Le Roman de Miraut - Chien de chasse
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Le Roman de Miraut - Chien de chasse

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Le Roman de Miraut - Chien de chasse

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À propos de ce livre

Ce livre raconte l'émouvante histoire d'un chien, Miraut, et de ses maßtres. Donné a des paysans, il devient tueur de poules et braconnier. On s'en débarrasse en le vendant. Mais il revient toujours pres de son ancien maßtre. Quand il comprend qu'on ne veut plus de lui, il hurle de faim et de douleur dans les bois, pendant que l'homme et la femme tremblent en silence dans leur maison... Un grand roman, inoubliable, indispensable a tous ceux qui aiment les animaux.

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
Booklassic
ISBN
9789635260584

Partie 1

Chapitre 1

C'Ă©tait Ă  la CĂŽte de Longeverne, chez LisĂ©e le braconnier. Dans la chambre du poĂȘle donnant sur le revers du coteau dominant le village que la route neuve de Rocfontaine enlace de ses contours, la GuĂ©lotte, la mĂ©nagĂšre, venait d'allumer sa vieille lampe. La nuit Ă©tait dĂ©jĂ  tombĂ©e, mais, afin de mĂ©nager un peu sa provision d'huile, elle avait attendu la pleine obscuritĂ©, se contentant, pour vaquer aux menus soins du mĂ©nage, de la clartĂ© brasillante qui sortait par les soupiraux du poĂȘle et laissait flotter par toute la piĂšce un grand mystĂšre paisible et calme oĂč les choses semblaient sommeiller.
Dans le brĂ»leur de cuivre, se balançant sur ses charniĂšres, la mĂšche de coton rougeoya, s'enflamma doucement ; une lumiĂšre jaune, faible, comme hĂ©sitante, imprĂ©cisa les arĂȘtes des meubles, et la femme, brandissant son flambeau devant la caisse historiĂ©e de la grande horloge comtoise, qui battait dans un coin son tic-tac rĂ©gulier, ne put s'empĂȘcher de dire tout haut, bien qu'elle fĂ»t seule :
– Huit heures ! grand Dieu ! et il n'est pas lĂ  ! Le « goĂ»illand »[1] !
 Je gagerais qu'il s'est saoulĂ© ! Pourvu qu'il ne soit pas arrivĂ© malheur au petit cochon !
Elle se tut un instant, ruminant encore, cherchant les causes de ce retard, s'arrĂȘtant aux suspicions fĂącheuses :
– S'il s'est mis Ă  boire en arrivant lĂ -bas, avant d'avoir fait le marchĂ©, je le connais, il est bien capable de laper complĂštement les sous et de ne rien acheter du tout. Ah ! j'aurais bien dĂ» aller avec lui ! Pourvu qu'il ne fasse pas d'autres bĂȘtises ! Un homme plein, ça fait n'importe quoi ! S'il Ă©tait battu, des fois, et que les gendarmes l'aient ramassĂ© ! Qu'est-ce que deviendrait le petit cochon ? Avec ça qu'il est dĂ©jĂ  si bien vu depuis son dernier procĂšs-verbal ! Je lui ai toujours dit aussi qu'avec sa sacrĂ©e sale chasse, il arriverait bien un jour ou l'autre Ă  se faire foutre en prison et Ă  nous mettre sur la paille. Pourtant, depuis que ces canailles de cognes l'ont pincĂ© Ă  l'affĂ»t, il avait bien jurĂ© que c'Ă©tait fini et qu'il ne recommencerait jamais plus ! Oh ! oui, sĂ»rement que de ça il doit ĂȘtre guĂ©ri, sans quoi il n'aurait pas vendu le fusil, le chien, les munitions et tout le saint-frusquin. Au moins maintenant il est tranquille et ne sera plus comme chat sur braise quand on lui aura « enseignĂ© un liĂšvre ». Dire que nous en avons Ă©tĂ© pour plus de cinquante francs avec les frais ! Dix beaux Ă©cus de cinq livres qu'il a fallu donner Ă  ce bouffe-tout de percepteur et qu'on a dĂ» manger du pain sec et des pommes de terre pendant deux mois. Mon Dieu ! pourvu qu'il n'ait pas bu les sous du cochon ! Si j'allais voir chez Philomen ? Lui, Ă©tait Ă  la foire avec sa femme, ils sont sĂ»rement rentrĂ©s ; peut-ĂȘtre pourraient-ils me dire quelque chose.
Mais la GuĂ©lotte, prĂȘte Ă  sortir, ayant rĂ©flĂ©chi que si, d'aventure, LisĂ©e rentrait durant son absence, il trouverait fort mauvaise cette dĂ©marche, mĂšnerait le « raffut », jurerait les milliards de dieux et peut-ĂȘtre ferait de la casse, elle jugea plus prudent d'attendre son retour qui ne saurait tarder, pensait-elle.
Les soupiraux du poĂȘle de fonte rougeoyaient comme des yeux malades, lançant leurs rayons sur les ventres des buffets et jouant avec les moulures des pieds du lit. Le couvercle d'une marmite oĂč cuisait le lĂ©cher des vaches, soulevĂ© par la vapeur, se mit Ă  battre un roulement semi-mĂ©tallique, comme un appel infernal. La chatte, Mique, s'Ă©tira sur son coussin au bout du canapĂ©, fit un Ă©norme dos bossu, bĂąilla en ouvrant une gueule immense qui projeta ses moustaches en devant, s'Ă©tira du devant puis du derriĂšre, et s'assit enfin, les yeux mi-clos, la queue soigneusement ramenĂ©e devant ses pattes.
La Guélotte retira la soupiÚre placée sur l'avance du fourneau et dont le ventre, chaud et poli, luisait comme une joue d'enfant. La colÚre grandissait et s'enflait en elle avec l'appréhension et le doute.
– Grand goĂ»illand ! grand soulaud ! grand cochon ! monologuait-elle Ă  mi-voix.
L'attente vaine l'énervait de plus en plus, lui faisait oublier toute prudence, et, quitte à écoper d'une ou deux paires de gifles, elle se préparait à accueillir le retour de son mari par une bonne scÚne dans laquelle elle ne lui mùcherait pas ce qu'elle avait à lui dire. Neuf heures sonnÚrent à la vieille horloge. La large lentille de cuivre, comme une face ronde et hilare, semblait jouer à cache-cache avec l'insaisissable présent, tandis qu'au-dessus du nombril de verre de la caisse pansue, le profil impassible de Gambetta se découpait dans une couronne de larges lettres : « Le cléricalisme, voilà l'ennemi ! » Ainsi en avait voulu Lisée qui, bon républicain, avait mis ce portrait là, bien en évidence, pour faire enrager le curé lorsque d'aventure ce vieux brave homme, avec qui il était d'ailleurs au mieux, venait l'engager à ne pas négliger son salut, à accomplir ses devoirs de chrétien et à faire ses pùques comme tout le monde.
Les aiguilles tournaient ! Neuf heures et demie ! Tous les foiriers étaient rentrés !
Pas de Lisée !
La Guélotte ouvrit la porte de dehors, mit la main en cornet derriÚre son oreille, écouta et regarda. Mais, dans la nuit calme, aucun pas ne s'entendait et le blanc lacet de la route se déroulait désert entre les grands jalons des peupliers bruissants.
Elle rentra, referma l'huis avec violence et, de colĂšre, poussa mĂȘme, dans l'Ă©videmment de mur qui servait de gĂąche, le lourd verrou d'acier.
– Si tu t'amùnes maintenant, tu poseras un peu, grande charogne ! ragea-t-elle. Ça t'apprendra à arriver à l'heure !
Le couvercle de la marmite grondait plus violemment, comme Ă©nervĂ© lui aussi. Des souris, avec un bruit de charge, galopant entre le plafond et le plancher de la chambre haute, dĂ©tournĂšrent la Mique de sa rĂȘverie et l'immobilisĂšrent un instant, les yeux ronds et flamboyants, dans une attitude d'affĂ»t. Mais, reconnaissant ce bruit familier et sachant par expĂ©rience que celles-lĂ  Ă©taient, pour l'heure du moins, hors de portĂ©e de sa griffe, elle reprit sa pose nonchalante et son air de sphinx.
Sur un sac, insoucieux, les petits chats dormaient derriĂšre le poĂȘle.
– Il va faire du temps demain, pour sĂ»r, prophĂ©tisa la GuĂ©lotte, un instant distraite, elle aussi, de la pluie ou de la bise ; chaque fois que nos « rattes » bougent, ça ne manque jamais. Et ce grand goĂ»illand qui ne revient toujours pas. JĂ©sus ! Qu'il y a pitiĂ© aux pauvres femmes qui ont des maris ivrognes. Pourvu tout de mĂȘme qu'il ne lui soit pas arrivĂ© malheur ! S'il fallait encore le soigner !
 aller au mĂ©decin, au pharmacien, dĂ©penser des sous !
 Et s'il s'est laissĂ© enfiler un mauvais cochon, une « murie » qui ait mauvaise bouche. C'est qu'on tombe quelquefois sur des sales bĂȘtes qui ne savent sur quoi mordre et qui ne profitent pas.
Un coup de poing dans la porte interrompit son soliloque et la fit tressauter.
– Mon Dieu ! et moi qui ai mis le verrou ! S'il entend quand je le retirerai, qu'est-ce qu'il va dire, surtout s'il est saoul ? Je vais gueuler avant lui.
Elle ne fit qu'un saut jusqu'à l'entrée, tira silencieusement la targette et ouvrit vivement la porte.
Philomen le chasseur entra avec sa femme. Ils apportaient un sac de sel que LisĂ©e, au moment du dĂ©part, avait fait charger sur leur voiture et, par la mĂȘme occasion, venaient voir le petit cochon que le patron devait ramener.
– Comment, LisĂ©e n'est pas entrĂ©e ! s'exclama l'homme.
– Non, rĂ©pondit la GuĂ©lotte, trĂšs inquiĂšte ; mais oĂč l'as-tu laissĂ© lĂ -bas Ă  Rocfontaine ? Quand l'avez-vous quittĂ© ?
– Ma foi, reprit Philomen, si je ne me trompe, je crois bien que c'Ă©tait au cafĂ© Terminus, oui, sĂ»rement, nous avons bu un litre ou deux avec PĂ©pĂ© de Velrans et on a un peu parlĂ© de la chasse, naturellement. Il a tuĂ© dix-neuf liĂšvres dans sa saison, ce sacrĂ© PĂ©pĂ©, et il compte bien aller jusqu'aux deux douzaines. Ah ! on a beau dire, c'est lui le doyen. Avec LisĂ©e et moi, sans nous vanter, on est bien les trois plus fameux fusils du canton. Il ne voulait pas croire que LisĂ©e ne chassait plus.
« – Si c'Ă©tait pas toi qui me le dises, lĂ , en chair et en os, que t'as vendu ton fligot et ton vieux TaĂŻaut, je pourrais pas me le figurer.
« – Qu'est-ce que tu veux ! s'excusait LisĂ©e. J'Ă©tais pris ; les gendarmes et le brigadier forestier Martet m'avaient Ă  l'Ɠil ; je me connais, j'aurais pas pu me tenir et ils m'auraient sĂ»rement repincĂ©. Alors, tu vois le tableau, nouveau procĂšs-verbal, plus trente francs Ă  verser pour conserver la « kisse » et la vieille Ă  la maison qui rĂąle que je nous ficherais sur la paille. J'ai tout bazardĂ©.
« – SacrĂ© nom de Dieu : reprenait PĂ©pĂ©, j'aurais jamais eu ce courage-lĂ , moi ! c'est les liĂšvres de Longeverne qui doivent rien rigoler !
« – Ah ! mon vieux, m'en reparle pas, ça me fait trop mal au cƓur.
« Là-dessus, la bourgeoise est venue me prendre, je les ai quittés et nous sommes partis sur le champ de foire acheter une mÚre brebis avec ses deux moutons pour les hiverner. Vers deux heures je suis repassé à l'auberge pour charger le sac de sel que ton homme y avait entreposé, mais on m'a dit que Lisée n'était plus là et qu'il était allé chez quelqu'un avec Pépé. J'ai pensé que c'était pour le cochon ; mais j'avais plus le temps d'attendre et on s'en est revenu à Longeverne les deux, la vieille.
– Il n'Ă©tait pas saoul, LisĂ©e, quand tu l'as quittĂ© ? s'inquiĂ©ta la GuĂ©lotte.
– Oh ! ça non ! j'en suis sĂ»r. Il n'Ă©tait pas Ă  jeun, bien entendu, on avait bu un litre ou deux, mais, pour dire qu'il Ă©tait saoul, non, on ne peut pas dire qu'il Ă©tait saoul !
– C'est que j'ai rien que peur qu'il n'ait encore fait des bĂȘtises.
– Quoi ! Quelles bĂȘtises veux-tu qu'il fasse ?
– Sait-on ? Les hommes saouls !
 Asseyez-vous toujours un moment. Il ne va sans doute pas tarder de rentrer. Vous prendrez bien une tasse de cafĂ© ou une goutte ?
– On prendra une petite larme, histoire de trinquer.
La femme de Philomen s'assit sur le canapé, prÚs de la Mique qu'elle caressa, tandis que son mari se mettait à califourchon sur une chaise.
Lentement il nettoya sa pipe dont il taqua le fourneau contre le dossier du siÚge, puis, extirpant de sa poche de pantalon une vessie de cochon séchée et bordée de tresse noire contenant son tabac, il bourra méthodiquement et avec le plus grand soin son brûle-gueule. Il trouva dans une poche de son gilet deux allumettes de contrebande, collées l'une à l'autre, les sépara, en frotta une contre sa cuisse, et alluma, affirmant son profond mépris du fisc :
– Vive la rĂ©gie de Vercel ! Si on n'avait pas celles-lĂ  pour enflammer celles du gouvernement, on pourrait bien se brosser pour avoir du feu.
Sa femme, durant ce temps, s'inquiétait de la façon dont pondaient les poussines de la Guélotte et du nombre de petits qu'avait fait sa grosse mÚre lapine.
Philomen tirait des bouffĂ©es rĂ©guliĂšres de sa pipe. Le poĂȘle ronflait doucement, les minutes coulaient comme une onde monotone, rien ne bougeait au dehors.
Dans son papotage avec la voisine, la Guélotte, excitée, oubliait un peu que les aiguilles de l'horloge tournaient.
Quand son culot, trois fois rallumé, s'éteignit définitivement, que son verre fut vide, les dix coups de dix heures sonnÚrent, et Philomen, frappant deux claques sur ses cuisses, se leva.
– Dix heures ! s'exclama-t-il. Qu'est-ce que ce sacrĂ© LisĂ©e peut bien foutre ? Allons, il est temps d'aller au lit. Demain, la charrue nous attend : nous avons une « planche » Ă  lever et le travail ne se fait pas tout seul ; mais on reviendra sur le coup de midi pour voir ton petit cochon.
– Vous en verrez deux, rĂ©pondit la GuĂ©lotte en qui remontait la colĂšre, le petit et le gros qui doit ramener l'autre. En vĂ©ritĂ©, je ne saurais dire quel est le plus cochon des deux. Ah ! le goĂ»illand, le salaud, sa sale bĂȘte !
Et sur le pas de la porte, en Ă©clairant les voisins, elle entrecoupait ses remerciements et ses bonsoirs d'invectives violentes contre son ivrogne de mari qui ne pouvait jamais rentrer de jour

Une heure se traĂźna encore, puis une demie.
La Guélotte s'était couchée sur le canapé et avait essayé de dormir, mais c'était bien impossible ; alors elle s'était relevée, puis, de cinq minutes en cinq minutes, était allée écouter à la porte si elle entendait marcher sur la route, et, en fin de compte, résignée et ronchonnante, elle tricotait sa chaussette tout en poussant des monosyllabes qui en disaient long sur la façon dont elle se préparait à accueillir le retour de son homme.
Le crissement des gros clous de souliers sur le pavĂ© du seuil la fit bondir Ă  la cuisine, la lampe Ă  la main, pour Ă©clairer l’entrĂ©e du maĂźtre.
Alors la porte s’ouvrit, et LisĂ©e, magnifiquement saoul, s’encadra dans le chambranle.
Il ne ramenait point de petit cochon, mais une bretelle de cuir fauve suspendait Ă  son Ă©paule gauche un fusil Lefaucheux Ă  deux coups, tandis que, de la main droite, il tenait une cordelette au bout de laquelle un petit chien de trois Ă  quatre mois tirait de toutes ses forces vers les marmites.
– Ici, Miraut ! nom de Dieu ! ici, sacrĂ©e petite rosse ! T’es pas pus pressĂ© que moi ! bĂ©gayait LisĂ©e, la langue pĂąteuse.
– Et le petit cochon ?
– J’ai pas dĂ©gotĂ© ce qui me fallait, mais tu vois, j’ai retrouvĂ© un fusil et un chien. Ça pouvait pas durer plus longtemps, cette comĂ©die ! LisĂ©e qui ne chasse plus ! allons donc !
La Guélotte, blanche comme un linge, figée comme une statue, fixait tour à tour son homme et le chien.
– Fais Ă  manger Ă  cette bĂȘte, commanda LisĂ©e ; tu vois bien qu’elle a faim !
– Et les sous ? dĂ©crocha enfin la GuĂ©lotte.
– Pisque j’te dis que j’ai rachetĂ© un fusil et un chien !
– Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! Doux JĂ©sus, ayez pitiĂ© de nous ! rĂąla la femme en se tordant les bras. MisĂšre de moi d’avoir un pareil ivrogne ! Nous serons un jour Ă  la mendicitĂ©, oui, nous crĂšverons de faim, sur la paille !
– Assez ! assez ! nom de Dieu ! ou je refous le camp ! menaça LisĂ©e.
– Mais, soulaud, qu’est-ce que tu boiras cet hiver, puisque tu as dĂ©jĂ  tout bu aujourd’hui les sous du mĂ©nage ; qu’est-ce que je boirai, moi ?
– Tu te tĂ©teras, rĂ©pliqua LisĂ©e, philosophe.
– Ah oui ! tu peux bien plaisanter, grand voyou, grande gouape, grand saligaud ! Point de cochon, point de lard ; point de jambon, point de saucisses. Tu mangeras ton pain sec, grand mandrin !
Cette rĂ©ception n’était pas tout Ă  fait du goĂ»t de LisĂ©e qui commençait Ă  en avoir assez de ces injures et de ces prophĂ©ties.
L’alcool, non cuvĂ© encore, rallumait en lui ses vieux sentiments batailleurs. Il Ă©tait temps que sa femme cessĂąt, et il le lui fit bien comprendre dans une rĂ©plique acerbe et virulente dont le ton ne laissait aucun doute sur la qualitĂ© des actes qui allaient suivre.
– Et moi, qu’est-ce que je mangerai avec mon pain ? continua-t-elle, gourmande.
– Tu mangeras de la m
, nom de Dieu !
 tonna-t-il.
La Guélotte se tut.
– Fais Ă  manger Ă  cette bĂȘte et vivement !
– Sale « viĂŽce »[2], ragea la femme, en bousculant le chien.
Ce fut ainsi que Miraut entra dans la maison de Lisée.

Chapitre 2

...

Table des matiĂšres

  1. Titre
  2. Partie 1
  3. Partie 2
  4. Partie 3
  5. Notes de bas de page