pu, de leur posi...

Table des matières

  1. Titre
  2. LIVRE PREMIER
  3. LIVRE DEUXIEME
  4. LIVRE TROISIÈME
  5. LIVRE QUATRIÈME
  6. LIVRE CINQUIÈME
  7. LIVRE SIXIÈME
  8. LIVRE SEPTIÈME
  9. LIVRE HUITIÈME