Les Cultural Studies dans les mondes francophones
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Les Cultural Studies dans les mondes francophones

  1. 324 pages
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Les Cultural Studies dans les mondes francophones

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À propos de ce livre

Depuis trois décennies le monde anglo-saxon a considéré sérieusement les Cultural Studies comme une analyse des pratiques quotidiennes et de la production de sens. Mais la production analytique en français dans cette discipline est restée presque absente. Les mondes francophones ont déjà vécu plusieurs événements qui auraient intéressé les Cultural Studies au XXIe siècle: les manifestations sociales de l'hiver 2006 et de l'automne 2007 en France, les mouvements migratoires d'Africains vers l'Europe et le débat sur « les accommodements raisonnables » au Québec entre autres. Pour tous ces événements, nous avions entendu s'élever plusieurs voix qui offraient des articulations généralistes de différentiation de nous à l'autre et des idiomes comme « ces gens-là », « les enfants issus d'immigration », « nous ne voulons pas accueillir la misère du monde » et bien d'autres. Nous n'avions pas entendu s'élever des perspectives provenant des Cultural Studies dans leur compréhension particulière d'événements politiques, ni en France, ni en Belgique, ni en Suisse, encore moins au Québec. Ces perspectives nous invitent à tenir compte des rapports entre discours et représentations, de placer les contextes politiques des pratiques quotidiennes comme prémisses de nos analyses, d'ouvrir les identités aux pratiques de production de sens et de revoir les groupes et formations identitaires. Cet ouvrage a pour but de souligner les repères utiles des Cultural Studies pour mieux comprendre les milieux politiques et culturels de la francophonie au XXIe siècle.

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Informations

Année
2010
ISBN
9782760319004
I
Des politiques
et des épistémologies
L’épistémologie au secours de la politique Nouveauté et ambiguïté du projet politique des Cultural Studies of Science
Mathieu Quet


L’objet de ce texte est un champ des Cultural Studies : les Cultural Studies of Science (CSS). Afin d’en tirer d’éventuelles leçons, les lignes qui suivent interrogent ces « études culturelles de la science » dans leurs rapports avec la théorie de la société et la pensée politique. L’existence même d’un tel champ est problématique, car il se dérobe à toute tentative de réduction. Un travail précis de définition sera donc nécessaire pour en stabiliser la conception. Toutefois, avant de mener ce travail de définition, nous pouvons nous appuyer sur une présentation schématique et provisoire des CSS comme l’intrsection des Science Studies et des Cultural Studies. Les Science Studies impliquées dans le champ des CSS sont nées au milieu des années 1970, dans le sillage des réflexions de Thomas Kuhn (1983), et leur apport principal a été de mêler le questionnement épistémologique de l’histoire et de la philosophie des sciences à celui, socio-institutionnel, de la sociologie des sciences, produisant ainsi de nouvelles interrogations sur la science comme activité sociale. Les « écoles » de Bath et d’Édimbourg sont souvent reconnues comme étant à l’origine de ce tournant, en particulier avec les travaux de David Bloor (1976) et Harry Collins (1981), qui défendent une analyse sociologique de la connaissance scientifique. C’est donc principalement de la rencontre des Science Studies avec les Cultural Studies, notamment aux É.-U., que sont nées les Cultural Studies of Science.
Une fois notre conception de ce domaine stabilisée, nous chercherons à répondre à la question suivante : Comment un domaine de recherche initialement très spécialisé, et relativement coupé d’un questionnement social général (l’épistémologie, l’histoire et la philosophie des sciences), a-t-il laissé apparaître un champ revendiquant systématiquement un questionnement politique ? Cela nous amènera à étudier les apports des CSS à la théorie sociologique « traditionnelle » (à travers laquelle nous entendons la tradition durkheimienne, aboutissant à la sociologie de Pierre Bourdieu). Notre but n’est en effet pas seulement de présenter un domaine de recherche, mais plutôt de montrer dans quelle mesure les contributions de ce domaine suggèrent de penser différemment certaines questions fondamentales de la sociologie et de la théorie sociale. Bien entendu, ces apports ont aussi leurs revers, et à l’issue du texte, nous identifierons les limites du mouvement et essaierons de montrer dans quelle mesure des problèmes importants sont laissés en suspens.
1. L’existence problématique des Cultural Studies of Science
Un label fragile
La nature des CSS demande d’abord à être précisée, car celles-ci n’ont pas de définition rigoureuse. En France, le recours à une telle dénomination est extrêmement rare, mais on peut la trouver sous la plume d’auteurs isolés, renvoyant essentiellement à la description de pratiques anglo-saxonnes. Michel Dubois par exemple, dans son ouvrage La nouvelle sociologie des sciences, emploie le terme dans un chapitre qu’il consacre aux liens entre Cultural Studies et sociologie des sciences. Il décrit les CSS comme le prolongement d’« une tradition bien ancrée aux États-Unis de critique politique de la science » (Dubois, 2001, 212). Autre exception dans le paysage francophone, Michel Pierssens décrit la traversée de l’Atlantique des recherches sociales sur la science et leur adaptation au contexte de la vie universitaire américaine des années 1980-1990, en recourant à l’expression « Cultural Studies of Scientific Knowledge » (Pierssens, 1998). Mais en dehors de ces auteurs, rares sont ceux, dans la littérature francophone, qui emploient l’expression CSS comme dénomination valable.
Dans les pays anglo-saxons, et en particulier aux États-Unis, l’existence du champ des CSS est plus fréquemment abordée. Dorothy Nelkin, dans Technoscience and Cyberculture, parle principalement de Science Studies, mais évoque pêle-mêle des programmes de Science, Technology and Society Science; Technology and Human Values; Political Studies of Science ; et de Cultural Studies of Science (Nelkin, 1996). En outre, certains auteurs revendiquent précisément leur appartenance aux CSS. Doing Science + Culture, dirigé par Roddey Reid et Sharon Traweek, est sous-titré : How cultural and interdisciplinary studies are changing the way we look at science and medicine, et les auteurs de cet ouvrage collectif s’inscrivent dans les CSS (Reid et Traweek, 2000).
Mais encore une fois, il vaut mieux se garder de toute généralisation hâtive, car le label ne fait pas l’objet d’un consensus parmi les acteurs mêmes qu’il est de coutume d’y associer. Par exemple, Bruno Latour, célèbre sociologue des sciences français, ne se reconnaît pas comme membre des CSS et revendique une identité de sociologue, alors même qu’il est l’un des auteurs les plus cités comme emblématique des CSS, tant par les défenseurs que par les détracteurs du champ (Dubois, 2001, 217). Lors de « l’affaire Sokal1 », qui a contribué à mettre en lumière les CSS en France, il écrira : « Que vient faire dans cette galère, la sociologie ou l’histoire sociale des sciences ? » (Latour, 1997) et prendra soin de distinguer la socio-anthropologie des sciences des Cultural Studies. Le label CSS ne renvoie donc pas à un champ déterminé de façon évidente, ni pour ses acteurs, ni pour ses observateurs ou ses détracteurs. Il semble s’y jouer quelque chose de la plasticité et de la volatilité communes aux Cultural Studies et les représentations des acteurs à son sujet sont particulièrement variables : si Dubois attribue aux CSS une identité originale et indique la place spécifique qu’elles occupent au confluent des Cultural Studies et des Science Studies, d’autres auteurs ne s’embarrassent pas d’une telle distinction. Nelkin assimile purement et simplement Science Studies et CSS, et Latour fait au contraire comme si l’intersection entre Cultural Studies et Science Studies n’existait pas. Face à des représentations individuelles aussi hétérogènes, on peut distinguer les différentes raisons pour lesquelles l’expression Cultural Studies of Science est employée malgré tout et évaluer les caractéristiques du champ auquel elle renvoie. Pour expliquer tout d’abord pourquoi différents groupes d’acteurs ont adopté l’expression CSS comme une dénomination pertinente, nous avons privilégié deux niveaux explicatifs : le niveau des logiques discursives, et celui de la structure institutionnelle des Science Studies.
Explication « discursive »
Un champ existe avant tout parce qu’on le nomme, et parce qu’on rassemble sous un nom un ensemble de travaux. Pour expliquer l’existence du label des CSS, il est donc préférable de revenir en premier lieu sur les logiques discursives qui déterminent le recours à cette appellation. Les raisons qui amènent certains groupes, certaines personnes à utiliser l’expression « CSS » méritent l’attention, car elles éclairent les mécanismes de formation des CSS en tant qu’ensemble cohérent. Dans cette perspective, il semble possible de dénombrer quatre logiques discursives à travers lesquelles des acteurs véhiculent l’existence du domaine des CSS : logique d’expansion, logique d’amalgame, logique de désolidarisation et logique d’appartenance. Il s’agit bien entendu d’idéaux types, mais certaines positions radicales les illustrent clairement et permettent de mieux les saisir.
La première logique à l’oeuvre est la logique d’expansion des Cultural Studies, déjà analysée partiellement par Dubois (2001), et qui consiste à s’approprier – ou à instrumentaliser – un discours épistémologiquement fort, celui des Science Studies, afin de masquer certains flottements d’un champ de recherche des plus éclatés. On peut la trouver chez des auteurs de Cultural Studies qui ne pratiquent pas initialement les Science Studies, mais inscrivent leur discours dans ce champ, ponctuellement ou progressivement. Stanley Aronowitz en est un exemple, puisqu’il effectue des incursions dans la problématique de la science, malgré une oeuvre consacrée majoritairement aux mutations du travail (Aronowitz, 1988 ; Menser et Aronowitz, 1996). C'est aussi le cas d’Andrew Ross, autre éditeur de la revue Social Text, revue dans laquelle Alan Sokal publia son pastiche. Ross (1992) cite par exemple le travail de l’historienne des sciences Donna Haraway parmi d’autres références beaucoup moins spécifiques des Science Studies. Sans être spécialistes de sociologie ou de philosophie des sciences, ces auteurs prennent les conséquences du développement scientifique comme objet de leurs réflexions et s’appuient pour cela sur les grandes figures des Science Studies (Latour, Haraway, Harding, entre autres), dans un mouvement d’oscillation permanente entre instrumentalisation rhétorique et appropriation féconde.
La seconde logique est une logique d’amalgame des Cultural Studies et des Science Studies au motif d’un relativisme social et épistémologique qui leur serait commun. Elle est à l’oeuvre dans les discours de dénigrement tenus par des acteurs, pour la plupart extérieurs aux Science Studies et aux Cultural Studies, qui reprochent aux Science Studies de se complaire, comme les Cultural Studies, dans un relativisme inconséquent et un radicalisme de façade, assimilant CS et CSS comme autant de disciplines jouant de l’outrance rhétorique. Cette logique est très bien illustrée par les textes et la démarche d’Alan Sokal lui-même lorsqu’il publie son texte pastiche sur la science dans une revue généraliste des Cultural Studies, non spécialisée dans l’étude des sciences, dans lequel il ne prend pas moins à partie des auteurs comme Latour ou Haraway, dont les travaux sont reconnus et discutés dans les revues les plus légitimes de la communauté des Science Studies. D’autres ouvrages reflètent également cette logique : Sokal et Bricmont (1997), Gross et Levitt (1995) qui amalgament critique de la science, critique plus vaste de la société et relativisme dangereux pour la cohésion sociale.
La troisième logique est en partie la conséquence de cette logique d’amalgame. On pourrait parler dans ce cas de logique de désolidarisation (Jeanneret, 1998, 58), qui évoque pour sa part une « stratégie de mise à distance des faux amis ». Elle correspond à la reprise de la logique d’amalgame par une partie des acteurs des Science Studies, qui rejettent ainsi dans le domaine des CSS les travaux les plus « encombrants », susceptibles de délégitimer la qualité scientifique des Science Studies. Certains acteurs phares du tournant culturel des études de sciences dans les années 1970 sont ainsi amenés à reformuler leur position, renvoyant dans le champ des Cultural Studies des travaux avec lesquels ils se trouvent en désaccord. Harry Collins en est probablement un bon exemple actuel. Fondateur à la fin des années 1970 du programme empirique du relativisme, longtemps catalogué parmi les plus radicaux des acteurs des Science Studies, il se dissocie nettement dans Collins (2004) du champ des Cultural Studies, auquel il associe au contraire les travaux de Michel Callon et Bruno Latour, créant un domaine des CSS par défaut.
Cependant, il est intéressant de noter que ce n’est sans doute pas la logique déterminante. Certains acteurs des Science Studies revendiquent leur appartenance aux CSS. Cette logique d’appartenance est illustrée par le philosophe des sciences, Joseph Rouse, qui décrit les Cultural Studies of Scientific Knowledge comme un ensemble hétérogène, mais cohérent malgré tout (Rouse, 1992), et par d’autres promoteurs de programmes de CSS aux É.-U. Ce discours est plus répandu parmi les acteurs inscrits dans des domaines de recherche où l’intersection Science Studies/Cultural Studies est particulièrement productive. C’est le cas des auteurs travaillant sur la production scientifique du genre, au croisement des Science Studies et des Gender Studies, tels que Traweek (1993) et Haraway (1994), qui revendiquent de façon équivalente leur appartenance aux Science Studies et aux Cultural Studies et, par conséquent, aux Cultural Studies of Science.
Ces différentes logiques sont des idéaux-types, mais elles permettent de faire apparaître l’hétérogénéité des raisons pour lesquelles les acteurs sont amenés à mobiliser un terme tel que CSS pour désigner un ensemble de travaux. C’est en définitive par la conjugaison de ces quatre logiques discursives que les Cultural Studies of Science prennent forme, déterminées par des stratégies distinctes d’occupation de l’espace intellectuel.
Explication institutionnelle
Alors que le recours à l’expression CSS s’explique par des logiques discursives qui renvoient elles-mêmes à des enjeux de pouvoir et d’organisation du champ scientifique et universitaire, un autre niveau explicatif devrait nous permettre d’éclaircir ces logiques, soit la spécificité institutionnelle du champ des Science Studies. En effet, les logiques discursives à travers lesquelles se forme le champ des CSS sont favorisées par la spécificité structurelle du champ des Science Studies, qui présente des analogies avec celui des Cultural Studies et facilite l’association de ces deux domaines de recherche sous ...

Table des matières

  1. Page couverture
  2. Page titre
  3. Page de droit d’auteur
  4. Table des matières
  5. REMERCIEMENTS
  6. Introduction : Précisions, imprécisions, conceptualisation
  7. I. DES POLITIQUES ET DES ÉPISTÉMOLOGIES
  8. II. IDENTITÉS ET EXPRESSIONS IDENTITAIRES
  9. III. CINÉMA ET PRATIQUES CULTURELLES
  10. COLLABORATEURS
  11. INDEX